Les nourritures animées d’Hayao Miyazaki. Une analyse philosophique de l’esthétique du <em>washoku</em> et ses représentations animées

Les nourritures animées d’Hayao Miyazaki. Une analyse philosophique de l’esthétique du washoku et ses représentations animées

Par GANIER Apolline
Illustration : Manon Inderbitzin

De mai 2017 à novembre 2018, le Musée Ghibli a accueilli l’exposition Taberu wo kaku 1 ou « dessiner la nourriture ». Goro Miyazaki a conçu l’évènement en partenariat avec Nisshin Seifun et Marubeni Power Retail Corporation (Ghibli Museum, Mitaka). L’exposition a fait découvrir les coulisses de l’animation et de la représentation du washoku, l’art de la cuisine japonaise, au sein des productions Ghibli, notamment les réalisations d’Hayao Miyazaki. Ainsi, les visiteurs ont pu déambuler dans une scénographie proposant des reconstitutions de scènes mobilisant le washoku comme celle du toast du Château dans le ciel, l’onigiri du Voyage de Chihiro ou encore la cuisine du Château ambulant. Le musée a également exposé des croquis originaux représentant du washoku ainsi que des explications sur les techniques d’animation et leurs effets narratifs lors de ces scènes de cuisine ou de prises de repas. Le studio Ghibli est en effet reconnu pour son sens du détail dans les représentations de quotidiens allant de la mise en scène d’une simple tranche de pain partagée entre Pazu et Sheeta dans le Château dans le ciel, en passant par l’onigiri qu’Haku offre à Chihiro, ou encore la représentation d’une scène de cuisine collective où Hauru prépare des œufs et du bacon pour Sophie et Marco dans Le Château ambulant. Ces scènes marquent les spectateurs et les communautés de fans. Pourtant, les plats exposés sont plutôt ordinaires, mais c’est leur signifiant qui les rend particuliers au regard de la narration. À travers la nourriture Pazu et Sheeta se rapprochent, Chihiro retrouve son courage et des rapports familiaux se tissent dans la cuisine du Château ambulant. Le washoku est au cœur d’un ensemble de procédés discursifs mobilisant l’art du récit au service d’une argumentation. En outre, cette dramatisation de la nourriture et sa consommation sont le fruit d’un travail esthétique et de mise en scène résultant d’une animation de qualité. Cette animation transmet des notions de plaisir gustatif ou de plaisir à être dans un collectif. De plus, représenter la nourriture c’est aussi représenter la culture et l’Histoire et cela demande des connaissances relatives aux traditions japonaises afin de créer des images riches de sens et de détails. À la lumière de cette exposition et des éléments d’explication avancés concernant l’animation du washoku et son importance narrative, nous pouvons nous demander en quoi les nourritures animées d’Hayao Miyazaki exploitent l’esthétique du washoku et ses significations philosophiques. Afin de répondre, nous verrons tout d’abord ce que signifie le concept de washoku dans la culture japonaise. Puis, nous traiterons du washoku en tant qu’élément sémiotique de la narration des anime de Miyazaki. Enfin, nous explorerons la dimension philosophique et morale de l’esthétique du washoku et ses représentations animées chez Miyazaki.

 

Le washoku et ses représentations : des marqueurs de la culture japonaise

Au sein de la filmographie de Miyazaki, ne figurent pas uniquement des plats simples, mais aussi des façons de cuisiner et des prises de repas dans des contextes variés. C’est un véritable spectrum de la culture culinaire japonaise ou washoku qui est représenté, allant du nihon ryori en passant par le yoshoku :

 

Les films de Miyazaki présentent, sans surprise, bon nombre de ces éléments ; de la collation industrielle sur le pouce aux tartinades élaborées offertes lors des soirées mondaines, si c’est comestible, cette nourriture est imprégnée d’une capacité surnaturelle à vous faire envie  2. (Keng Dam)

 

En 2013, le washoku est classé au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO (Cwiertka 89). L’inscription de cette pratique culturelle a transformé son sens et son emploi. Avant son classement par l’UNESCO, ce nom commun désignait une nourriture japonaise, mais depuis 2013, il définit la culture culinaire traditionnelle japonaise (90). Cette inscription par l’UNESCO a mis en lumière le washoku bien au-delà des frontières du Japon (90). En effet, depuis cette date il connait une meilleure exposition au niveau international et plus particulièrement dans les médias anglophones (90). En 2014, le New York Times mentionne le terme à quatre reprises, c’est plus d’occurrences qu’en dix ans. L’engouement pour le washoku est encore plus important au Japon, que ce soit dans les médias d’une part avec le journal Asahi Shinbun qui réalise 66 articles à son sujet en 2014 contre 9 en 2004. D’autre part, le monde de l’édition y accorde davantage de place avec la publication de 128 livres entre 2014 et 2015 par le National Diet Library (90).

Selon la définition de l’UNESCO, le washoku désigne l’ensemble des concepts et pratiques culturelles suivants :

 

Une pratique sociale basée sur un ensemble complet de compétences, connaissances, pratiques et traditions relevant de la production, de la transformation, de la préparation et de la consommation de nourritures. Elle est associée à un esprit essentiel de respect pour la nature étroitement lié à un usage durable des ressources naturelles ,3. (Cwiertka 91)

 

Avant l’inscription par l’UNESCO, l’ancienne définition du washoku renvoyait à la cuisine ou au repas japonais (Cwiertka 91), et elle était également interchangeable avec le concept de « nihon ryori ». Si le washoku désignait le repas (Masuda 1225) ou la cuisine du quotidien faite maison (Shibata et Yamada 1042), le nihon ryori désignait les plats (Masuda 1225) dont ceux servis en restaurant (Shibata et Yamada 1042). Dorénavant, la définition de l’UNESCO fait la distinction entre les deux termes (Cwiertka 91). Pourtant, le mot « washoku » est récent, et ce dernier reste un néologisme bien qu’associé à la tradition comme le nihon ryori (Rath 2). Créé au XIXe siècle durant la période Meiji (1868-1912), le préfixe wa- émerge avec l’ouverture du Japon à l’occident. « Les objets du quotidien tels que la nourriture et les vêtements, qui n’avaient précédemment pas requis d’appellations particulières, devaient dorénavant être spécifiés en tant que japonais ou occidentaux 4 » (Cwiertka 92). Les termes washoku et nihon ryori sont apparus en réponse à la présence grandissante de la cuisine chinoise (Rath 2) et au phénomène du yoshoku, le préfixe yo- annonçant une origine occidentale (Cwiertka 92). Les préfixes wa- ou nihon- renvoient au Japon, le terme shoku peut être traduit par manger, repas ou nourriture et enfin ryori par cuisine ou plat préparé. Il existe peu d’informations sur l’usage historique de l’étymologie du washoku. Le nom commun apparait pour la première fois dans le dictionnaire Nihongo daijiten en 1981 (92). Avant 1981, le mot ne connotait pas un repas préparé à la maison mais plutôt une nourriture consommée au restaurant (92). Il existe une raison historique derrière cette utilisation : le yoshoku était servi dans les restaurants comme objet de nouveauté, mais c’était également le cas pour le washoku. Du XIXe à la première moitié du XXe siècle, les deux mots indiquaient une cuisine de restaurant. En témoignent des menus des années 20 où les deux termes apparaissaient ensemble (93). En somme, il est possible d’affirmer qu’au cours du XXe siècle, le washoku faisait référence à la cuisine japonaise au sens large :

 

Le terme washoku n’était pas utilisé par les médias de masse pour qualifier une nourriture maison, mais pour désigner tous types de nourritures d’origine japonaise, des produits provenant de l’innovation et de la transformation industrielle, aux plats de banquets servis à la royauté  5. (Cwiertka 93)

 

Selon l’Agence pour les Affaires culturelles du Japon, le washoku est un élément de la culture japonaise qui répond à des critères particuliers dans sa pratique et dans les éléments qui le composent (Rath 2). Il demande des ingrédients frais et divers avec une emphase dans le choix et la qualité des produits où il faut respecter les saisons et les productions locales. En outre, la présentation compte car elle doit révéler leur beauté naturelle (2). Cet état d’esprit de respect de la nature est fondamental dans la culture japonaise qui se revendique comme étant en harmonie avec les saisons (2). Aujourd’hui, la cuisine japonaise renvoie à des attentes d’élégance, de rareté des produits et de style (2). Pourtant, historiquement, les populations avaient des repas monotones basés sur le riz. En effet, du début de la période moderne (1600-1800) à la première moitié du XXe siècle, 80 à 90 % de la population avait un régime alimentaire basé à 80% sur le riz, ce qui correspond à 3,5 fois la consommation moyenne d’un Japonais aujourd’hui (3). Le poisson et les légumes qui font la renommée de la gastronomie japonaise contemporaine n’entraient que rarement dans le régime traditionnel et ils n’étaient jamais servis à part (3). A la lumière de ces éléments de définition et ces apports historiques, il est possible d’affirmer que le washoku permet une plus grande inclusion en termes de pratiques culturelles que le nihon ryori, notamment la question du respect de la nature (une valeur non spécifique au Japon) (3). En définitive, le washoku offre une cuisine naturelle, de saison et locale. Elle est ouverte à une appréciation culturelle plus globale et libérée des conventions traditionnelles telles que les mets de choix :

 

Le washoku propose une perspective d’héritage culturel plus large que le sushi, tempura et sashimi – le triumvirat de la cuisine japonaise moderne – et qui constitue la passerelle principale que beaucoup d’étrangers au Japon entretiennent avec la culture diététique du pays  6. (Rath 3)

 

Si les films de Miyazaki transcendent les frontières entre fantastique et traditions, ils font de la représentation de la nourriture un marqueur culturel car le washoku est lié à des pratiques sociales traditionnelles. En tant que marqueur d’identité, il possède un rôle symbolique (Cafolla). Dans Le Voyage de Chihiro, la nourriture devient un ancrage spatial et identitaire pour Chihiro. Pour rester dans le monde des esprits, elle doit manger leur nourriture sinon elle risque de disparaitre (Miyazaki 15:26) en devenant littéralement l’ombre d’elle-même et par conséquent en perdant son identité. En outre, le washoku revendique aussi une importance particulière pour les produits frais (Cafolla). Cette spécificité évoquée précédemment est aussi représentée par Miyazaki notamment dans les scènes de marchés avec ses étales de nourriture comme dans Le Château ambulant (Miyazaki 44:04). Le washoku est aussi une forme d’art (Cafolla) dont le spectateur a un aperçu dans Le Voyage de Chihiro avec le dressage gastronomique des plats appelés moritsuke (Miyazaki 31:15). En somme, comprendre le washoku revient à comprendre les nourritures animées de Miyazaki (Maher). Des nourritures élaborées ou simples qui s’inscrivent dans l’Histoire et la géographie du Japon (Maher). Les plats traditionnels étaient simples car le sol était pauvre. De plus, l’influence du bouddhisme a également marqué les pratiques culinaires minimalistes. Le porridge de riz (okayu), un repas traditionnellement consommé par les moines, aperçu dans Princesse Mononoké en est un exemple (Miyazaki 17:10). Cette simplicité a favorisé la limitation du gaspillage alimentaire et les recettes où l’on utilise la totalité de l’ingrédient. Mais le washoku est plus que de la nourriture et des techniques culinaires. C’est aussi une philosophie avec des pratiques proches du rite appelées goshiki gomi goho (5 couleurs, 5 goûts, 5 façons de faire) qui sont autant de codes pour élaborer un repas harmonieux, satisfaisant et nourrissant.

 

Le washoku : un élément sémiotique de la narration chez Miyazaki

Miyazaki met en scène dans ses anime un éthos du washoku (Maher). En effet, le washoku qui est présent dans la vie quotidienne des personnages, possède des liens sémiotiques avec l’Histoire et la culture japonaises, même la plus triviale, mais aussi avec la progression de la narration (Maher). Dans Mon voisin Totoro, Satsuki prépare des bentos pour sa famille avec un dressage particulier (Miyazaki 25:54). Selon Elizabeth Andoh, l’umeboshi (prune au vinaigre) déposée au-dessus du riz cuit (okama) symbolise le drapeau du Japon (hino maru). Ce dressage est souvent associé aux années 60 et évoque un imaginaire pastoral en accord avec le décor de l’anime. De plus, dans Le Château dans le ciel (Maher), Sheeta prépare un nimono (un mijoté) (Miyazaki 1:11:25). Selon Tadashi Ono, le nimono est cuisiné traditionnellement dans un récipient au-dessus du feu et les gens se rassemblent autour de l’âtre et se servent directement. Ce plat suit la tradition du takidashi, des mijotés préparés à la suite de catastrophes naturelles ou lors des grands rassemblements. Ici, le grand rassemblement correspond au repas collectif de l’équipage pirate et, paradoxalement ce takidashi précède une catastrophe qui est celle de l’attaque de Musca contre le dirigeable. Enfin, dans Le Voyage de Chihiro (Maher) l’onigiri renvoie à un imaginaire de la période Showa (Miyazaki 49:36). Selon Elizabeth Andoh « tous ces éléments sont ordinaires dans le sens où ils sont particulièrement révélateurs de la culture culinaire et de la culture japonaise en général 7 » (Maher). Selon le studio Ghibli « les nourritures représentées ne sont pas particulièrement extraordinaires, elles apparaissent communément dans nos vies. Mais leurs représentations dans les films procèdent toujours d’un sens singulier 8 ». (Maher).

Ce sens singulier inscrit Miyazaki dans le courant pictural postmoderne du réalisme magique mettant en lumière la poésie et la beauté du quotidien à travers la nourriture (Keng Dam). L’approche narrative est riche de significations, appuyée par une animation détaillée qui fait la renommée du studio Ghibli :

 

Ce n’est un secret pour personne, Hayao Miyazaki a un penchant pour la nourriture et l’alimentation ainsi que leurs multiples dimensions ; en fait, par moments c’est impossible à ignorer  9. (Keng Dam)

 

Sa filmographie est parcourue de bentos, d’onigiris, de ramens, de viandes grillées, de produits de la mer et de desserts moelleux. Ces films capturent et incarnent un imaginaire culinaire idéalisé (Keng Dam). Les aliments sont colorés et bien calibrés, du soin et de l’attention sont portés aux produits par les protagonistes, les repas même les plus minimalistes sont exceptionnels malgré leur omniprésence dans le quotidien des Japonais (Keng Dam). Cela transforme la valeur sémiotique du simple onigiri dans Le Voyage de Chihiro et de l’okayu entre Ashitaka et Jiko dans Princesse Mononoké (Miyazaki 17:10), pourtant préparé au bord de la route avec quelques ingrédients autour du feu, en des nourritures extrêmement appétissantes et à forte charge symbolique et poétique (Keng Dam). Ces plats ne font pas envie qu’aux protagonistes humains, les créatures et les animaux fantastiques qui peuplent les univers cinématographiques de Miyazaki les apprécient également (Keng Dam). Gigi le chat se délecte de pancakes avec sa maitresse dans Kiki la petite sorcière (Miyazaki 1:16:35), les boules de suie adorent les konpeito (des bonbons) dans Le Voyage de Chihiro (29:07) et Ponyo dévore un morceau de jambon dans Ponyo sur la falaise (13:35).

Le studio Ghibli est conscient de la passion des spectateurs pour son animation de la nourriture. Elle met l’emphase sur les rapports entre cuisine et émotion et apporte du réalisme qui brise le quatrième mur. Selon Miyazaki, les animateurs « doivent fabriquer une vie qui parait si réelle […] [que] le monde représenté pourrait possiblement exister 10 » (Miyazaki). La suspension consentie de l’incrédulité et l’identification du spectateur augmentent avec notre appétit pour ces nourritures fictives et symboliques. On partage la tristesse de Kiki lorsqu’une tourte n’est pas au goût d’une des clientes (Miyazaki 1:00:02), on éprouve de l’empathie pour Chihiro qui mord dans un onigiri (49:48) alors qu’elle est démunie face à la métamorphose complète de ses parents, on s’émerveille de l’apaisement de Sans-visage qui déguste lentement une part de cake avec un thé chez Zeniba (1:49:53) :

 

Quand nous regardons les films de Miyazaki, nous sommes en immersion dans les rythmes de vies que nous n’avons jamais vécues et nous sommes en possession de palettes d’aliments que nous n’avons (parfois) jamais vu. […] En un sens, lorsque nous apprécions les films de Miyazaki et du Studio Ghibli, nous vivons (et mangeons !) le fantasme de la vie quotidienne  11. (Keng Dam)

 

L’univers créé par Miyazaki véhicule certaines valeurs comme le courage et l’honneur et le réalisateur veut nous les faire partager à travers les émotions des personnages. Les histoires transmettent des valeurs de cœur et aussi une passion culinaire où la nourriture est constitutive des univers fictionnels de Miyazaki (Cafolla).

Il est donc indispensable pour le studio d’affiner le processus technique d’animation des aliments et leur consommation. Afin de créer un monde culinaire, Miyazaki et son équipe maitrisent leur art par le sens du détail (Cafolla). Une méthode de travail exposée par Miyazaki dans Starting Point :

 

Les anime peuvent représenter des mondes fictionnels, mais je crois néanmoins qu’en leur essence ils ont une forme de réalisme. Même si un monde est présenté comme mensonger, l’astuce est de le rendre le plus vraisemblable possible. Pour l’affirmer autrement, l’animateur doit fabriquer un mensonge qui semble si réel que les spectateurs penseront que le monde représenté pourrait exister  12. (Cafolla)

 

En somme, la nourriture est animée pour la rendre appétissante par des effets de réalisme. Selon Asher Isbrucker dans sa vidéo « The Immersive Reality of Studio Ghibli » l’animation du mouvement est primordiale pour cet effet de réalisme comme l’illustre la préparation du bacon et des œufs à la poêle dans Le Château ambulant (Miyazaki 30:14).

Si se nourrir est un acte banal, il y a de la beauté à y trouver (Keng Dam). Cette recherche esthétique et poétique passe par un travail sur les textures et sur les couleurs comme l’illustrent les pains fourrés dans Le Voyage de Chihiro (Miyazaki 1:07:50), la représentation du vin dans Porco Rosso (35:40) ou encore la cuillère de miel dans Ponyo sur la falaise (53:26). Par une telle maîtrise technique, Miyazaki capture l’essence des aliments (Keng Dam). Les nourritures animées ébranlent les frontières du réel et de la fiction et participent en tant qu’éléments de décor à la narration. En somme, la présence de nourriture fait avancer à la fois l’histoire et le développement des personnages (Keng Dam). À mesure que le scénario progresse notre appétit lui aussi grandit, impatient de connaître la suite.

De nombreux personnages sont caractérisés par leur passion pour la nourriture (Keng Dam). Cet attribut est l’une des clefs de lecture de la narration. Ici, la consommation d’aliments apporte son lot de maximes philosophiques sur la gourmandise mais aussi ses risques moraux. Car les liens symboliques qui lient les protagonistes à la nourriture sont parfois centraux dans les anime de Miyazaki. Ainsi, la nature vorace de Sans-visage dans Le Voyage de Chihiro (Miyazaki 1:11:32) ou les parents transformés en porc après avoir mangé la nourriture des dieux (9:39) sont une critique de la société de consommation, de loisir et du capitalisme et un symbole des excès qui ont conduit à la crise économique des années 1980 au Japon. Cette ode poétique à la gourmandise devient alors une mise en garde contre des comportements excessifs (Cafolla). Dans un registre plus positif, la préparation du déjeuner dans la cuisine du Château ambulant (28:02) ou encore la pâtisserie dans Kiki la petite sorcière (23:18) sont des lieux et moments qui renforcent l’importance du collectif (valeur chère aux Japonais) et ses effets bénéfiques sur le développement de l’individu :

 

[La pâtisserie] a toujours l’air d’apporter du réconfort […] ils accueillent cette petite fille et ils l’aident à trouver sa voie. C’est très sain […] dans le même sens qu’un pain fraichement cuit. Ça a le goût d’une effervescence collective  13. (Keng Dam)

 

La nourriture est utilisée dans l’œuvre de Miyazaki comme le symbole des états d’âmes des personnages. Elle est une source de réconfort pour les protagonistes de Ponyo (Cafolla) où après une inondation Ponyo, Sosuke et sa mère Lisa préparent un ramen avec du porc et des œufs (Miyazaki 58:34). Dans Le Château ambulant lorsque Sophie est perdue dans les landes, suite à sa transformation qui lui fait honte, elle mange du pain et du fromage (15:21). Ce maigre repas reflète son état d’esprit défaitiste et sa solitude, en opposition avec le repas copieux cuit par le feu de Calcifer qui n’est possible que dans le partage et le collectif et l’acceptation de soi (31:23), et à mesure que la famille du château s’agrandit, les repas deviennent plus sophistiqués et nombreux (39:07). Par conséquent, la nourriture permet également de créer ou de montrer les types de relations entre protagonistes (Cafolla). Dans Le Voyage de Chihiro Lin et Chihiro se lient d’amitié lorsque Lin lui offre des pains vapeur (Miyazaki 1:06:56) et c’est cette même amitié qui permettra à Chihiro d’avancer dans sa quête. Dans Princesse Mononoké, la nourriture rompt les barrières entre le monde des esprits et celui des humains lorsque San dans un moment de compassion prémâche la nourriture qui doit aider Ashitaka à se remettre de sa blessure (1:07:08). Dans Le Château dans le ciel, Pazu et Sheeta partagent un repas frugal en essayant d’échapper à des pirates, une amitié se forme entre eux autour d’une simple tranche de pain et d’œufs cuits à la poêle (29:21). Enfin, dans Mon voisin Totoro, Mei et Satsuki rencontrent Totoro sous la pluie et Satsuki lui offre son parapluie pour s’abriter, en échange la créature leur offre des noix et des semences (53:45). Une fois plantées, un arbre géant se met à pousser, métaphore du développement de leur amitié. La nourriture permet de créer des liens entre personnages en rompant des barrières émotionnelles ou métaphysiques (Cao 2:21). Les personnages partagent ou se donnent de la nourriture ce qui marque une étape symbolique dans la construction de leur relation (2:27). Ainsi, la nourriture peut également symboliser l’unité familiale ou collective avec des scènes où on mange et où on cuisine à plusieurs (Cafolla). Dans Mon voisin Totoro, Satsuki est vue en train de cuisiner pour sa famille des bentos (Miyazaki 25:46) qui permettent de conserver le lien avec leur mère hospitalisée. Et, dans Kiki, cette dernière retrouve une manifestation d’amour filiale dans la préparation d’une tourte pour l’anniversaire de la petite fille d’une vieille dame à son domicile (56:26).

La nourriture est un thème récurrent et central dans les histoires de Miyazaki (Maher). La thématique est si appréciée des fans que des posts sur Internet lui sont dédiés avec la création de recettes quand dans un même temps la vidéo de Miyazaki cuisinant un ramen pour son équipe cumule des millions de vues sur YouTube (Cafolla). Miyazaki représente différentes gastronomies, de la plus européanisante dans Porco Rosso (Miyazaki 35:40) à la plus traditionnelle dans Le Voyage de Chihiro (1:11:32). Ces scènes trouvent un écho auprès des fans de par leur esthétique et leur lien avec les personnages, mais aussi avec la culture traditionnelle japonaise comme le précise le descriptif de l’exposition au musée Ghibli : dessiner de la nourriture, c’est dessiner de la culture et l’Histoire (Maher). Selon Scott McCloud dans Understanding Comics, ces repas résonnent dans nos représentations et notre imaginaire, car selon sa théorie iconographique, une image n’a pas besoin d’être photoréaliste pour abriter une idée, un signifiant (Maher). C’est aussi le cas dans les films de Miyazaki où l’on salive devant les buffets du Voyage de Chihiro (Miyazaki 8:25) et le ramen de Ponyo (58:34). En définitive, les films de Miyazaki exsudent magie et émerveillement (Maher). Les scènes de nourriture participent à la création de moments de communion où même les nourritures les plus ordinaires apportent une lecture supplémentaire, un sens plus profond à l’histoire et à la personnalité, ainsi qu’au vécu des personnages.

La thématique de la nourriture est un élément de storytelling dans la filmographie de Miyazaki. Pour comprendre cette importance accordée au washoku, il faut étudier le parcours du réalisateur et l’histoire culinaire du Japon (Cao 4:22). Miyazaki a grandi dans la période Showa (1926-1989) en plein boom économique (4:24). Il a vu son pays pollué par l’industrialisation et la disparition de certaines pratiques culturelles (4:33). En réponse à cette réalité sociologique, il a créé des films ayant pour ambition de rappeler aux jeunes générations certaines valeurs et traditions ancestrales du Japon (4:43). Son attrait pour le concept culturel du washoku est là pour représenter la philosophie culinaire et son sens dans la vie quotidienne japonaise (5:03). Le washoku accorde traditionnellement un signifiant à tous les aspects de la vie qu’ils soient sociaux, identitaires, émotionnels (5:15) tandis que d’un point de vue occidental, la nourriture n’est là que pour apaiser la faim (5:22). En ajoutant un sens sémiotique à la nourriture, Miyazaki ajoute des sens de lecture à ses histoires. Ainsi, en découvrant la vision d’un auteur, c’est aussi la culture et l’Histoire d’un pays, sources d’inspiration pour un créateur, qui sont mises à l’honneur.

 

La dimension morale de l’esthétique japonaise du washoku

L’esthétique japonaise a été introduite auprès des occidentaux au tournant du XXe siècle avec des œuvres comme Bushido (1899) ou The Book of Tea (1907) (Saito 85). Elle a été popularisée par des concepts esthétiques comme le wabi sabi, yugen, iki, mono no aware ou par des arts comme le noh, le haiku, les arts martiaux ou la cérémonie du thé pratiqués aujourd’hui en dehors du Japon (85). Le renouveau de l’esthétique japonaise est en lien avec un contexte politique et historique, celui de l’occidentalisation du Japon au tournant du XXe siècle ce qui a permis une redécouverte et une réaffirmation de la culture traditionnelle et de ses valeurs à travers l’esthétique (85). Il existe dans l’esthétique japonaise une longue tradition d’association de principes moraux et une promotion de valeurs comme le respect envers les autres et la nature:

 

Bien que cette dimension esthétique et morale prenne spécifiquement part dans les arts, comme la cérémonie du thé et le haiku, elle est profondément ancrée dans le quotidien, les activités ordinaires et elle est parfaitement intégrée à la vie courante, la rendant assez invisible  14. (Saito 85)

 

Les esthétiques japonaises suggèrent par des biais visuels et cognitifs multiples le développement d’une sensibilité morale et philosophique (Saito 85).

Traditionnellement, les Japonais exercent leur sensibilité esthétique en ayant une attitude de respect pour l’objet, car l’objet développe une éthique chez l’individu utile aujourd’hui notamment dans la construction d’une démarche écologique écocentrée et non anthropocentrée (Saito 89). La tradition esthétique japonaise est reconnue pour sa sensibilité, son respect et son appréciation pour les qualités naturelles d’un objet. Cette attitude a donné naissance à des normes de fabrication et de présentation (86) où l’on s’intéresse à l’essence d’un objet dans sa matérialité. Dans leur rapport à l’art, les artistes japonais collaborent avec le sujet dans le respect de ses caractéristiques naturelles (86). Dans leur approche poétique de la représentation, l’image poétique doit capturer une essence (86). On apprécie un objet pour ses qualités propres, ce qui implique qu’une œuvre soit gouvernée par l’objet et non pas par le sujet (Ueda 158). Ainsi, la mimesis est le but de la représentation (Saito 86), cependant l’artiste doit représenter l’objet en enlevant parfois certains éléments mimétiques afin de suggérer plutôt que de montrer (Ueda 137).

On retrouve le même respect, le même soin apporté aux produits et au processus de fabrication, aux traditions, que dans l’art du jardin, l’art floral, le haiku ou la peinture et le washoku (Saito 86). Le washoku repose également sur le respect de l’essence des choses, qui encourage la création d’un idéal moral et esthétique (87). Le conditionnement de la nourriture connu pour sa dimension esthétique et fonctionnelle ne fait pas exception à cette pratique. Ainsi, le contenant protège les aliments tout en mettant l’emphase sur leurs caractéristiques (87). « La conception est suggérée par les propriétés du matériau lui-même 15 » (87), or ces esthétiques ne sont pas uniquement pratiques, elles portent une valeur de respect et d’humilité pour les qualités du produit qu’elles protègent ou contiennent. Les contenants en bambou tressés qui apparaissent dans Le Voyage de Chihiro en sont un exemple (Miyazaki 49:30). Ici, on prend les avantages des propriétés naturelles des fibres de bambou pour protéger et magnifier les onigiris.

Tous les sens sont mobilisés dans l’esthétique japonaise (Saito 87). Le washoku est une attraction des sens qui passe par le dressage, les contenants et la préparation des ingrédients. Chaque ingrédient compte et il est préparé avec grand soin (de la découpe à l’assaisonnement) pour mettre en valeur ses qualités gustatives et nutritives (87). Par exemple, on retrouve cette attention portée aux détails dans le travail de découpe du poisson. Ce dernier peut être dressé dans une présentation qui suggère les mouvements de l’animal dans l’eau comme illustré dans Le Voyage de Chihiro (Miyazaki 31:16). En outre, les condiments et les ornements comestibles que l’on dispose d’une manière à mettre en avant leurs caractéristiques propres, participent aussi à cette pratique. Ils prennent la forme de pousses de citronnelle dans le ramen de Ponyo (58:34), ou de nimonos (mijotés de légumes) aperçus notamment dans Le Château dans le ciel (1:11:25), où chaque ingrédient est cuisiné séparément pour conserver les couleurs, arômes, goûts et textures. Ou encore la présentation dans des bols afin de mettre en valeur l’harmonie des ingrédients même dans les plats les plus simples comme l’okayu dans Princesse Mononoké (17:10). En outre, les bentos tel que celui de Mon voisin Totoro (25:54) sont des microcosmes de l’esthétique culinaire japonaise et de ses artifices :

 

Notre panier-repas […] rassemble des éléments normaux, familiers, que l’on retrouve quotidiennement dans la nature, en fonction des saisons, et qui renforcent leur intérêt propre […] Le but de la préparation et du dressage révélé par le panier-repas est d’inclure un tout et de faire prendre vie à chaque élément  16. (Ekuan 6)

 

La dimension morale dans les productions artistiques japonaises implique d’être capable de comprendre, d’apprécier et de respecter la réalité perçue par l’autre (Saito 88). Ces principes proviennent de l’influence du Bouddhisme Zen arrivé au Japon à la fin du XIIe siècle (88). Ce dogme prône le renoncement à l’égocentrisme et à l’anthropocentrisme :

 

Agir et être témoin d’une myriade de choses avec le fardeau de son être est une « illusion ». Agir tout en témoignant de l’avènement d’une myriade de choses est une illumination. […] Étudier la voie du Bouddha, c’est étudier son être. Étudier son être c’est s’oublier. S’oublier c’est être éclairé par toutes choses  17. (Dogen 32)

 

Selon l’idéologie Zen, on transcende l’égo en reconnaissant l’autre et son essence (Saito 88). Aucune médiation avec la réalité, ses phénomènes, ses objets n’est nécessaire car il n’existerait pas de hiérarchie dans les perceptions de la réalité et les valeurs des objets. En somme, il faudrait être capable d’apprécier chaque chose pour ce qu’elle est dans une démarche d’éveil spirituel :

 

Ainsi, l’attitude respectueuse envers l’objet, le matériau ou le sujet qui est inhérente à la pratique des artistes et des designers japonais, guidée par la transcendance bouddhiste de l’égo, n’est pas seulement une stratégie esthétique, mais également une vertu morale qui caractérise l’illumination  18. (Saito 88)

 

Apprécier les objets pour ce qu’ils sont renforce un besoin de protection et de respect du vivant (Saito 88). Cela a pour effet de développer une sensibilité écologique et une vision écocentrée où l’humain se place dans une posture d’humilité face au reste du vivant et du monde en accord avec la vision bouddhiste et taoïste (89).

Une autre contribution de l’esthétique japonaise à la philosophie morale (Saito 89) est la création de liens humains par la culture du respect et de l’attention pour l’autre. Il existe une tradition de l’expression des sentiments à travers l’art qui remonte à la période Heian (794-1185) (89). À cette époque, la cour s’exprimait esthétiquement par des pratiques artistiques formant un culte de la beauté (Morris 109-123). De cette époque, on conserve la tradition de la prise en compte de la temporalité dans l’expérience esthétique (Saito 90). Il faut prendre son temps pour en faire l’expérience, d’où l’importance accordée à la préparation, composition et disposition dans l’espace car cela retient l’attention et l’intérêt du spectateur :

 

La conception d’un agencement dans l’espace satisfaisante sur le plan de l’expérience nécessite non seulement une sensibilité esthétique sophistiquée, mais également une capacité à imaginer comment l’expérience se déroule pour son utilisateur, son destinataire ou son spectateur  19. (Saito 90)

 

Cette sensibilité liée à la temporalité de l’expérience, nous la retrouvons dans le washoku. En effet, le dressage permet l’emphase sur les caractéristiques des produits et l’usage des baguettes permet de déconstruire le dressage à son rythme car le consommateur choisit l’ordre de sa consommation (Saito 91). Un repas washoku typique est composé de plusieurs plats : un bol de riz, un bol de soupe, des aliments en saumure, des légumes, du poisson et/ou de la viande (91). Nous retrouvons autant d’ingrédients dans les bentos comme l’illustre ceux représentés dans Mon voisin Totoro (Miyazaki 25:54) : « tant d’ingrédients sont présentés avec un dressage réfléchi où il est nécessaire de prendre le temps d’examiner l’ensemble de la boite afin de décider de l’ordre de consommation 20 » (Saito 91).

Cette disposition dans l’espace des ingrédients accentue la dimension temporelle de l’expérience culinaire (Saito 91). La sensibilité du cuisinier se reflète dans le dressage et le consommateur joue sa propre partition gastronomique (91). Ceci est rendu possible car les plats n’arrivent pas de manière linéaire contrairement à l’occident, ce qui permet une diversité de saveurs et de combinaisons par la mise en place de petits plats servis en même temps (Parkes 80). Un service à table est représenté dans Le Voyage de Chihiro, lorsque les parents de l’héroïne prennent place dans l’un des restaurants du monde des esprits (Miyazaki 9:17). Mais, l’attitude du consommateur envers le cuisinier est aussi importante. Il existe une étiquette à respecter, faire preuve de reconnaissance et présenter ses remerciements pour le repas sont particulièrement importants :

 

La règle la plus importante est d’être reconnaissant pour la prévenance et la considération du cuisinier […] et de reconnaitre humblement la sincérité du cuisinier tout en savourant la nourriture […] Omettre de le faire diminuerait non seulement le goût mais ignorerait également la prévenance de l’hôte  21. (Yaeko 12)

 

Lorsque l’on est reconnaissant pour un repas, on l’est pour la nourriture reçue et pour l’expérience sensorielle et sociale que cela procure (Saito 93). En revanche, une personne qui ne savoure pas chaque ingrédient sera perçue comme manquant de manière et de sensibilité esthétique et morale (93). Cette pratique témoigne de l’importance accordée à la présentation des plats en tant que mode de communication et de socialisation (93). Une communication de valeurs morales faites de respect et d’estime de l’autre, comme en témoigne le déjeuner dans Le Château dans le ciel où le magicien Hauru souhaite aux protagonistes un excellent appétit après avoir préparé le repas avec l’aide de Sophie (Miyazaki 31:17). Cet acte de communication marque le début de leur relation amicale et plus tard familiale qui est ainsi scellée par la dégustation du déjeuner.

 

Conclusion

Dans un même environnement, sensibilité esthétique et philosophie morale sont liées comme le montre l’esthétique culinaire du washoku mise en scène dans les films d’Hayao Miyazaki. En représentant le concept de washoku, Miyazaki illustre certaines de ses valeurs ou des signifiés pour la culture japonaise et son imaginaire. Ainsi, en traitant la nourriture comme un élément sémiotique, Miyazaki lui confère une fonction poétique, symbolique et rhétorique qui participe à la compréhension du récit et à la progression de la narration. L’esthétique et la représentation du washoku encouragent le respect et l’estime de soi et de l’autre qu’il soit humain ou non. Cette maxime reprise par Miyazaki à travers ces nourritures animées serait, pour les Japonais, le fondement philosophique et morale d’une société et d’une vie bonne.

 

Bibliographie

Corpus primaire

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---. Le Château ambulant. Studio Ghibli, 2004.

---. Le Château dans le ciel. Studio Ghibli, 1986.

---. Le Voyage de Chihiro. Studio Ghibli, 2001.

---. Mon voisin Totoro. Studio Ghibli, 1988.

---. Ponyo sur la falaise. Studio Ghibli, 2008.

 

Corpus secondaire

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https://www.dazeddigital.com/artsandculture/article/36294/1/all-the-studio-ghibli-food-wed-love-to-eat-what-it-means.

---. « What makes Studio Ghibli so magically immersive? » Dazed, Rankin, 2016. Dazed Digital,

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Yaeko, Shiotsuki. Washoku no Itadaki kata: Oishiku, Tanoshiku, Utsukushiku. Shinchosha, 1989.

 

  1. Traduit en anglais par « Delicious! Animating Memorable Meals » (Ghibli Museum, Mitaka)
  2. « Miyazaki films unsurprisingly showcase many of the aforementioned; from the pre-made snack on-the-go to the elaborate spreads offered at socialite soirees, if it’s edible, it is imbued with a supernatural ability to make you crave it. » (nous traduisons)
  3. « A social practice based on a comprehensive set of skills, knowledge, practice, and traditions related to the production, processing, preparation, and consumption of food. It is associated with an essential spirit of respect for nature closely related to the sustainable use of natural resources. » (nous traduisons)
  4. « Everyday objects, such as food and clothing, which had not previously needed any particular designation, now had to be specified as Japanese or Western. » (nous traduisons)
  5. « The word washoku was not used in the mass media to refer to home-cooked food, but instead was utilized to refer to any type of food of Japanese origin, from innovative products of the food processing industry to banqueting dishes served to royalty. » (nous traduisons)
  6. « Washoku promises a wider perspective on cultural heritage than sushi, tempura, and sashimi – the triumvirate of modern Japanese cuisine – and the major gateways that many outside of Japan have thus far had to the nation’s dietary culture. » (nous traduisons)
  7. « all of these things are ordinary in the sense that they are extremely indicative of Japanese food culture and Japanese culture in general » (nous traduisons)
  8. « the foods that appear are not particularly special, appearing in our lives quite commonly. But their appearance in the films always has special meaning » (nous traduisons)
  9. « It’s no secret that Hayao Miyazaki has a fondness for the multiple dimensions of food and eating; in fact, it seems hard to ignore at times. » (nous traduisons)
  10. « [Animators] must fabricate a life that seems so real […] [that] the world depicted might possibly exist » (nous traduisons)
  11. « As we watch Miyazaki films, we are immersed into the rhythms of lives we’ve never lived and acquire palettes for foods we’ve (sometimes) never encountered. […] In a sense, as we enjoy Miyazaki and Studio Ghibli films, we are living (and eating!) the fantasy of everyday life. » (nous traduisons)
  12. « Anime may depict fictional worlds, but I nonetheless believe that at its core it must have a certain realism. Even if the world depicted is a lie, the trick is to make it seem as real as possible. Stated another way, the animator must fabricate a lie that seems so real, viewers will think the world depicted might possibly exist. » (nous traduisons)
  13. « [The bakery] always seemed very comforting […] they take in this little girl and help her find her own way. Very wholesome […] the same way that fresh baked bread is very hearty. Tastes like collective effervescence. » (nous traduisons)
  14. « Although this moral dimension of aesthetic life is specifically incorporated in some arts, such as the tea ceremony and haiku, it is deeply entrenched in people’s daily, mundane activities and thoroughly integrated with everyday life, rendering it rather invisible. » (nous traduisons)  
  15. « The design is suggested by the qualities of the material itself » (nous traduisons)  
  16. « Our lunchbox […] gathers together normal, familiar, everyday things from nature, according to season, and enhances their inherent appeal […] The aim of preparation and arrangement revealed in the lunchbox is to include everything and bring each to full life. » (nous traduisons)
  17. « Acting on and witnessing myriad things with the burden of oneself is ‘delusion’. Acting on and witnessing oneself in the advent of myriad things is enlightenment. […] studying the Buddha way is studying oneself. Studying oneself is forgetting oneself. Forgetting oneself is being enlightened by all things. » (nous traduisons)  
  18. « Thus, the respectful attitude toward the object, material, or subject matter inherent in Japanese artists’ and designers’ practice, guided by the Buddhistic transcendence of ego, is not only an aesthetic strategy, but also a moral virtue that characterizes enlightenment. » (nous traduisons)  
  19. « Designing a spatial arrangement that is experientially satisfying requires not only a sophisticated aesthetic sensitivity and skill but also the ability to imagine how the experience unfolds for its user, recipient, or viewer. » (nous traduisons)  
  20. « so many ingredients are packed in with thoughtful arrangement that it is necessary to take time to survey the entire box in order to decide on the order of eating. » (nous traduisons)  
  21. « The most important rule is to be grateful for the cook’s thoughtfulness and consideration […] and to humbly acknowledge the cook’s sincere heart while savoring the food […] Failure to do so would not only diminish the taste but also ignore the thoughtfulness of the host. » (nous traduisons)