L’au-delà du principe de fraternité et <em>L'Histoire (qu´on ne connaîtra jamais)</em> d'Hélène Cixous

L’au-delà du principe de fraternité et L'Histoire (qu´on ne connaîtra jamais) d'Hélène Cixous

Par ERLINGDÓTTIR Irma

Dans Politiques de l’amitié, Jacques Derrida présente une lecture généalogique du modèle de l’amitié depuis Aristote, en passant par Cicéron, Montaigne, Kant, Nietzsche jusqu’à Heidegger, pour questionner sa structure canonique et androcentrée 1. La toile de fond de son analyse minutieuse de l’Histoire et de la culture de l’amitié est l’exclusion de l’amitié au féminin, qui est double : celle de l’amitié entre une femme et une autre femme et entre une femme et un homme. La question prend une ampleur autrement plus inquiétante et démocratique dès lors que le concept de « fraternité » exclut le féminin et la femme de son espace. Derrida nous invite à nous demander ce que serait la politique d’un « au-delà du principe de fraternité » et il pose la question de savoir si elle mériterait encore le nom de « politique 2 ». Il œuvre par sa lecture déconstructive à ouvrir un espace propice à un « peut-être » qui annoncerait la démocratie à venir ; une réorientation du discours et de l’histoire et un renversement de l’amitié en passant par une reconnaissance de l’altérité et des différences sexuelles. C’est là ce que Derrida se dit tenté d’appeler « aimance ». L’aimance c’est « l’amour dans l’amitié, l’aimance au-delà de l’amour et de l’amitié selon leurs figures déterminées […] par-delà toutes les époques, cultures ou traditions d’aimer » et par-delà aussi, comme il le signale, tous les trajets de lecture de Politiques de l’amitié 3. Ce mot d’aimance lui semble indispensable pour « nommer une troisième ou première voix, dite moyenne, au-delà ou en deçà de l’aimer (d'amitié ou d'amour), de l’activité et de la passivité, de la décision et de la passion 4 ».

Je propose ici de lire L´Histoire (qu´on ne connaîtra jamais) d´Hélène Cixous comme une dramatisation de l´émergence de cette troisième voix. La pièce, mise en scène par Daniel Mesguish en 1994 5, nous situe d’emblée dans une relecture déconstructive de la mythologie nordique, de l’Edda de Snorri Sturluson, de l’histoire des Nibelungen et en particulier du cycle de Sigurð/Siegfried. Il s’agit d’un exercice de relecture de ces légendes tant lues et «mâllues 6 » — une relecture qui se propose « d´effacer et de ressusciter 7 » ; défaire pour refaire. Legenda, comme le latin l’indique, est ce qui est à lire, ce qui doit être lu. La pièce joue sur la tradition des drames historiques tout en opérant un renversement — ou « revirement 8 » — de la perspective historique. Elle se présente toute entière comme une mise en abyme de l’écriture, du théâtre et du récit historique et tout ça à partir du rêve, du rêve rerêvé. La lecture que fait Cixous des Nibelungen est un vol d’elles (et donc d’ailes pour emprunter un glissement homophonique cher à Cixous) — il s’agit donc de relire la légende pour l’ouvrir à ses différences. Le noyau légendaire est l´histoire (que tout le monde croit connaître) des Nibelungen. Nous sommes en l’an 1221, « l’un(e)-et-l’autre-l’autre-et-l’un(e) – le poète, que Cixous introduit sur la grande scène du Rhin, Snorri Sturluson, nous l´apprend, dès l’abord, dans la scène d’exposition. Cette année en miroir (en chiffre inversé) n´a sans doute pas été choisie au hasard par un auteur qui a transcrit la locution idiomatique « l’un et l’autre » en « l’une et l’autre » 9 — évoquant bien étendu la lune qui, elle, est associée au nord dans sa cosmogonie 10.

L’histoire qui nous sera racontée se passera dans « la ville des Worms » – des vers et des fourmis 11 ; la cité de l’écriture. Tout est à l’envers (dans le sens donc : tout est écriture), dedans dehors et inversement 12. Le tour nouveau que prend la querelle (fatidique, d’après la vieille histoire) entre Brunhild et Kriemhild sera au cœur de ma lecture de la pièce. Dans la version qu'Hélène Cixous en propose, il s’agira moins de jalousies amoureuses ou de préséances que de leurs propres corps et de l’amour qu’elles avaient/ont l’une pour l’autre. La question de fond est de savoir s´il y aurait une autre histoire d’avant l’oubli.

 

La scène d´exposition

L´Histoire (qu´on ne connaîtra jamais) nous situe d’emblée dans une relecture déconstructive. Les mathématiques d’Hélène Cixous fragmentent l’unité des très augustes dieux nordiques. Les angles du « triangle divin » de l’Edda se sont multipliés – les trois trônes occupés par trois rois : le roi Très-Haut, l’Aussi-Haut, et le Troisième. Ce triangle est devenu pentagone ou pentadactyle : Quart du Très-Haut, Petit Très-Haut, Tiers du Très-Haut, Égal du Très-Haut, Grand Très-Haut. La fatalité, l’héroïsme et la vengeance doivent être à l’ordre du jour. La scène d’exposition nous informe des intentions des dieux, mais nous aurons des précisions tout au long de la pièce. Ils comptent bien porter le mal à son comble en faisant endurer aux petits personnages « des douleurs insupportables 13 ».

Les Très-Hauts descendent sur terre pour capturer le poète Snorri Sturluson et lui donnent l’ordre de se rendre sur les lieux de l’action pour continuer 1’Histoire ; la « tragédie ». Ils commandent une histoire, la même qu’ils connaissent ou croient connaître – le poète doit maintenir ou régénérer les valeurs du passé, capitaliser les connaissances. Ils le chargent de leur apporter des morts. Hélène Cixous commence la pièce en mettant en scène toute la galerie patriarcale, avec tous ses fantasmes de puissance et d’impuissance ; avec les dieux dans leur rôle classique de « fauteurs de chute et de castration 14 ».  Elle peint le passage du pouvoir entre père et fils, classique dans la tragédie gréco-latine, et fait ressortir le complexe d’Œdipe ; la menace de castration. Les dieux veulent savoir ce que « deviennent » les deux couples de l’histoire des Nibelungen depuis leurs mariages ; Sigfrid et Kriemhild, Brunhild et Gunther.

Après donc avoir été humilié et menacé de mutilations de toute sorte – Snorri donne son acquiescement à la demande des dieux d’aller sur la Scène du crime : « Si c’est ainsi, j’irai. Je ne veux pas mourir avant d’avoir fini mon œuvre. Mais, je trouverai la vérité 15 ». Ce « mais », que l´auteur a soigneusement mis en italiques, ouvre une faille au milieu du consentement de Snorri. Les dieux et Snorri ne parlent pas la même langue ; le poète ne pense pas là où ils sont et il n’est pas là où ils pensent. Ou comme le dit Grand Très-Haut exaspéré par le temps que prend Snorri à se décider : « Tu te mets de profil et tu ne nous regardes pas de face 16 ». Snorri, fidèle aux transports de l’écriture tels que les pratique Hélène Cixous, répond « à côté, de travers ou par dessous 17 ». Il y a une sorte d’« à côté » (qui fait penser à « the aside » chez Shakespeare) qui œuvre dans cette scène et qui a un effet de déplacement et de décentralisation ; le lieu d’être du poète semble ailleurs.

 

Edda et Snorri, l´œuvre et le poète

L’histoire présente, pesante, brûlante et brutale prendra le poète dans sa toile ; il sera question d’en être le sujet et non plus la victime ; de l’empêcher, de la retisser, et non de la subir passivement. Snorri n’est pas seulement témoin mais aussi acteur, agent décisif. Toutefois il maintient une posture marginale par rapport au corpus. Il est toujours en quelque sorte hétérogène à l’Histoire comme l´est Edda – un autre personnage central dans la pièce. La signification la plus évidente du mot Edda est aïeule, mère de tout savoir ; ce sens du mot apparaît dans les deux Eddas. Pourtant de nombreux spécialistes de la littérature du Moyen Age ont formulé un grand nombre d’hypothèses étymologiques qu’ils ont préféré retenir malgré des difficultés phonétiques. Nous nous demandons avec Helga Kress, spécialiste de la littérature islandaise du Moyen Age, s’ils évitaient ainsi d’associer la grand-mère au titre et donc de lier les femmes à ce trésor littéraire islandais 18. Helga Kress explique que le mot Edda signifie « grand-mère » dans les textes du Moyen Âge où il apparaît. Elle ne rejette pas pour autant les hypothèses « óðr » [poésie] et « æði » [inspiration] – ainsi Edda reviendrait à « Art poétique 19 ». Ce qui lui permet de tisser ensemble : « vieille », « femme », « poésie », « inspiration ». Elle rappelle aussi que de vieilles femmes qui déclamaient et composaient des poèmes étaient appelées « eddur » [des eddas].

Dans L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), Edda apparaît comme l’incarnation ou l’existence de l’Œuvre, et le poète, Snorri Sturlus(s)on, comme la figure allégorique de l’Auteur, du Poète et, de façon extensive, de l’acte d’écrire ou de l’écriture. Snorri est certes une sorte d’avatar d’Hélène Cixous mais il a ses doubles, ses fantômes qui le hantent. Edda n’est pas seulement l’œuvre antérieure, elle est aussi l’œuvre en train de se (dé)faire ; « la vieille histoire 20 », comme le personnage Hagen appelle Edda, est en train d’être relue, remaniée ; la vieille toile se défait. La relation de Snorri et d’Edda est double. D’une part, Edda serait la création antérieure par rapport à laquelle Snorri voudrait prouver son indépendance. D’autre part, elle serait l’œuvre présente, étant donné que la relecture modifie nécessairement l’œuvre.

Notons qu’Edda devient seulement visible à l’arrivée du scripteur (de « l’oublire 21 »), de la personne appelée Snorri, comme si la présence de Snorri faisait office de révélateur ; l’encre blanche devient enfin noire. 22 Il est d’ailleurs intéressant de voir Edda comme un palimpseste ; un parchemin dont on aurait effacé la première écriture pour écrire un nouveau texte ; ce « nouveau texte » serait l’histoire mâle où le principe masculin, l’héroïsme et les guerres, seraient au premier plan 23. Ainsi, la vérité perdue de l’histoire ou l’histoire de la vérité perdue se trouve-t-elle peut-être derrière le masque de la vieille histoire. « En fait », commente Hélène Cixous dans un entretien, « la vérité est l’héroïne invisible de ce drame dont les thèmes sont l’impossibilité ou l’extrême difficulté de sauver la vérité dans l’histoire, ou encore l’histoire de la vérité perdue 24 ». Edda a en quelque sorte deux visages ; c’est peut-être pourquoi Daniel Mesguich lui a donné deux sexes (il a fait d’elle un « travesti » ; le rôle d’Edda était joué par un acteur en robe rose) dans sa mise en scène. Aussi peut-on dire, avec un des critiques, qu’elle joue à la fois le rôle du chœur et du bouffon shakespearien – elle commente tout ; apparaît et disparaît aux moments cruciaux dans une trappe tournante 25.

L’œuvre et l’ouvrier finiront, en fait, par s’associer en une coopération tendue mais productive. À titre expérimental et avec un grain de réserve, Edda sacrifie sa tapisserie : « C’est bon ! Prenez ma tapisserie, coupez les fils. Détruisez-la, repartez à zéro. Faites comme si la mémoire n’existait pas 26 ». Après avoir renoncé, elle dit au poète : « À toi de jouer ! Espérons ! Moi aussi je rêve de liberté 27 ». Captive du mythe, servante de l’Histoire que sa vieille tapisserie reproduit, comme ses sœurs les Nornes, les Parques, les Moires, Gaia, bref toutes ces figures qui incarnent ou bien les fantasmes de l’homme ou bien sa frayeur devant ce qu’il ne maîtrise pas : la vie, la mort, la femme. Reste qu’elle témoigne aussi de la force et du pouvoir subversif de ces images archétypales. Elle veut bien qu’une autre histoire naisse, même si elle a du mal à y croire : « Je suis toute étonnée, le poète gagnerait 28! »

 

Brunhild et Kriemhild s´aiment

Toute commande, tout ordre, Snorri l’entend comme une entrave à sa liberté. Pourtant il se donne sans cesse des « conseils poétiques » dont certains font penser aux professions de foi de Rimbaud dans les « Lettres du Voyant 29 ». Quand l’étrange personnage Arminius supplie les témoins de la scène de querelle (fatidique, d’après la vieille histoire) entre Brunhild et Kriemhild (scène 11) de se boucher les oreilles, Snorri répond immédiatement  : « Tu demandes à l’oiseau de s’arracher les ailes 30 ». Je rappelle que le pronom de la troisième personne au pluriel féminin « elles » est toujours de façon visible ou invisible accouplé au mot « ailes » chez Cixous 31. La réponse de Snorri montre, d’ailleurs, à quel point il est « entortillé », « tordu », « bizarre » et « divisé », pour emprunter son propre vocabulaire 32. Il a hérité des héros grecs son être contradictoire ; il est autonome et irresponsable, coupable et pourtant innocent, lucide en même temps qu’aveugle. Le poète est constamment dans la nécessité, une nécessité sans dette. Il doit travailler pour « éviter le malheur 33 » mais, en même temps, il doit rester tout oreilles pour capter les cris des passions, qu’elles disent des paroles de mort ou des paroles de vie.

Pourquoi Snorri n’obéit-il pas au chevalier ? Se peut-il qu’il soit pris dans la toile venimeuse d’Edda qui, elle, interprète les outrages de Kriemhild et de Brunhild comme l’accomplissement naturel de ses visions apocalyptiques ? Ou a-t-il été emporté par le « fleuve Fatalité 34 » ? Ou y a-t-il une autre musique qui l’enchante ? Snorri désire, en tout cas, entendre le secret : « L’histoire s’emballe ! La fin s’approche ! La terre va mettre à bas ses secrets », et, tout excité, il se justifie en ayant recours à ce qu’il pense être le devoir du poète : « Mon devoir est d’assister aux accouchements terribles 35 ! » Ce devoir est-il, en fin de compte, celui de la poésie (délivrance, génération) ou celui que lui ont inculqué les dieux ? Ni Snorri ni Edda n’ayant l’air de vouloir obéir, Arminius demande aux « vents secourables » de venir « couvrir [l]es paroles de mort » qui passent entre Brunhild et Kriemhild. L’univers de la pièce est loin d’être plat, il est soulevé ; le merveilleux ou les forces cosmiques sont toujours à portée de main. Et les dieux ne sont pas les seuls à en être crédités. Ces vents salubres interrompent la chute et sauvent – pour l’instant – les personnages du flot de la fatalité. Tandis qu’Edda se croyait dans la représentation fidèle de sa tapisserie, le poète et le juif ont regardé à travers ces clairevoies, entre les « barreaux glacés 36 » de l’ancienne querelle. Ces deux derniers ont cru « entendre passer entre ces femmes une obscure musique de compassion 37 ». L’« oreille » de Barout et de Snorri semble se distinguer de celle des autres personnages. Ont-ils l’« oreille du poète », « l’oreille du dedans » dont Heidegger a parlé dans une lecture de Hölderlin ? Celle qui « se tient ferme auprès de l’origine dont il [le poète] a la passion » ? L’oreille du poète est tendue vers l’« origine » de l’histoire, sa musique transitive, l’aimance 38.

« L’oreille du dedans, écrit Derrida dans Politiques de l´amitié, se tient et reste ferme parce qu’elle entend ce qui se tient et consiste par-delà la contingence. Cette oreille est poétique (dichtende) parce qu’elle entend par avance cela même qu’elle fait jaillir. Elle donne elle-même à entendre ce qu’elle entend 39 ». Un peu plus loin, il note à propos du texte de Heidegger ; Was ist das – die Philosophie : « Or Heidegger y nomme « l’oreille du dedans » pour définir l’écoute du poète qui, à la différence du commun des mortels et des dieux, se tient fermement auprès de l’origine : de l’origine en tant qu’elle est et telle qu’elle est 40 ». Derrida poursuit ensuite son commentaire en disant : « nous sommes des mortels qui ne pouvons ni ne voulons entendre et qui voulons plutôt rester dans la surdité du Uberhören. Nous ne sommes pas des dieux, ni à ce point des philosophes encore. Mais nous devrions être donc plutôt du côté des poètes qui se tiennent fermes près de l’origine de ce qui « est » (ist) et l’entendent, transitivement, en poètes. […]  L’aimance serait cette transitivité de l’être dans laquelle, au plus près de la symphonie, l’un se rassemble et se recueille, l’un l’autre se disent l’aimance 41 ». Cette musique ouvre donc sur la possibilité d’autres traits ou accents que ceux « de la haine d’elle » que Cixous dit, dans Rêve, je te dis, découvrir dans la tapisserie du rêve après une nuit passée avec Haendel 42. L’homonymie fait ici encore gagner de la vitesse à l’écriture qui se double sur place : Haendel haine d’elle – haine d’aile 43.

Ce qui se prépare ici c´est véritablement une histoire qu´on aura rarement connue, puisque comme le note Derrida dans Politiques de l´amitié, elle peine à se défaire de la possibilité d´une fraternisation :

 

La patriarchie peut comprendre les cousins et les sœurs mais […] comprendre peut aussi vouloir dire neutraliser. Comprendre peut commander par exemple, d’oublier par exemple, avec « la meilleure intention du monde » que la sœur ne fournira jamais un exemple docile pour le concept de fraternité. […]. C’est pourquoi on veut le rendre docile et c’est toute l’éducation politique […] Le patriarcat n’en finit jamais de commencer par [le rêve de sa fin]. Au principe toujours l’Un se fait violence et se garde de l’autre  44.

 

L’histoire pour Cixous, c’est du théâtre, une scène, mais la scène de l’histoire n’est pas traditionnellement celle des femmes. Ces dernières ont été réduites à la place du spectateur : « confinées à la passivité, à être la domestique du transformateur », dit Cixous dans un entretien, « et, quand on demande à la femme de prendre place dans cette représentation, on lui demande bien sûr de représenter le désir de l’homme 45 ». Les insultes qu’échangent les reines sont en effet, dans la « version » qu’en donne Hélène Cixous, d’une grande ambiguïté. Citant son « ancien moi », Brunhild commence par son argument de toujours, c’est-à-dire par la question de préséance ; Kriemhild s’est mésalliée puisqu’elle a épousé le serf de Gunther. Mais Kriemhild sort tout de suite de cette ancienne scène. Elle entend « cerf » au lieu de « serf » et prend l’accusation pour une « plaisanterie de forêt ». Même si Brunhild explique qu’elle disait « serf avec un S », Kriemhild refuse toujours de jouer son ancien rôle : « C’est tout ce que vous avez trouvé pour ne pas dire la vérité ? » dit-elle 46. Cette « vérité » semble être celle de l’histoire d’avant l’oubli ou, autrement dit, de la jalousie de Brunhild abandonnée, délaissée, par Sigfrid/Sigfried. La suite de la querelle prendra un tour nouveau. Il s’agira moins de jalousies amoureuses ou de préséances que de leurs propres corps et de l’amour qu’elles avaient/ont l’une pour l’autre. Il y aurait donc une autre histoire d’avant l’oubli ? Les reines vont échanger des insultes mais, paradoxalement, en y prenant du plaisir ; Kriemhild : « Continuons jusqu’à la mort » ; Brunhild : « Voici qui est inattendu : vous me faites du bien 47 ». Cette scène sérieuse est pimentée avec beaucoup d’humour. Les cris de la « dame aux quatre deuils », qui a fait un voyage entre les textes puisqu’elle vient d’un lai de Marie de France 48, viendront se mêler à ce concert. Et elles vont alors se crêper le chignon sur le point de savoir laquelle doit aller la consoler – jusqu’à ce qu’Arminius appelle les vents. Hélène Cixous déterre des voix féminines sanctionnées et enfouies dans les textes de la tradition et les laisse parler entre elles.

Cette scène est le prélude de la scène 12 (scène qu’Edda dit ne pas connaître !) où les deux reines se pardonnent et font une sorte de serment de « sœurité » – Brunhild donne son « anneau » à Kriemhild. L’anneau n’a donc jamais quitté le doigt de Brunhild dans la pièce tandis que dans la légende, où il est un symbole du sexe féminin, il circule de Brunhild à Kriemhild mais à travers Siegfried. Dans la pièce, le « chant empoisonné » qui dit l’ancien amour enflammé joue un rôle similaire à celui de l’anneau légendaire (voir scène 10). La « musique de compassion » que le juif et le poète croient entendre entre les deux reines a peut-être comme racine cet « état d’invasion mutuelle » qu’elles vivent 49 ; l’une donnée à l’autre, l’autre déposée dans l’une. Après être passées par les mains d’Hélène Cixous, les reines se sont en quelque sorte contaminées, leur sang a été mêlé. Kriemhild le dit elle-même dans la scène de pardon où elles se (re)mettent à s’aimer entre-elles, où elles changent d’« économie » – sortent de l’ancienne scène de rivalité entre femmes comme si elles s’étaient soudainement rendu compte d’une erreur :

 

Unies, confondues, mélangées, perdues, l’une dans l’autre, l’une par l’autre, blessées, indémêlables, douleur et douceur enchevêtrées, tout ce que je pense de vous vous le pensez de moi ; je sens que, me haïr, vous n’y parvenez pas et par-delà les brumes et les passions, Brunhild est ma sœur  50. (Kriemhild)

 

Pour revenir aux oreilles : contrairement au poète et au juif, l’antique Edda a une antique oreille. Elle n’est pas encore prête à abdiquer : « Compassion ! Compères, vous avez entendu de travers. J’ai tout vu, j’ai tout entendu 51 ». Momentanément emporté par la « vérité » qui passait et repassait entre les deux dames, le poète doit maintenant remplir son devoir, sa tâche sérieuse : faire/écrire une autre « version » de l’histoire. Il doit poursuivre sa course. Il déclare à « la mère des faits passés 52 » : « Votre version, je la refuse. Deux reines jetées l’une contre l’autre les yeux bandés, cette histoire, je m’y oppose. Si je laisse dérouler votre fil cela fera du mal à toute l’humanité 53 ». Nous découvrons l’ombre d’une autre amitié dans sa relecture de la légende – par « une force inconnue » les âmes des deux dames se sépar-unissent. Le séparé est réuni mais en tant que séparé, telle la fourmi, cet animal à anneaux dont Hélène Cixous et Jacques Derrida parlent en même temps que de la différence sexuelle, cet invertébré qui est différencié sans être « dissocié, séparé mais (et) non séparé, coupé mais aussitôt réparé 54 » :

 

Je le sais, je le sens. Ce qui nous unit nous sépare, ce qui nous sépare nous unit. Je ne sais quand, je ne sais où, une force inconnue a noué les fils qui commandent les mouvements de nos âmes […] Tout ce que vous pensez de moi je le pense de vous. Belle reine, acceptez cet anneau. Je ne tiens à rien d’autre au monde comme lui  55. (Brunhild)

 

Sigfrid assassiné, l’histoire risque de basculer dans l’interminable cycle de vengeances programmées par les dieux. Le danger, c’est que Kriemhild a emprunté les accents tragiques d’une Juliette : « Non, Sigfrid, cette histoire n’est pas finie. Je la mènerai jusqu’à son terme de sang. Écoute Sigfrid pour moi un seul amour une seule haine 56 » (Kriemhild) (« My only love sprung from my only hate », Romeo and Juliet). Malgré la liste sans fin de massacres et de morts que les dieux promettent en son honneur, Sigfrid « renonce 57 » (Sigfrid). Vivant, invulnérable et immortel, Sigfrid n’était pas de ce monde. Mort, il est enfin vivant, humain ; il s’aligne avec les autres. Il est l’« assassiné assez fort » nécessaire au récit recommencé de Snorri : « Il faut un homme qui ne soit pas vengé. Il faut un homme qui porte tout le poids de la solitude et de l’injustice 58 » (Snorri). Cependant Kriemhild chevauche vers « l’Orient Vengeur 59 » (Edda). Seule la neige peut l’arrêter.

A l’appel de Snorri, la neige tombe (comme la manne 60) sur le désert. Cette neige pourrait évoquer le Fimbulvetr (« Grand Hiver 61 ») de la mythologie nordique qui marque le commencement (ou la fin) du Ragnarok (« Crépuscule des dieux »). Mais contrairement à la neige gelée du Grand Hiver qui annonce et suit les combats horribles des frères et des pères, la neige de la pièce est chaude et douce – « ces flocons sont si doux, comme s’ils avaient des sentiments 62 ! » (Voix de Kriemhild) ; elle est tout de suite promesse.

 

Conclusion

Pour Virginia Woolf, la culture dominante n’a pas rendu compte de l’amitié entre femmes parce que ce sont les hommes qui ont décrété ce qu’il est important de retenir. Avoir une conscience politique, pour elle, c’est dire la vérité, vivre différemment et être marginale. Dans Une chambre à soi, elle souligne que la littérature montre presque exclusivement les femmes dans les rapports qu’elles entretiennent avec les hommes, alors que ces rapports ne constituent qu’une toute petite partie de leur vie. Elle considère l’expression de l’amitié et de l’amour entre femmes dans la littérature comme une véritable révolution : « Chloé aimait Olivia, ai-je lu. Et je fus alors frappée de l’immense changement que ce fait représente. Pour la première fois peut-être dans la littérature, Chloé aime Olivia 63 ». Adrienne Rich, pour sa part, ne s’y est pas trompée, quand, dans son mot d’ordre aux femmes les enjoignant d’être « déloyales envers la civilisation », elle cite et développe le concept de Woolf sur la « libération des loyautés irréelles ». Pour Rich, ce sont les valeurs d’une société contrôlée par les hommes que les femmes doivent désavouer et défier, au lieu de les déifier, et ce dans l’intérêt de la liberté, de l’égalité et de la paix 64 ».

Grâce à la manifestation non entravée de l’oubli (de l’oubli comme « force de bouleversement et de rénovation 65 », non de l’oubli comme absence ou manque), un a(d)venir autre et différent s’ouvre dans L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais). Le Final d’Hélène Cixous ne ressemble en rien à la conclusion de la Tétralogie de Wagner qui s’achève sur le crépuscule des dieux et sur 1’assombrissement des destinées humaines : une note tragique sans espoir. Neige enflammée – la vie est née au contact du chaud et du froid, dit Snorri Sturluson dans son Edda 66. Le volcan sur lequel l’Histoire était assise explose. Le feu et la neige se rejoignent : le « Qu’il est beau cet amour tout entouré de neige » d’Edda 67 appelle le « Que j’aime cet amour tout entouré de feu 68 » de Kriemhild dans la scène 4. Les « voix » des dieux de la première scène se sont tues, les « voix » de l’amour, de l’embra(s)sement, résonnent dans les neiges. Les personnages peuvent accueillir l’infini de la vie sans guerre, sans vengeances, et sans haines. Snorri reprend le rôle du conteur, magicien, metteur en scène :

 

Que tu es belle, neige de Brunhild, que tes vents sont généreux, tes larmes sont si douces sur les égarés, douces sur les oubliés. Que tu es belle, tempête de Brunhild. Va, enveloppe Kriemhild dans tes grands voiles amoureux. Garde-la. Fais crouler sa colère sous ton pas tout-puissant, efface les chemins qui promettent la ruine, ferme les portes du sang devant elle  69. (Voix de Snorri)

 

L’antique deuil de Brunhild est transformé ; ses larmes se sont changées en flocons de neige et se répandent sur l’univers 70. Cette transformation est une sorte de purification, d’élévation. La douleur de Brunhild n’aura pas comme suite naturelle la vengeance mais l’épuration régénératrice dans/de la neige. Son acquiescement à l’oubli est du côté de la vie, de la création, de l’autre histoire.

C’est l’« Œuvre » qui a le dernier mot : « C’est une tragédie », dit-elle 71. Du fait qu’elle est située à la fin de la pièce, cette réplique d’Edda peut être entendue de deux façons. Le démonstratif « ce » renvoie soit à la réplique de Snorri qui précède (« Personne ne racontera jamais notre histoire ») soit à la pièce elle-même en tant que remarque réflexive de 1’« Œuvre » sur l’œuvre 72. Snorri et Edda regrettent, certes, que l’autre histoire, celle qui aurait pu être racontée, ne le soit pas. Reste qu’elle aura été racontée par Hélène Cixous dans L´Histoire (qu´on ne connaîtra jamais) lorsque le personnage Edda prononce le verdict final de la pièce. Le fil de l’histoire est aussitôt repris et la tapisserie relancée… La fin renvoie à un nouveau commencement. Le commentaire d’Edda sur le tragique à la fin de la pièce reprend aussi un autre fil qui s’est entremêlé à la texture de la pièce de façon plus ou moins perceptible, celui de l’holocauste – personne ne survit pour témoigner pour le témoin.

 

  1. Jacques Derrida, Politiques de l’amitié, Paris, Éditions Galilée, 1994.
  2. Ibid., p. 164.
  3. Ibid., p. 23 et p. 88.
  4. Ibid., p. 23 et p. 88.
  5. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), Paris, Des Femmes, 1994. Mise en scène par Daniel Mesguich, directeur de (La Métaphore), Théâtre National Lille Tourcoing, région Nord/Pas-de-Calais.
  6. Cixous nous a appris dans ses articles des années soixante-dix à entendre « mâle » sous le mot « mal ». On croit connaître l´histoire des Nibelungen parce que Wagner en a tiré ce que l’on sait. Dans des entretiens donnés aux journaux à l’occasion de la première, Daniel Mesguich, qui avait déjà monté la tétralogie de Wagner, précise que ce dernier aurait redécouvert la saga scandinave : « Nous avons, dit-il, une image faussée par Wagner qui a puisé dans cette légende pour donner la Tétralogie, malheureusement exploitée par les nazis ». Marion Thébaud, « Un Homère scandinave pour Hélène Cixous », Le Figaro, 5 mai 1994. Il est impossible, dit-il dans un autre entretien, d’entendre des noms tels que Siegfried sans penser à Wagner. Pourtant, Hélène a choisi, dit-il, de traverser Wagner sans s’en préoccuper : « Ella a ignoré Wagner. Elle a choisi un autre moment dans la chanson des Nibelungen que la tétralogie de Wagner [...] le livret du « Ring der Nibelungen ». Bruno Peuchamiel, « La complication est le plus simple », L’Humanité, le 12 mai 1994.
  7. Dans une de ses fictions, Cixous écrit : « Relire, c'est-à-dire lire, c’est-à-dire ressusciter-effacer c'est-à-dire oublire ». Hélène Cixous, Or, Les lettres de mon père (Paris : Des Femmes, 1997), p. 16. L’auteur souligne.
  8. Sous « revirements» Cixous fait entendre « rêvirement ». Cf son livre Revirements dans l´antartique du coeur, Paris, Galilée, 2011.
  9. Après avoir noté que l’« entredeux » travaille toujours dans le passage, Cixous dit, dans son livre Photos de racines : « Pourquoi je dis : « de l’une à l’autre » ? Si je restais dans le cadre de la pratique sage de la langue française, je dirais : « de l’un à l’autre ». L’expression consacrée m’a toujours irritée. Cela aussi fait partie de mon travail : d’être irritée comme la peau est irritée, par le côté entêté, désuet, d’un nombre de locutions idiomatiques qui ne sont pas interrogées et qui nous font la loi. Avec « de l’un à l’autre », on expulse le féminin – puisqu´aucun des deux éléments de l’ensemble ne porte la marque incontestable du féminin. Je préfère donc dire : de l’une à l’autre […] Mais c’est aussi pour jouer, j’ai écrit : de lune à l’autre. C’est un jeu mais sérieux. » Mireille Calle-Gruber, Hélène Cixous, photos de racines, Paris, Des Femmes, 1994, pp. 19–20. L’auteur souligne.
  10. Claudine Guégan Fisher parle de ce symbolisme des mains dans son livre La Cosmogonie d’Hélène Cixous dans sa lecture des Révolutions pour plus d’un Faust où la main droite de Moïse prend une très grande importance – étant la main dominatrice, régnante. Claudine Guégan Fisher, La Cosmogonie d’Hélène Cixous, Amsterdam, Rodopi, 1988, p. 192.
  11. Les fourmis jouent un rôle dans cette pièce comme dans de nombreux autres textes d’Hélène Cixous (voir notre premier chapitre de la première partie). Edda, la grand-mère de l’écriture, est en même temps la commandante en chef d’une « armée de fourmis ». Cf. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 92.
  12. Snorri lui-même fait cette remarque dans la scène d´exposition. Voir Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 13.
  13. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 42.
  14. Cette expression, nous l’empruntons à Hélène Cixous, Parties, Paris, Des femmes, 1976, p. 9.
  15. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 15. C’est l’auteur qui souligne.
  16. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 13.
  17. Dans un entretien récent, Hélène Cixous utilise ces mots pour décrire sa pratique de l’écriture : « Je ne me sens en train d’écrire que si la langue me parle, et si je lui réponds à côté, de travers ou par dessus ». Aliocha Wald Lasowski (propos recueillis par), « Hélène Cixous ‘J’écris à la force du rêve’ », Le Magazine Littéraire, octobre 2008, no. 479 p. 91.
  18. Helga Kress, Máttugar Meyjar, Íslensk fornbókmenntasaga (Reykjavik : Haskólútgáfan, 1993), pp. 22–24.
  19. Cf. Régis Boyer, « Une mythologie de poètes », L’Edda poétique, Paris : Fayard, coll. « Espace intérieur », 1992, p. 71.
  20. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 85.
  21. Voir la note 7, ci-dessus.
  22. Cf. la pensée de Derrida sur la déconstruction.
  23. Cf. l’affiche qui a été réalisée par le théâtre de la Métaphore. Elle se présente comme un tableau déchiré ou qui aurait été coupé. On voit au premier plan de petits soldats de plomb s’enfoncer dans une bataille sous un ciel lourd et sombre et un livre rouge (L’Edda?) presque recouvert par le sable. Derrière, là où le tableau s’ouvre, on voit le visage d’une femme et un ciel calme et serein.
  24. Propos recueillis par Est Eclair, le 25 avril 1994.
  25. Annie Coppermann, « Baroques Nibelungen. L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais) d’Hélène Cixous », Les Échos, 16 mai, 1994.
  26. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 116.
  27. Ibid., p. 119.
  28. Ibid., p. 143.
  29. Arthur Rimbaud, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « De la Pléiade », 2009, pp. 248–254 : « J’assiste à l’éclosion de ma pensée », « [Le poète] est chargé de l’humanité, des animaux mêmes […] ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme ; si c’est informe, il donne de l’informe », etc.
  30. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 113.
  31. Dans « Sorties », elle écrit : « Ce n’est pas un hasard si « voler » se joue entre deux vols, jouissant de l’un et l’autre et déroutant les agents du sens. Ce n’est pas un hasard : la femme tient de l’oiseau et du voleur comme le voleur tient de la femme et de l’oiseau : illes passent, illes filent, illes jouissent de brouiller l’ordre de l’espace ».
  32. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 13.
  33. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 113.
  34. Ibid., p. 115.
  35. Ibid., p. 113.
  36. La voix narrative de Déluge se donne un très beau conseil : « Et ne pas écrire seulement le front pressé contre les barreaux glacés, le cœur tête en bas, parce qu’il y a, entre les barreaux les fleurs. » Cf. Hélène Cixous, Déluge, Paris, Des Femmes, 1992, p. 37.
  37. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 114.
  38. Nous citons la lecture de Derrida de Heidegger. Le séminaire de Heidegger dont il est question est celui de 1934-1935 où il consacre quelques pages au Rhin de Hölderlin. Jacques Derrida, Politiques de l’amitié, op. cit., pp. 375–376. Un peu plus loin dans le même livre, Derrida note à propos du texte de Heidegger ; Was ist das – die Philosophie ?
  39. Jacques Derrida, Politiques de l’amitié, op. cit., pp. 375–376.
  40. Ibid. p. 376. C’est l’auteur qui souligne.
  41. Ibid., p. 381.
  42. Hélène Cixous, Rêve, je te dis, Paris : Galilée, 2003, p. 12.
  43. « L’homonymie fait gagner de la vitesse à l’écriture », note Jacques Derrida dans un de ces textes sur Cixous. Voir « H.C. pour la vie, c’est-à-dire », in Mireille Calle-Gruber, Hélène Cixous, croisées d’une œuvre, Paris, Galilée, 2000, p. 15.
  44. Ibid., p. 13. C’est Derrida qui souligne.
  45. Françaois van Rossum-Guyon, Le cœur critique, in Françoise van Rossum–Guyon, Le cœur critique. Butor, Simon, Kristeva, Cixous, Amsterdam, Rodopi, 1997, p. 208.
  46. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 109.
  47. Ibid., p. 111.
  48. Hélène Cixous n’oublie pas d’accueillir dans son voyage à travers des textes du Moyen Age, cette femme à plume qui n’a voulu ni « se taire ni se cacher » / « ne s’en deit taisir ne celer ». Lais de Marie de France, traduits, présentés et annotés par Laurence Harf-Lancner, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Lettres Gothiques », 1990, p. 23. Le lai en question a deux titres qu’il ne fait qu’expliquer. Il s’appelle d’une part « Les quatre deuils » du point de vue de la dame qui a perdu en apparence trois de ses quatre amants mais en vérité tous les quatre. Et d’autre part « Le malheureux » du point du vue du malheureux chevalier qui a survécu au tournoi mais que ses blessures empêchent de jouir de l’amour de sa dame.
  49. Cf. « Notre drame c’est que nous vivons en état d’invasion mutuelle. » Phrase empruntée à Hélène Cixous, Le livre de Promethea, Paris, Gallimard, 1983, pp. 67–68. La « confusion » des deux reines fait en effet penser à l’identification intense, au mouvement incessant, entre les instances de cette fiction de Cixous.
  50. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais),op. cit., p. 125.
  51. Ibid., p. 115.
  52. Ibid., p. 114.
  53. Ibid., p. 115.
  54. Cf. Le terme d’Hélène Cixous « sépar-uni » et le texte « Fourmis » de Jacques Derrida, Lectures de la différence sexuelle, op. cit. Voir aussi, Photos de racines, pp. 125–127 où Derrida note à propos de « tous les deux » : « ce qui rend inséparable tous les deux comprend aussi la séparation qui les unit, l’expérience de l’éloignement ou de l’inaccessibilité qui les conjoint encore. », p. 127.
  55. Hélène Cixous, L’Histoire (qu´on ne connaîtra jamais),op. cit., p. 125.
  56. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 173.
  57. Ibid., p. 181.
  58. Ibid., p. 181.
  59. Ibid., p. 181.
  60. La « manne » est une image récurrente dans l’œuvre d’Hélène Cixous. Notamment dans Manne aux Mandelstams aux Mandelas, Paris, Des Femmes, 1988. Ce signifiant comporte plusieurs sens mais Hélène Cixous insiste sur celui de la nourriture, d’une nourriture céleste provenant du ciel terrestre (comme elle le précise elle-même dans l’entretien « Poésie e(s)t politique. Hélène Cixous » in Françoise van Rossum–Guyon, Le cœur critique. Butor, Simon, Kristeva, Cixous, op. cit., p. 215. La nourriture renvoie dans l’œuvre cixousienne à la dépense, au don et à la jouissance.
  61. Cf. Snorri Sturluson, Edda ; Récits de mythologie nordique, traduit du vieil islandais introduit et annoté par François-Xavier Dillmann, Paris, Gallimard, 1991.
  62. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 182.
  63. Virginia Woolf, Une chambre à soi, Denoël, Paris : 1977, p. 123. Trad. Clara Malraux [première publication : Éditions Gonthier, 1951]. Texte publié initialement sous le titre A Room of One´s Own en 1929.
  64. Adrienne Rich, On Lies, Secrets and Silence. Selected Prose, 1966-1978, Londres, Virago, 1980, pages 275-310.
  65. cf. Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, I., 2000, p. 514. Trad. de l'allemand par Pierre Rusch.
  66. Cf. Snorri Sturluson, L’Edda ; Récits de mythologie nordique, op. cit., p. 34 : « Lorsque le souffle d’air brûlant rencontra le givre, celui-ci se mit à fondre et dégoutta. De ces gouttes ruisselantes jaillit alors la vie sous l’action de la source de chaleur, et une forme humaine apparut. »
  67. Hélène Cixous, L’Histoire (qu’on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 183.
  68. Ibid., p. 50.
  69. Ibid., p. 183.
  70. Ibid., voir Snorri p. 146.
  71. Hélène Cixous, L’Histoire (qu´on ne connaîtra jamais), op. cit., p. 185.
  72. Dans sa fiction Beethoven à jamais ou l’existence de Dieu, Paris : Des femmes, 1993, il s´agit aussi de faire le récit d´une histoire qui n´aurait jamais été écrite : « Le Secret – nous ne l´avons pas. Il nous est. Une foi. Nous le sommes. Jusqu´au jour, à l´instant, où un Trou Un peu plus j´y restais. Personne n´aurait jamais écrit notre histoire », p. 18. C´est Cixous qui omet de mettre le point après le mot « Trou ».