L’appel de l’Alaska décivilisateur ou de la pulsion de mort qui vient (de Jack London à Christopher McCandless)

L’appel de l’Alaska décivilisateur ou de la pulsion de mort qui vient (de Jack London à Christopher McCandless)

Par WUILLEME Tanguy

Notre réflexion prend sa source dans une expérience cinématographique, au sens de Stanley Cavell, une expérience qui a provoqué une réelle émotion, obligeant le spectateur à approfondir la compréhension de ce qui s’y déroule à partir du film de Sean Penn : Into the Wild (2008). La trame principale de ce film retrace une partie de la vie de Chris McCandless, un jeune étudiant qui, de 1990 à l’été 1992 a tout quitté (famille, compagne, amis, études brillantes…) pour pérégriner aux États-Unis. En avril 1992, il décide d’atteindre ce qu’il souhaitait être le but de son voyage, l’Alaska. Son histoire a été initialement racontée par Jon Krakauer 1, journaliste qui avait déjà publié de nombreux textes dont l’action se déroulait dans des espaces glaciaux et enneigés (Tragédie à l’Everest, Rêves de montagnes). Il s’agit ici encore d’une tragédie, puisque l’on retrouvera le corps décomposé du jeune homme dans une zone inhabitée au nord du mont Mac Kinsey.

Outre les conditions du cheminement tragique du personnage, il semble nécessaire de comprendre les motivations de Chris McCandless et son désir d’Alaska. S’il a traversé une grande part des paysages et climats des États-Unis, dont le désert ou les plaines fertiles, on sait qu’il ne souhaitait pas y rester. Seule la wilderness, mais surtout le froid, les glaces et l’hiver l’attiraient puisqu’il avait exprimé le vœu d’y habiter durablement.

Son aventure constitue la poursuite de son imaginaire peuplé des œuvres de Jack London ou de James Oliver Curwood. Elle opère un passage à l’acte où se mêle un réel courage afin de réaliser son rêve et donner forme à une toute autre existence. Ce désir de tout quitter consiste à affronter une vérité intérieure afin de répondre à un appel. Cet appel correspond à celui déployé par Jack London dans son ouvrage The Call of the Wild, traduit en français par LAppel de la forêt 2.

 

Un imaginaire glacial inspiré de Jack London

Cette attraction pour le sauvage de neige et de glace est confirmée par les témoignages que relève Jon Krakauer dans son livre : Charlie, une rencontre, y affirme « il aimait les livres de ce mec sur l’Alaska 3 », sur un marché aux puces où il vend les livres de ces amis, ceux-ci remarquent « qu’il était très fort sur les classiques (…) C’était London qu’il préférait. Il voulait convaincre tous ceux qui passaient de lire L’Appel de la forêt » et Jon Krakauer ajoute : « McCandless se passionnait pour London depuis son enfance. La condamnation fervente de la société capitaliste, la glorification du monde élémentaire, la défense de la grande masse populaire, tout cela correspondait à ses sentiments ». Cette appétence pour London est encore soulignée par sa sœur qui a publié en 2014, soit 22 ans plus tard, sa propre appréhension des événements où elle note que son frère était très amoureux d’une jeune femme, Julie, « il envisageait sérieusement leur avenir ensemble, parlait de tout ce qu’il voulait partager avec elle – comme le voyage en Alaska dont il rêvait depuis que, tout petit, il avait découvert les œuvres de Jack London. Il l’encourageait à lire L’Appel de la forêt et lui décrivait leurs futures aventures 4 ».

Cet imaginaire à l’œuvre, mis en branle par la fiction, donne naissance à une odyssée pleine d’enthousiasme. Reste à savoir si la pulsion qui enveloppe l’aventure ne contient pas, à côté de cet élan vital et de cette recherche d’un surplus d’intensité, une dose de régression enfantine, voire infantile. Elle pourrait être synonyme d’une pulsion mortifère, de retour à l’origine, à l’immobilité et à l’inertie. Elle ferait signe non pas vers un approfondissement émancipateur de soi mais plutôt vers la disparition de la personnalité, vers l’abolition de tout mouvement interne.

 

Les raisons de l’Alaska

Il semble que cet appel vers l’Alaska constitue dans un premier temps un moyen d’échapper au carcan de la civilisation nord-américaine, celui que l’on retrouve chez les Off the Grids (les hors réseaux), ceux qui marchent leurs mots (they walk their words) où il s’agit de retrouver l’énergie primitive, enfouie, celle qui caractérisait le chien Buck de L’Appel de la forêt. On se situe à l’intérieur d’une perspective darwinienne ou plutôt spencérienne où les retrouvailles se réalisent avec les lointains ancêtres, ceux d’avant le processus de civilisation, permettant de ressentir à nouveau l’ancienne peur ancestrale, le retour aux sens et aux sensations premières, où l’individu qui s’animalise reconquiert la liberté corporelle et sensitive. McCandless chemine afin de de se débarrasser de la gangue des habitudes occidentales et civiles, il cherche à se délester de tous les apprivoisements afin de retrouver une familiarité avec le passé enfoui dans les terres hostiles du nord. L’enjeu consiste à atteindre le monde jeune des premiers hommes, des instincts primordiaux, de retrouver une nature perdue et de ranimer l’âme endormie. La jeunesse devient synonyme de primitivisme, d’espace vide, de blancheur et de nudité. Ce rien doit également renvoyer à une temporalité déconnectée de l’unité des trois temps (passé/présent/futur), où le présent efface lui-même ses traces pour atteindre une sorte d’absolu atemporel.

Cela correspond point par point à la manière dont Jack London définit le Call of the Wild : un monde sans obligations envers l’espèce humaine, « un appel mystérieux, émouvant, attrayant », où il faut s’enfoncer davantage dans la forêt, toujours plus loin, sans connaître de direction, ni d’orientation prédéfinies. Seul compte cet enfoncement sans question où tout commence à résonner de part en part. Cet appel n’est relié à aucune figure de maître, faisant ainsi signe vers une émancipation radicale où les apparences, comme les surfaces sont dépassées.

On se doit d’insister sur cette neige qui souligne le Wild de la nature : elle indique un espace démesurément silencieux, un rictus glacial ricanant de l’humanité fragile et vulnérable. Elle est un décor mortifère et toute vie qui la traverse apporte momentanément le mouvement et simultanément la contredit. Dans la neige, les traces ne restent pas, les surfaces s’avèrent trompeuses, on assiste à la fin de toutes les médiations, de toutes les communications, le silence et la blancheur sont sans prise. Le Wild glacé dénonce par avance l’idée de protection et ne charrie avec lui que la menace et le sentiment qui l’accompagne, à savoir la peur primaire. Le froid, tout comme dans nos rues, comporte le sens d’une « urgence sociale ». Si l’information apporte l’immunité, ici nul individu humain n’est immunisé. On retrouve les caractéristiques du royaume d’Arendel de la Reine des neiges de Disney, pour reprendre la chanson, tout est figé, figé, figé.

McCandless, comme Buck, traverse l’Alaska sans collier, sans rien qui le rattache à une appartenance à l’État-Providence (dans le film de Sean Penn, il brûle ses papiers, notamment sa carte d’assuré social, le geste est des plus radicaux à notre époque). Cette entreprise de déliaison totale, géographique et temporelle semble la seule possible en vue d’affronter solitairement un univers estimé, désiré, pensé à tort comme vide de toute existence. McCandless oublie les indigènes, les animaux, la flore (il en mourra) et toutes les relations établies entre ces êtres. L’hiver qu’il projette sur le monde est englobé dans l’idée d’une nature esseulée, prise comme grandeur métaphysique qu’il rapproche de la page blanche et immaculée. Son imaginaire comporte une grande dose d’abstraction et de fantasmes à la fois de toute-puissance et de nihilisme.

 

L’abstraction d’un Alaska marginal et décivilisé

Sans doute y-a-t-il chez McCandless la croyance d’une opposition forte entre la civilisation oppressive, dévastatrice et face à elle, une Nature encore préservée en quelques lieux sauvages. Rejoindre cette dernière permettrait de se nettoyer de la souillure urbaine et industrielle, de la corruption concomitante de l’âme humaine. En cela, McCandless est contaminé par ce que Christian Chelebourg appelle les écofictions 5. On a affaire à un imaginaire fallacieux de l’Alaska dont on sait par ailleurs qu’elle est la proie de toutes les exploitations économiques, notamment pétrolifères (autrefois aurifères, la ruée vers l’or à laquelle a participé Jack London) et d’entreprises d’accessibilité aux riches matières premières.

Cet imaginaire ne manque de poser problème car il rejoint celui des défenseurs de la Nature, des écologistes protecteurs et uniquement concepteurs de parcs-réserves dont le travail sanctuarise un territoire, en empêchant leurs plus anciens habitants d’y circuler et d’y survivre à leur guise 6. D’un côté on exploite, de l’autre on pétrifie et normalise un espace autrefois autrement vivant.

McCandless appartient à la lignée transcendantaliste d’un rapport mystique à la Nature, ici glaciale, première, en vue de retrouver une harmonie possible avec Elle et par conséquent avec le soi qui s’y confronte. Cette retrouvaille se fait cependant dans l’ambiance actuelle d’un auto-dépassement de soi couplée au sens de l’effort et de la discipline. Il appartient à la civilisation de l’individualisation ascétique décryptée par Peter Sloterdijk, où l’individu contemporain s’auto-désigne comme son meilleur stresseur 7. Les épreuves que l’individu s’afflige lui permettent de s’approprier un moi donné dans l’intensité, dans l’authenticité d’un expérience jugée unique mais cela nécessite un décor métaphysique détaché de toute ancrage à l’humanité et à l’aspect sublime.

L’ivresse du sublime consiste à s’affronter à un univers intrinsèquement inamical dans lequel l’individu viendra trouver une place gagnée par l’intelligence rusée et devant déboucher sur une harmonie durement acquise. On retrouve l’imagerie engendrée sur le sol européen par Ernst Jünger dans le Traité du rebelle, ou le recours aux forêts : y est magnifié celui qui préfère le danger à la servitude, le loup des steppes dans une ligne hessienne qui sait s’éloigner de la meute, qui sait accorder le monde à sa liberté en un ensemble cohérent et entièrement nouveau. London, comme Jünger ou Hesse 8, livrent aux adolescents de la première moitié du XXe siècle un imaginaire poétique du dépassement ancré dans la sublimité naturelle dont on voit ici la postérité historique dans la personne de McCandless.

 

Un devenir-hivernal aporétique

Toutefois le tragique de l’aventure hivernale de McCandless est, pour celui qui en lit les étapes et en connaît la fin, doublement dérangeant. D’une part, son geste atteste de sa volonté de se déterminer face à la crise écologique, de proposer une alternative alaskienne face à cet hiver qui vient, qui n’en finit pas d’advenir. En essayant de se soustraire radicalement à la catastrophe collective, il la double d’un échec personnel. L’hiver prend également possession de sa personne pour n’offrir aucun répit, aucun délai. Le recours aux forêts, l’écart sublime dans une géographie préservée ne comportent aucune échappée messianique.

L’aventure se révèle paradoxale, issue d’une visée personnelle, elle cherche à atteindre une sorte de décrochage du soi. L’appel consiste à s’oublier, à laisser parler un « daimon » tout socratique en soi, une âme universelle qui ferait fi de la poursuite de buts pratiques, pour atteindre un point de vue universel sur le monde. L’imaginaire glacial, hivernal et la radicalité existentielle qu’il propose, permet d’affirmer ce que Marielle Macé à récemment approfondi à la suite de Rahel Jaeggi : une forme de vie, un style apposé à sa personne 9.

Tout comme le chien Buck dont on sait qu’il s’est perfectionné au contact du froid et de sa rudesse, McCandless fait de sa forêt un espace-temps stylisé comportant un certain mode de perception d’action et d’habitation. Il n’institue pas l’hiver et sa forêt, il y reconnaît un style, la manière caractéristique d’une forme et en montre l’intensité intrinsèque. Comme Buck, il poursuit au sens deleuzien un devenir-animal, on devrait dire un devenir-hivernal créant autour de soi une configuration de postures, de sensations, de gestes habituels et rituels, bref une stimmung générale où se dessine une vraie tonalité d’être.

La télévision américaine puis française (RMC Découverte, Planète +), ces dernières années, a su s’emparer de cette combativité alaskienne, où l’on suit les journées difficiles de celles et ceux qui ont décidé de résider au cœur du froid (inspiré du survivalisme, les émissions comme Seuls face à l’Alaska, Mountain Men…). Ce que ces émissions donnent à voir est la manière dont certains en affrontant les aléas climatiques extrêmes arrivent à donner un tour à leur vie et manifestent les désirs de l’individu contemporain dans sa vision la plus épurée, à savoir le projet d’autonomie ou d’authenticité mais également de reconnaissance du courage mis en œuvre ou encore d’une vie résonnante avec le tout de la nature environnante. Inspiré autrefois par une virilité survivaliste d’extrême droite, elles ont pris un tour radicalement écologique ces dix dernières années.

 

La pulsion de mort à l’affût

Voilà pourquoi ces vies dans le grand hiver, même celle à peine amorcée par McCandless, peuvent dans un premier mouvement contribuer à émouvoir le citadin confortablement engoncé dans son existence immunisée. Reste que l’issue tragique de cette aventure, l’hiver venu, mal anticipé, n’a pas débouché sur un surplus vital. Si on laisse de côté les péripéties et les causes malheureuses de la mort de Christopher McCandless, son imprévoyance, son impréparation, son erreur de nutrition, sa méconnaissance de l’écosystème ; cela n’empêche pas qu’il rejoigne les figures décevantes des « chechaquo » (novice) tel que nous les présente Jack London dans son récit Construire un feu 10. Le froid l’emporte sur le nouveau-venu et il conduit l’homme - et non l’animal qui sait rester toujours en mouvement - à l’immobilité mortifère.

La leçon des fictions sur l’hiver qui vient, souvent issues de la fantasy ou de la science-fiction, consiste à conjurer tout immobilisme, qu’il soit politique, social ou personnel. On sait que cette immobilité détermine et caractérise chez Freud la pulsion de mort. Pulsion qu’il découvre tardivement, comme une force conduisant l’appareil psychique à l’excitation la plus basse, à un niveau zéro d’énergie, à l’absence totale de tension caractéristique de la matière organique. Rejoindre le Wild glacial, accueillir l’hiver qui vient, serait donner libre cours à une force d’autodestruction dont Freud disait qu’elle travaillait en silence.

Elle est tout le contraire de la libido sexuelle (McCandless, que ce soit chez Jon Krakauer ou chez Sean Penn ne semble participer à aucun épisode érotique durant son odyssée), elle s’affirme comme une tendance à la déliaison. Il s’agit d’une force profondément obscure comme peut l’être la forêt, quelque chose qui résiste à l’articulation discursive, une altérité formant une hantise onirique. L’imaginaire hivernal signifierait alors ce qui d’emblée sape et travaille contre la vie humaine et individuelle. Le silence, la blancheur, la solitude incarnés par le Wild forment bien un appel, ou l’autre nom de la pulsion inconsciente quant à notre propre finitude et mort. Cet appel s’avère une entreprise consistant à engourdir l’énergie psychique, à la détacher à la fois du moi et des objets. On dépasse l’idée d’hibernation, d’hivernage (toutes deux comportent l’idée d’une autre saison, d’une reprise vitale à terme possible) pour pénétrer dans la forêt hivernale de l’inconscient destructeur. Cela peut rappeler à bien des égards le défi freudien de mimer l’entreprise de Dante qui entre dans la selva oscura, la descente aux enfers de l’auto-analyse (sans ignorer que l’Enfer dantesque est composé de glace et non de feu).

McCandless n’a pas respecté le principe de réalité, il n’a pas su se nourrir des leçons indigènes, des animaux environnants. Cela aurait supposé de disposer de davantage de temps et d’établir de nouvelles et fécondes relations avec le génie des lieux et des êtres qui peuplent les étendues de l’Alaska. Sa volonté accrue au fil de son périple d’être son propre maître, son propre auteur se retourne contre lui. Sa sœur ou Jon Krakauer montrent bien qu’il cherche à tout prix à se délaisser des contraintes de l’autorité. Il cherche à quitter ce qu’il estime être un monde de menteurs et d’imposteurs (suite à la découverte de la double vie de son père). Sans doute cherche-t-il à retrouver une réelle innocence, un objet perdu, un bonheur antérieur de l’ignorance. L’espace de l’Alaska hivernal lui permet un retour à l’inorganique, où la poussée vitale est amoindrie. Il est possible de faire un parallèle avec le thème de la recherche de la scène primitive où comme le déploie Pascal Quignard, chacun de nous tue le représentant de son sexe 11. McCandless se définit dans l’extrême précarité de la vie nue et va paraître sous les traits du mort-vivant, ceux qui sont sans visage, les marcheurs de la nuit qui menace les humains dans la série Games of Thrones. Il incarne le fantasme d’une civilisation qui croit conjurer les châtiments collectifs à venir par les fautes commises.

 

Qu’est-ce qui nous vient avec McCandless ?

L’impasse à laquelle parvient le jeune McCandless contribue à défaire l’imaginaire du Wild. Ce n’est plus un appel mais un message qu’il nous envoie malgré lui : l’expérience est terminée. Il ne rejoint pas seulement le constat benjaminien d’une pauvreté de l’expérience, il la dépasse pour signifier que ce type d’expérience, de la recherche des limites dans l’extrême glacial mène au décès et à la mort même de l’expérience. L’expérience est gagnée par la mort. McCandless, de par son parcours d’adolescent révolté devant l’absence du père, la faiblesse de la mère, devant l’impuissance de la parole parentale, montre que la tradition et les générations passées n’ont plus rien à apprendre. Aucune expérience ne lui a été transmise pour qu’il se retrouve seul et démuni dans le froid.

Si l’Alaska reste cependant un lieu d’initiation, c’est peut-être au cœur de cette obligation de se délester de toute expérience acquise pour se retrouver à découvert dans un paysage où plus rien n’est reconnaissable. Il s’agit de rejoindre une réelle pauvreté tout en congédiant la notion même de culture apprise. La leçon de McCandless est celle d’inventer une existence qui ne se déroule plus sous le signe de l’expérience mais de son impossibilité. Il propose une conception renouvelée de l’ensauvagement où l’hiver assure l’ignorance du passé, oblige à se suffire de peu, à se débrouiller avec ce peu. Le champ d’action devient celui de l’improvisation où le vide fait autour de soi doit permettre le surgissement d’une autre vie. McCandless n’a hélas pas le talent de Chaplin dans La Ruée vers l’or, pouvant tourner en dérision les contraintes de l’hiver qui vient, en subvertissant les blocages en traits d’humour.

La question demeure de savoir ce que pourrait être une vie réussie en Alaska, ce qu’aurait pu faire et être un McCandless survivant. Une existence qui se serait modelée sur les sagesses autochtones de respect des âmes sauvages, de compréhension intelligente de l’écosystème environnant lui aurait permis de défendre les valeurs qu’il voulait voir triompher : la paix, la pureté, l’honnêteté. Peut-être comme Buck, se serait-il accommodé d’un devenir-chien-loup, rusé, absent de toute plainte, chien fantôme conduisant la bande et sa famille vers davantage de liberté vécue 12.

 

  1. Jon Krakauer, Into the Wild. Voyage au bout de la solitude, Christian Molinier (trad.), Presses de la Cité, 1996, 248p.
  2. Jack London, L’Appel de la forêt, Pierre Coustillas (trad.), Le livre de poche, 2000 [1903], 158p.
  3. Jon Krakauer, Into the Wild. Voyage au bout de la solitude, op. cit., p. 59 et p. 61.
  4. Carine McCandless, Into the wild. L’histoire de mon frère, Anne Guitton (trad.), Paris, Arthaud, 2018 [2014], p. 92.
  5. Christian Chelebourg, Les Écofictions. Mythologies de la fin du monde, Les impressions nouvelles éditions, 2012, 256p.
  6. Voir à ce propos Nastassia Martin, Les Âmes sauvages. Face à l’occident, la résistance d’un peuple d’Alaska, éditions la découverte, Paris, 2016, 313p.
  7. Peter Sloterdijk, Tu dois changer ta vie, Olivier Mannoni (trad.), Libella Maren Sell, Paris, 2009, 655p.
  8. Ernst Jünger, Traité du rebelle ou le recours aux forêts, Henri Plard (trad.), Christian Bourgois, Paris, 1981 [1950], 171p. ; Hermann Hesse, Le loup des steppes, Juliette Pary (trad.), Calmann-Lévy, Paris, 1947 [1927], 224p.
  9. Marielle Macé, Styles. Critiques de nos formes de vie, Gallimard, Paris, 2016, 355p.
  10. Jack London, Construire un feu, Paul Gruyer (trad.), Phébus, Paris, 2007, 176p. On recommande également la bande dessinée de Christophe Chabouté, Construire un feu, Paris, Vents d’Ouest, 2016, 80p.
  11. Pascal Quignard, La nuit sexuelle, éditions j’ai lu, 2007, 203p.
  12. Voir notre article, Tanguy Wuillème, « Cave canem (ou comment un chien méchant peut en cacher un autre) », Carnets, Revue électronique d’études françaises de l’APEF, deuxième série, 18, 2020, http://journals.openedition.org/carnets/10885.