Désir et haine du féminin : l’île des enfants au XX<sup>e</sup> siècle

Désir et haine du féminin : l’île des enfants au XXe siècle

Par LEVY-BERTHERAT Déborah

La crise morale qui a suivi la Grande Guerre a été, selon Walter Benjamin, celle d’une dévaluation de l’expérience où les hommes adultes ont perdu leur privilège face à l’enfance, désormais perçue comme une valeur refuge. Cette nouvelle « pauvreté » de l’expérience induit un recommencement où se cherche l’humanité :

 

[…] cette pauvreté ne porte pas seulement sur nos expériences privées, mais aussi sur les expériences de l’humanité tout entière. Et c’est donc une nouvelle espèce de barbarie […] [qui] amène à recommencer au début, à reprendre à zéro, à se débrouiller avec peu, à construire avec presque rien  1.

 

Les représentations de mondes sans adultes au XXe siècle pourraient bien refléter cette crise historique de l’expérience. Imaginer les enfants au pouvoir, c’est en effet donner une forme à ce fantasme de l’humanité ensauvagée, à cette « barbarie » des recommencements, à la fois fascinante et effrayante. J’en interrogerai ici trois exemples, trois romans ayant en commun le motif hétérotopique d’une « île aux enfants » : Peter and Wendy (1911) de J.M. Barrie, Sa Majesté des mouches (1954) de William Golding et Le Livre du rire et de l’oubli (1979) de Milan Kundera. Les trois récits peuvent se lire comme des réécritures des robinsonnades du XIXe siècle, modèle topique d’aventure où l’on retrouve certains motifs obligés : l’île sauvage, les enfants naufragés, généralement des garçons, l’absence d’autorité adulte, à part des indigènes et des pirates qui ne comptent pas, et la conquête du territoire selon un modèle colonial 2.

Dans l’hétérotopie majoritairement masculine des robinsonnades (les Anglais parlent de boys’ books), ces trois romans convoquent des figures maternelles et élaborent autour d’elles un lien de désir et de haine qui déchaîne une violence meurtrière. Sont-elles perçues comme des intruses menaçant la liberté des enfants ? Ou à l’inverse, la « barbarie » enfantine ne fait-elle que répondre à une « sauvagerie maternelle », pour reprendre les mots d’Anne Dufourmantelle 3 ? Il me semble que ces trois récits contribuent à la désacralisation de la maternité comme à celle de l’enfance. Ils accompagnent, au cours du XXe siècle, les réflexions des psychanalystes sur le lien mère-enfant et sur la place de l’enfant dans la société.

 

Peter Pan : Wendy, mère sacrificielle

Peter Pan est sans doute l’un des derniers exemples du culte de l’enfance qui a dominé l’ère victorienne 4, comme l’a noté Peter Coveney :

 

[Le culte de l'enfant] ne sert pas à concilier l'expérience de l'enfance et celle de l'âge adulte, mais à créer une frontière de nostalgie et de regret entre l'enfance et les réactions potentielles de la vie adulte. L'enfant devient en effet un moyen d'échapper aux pressions de l'adaptation à l'âge adulte, un moyen de régression  5.

 

En effet, contrairement aux robinsonnades du XIXe siècle dont Barrie se réclame pourtant 6, la fable de Peter Pan, d’abord pièce de théâtre (Peter Pan or The Boy Who Wouldn’t Grow Up, 1904), puis roman (Peter and Wendy, 1911) n’offre pas l’expérience adulte comme modèle d’évolution, d’hominisation (coming of age) ou de virilisation, mais propose au contraire une image nostalgique de l’enfance.

Le « Pays du Jamais » (Neverland), est une île hantée par le manque de mère. La féminité n’en est pas totalement exclue puisqu’on y trouve Lys tigré, la jeune guerrière peau-rouge, des fées et des sirènes. Mais comme l’a noté Rosalind Ridley, chacun y semble en quête d’une figure maternelle : « Tous les personnages masculins […] sont perpétuellement préoccupés par la recherche d’une mère ou d’un substitut de mère 7. » L’espace insulaire est d’ailleurs saturé de symboles matriciels : grottes, lagunes, maison souterraine utérine dont les enfants entrent et sortent par d’étroites cheminées comme par des vagins. Barrie multiplie aussi les références à la maternité animale, qui évoquent le topos de l’éducation interspécifique des enfants sauvages : Wendy rêve d’adopter un louveteau, la demeure des Enfants perdus (Lost Boys) ressemble à une tanière, « assez comparable à ce que des oursons auraient fait d’une maison souterraine 8 ». Ils « portent les peaux des ours qu’ils ont tués eux-mêmes9 » (p. 100), costume primitif qui les tire vers l’animalité. L’Oiseau, ou plutôt l’Oiselle du Jamais (Never Bird) est présentée par le capitaine Crochet comme la mère par excellence : « Regarde ! […] voilà une mère. Quelle leçon ! Le nid a dû tomber dans l’eau mais la mère a-t-elle abandonné ses œufs ? Non10 » (p. 151). L’Oiselle prouvera sa gratitude à Peter, qui l’a protégée, en lui offrant son nid en guise de canot de sauvetage, dans une forme temporaire d’adoption.

Le ravissement de Wendy par Peter doit venir combler ce manque. Qu’une petite fille soit amenée à jouer le rôle de mère n’est pas, en soi, transgressif. Du reste, dans la fable de Peter Pan, les âges et les fonctions sont poreux, les genres aussi. George Darling, le père de famille, se comporte en enfant, la chienne Nana est l’incarnation idéale du care et du cure maternels et les pirates présentent des traits censément féminins : le capitaine Crochet se rêve en mère, Smee (Floup dans la version française) cuisine et coud pour lui, et Starkey (Coudric) finit en nounou des papooses chez les Peaux-Rouges 11. Peter lui-même, traditionnellement incarné au théâtre par une actrice, a pu être interprété comme une figure queer 12.

Dans le cas de Wendy, le jeu de la petite maman prend une tournure excessive et tragique. Son nom, déjà, est marqué par la mort : son deuxième prénom, Moira, l’associe aux Parques, le troisième, Angela, à l’ange, image de l’enfant mort. Quant au premier, il aurait été inspiré à Barrie par la petite Margaret Henley, fille d’un ami morte à six ans, qui l’appelait « friendy », prononcé « fwendy ». À son arrivée sur l’île, les Enfants perdus accueillent Wendy en bandant leurs arcs et l’atteignent d’une flèche « dans la poitrine 13 » (p. 116) qui la précipite au sol avec la double violence d’un viol et d’un meurtre. Le coupable se reproche un matricide : « Quand les dames venaient vers moi en rêve, je leur disais : “Jolie maman, jolie maman”. Mais voilà qu’enfin elle vient pour de bon, et moi je lui tire dessus14. » La croyant morte, les garçons la pleurent et construisent une maison autour de son corps dans une véritable scène de mise au tombeau.

Même une fois revenue à la vie, Wendy se retrouve confinée dans un autre tombeau, la maison souterraine à la fois utérus (womb) et caveau (tomb). Là, le jeu des tâches maternelles et ménagères se mue en servitude volontaire : « La cuisine […] la maintenait le nez dans les casseroles, et même s’il n’y avait rien dedans, et même s’il n’y avait pas de casserole, elle n’en devait pas moins continuer à surveiller en attendant que ça bouille 15. » (p. 134) Wendy prend à cet esclavage un plaisir masochiste. C’est bien pour jouer ce rôle qu’elle est venue sur Neverland, séduite – comment ne pas s’en agacer ? – par la perspective de border des Lost Boys dans leurs lits et de repriser leurs vêtements !

« Mother Wendy » n’est bien sûr qu’un simulacre de mère, une mère pour de faux, qui distribuera aux enfants du lait imaginaire. Mais elle incarne une mère d’autant plus archétypale qu’elle joue un archétype (Butler dirait qu’elle performe), et c’est bien parce qu’elle n’est pas vraiment une mère que Peter l’a choisie : « Ce dont nous avons besoin, c’est juste une personne gentille, maternelle 16. » Elle peut combler leur manque en accomplissant les fonctions réparatrices attendues d’une mère – repriser, soigner, raconter.

Or ces fonctions apparemment serviles et subalternes s’avèrent porteuses d’une puissance paradoxale. C’est précisément par son pouvoir de réparation que Wendy va déposséder Peter de son royaume : au démembrement qu’opère sa violence virile et infantile (son poignard coupe la main de Crochet, « raccourcit 17 » [p. 100] les garçons, etc.), elle oppose le remembrement de la couture, à commencer par celle de l’ombre de Peter, qui lui restitue son identité. Le remembrement se fait aussi remembrance : luttant contre l’oubli, Wendy va ressusciter chez ses frères et les autres garçons la mémoire perdue de leur vie antérieure, de leurs mères surtout. Par tous ces moyens, elle maintient ou renoue le lien des enfants perdus et de ses frères avec le monde de l’expérience adulte (au sens benjaminien). Elle arrache les garçons à l’infantia, à la table rase barbare du Neverland.

La fable de Peter Pan reflète idéalement certaines découvertes contemporaines de la psychanalyse et en anticipe d’autres. Le roman familial que jouent Peter et Wendy en faisant semblant d’être les parents des garçons semble accompagner les théories élaborées par Freud en 1909 dans son article « Le roman familial des névrosés 18 ». On peut bien sûr faire une lecture freudienne de la famille œdipienne où Peter est à la fois l’époux et le fils de Wendy 19. Le rôle dévolu par Barrie à son personnage féminin annonce les thèses de Winnicott sur la mère. Si Wendy s’était contentée d’être la « gentille personne maternelle » souhaitée par Peter, elle aurait incarné la mère suffisamment bonne 20 winnicottienne. Mais elle surjoue et devient une mère trop bonne, sacrificielle. Et surtout, elle proclame sa « foi sublime en l’amour d’une mère 21 » (p. 183), malgré les dénégations de Peter, qui avait interdit aux Enfants perdus de parler des mères 22 – Barrie avait envisagé d’intituler la pièce Le Garçon qui haïssait les mères (The Boy Who Hated Mothers). Peter déteste les mères parce qu’il sait d’expérience qu’elles peuvent fermer la fenêtre à leurs enfants, autrement dit être des mères insuffisamment bonnes (not good enough). Le motif de la fenêtre fermée renvoie à la première version éditée de la fable, Peter Pan in Kensington Gardens (1902), où Peter, nourrisson « envolé » de chez sa mère, trouve à son retour la fenêtre close, doublée de barreaux, et un autre enfant dans les bras maternels. Selon Céline-Albin Faivre, la fenêtre fermée symbolise les yeux détournés ou clos de la « mère morte », formule d’André Green qui décrit aussi bien la mère dépressive de Barrie que la mère morte des enfants Llewelyn Davies qui lui ont inspiré la fable. C.-A. Faivre évoque un brouillon où Barrie prévoyait de faire de Mrs. Darling la vraie mère de Peter, qui aurait oublié son existence 23.

Or à l’acmé de l’aventure, Wendy pousse le Surmoi maternel bien au-delà de celui de sa propre mère, qui au début du roman mettait de l’ordre dans les pensées de ses enfants endormis. La pseudo-mère insuffle et impose à ses « fils » sa propre pensée de l’abnégation héroïque lorsqu’elle les incite, au nom du désir de leurs « vraies » mères, au sacrifice patriotique :

 

À ce moment, Wendy fut grandiose.

« Ce sont mes dernières paroles, mes chers garçons, dit-elle d’un ton ferme. Je sens que j’ai pour vous un message de vos mères véritables, et le voici : “Nous espérons que nos fils mourront en vrais gentlemen d’Angleterre  24” ». (p. 224)

 

Wendy est donc une mère doublement sacrificielle : après s’être « tuée à la tâche » pour ses enfants, elle les envoie à la mort. Elle incarne la mère sacrifiée et sacrificatrice, oscillant entre effacement et domination. Il faut pourtant se rappeler que ce pouvoir maternel monstrueux ne cesse jamais d’être celui d’une petite fille : serait-il une forme détournée, subvertie, du pouvoir des enfants ?

Les valeurs nationalistes et viriles de Peter Pan ont beaucoup inspiré Robert Baden-Powell qui avait vu la pièce plusieurs fois en 1904, avant de créer le mouvement des Boy Scouts en 1907 et de publier son ouvrage fondateur, Scouting for Boys, en 1908. Le succès du roman de Barrie, trois ans plus tard, contribue encore à préparer l’enrôlement d’une génération. L’auteur lui-même se mettra au service du War Propaganda Bureau, comme l’a montré Laura F. Feldmeyer. La fameuse phrase héroïque de Peter, « to die will be an awfully big adventure », sera détournée du jeu d’enfants pour devenir une devise des Tommies de la Grande Guerre 25.

 

Sa Majesté des mouches : la mise à mort du féminin

Lecteur passionné de robinsonnades, William Golding veut contrecarrer leur vision fallacieuse de l’enfance et de l’éducation en concevant son roman 26 comme une réécriture contemporaine de Coral Island (les prénoms de Jack et de Ralph marquant la filiation) : « L’île de Ballantyne était une île du dix-neuvième siècle habitée par des garçons anglais, […] la mienne devait être une île du vingtième siècle habitée par des garçons anglais 27. » Les récits d’aventures sont cités par les enfants au début du récit comme un modèle utopique de monde sans adultes :

 

C’est comme dans un livre. […]

L’Île au trésor…

Hirondelles et Amazones…

L’Île de corail

[…] Jusqu’à ce que les grandes personnes viennent nous chercher, on va s’amuser  28. (p. 42)

 

L’absence d’adultes autorise l’expérimentation in vivo de la survie robinsonnienne comme un libre jeu de plein air. Mais la suspension du chronos au profit de l’aîon, d’abord euphorique et eu-chronique (« a good time ») se retournera en kairos tragique.

Publié en 1954, Lord of the Flies prend en compte les traumatismes des totalitarismes et de la Deuxième Guerre mondiale dans un contexte britannique d’évacuation (le film de Peter Brook, en 1963, insistera sur ces circonstances historiques). Or les petits evacuees ont constitué un objet d’étude dès 1939 pour les psychanalystes anglais Anna Freud, Burlingham, Bowlby, Miller, Winnicott et d’autres. Les trois derniers alertaient, dès décembre 1939, sur les risques psychosociaux provoqués par l’absence des mères : « L’évacuation de jeunes enfants sans leur mère pourrait entraîner des troubles psychologiques considérables [et] être à l’origine d’une augmentation importante de la délinquance juvénile au cours des dix années à venir 29. » Ils concluront, après la guerre, que le traumatisme des enfants séparés de leurs parents, notamment de leurs mères, aura été plus marquant que celui des bombes, y compris pour des enfants plus grands, voire des adolescents. Ces travaux ont été publiés et largement diffusés au début des années 1950, et Golding les connaissait probablement 30. Son roman propose en quelque sorte une version dramatisée de ces textes de cliniciens : les enfants mis à l’abri de la guerre transportent la guerre en eux-mêmes.

Sa Majesté des mouches révèle l’émergence de la féminité sous-jacente des garçons et son élimination brutale. En l’absence d’adultes et de filles, le groupe est amené à une redistribution sociale où certains garçons devront assumer les rôles traditionnellement féminins 31. Le groupe se scinde verticalement en deux groupes, grands et petits (biguns et littluns), et horizontalement en deux fonctions correspondant à des archétypes duméziliens ou à des stéréotypes de genre : d’une part la chasse, d’autre part la construction des huttes et la garde des plus jeunes, autrement dit les fonctions maternelles liées au foyer. Lorsque Ralph reproche à Jack d’avoir laissé le feu s’éteindre en allant tuer un porc, deux conceptions de la survie s’opposent : la chasse, virile, permet l’autonomie du groupe d’enfants, tandis que l’entretien du feu, féminin, perpétue l’attente d’un sauvetage extérieur, nécessairement adulte. Comme dans Peter Pan, le maternel est du côté de la continuité et de la mémoire. Comme dans Peter Pan encore, l’espace concret de l’île est saturé de caractéristiques féminines, notamment l’obsédante couleur rose des rochers. Récemment mais clairement associée au féminin dans les années 1950, le rose est également lié aux trois principales figures maternelles du roman : Piggy (Porcinet dans la traduction française), la truie et la conque, toutes trois vouées à la destruction.

Golding critique l’éducation britannique traditionnelle des Private Schools dont les valeurs (hiérarchie, culte de la force, mépris des faibles) exaltent un surmoi mâle, nationaliste et fasciste.

On songe à la fameuse réplique de Jack : « Après tout, on n’est pas des sauvages. On est anglais, et les Anglais sont meilleurs en tout 32. » À l’opposé de ces valeurs, Piggy est un anti-héros au sens où l’entend Victor Brombert 33 : toutes les qualités viriles du héros carlylien – minceur, vigueur, endurance, santé – lui font défaut, puisqu’il est gros, asthmatique, myope, maladroit et vulnérable. Il incarne, littéralement et symboliquement, les vertus supposées maternelles que représentait Wendy – douceur, patience, empathie, lien social et mémoire : il recueille et retient les noms des petits, enchaîne des récits, rappelle la loi sociale et morale du monde adulte. Il cite perpétuellement sa tante (auntie), autorité parentale doublement fragile, parce que féminine et indirecte, que Ralph va très vite censurer.

Piggy est raillé, molesté et souvent brutalisé, y compris par Ralph, qui dès les premières pages joue à le mitrailler depuis un avion imaginaire, version modernisée, peut-être, de la flèche qui accueillait Wendy. Investi avant sa mise à mort de l’aura pathétique de l’orphelin, Piggy représente la vulnérabilité du logos tentant désespérément de reconstruire un ordre moral contre le pouvoir de la force brute incarnée par Jack et ses chasseurs. C’est Piggy qui souffle à Ralph les mots manquants quand son langage commence à se déliter sous l’effet de l’ensauvagement. Sa sagesse, sa parole prophétique et sa quasi cécité, une fois ses lunettes cassées puis confisquées par Jack, en font une sorte de petit Tirésias aveugle et clairvoyant. Mais la sagesse est vaine, le logos est discrédité. Sa parole est invalidée par son asthme, que Ralph prononce « Ass-mar » (gâte-cul). Son anglais est moins correct, plus populaire que celui des autres « grands ». Comme l’a noté Jean-Paul Engélibert 34, l’oralité de la parole de Piggy est symboliquement entachée de l’analité du cloaque : sa logorrhée va de pair avec sa diarrhée.

Comme Piggy, la conque sert un ordre social qui tente de s’instaurer dans les premiers chapitres, avant de se déliter dans le chaos. Sa sonnerie, quand Ralph y souffle, sert à rassembler le groupe, et sa présence matérielle doit organiser la parole démocratique, celui qui la tient ayant seul le droit de parler. L’usage de la conque comme instrument de ralliement évoque le rituel de la corne de kudu décrit par Baden-Powell dans Scouting for Boys (1908) : sa corne, utilisée lors de la 1e réunion de scouts en 1907, est un emblème important du scoutisme, compris dans sa dimension virile et coloniale. Mais autant la corne africaine de Baden-Powell, longue et rectiligne, est phallique, autant la conque de Golding exhibe la forme et les couleurs d’un sexe féminin :

 

La conque était d’une couleur crème foncée, nuancée par endroits d’un rose pâlissant. Entre la pointe, que l’usure avait percée d’un petit trou, et les lèvres roses de la bouche, dix-huit pouces de coquillage s’enroulaient en une légère spirale couverte d’un délicat motif embossé. Ralph le secoua pour faire sortir le sable du profond boyau  35. (p. 19-20)

 

La conque devient une sorte d’objet transitionnel au sens winnicottien, rappelant le lien avec un modèle britannique (parental) d’organisation démocratique. Mais la conque produit, quand on y souffle, un bruit de pet (« low farting sound 36 »), dévaluant encore une fois l’oralité en analité.

Le troisième élément maternel du roman est la truie chassée par Jack et son clan. Golding subvertit le motif de l’éducation interspécifique des enfants sauvages, déjà évoquée à propos de Peter Pan : sow désigne ici une truie, mais le mot peut aussi renvoyer à l’ourse, animal nourricier supposé de certains enfants sauvages 37. Parmi un groupe de porcs sauvages, les chasseurs choisissent précisément une mère en train d’allaiter ses petits. On notera que, dans une sorte d’occultation de l’insupportable spectacle de la maternité, l’allaitement à proprement parler est éludé :

 

Un peu à l’écart des autres, plongée dans une profonde béatitude maternelle, était couchée la plus grosse truie du troupeau. Elle était noire et rose ; et la vaste vessie de son ventre était bordée d’une rangée de porcelets qui dormaient, fouissaient ou couinaient  38. (p.164)

 

Le mode de mise à mort (poursuite des traces – stalking – puis attaque à l’épieu – spear) reprend les termes des récits de chasse de Baden-Powell dans son ouvrage Pig Sticking and Hog Hunting 39 (1889). Baden-Powell allait exalter la pratique de la chasse par les jeunes éclaireurs dans Scouting for Boys 40, proposant par exemple le jeu de la « chasse au scout » (« scout hunting ») où un garçon doit être traqué par les autres dans la forêt. La traque de Ralph sur laquelle s’achève le roman de Golding révèle la monstruosité de ce jeu.

Dans la scène de la chasse à la truie, la dimension sadique de l’assaut des garçons est patent : « La truie traçait en chancelant son chemin devant eux, saignante et affolée, et les chasseurs suivaient, liés [wedded] à elle dans le désir [lust], excités par la longue traque et le sang répandu 41 » (p. 165). Les termes to wed, qui signifie à la fois « lier » et « épouser », et lust, à la fois « désir » et « luxure », soulignent sans ambiguïté le sens sexuel de la chasse. La truie-mère est torturée et violée, Jack incitant les chasseurs à la viser « en plein dans le cul 42 » (p. 166), avant d’être achevée. Sa tête coupée, plantée sur un pieu, deviendra un monstrueux totem, et la scène où Simon, délirant, se sent aspiré dans sa gueule pourra se lire comme une naissance inversée, préfigurant la mort du jeune garçon.

Les trois substituts maternels, Piggy, la conque et la truie, sont encore unis par le motif de la succion, acte transitionnel dégradé connotant l’allaitement. La conque est portée à la bouche, la truie allaite ses petits, et l’expression « sucks to… » (traduisible par « merde à… »), qui associe la régression à l’état de nourrisson et l’insulte implicite de la soumission (fellation), est proférée plusieurs fois à l’encontre de Piggy 43. L’évocation de son agonie et de sa mort réunit tous les éléments maternels – la truie, les couleurs blanche et rose de la conque, détruite avec lui, la succion quand son corps est aspiré par la vague : « Les membres de Piggy tressautèrent un peu, comme ceux d’un porc qu’on vient de tuer. Puis la mer respira encore dans un long, lent soupir, l’eau bouillonna, blanche et rose, recouvrant le rocher ; et quand elle se retira dans un nouvelle aspiration [sucking], le corps de Piggy avait disparu44. » (p. 220)

 

Le livre du rire et de l’oubli : infantocratie et violence barbare

Kundera n’écrit pas pour la jeunesse, mais recourt à la simplicité faussement enfantine, voire pédagogique, de la fable, dans « Les Anges », sixième des sept parties du Livre du rire et de l’oubli (1979), roman composite initialement écrit en tchèque mais publié d’abord en français 45. Tamina, jeune veuve sans enfant exilée en France, tourmentée par le désir du retour impossible à sa Bohême natale, cherche l’oubli. Elle est conduite sur une île fluviale où vit une sorte de colonie mixte d’enfants sans adultes, sans chef, sans hiérarchie. Le motif des jeunes robinsons est ici inversé : c’est l’adulte qui fait naufrage sur une île peuplée d’enfants sauvages.

Les enfants contraignent Tamina à de se comporter comme l’un d’eux et à se soumettre aux règles de leur infantocratie, retournant les rapports habituels de pouvoir. Ils refusent de reconnaître sa spécificité sociale d’adulte, notamment sa pudeur et son autorité :

 

“ Un enfant n’a pas besoin d’avoir sa chambre. 

– Comment un enfant ? Je ne suis pas un enfant !

– Ici, on est tous des enfants ” (p. 275)

 

Sur l’île, les jeux sont exclusivement sportifs et hygiéniques dans la tradition des colonies de vacances ou des camps de pionniers. L’espace clos constitue un chronotope de la tabula rasa, de l’aîon, un monde sans mémoire ni écriture.

La nudité imposée à Tamina dans la salle de bains commune livre son corps à la curiosité des enfants puis aux attouchements de leurs mains et de leurs bouches, de plus en plus intrusives et cruelles. Son rôle maternel virtuel n’est jamais évoqué en tant que tel : son sexe et ses seins sont détournés de leurs fonctions reproductive et nourricière pour devenir des jouets érotiques sadisés. Mais le contact sous-tend implicitement une imagerie morbide, détournant peut-être les représentations classiques de la Charité comme mère envahie d’enfants :

 

[…] ils voulurent tous lui laver la poitrine et le ventre et ils étaient tous avides de voir comment elle était faite entre les jambes et quel effet ça faisait de la toucher là. […] Il y en avait trop et elle ne distinguait plus à qui appartenaient cette main et cette bouche. (p. 286)

 

Le corps sexué de la femme adulte est à la fois fascinant et haï. Au moment du premier viol, la curiosité des enfants vis-à-vis de sa sexualité prend une dimension entomologique qui inverse la proportion des corps : ils « observ[aient] avidement les commissures de ses lèvres qui tressaillaient, comme s’ils avaient regardé l’intérieur d’une montre démontée ou une mouche aux ailes arrachées. » (p. 287) Kundera dénonce « l’obscénité des mouvements plaqués sur des corps enfantins » (p. 303), en des termes proches de ceux de Sándor Ferenczi 46, l’hypersexualisation infantile lui apparaissant comme la projection de fantasmes adultes. Mais en incriminant cette pédopornographie, Kundera n’échappe pas entièrement à son exhibition.

Malgré la tentative d’assimilation subie et acceptée, Tamina reste un corps étranger parmi les enfants. Sa taille, son corps pubère, la force dont elle use pour se défendre, non sans brutalité, la placent au-dessus du peuple lilliputien, comme la reine-mère d’un essaim d’abeilles : « Elle sent que sa sexualité d’adulte fait d’elle une reine qui domine ceux qui ont le bas-ventre glabre. » (p. 283-284) À la fois sacrée et vouée à la mort, elle semble élevée – ou déchue – au rang de figure royale vouée au sacrifice, de femina sacra au sens où Agamben parle d’homo sacer 47. Comme chez Golding, la violence sacrificielle se concrétise en chasse à l’homme. Tamina est poursuivie, prise au filet, soumise et, en tentant de fuir l’île à la nage, elle finit par se noyer sous les regards indifférents des enfants.

Le voyage dans l’île est bien plus qu’une allégorie du retour à l’enfance. On peut y lire une parabole politique sur le totalitarisme, une fable morale sur la banalité du mal, un apologue ontologique sur l’oubli et la mort. La différence de taille et d’âge fait de Tamina une géante parmi les enfants, une sorte de Gulliver au féminin, exhibant peut-être la distance temporelle incommensurable entre elle et les enfants, et incarnant le mystère de l’origine et du temps.

 

Conclusion

La dévaluation de l’expérience dont parlait Walter Benjamin a pu conduire à chercher dans l’enfance une valeur refuge. Au récit d’apprentissage, de coming of age, succède un désir de régression. Les robinsonnades du XXe siècle sont autant de fictions où se cherche l’origine de l’identité et du lien social, qui est fait de désir et de violence, dès l’enfance. Ces trois récits retracent la désacralisation de plus en plus explicite de l’innocence enfantine et, parallèlement, celle de la douceur de l’amour maternel, notamment par la psychanalyse.

Dans les débats du siècle sur l’enfance et l’éducation, Barrie, Golding et Kundera se positionnent, chacun en son temps, comme des antimodernes. Si le premier préserve en partie le pouvoir de Peter face à la toute-puissance maternelle (celle de Wendy et plus encore celle de Mrs. Darling), laissant le dernier mot à la nostalgie d’une enfance « gaie, innocente et sans cœur » (« gay, innocent and heartless »), les deux autres dénoncent comme un péril plausible la dérive de la liberté enfantine vers l’infantocratie.

C’est chez les mères, et non pas chez les pères, qu’ils cherchent la réponse. Chasser ou tuer la mère, serait-ce in fine menacer de détruire la digue qui garantit l’ordre familier et familial, la loi morale, la mémoire, qui préserve de la barbarie de l’enfance – et de l’histoire ? Si c’est le cas, ces fables ne vont pas jusqu’au bout de cette destruction. Les figures agressées, on l’aura noté, sont toutes des mères de substitutions, des simulacres, comme si la mise à mort des mères proprement dites restait encore impensable.

 

  1. Walter Benjamin, Expérience et pauvreté, in Œuvres, t. II, Maurice de Gandillac, Rainer Rochlitz et Pierre Rusch (trad.), Paris, Gallimard, « Folio essais », 2000, p. 366.
  2. Le modèle du genre est le roman de J. D. Wyss, Le Robinson suisse (1812), qui raconte le naufrage d’une famille, père, mère et quatre fils. Mais on trouvera ensuite de jeunes naufragés sans adultes, notamment les trois adolescents de The Coral Island: A Tale of the Pacific Ocean (R. M. Ballantyne, 1858) ou les quatorze pensionnaires et le mousse de Deux ans de vacances (Jules Verne, 1888).
  3. 2 « Sauvage en ce qu'elle appartient à une mémoire plus ancienne qu'elle, à un corps plus originel que son propre corps. […] Toute mère est sauvage et son enfant est abandonné à cette part sauvage dès qu’il vient au monde, abandonné parce qu’elle, la mère, n’en a aucune maîtrise, ni connaissance ni souvenir. » (Anne Dufourmantelle, La Sauvagerie maternelle Calmann-Lévy, 2001, p. 13).
  4. J.A. Mangan voit en Peter Pan le dernier rejeton de cette ère victorienne qui tient son nom d’une reine-mère presque divinisée, et où l’homme est un puer aeternus. L’idéalisation de l’enfance en fait, selon cet auteur, « une réserve naturelle » (« wildlife refuge ») de l’imagination. (J.A. Mangan, Manliness and Morality, Middle Class Masculinity in Britain and America, 1800-1940, Manchester University Press, 1987).
  5. « [The cult of the child] serves not to integrate childhood and adult experience, but to create a barrier of nostalgia and regret between childhood and the potential responses of adult life. The child indeed becomes a means of escape from the pressures of adult adjustment, a means of regression. » (Peter Coveney, The Image of Childhood : The Individual and Society: A Study of the Theme in English Literature, Harmondsworth, Penguin, 1967, p. 240).
  6. La filiation « robinsonnienne » de Peter Pan ne va pas de soi : on n’y trouve ni naufrage ni colonisation du territoire, mais Barrie se revendiquait de l’héritage de Ballantyne. Il avait écrit un avant-texte, The Boy Castaways of Black Lake Island [Les Garçons naufragés de l’île du Lac noir], album de photos légendées de ses jeux avec les garçons Llewelyn Davies, publié à 2 exemplaires en 1901. En 1913, il écrira dans sa préface à la réédition de The Coral Island : « Naître, c’est s’échouer sur une île. » [« To be born is to be wrecked on an island. »] (cité par Rosalind Ridley, Peter Pan and the Mind of J. M. Barrie : An Exploration of Cognition and Consciousness, Newcastle : Cambridge Scholars, 2016, p. 11. Je traduis).
  7. « […] all of the male characters […] are perpetually concerned with finding a mother, or a mother substitute. » (Rosalind Ridley, Ibid., p. 5).
  8. « […] not unlike what baby bears would have made of an underground house.» (Peter Pan [Peter and Wendy], Maxime Rovere [trad.], Paris, Rivages, 2016, p. 133). Les numéros de pages entre parentheses après les citations renvoient à cette édition. La traduction a parfois été modifiée.
  9. « They wear the skins of the bears slain by themselves ».
  10. « “See, […] that is a mother. What a lesson! The nest must have fallen into the water, but would the mother desert her eggs? No.” ».
  11. Ibid., p. 242.
  12. Voir Patrick B. Tuite, « “Shadow of [a] girl”. An Examination of Peter Pan in Performance », dans Lester Friedman et Allison Kavey (éd.), Second Star to the Right. Peter Pan in the Popular Imagination, New Brunswick, N.J., Rutgers University Press, 2008, p. 105-131.
  13. « In her breast ».
  14. « When ladies used to come to me in dreams, I said, “Pretty mother, pretty mother.” But when at last she really came, I shot her. »
  15. « The cooking, I can tell you, kept her nose to the pot, and even if there was nothing in it, even if there was no pot, she had to keep watching that it came aboil just the same. »
  16. « […] what we need is just a nice, motherly person ».
  17. « […] thins them out ».
  18. Sigmund Freud, Le Roman familial des névrosés et autres textes, Olivier Mannoni (trad.), Paris, Payot, 2014.
  19. « Il est trop facile de faire une lecture œdipienne de Peter Pan. » « It is too easy to give an Oedipal reading of Peter Pan. » Jacqueline Rose The Case of Peter Pan, or The Impossibility of Children’s Fiction, Londres, Macmillan, 1984, p. 35.
  20. Donald W. Winnicott, « La préoccupation maternelle primaire » [1956], dans La Mère suffisamment bonne, Madeleine Michelin, Lynn Rosaz et Jeanine Kalmanovitch (trad.), Paris, Payot, 2010.
  21. « […] sublime faith in a mother’s love ».
  22. « It was only in Peter’s absence that they could speak of mothers, the subject being forbidden by him as silly. » « Ce n’est qu’en l’absence de Peter qu’ils pouvaient parler des mères, car il avait interdit d’aborder ce sujet, jugé stupide. » (p. 107).
  23. Céline-Albin Faivre, « The Legacy of the Phantoms, or Death as a Ghost-Writer in Peter and Wendy », dans Alfonso Muñoz Corcuera et Elisa T. Di Biase. Barrie, Hook, and Peter Pan: Studies in Contemporary Myth; Estudios Sobre Un Mito Contemporaneo, Cambridge Scholars Publishing, 2012.
  24. « At this moment Wendy was grand. “These are my last words, dear boys,” she said firmly. “I feel that I have a message to you from your real mothers, and it is this: ‘We hope our sons will die like English gentlemen.’” »
  25. Laura F. Feldmeyer, « Preparing Boys for War: J. M. Barrie's Peter Pan Enlists in World War I's "Great Adventure" », Theatre History Studies 36, The University of Alabama Press, 2017, p. 57-74.
  26. William Golding Lord of the Flies, Londres, Faber and Faber, 1954. Traduction française : Sa Majesté des mouches, Lola Tranec (trad.), Gallimard, « Du monde entier », 1956 ; rééd. « Folio », 2011 [1983]. Les numéros de pages entre parenthèses après les citations renvoient à l’édition Folio. La traduction a été modifiée pour proposer une version plus proche de l’original.
  27. « Ballantyne's island was a nineteenth-century island inhabited by English boys, […] mine was to be a twentieth-century island inhabited by English boys.» (William Golding, The Hot Gates and Other Occasional Pieces, Londres, Faber and Faber, 1970 [1965], p. 39)
  28. « “It’s like in a book.” […]
  29. « […] evacuation of small children without their mothers can lead to very serious and widespread psychological disorder. For instance, it can lead to a big increase in juvenile delinquency in the next decade » (John Bowlby, Emanuel Miller et Donald W. Winnicott, « Evacuation of small children » [lettre ouverte], British Medical Journal, 16 décembre 1939, p.1202) Traduction française dans Donald W. Winnicott, Déprivation et délinquance, Paris, Payot et Rivages, 1994 [1984], p. 25-26. La lettre concerne les enfants de moins de cinq ans.
  30. Voir Laura Lee Downs, « ‘A very British revolution ?’ L’évacuation des enfants citadins vers les campagnes anglaises 1939-1945 », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2006/1 n° 89, p. 47 à 60.
  31. Golding révèle le caractère mortifère d’une microsociété trop homogène : homogénéité de genre, de nationalité, de milieux sociaux et d’âge. Chez Jules Verne, dans Deux ans de vacances, les jeunes naufragés, quatorze pensionnaires de trois nationalités différentes et le jeune mousse noir du bateau, reconstituaient une sorte de petite société des nations avant la lettre. Le mousse assumait les fonctions subalternes : entretien du feu, cuisine, etc.
  32. « After all, we’re not savages. We’re English, and the English are best at everything. »
  33. « Strength that takes the form of weakness, deficiency translated into strength, dignity and hidden victories achieved through what may appear as loss of worth, the courage of failure experienced as the affirmation of fundamental honesty… » (p. 6) « La force qui prend la forme de la faiblesse, la déficience traduite en force, la dignité et les victoires cachées obtenues à travers ce qui peut apparaître comme une perte de valeur, le courage de l’échec vécu comme l’affirmation d’une honnêteté fondamentale... » (Victor Brombert, In Praise of Antiheroes. Figures and Themes in Modern European Literature, 1830-1980, Chicago, University of Chicago Press, 1999, p. 6. Je traduis)
  34. Jean-Paul Engélibert, La Postérité de Robinson Crusoé. Un mythe littéraire de la modernité (1954-1986), Genève, Droz, 1997.
  35. « In color the shell was deep cream, touched here and there with fading pink. Between the point, worn away into a little hole, and the pink lips of the mouth, lay eighteen inches of shell with a slight spiral twist and covered with a delicate, embossed pattern. Ralph shook sand out of the deep tube. »
  36. Lola Tranec traduit très pudiquement par « bruit équivoque » !
  37. On a pu imaginer que Peter the Wild Boy, enfant sauvage amené de Hanovre à Londres en 1726, avait été allaité par une ourse. Voir Richard Nash, Wild Enlightenment: The Borders of Human Identity in the Eighteenth Century, University of Virginia Press, 2003. Il est l’une des sources d’inspiration possibles du Peter de Barrie.
  38. « A little apart from the rest, sunk in deep maternal bliss, lay the largest sow of the lot. She was black and pink; and the great bladder of her belly was fringed with a row of piglets that slept or burrowed and squeaked. »
  39. Pig-sticking or Hog-hunting. A Complete Account for Sportmen and Others [Piquer le porc, chasser le cochon. Compte rendu exhaustif pour les sportifs et les autres], Londres, Harrison and sons, 1889.
  40. Tout en recommandant de ne pas tuer sa proie sauf en cas de nécessité, Powell exalte le plaisir de la chasse au gros gibier.
  41. « […] the sow staggered her way ahead of them, bleeding and mad, and the hunters followed, wedded to her in lust, excited by the long chase and the dropped blood. »
  42. « Right up her ass! »
  43. « Sucks to your auntie! » (ch. I), « sucks to your ass-mar » répété deux fois (ch. VIII et X), « sucks to the littluns » (ch. VI).
  44. « Piggy's arms and legs twitched a bit, like a pig's after it has been killed. Then the sea breathed again in a long, slow sigh, the water boiled white and pink over the rock; and when it went, sucking back again, the body of Piggy was gone. »
  45. Milan Kundera, Le Livre du rire et de l’oubli, François Kerel (trad.), Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1979 ; « Folio », 1987. Version tchèque : Kniha smíchu a zapomnění, Toronto, Sixty Eight Publishers, 1981. Les numéros de pages entre parenthèses après les citations renvoient à l’édition Folio.
  46. Sándor Ferenczi. « Confusion de langue entre l’enfant et les adultes », Psychanalyse IV, Paris, Payot, 1982 [1933], p. 125-138.
  47. Giorgio Agamben, Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Seuil, 1997.