Londres, New-York et Toronto sauvés par les séries policières néo-victoriennes

Londres, New-York et Toronto sauvés par les séries policières néo-victoriennes

Par NEAU Jessy

Avouons-le d’emblée : la fiction néo-victorienne relève rarement de l’histoire contrefactuelle dans le sens le plus restreint de la notion, celui que l’on peut trouver dans la définition suivante : « [u]ne conjecture implicite ou explicite, au temps passé, hypothétique et conditionnelle poursuivie lorsque la modalité antécédente est connue pour être contraire aux faits 1 ».

La manière dont le XIXe siècle est représenté et recréé par la fiction contemporaine, que ce soit dans les romans, films, séries ou jeux vidéo 2 est certes empreinte d’anachronismes, d’imagination et même, parfois, fait l’objet d’une réinvention presque totale. Pour autant, les œuvres néo-victoriennes n'assoient pas souvent leurs intrigues sur de grandes bifurcations historiques 3. Dans les séries télévisées policières comme Ripper Street 4, Miss Scarlet and the Duke 5 ou Les Enquêtes de Murdoch 6, nous nous trouvons bien dans l’Angleterre de Victoria ou dans ses sphères d’influence, avec son industrie triomphante, son explosion urbaine, sa domination sur le monde et sa division sociale rigide. Dans ces séries, l’histoire des bouleversements politiques majeurs n’est pas forcément mise au premier plan, l’Angleterre victorienne ou bien ses équivalents géographiques servant surtout de décor à des récits originaux. Dès lors, pour quelles raisons vaut-il la peine d’examiner quelques-unes de ces productions si l’on s’intéresse à l’histoire contrefactuelle et à l’uchronie ?

Les éléments venant d'être évoqués amorcent des ébauches de réponse : la fiction néo-victorienne, en particulier dans son versant télévisé, présente de multiples versions alternatives du XIXe siècle, et plus spécifiquement de son urbanité. Les villes néo-victoriennes (Londres, Toronto et New York), surtout dans les séries policières comme Murdoch ou L’Aliéniste [The Alienist 7]peuvent être qualifiées d’agonopolis 8 : des villes en transition, sur le point de basculer dans le chaos ou au contraire, d’accomplir leur progrès inéluctable, malgré des obstacles contournés in extremis. Ce sont moins des fictions du « et si ? » (mécanisme de l’uchronie) «  que du « cela aurait pu », grâce à deux procédés majeurs : premièrement, la rencontre (probable ou improbable) entre des personnalités historiques du XIXe siècle ainsi qu’avec des personnages tout à fait fictifs ; deuxièmement l’évitement de la catastrophe, laquelle est à maintes reprises suggérée (ville rayée de la carte, progrès social empêché). Le personnage néo-victorien ne modifie pas du tout le cours de l’histoire : il l’accomplit malgré lui-même, tel un héros œdipien.

En outre, ces séries ont tendance à vouloir « réparer » le passé d’une autre façon : en montrant la réalisation d’un idéal cosmopolite situé au XIXe siècle. Dès lors, une indécision entre une forme édulcorée de culture woke, ou au contraire de « rétrotopie » conservatrice, selon le terme de Zygmunt Bauman 9, est cultivée dans le rapport que les spectateurs peuvent entretenir avec ces fictions.

 

Rencontres probables et improbables de personnages historiques

Phénomène protéiforme et transmédiatique, au départ littéraire 10 mais ensuite décliné sur de multiples supports médiatiques, le néo-victorianisme désigne un ensemble de créations originales contemporaines dont l’intrigue ou les décors sont situés à l’époque victorienne, ou du moins au XIXe siècle. Depuis les années 2000, l’on trouve ainsi beaucoup de séries télévisées relevant d’un néo-victorianisme déployé dans tous les genres : la série policière (Ripper Street), le soap (comme les deux dernières productions crées par Julian Fellowes, Belgravia11, et The Gilded Age 12), la biofiction (Arthur and George 13), le fantastique (Penny Dreadful 14). Le néo-victorianisme repose souvent sur des formes d’anachronisme et de transgression ontologique : la série Dickensian 15, par exemple, compose une narration originale en mélangeant plusieurs romans de Charles Dickens. Penny Dreadful réunit diverses figures littéraires (Dracula, Dorian Gray, Victor Frankenstein) dans une logique de crossover. Le Londres victorien de ces œuvres est un hétérocosme singulier, une version alternative du XIXe siècle où ces jeux métafictionnels ont droit de cité, favorisés par le genre fantastique auquel appartient une série comme Penny Dreadful (ou plus récemment, The Irregulars 16). Mais certaines séries néo-victoriennes, de facture plus classique, recourent à des procédés distincts pour incarner l’Histoire : la mise en scène de personnages célèbres du XIXe siècle, qui se retrouvent placés dans une intrigue originale.

Mais il convient d’abord de rappeler en quoi le néo-victorianisme télévisuel se distingue des autres period dramas, afin de comprendre le rapport au passé qui s’en dégage. Les séries néo-victoriennes ont pour spécificité (mais qui ne leur est pas exclusive) de ne guère s’attacher à la « Grande Histoire », comme le font à l’inverse des productions comme Rome 17 ou Les Tudors 18. Les séries néo-victoriennes possèdent en effet rarement pour visée de reconstituer des faits historiques majeurs, de mettre au premier plan problèmes de dynasties monarchiques ou révolutions, ne serait-ce que parce que l’ère victorienne est en tout cas associée (à tort ou à raison) à une époque de grande stabilité politique (la fameuse « pax britannica »). Même une série de type biopic comme Victoria 19 s’attache davantage à la vie privée de la jeune reine plutôt qu’aux grands événements de son règne, dont elle est de toute façon écartée, évoquant la règle constitutionnelle des « parties symboliques du gouvernement [dignified parts of government] » selon l’expression de Walter Bagehot 20. Néanmoins, les bouleversements sociaux, économiques et scientifiques logent au cœur des procédés métahistoriques des séries néo-victoriennes. La Grande Histoire rencontre ainsi la petite, au travers de politiciens de second plan, de scientifiques et surtout d’enquêteurs qui, au cours de leurs investigations, rencontrent certains problèmes de société : ce sont les « petites mains » de l’Histoire qui font la « Grande », incarnent avec efficacité la Zeitgeist de l’époque et sont surtout témoins des changements sociaux, économiques et industriels de leur temps. Cela explique que les séries néo-victoriennes peuvent parfois représenter d’importants personnages historiques, mais avant qu’ils aient véritablement accompli leur destin.

Ainsi, dans la série L’Aliéniste, l’on retrouve Theodore Roosevelt (Brian Geraghty) alors qu'il dirige la police de New York, avant qu'il devienne le vingt-sixième président des États-Unis 21. Dans cette production tirée du roman éponyme de Caleb Carr 22, un psychiatre hongrois du nom de Laszlo Kreizler (Daniel Brühl) tente, avec l’aide d’un dessinateur du New York Times appelé John Moore (Luke Evans) et de Sarah Howard, une jeune femme occupant un poste subalterne dans la police (Dakota Fanning), d’arrêter un tueur qui assassine des garçons prostitués dans la ville alors en pleine expansion qu’est New York. La série aborde ainsi les problèmes d’explosion urbaine, de santé publique, de corruption des élites qui grippent le développement prospère de la métropole américaine. Ripper Street opère de manière similaire avec Londres : le whodunnit qui constitue chaque épisode se conjugue à une exploration des thématiques de salubrité et de santé collective, de racisme, de prostitution et d’injustices sociales qui paralysent les quartiers de l’East End.

La série The Frankenstein Chronicles va plus loin dans la métahistoire, d’abord en présentant non pas un, mais une multitude de personnages historiques, qui appartiennent à deux catégories. Il y a celle des écrivains : Mary Shelley (Anna Maxwell Martin), William Blake (Steven Berkoff), et Charles Dickens (Ryan Sampson), là aussi, avant qu’il ne soit véritablement devenu le romancier célèbre que l’on connait, puisque dans la série il n’est encore que « Boz », journaliste  au Morning Chronicle ; et celui des politiciens et inventeurs : on retrouve ainsi Ada Lovelace (Lily Lesser), brillante mathématicienne, mais surtout sir Robert Peel (Tom Ward), le ministre du Home Office et créateur de la police métropolitaine de Londres. Tous ces personnages évoluent en arrière-plan, le héros étant une figure entièrement fictive, John Marlott (Sean Been), un enquêteur de la brigade fluviale de la Tamise. Ce dernier mène une investigation sur des meurtres commis à Londres, après la découverte d’un corps, lequel après examen se révèle avoir été composé à partir de huit cadavres d’enfants différents. Ces événements macabres interviennent sur fond de débats autour de l’Anatomy Act, qui doit être voté au Parlement : cette loi, effectivement promulguée en 1832, prévoit la mise à disposition des dépouilles non réclamées aux facultés de médecine, afin de porter un coup d’arrêt aux entreprises lucratives des « body snatchers », c’est-à-dire les trafiquants de cadavres qui sévissent pour alimenter les universités.

Le dernier exemple de recours aux personnalités historiques réelles diverge des deux autres : la série canadienne Les Enquêtes de Murdoch propose un feuilleton de type « cozy criminal 23» qui se déroule à Toronto, dans lequel le brillant détective éponyme (fictif), joué par Yannick Bisson, rencontre au fil des épisodes de multiples personnages historiques de son temps, de Conan Doyle à Freud, en passant par Henry Ford, Emma Goldman ou Mark Twain. Tous ces personnages participent aux enquêtes menées par Murdoch, qu’ils soient témoins, victimes ou parfois accusés. Le côté anachronique (la série a accueilli plusieurs guest stars canadiennes pour interpréter ces rôles) et humoristique dans la suggestion que toutes les personnalités importantes convergeaient vers Toronto (ville, somme toute, assez provinciale à l’époque), fait partie du succès de cette série, dont la formule reste inchangée depuis 2008.

Ces diverses créations néo-victoriennes flirtent donc avec l’histoire contrefactuelle, sans s’y rapporter de manière précise. Notons d’abord que si le mot d’« uchronie 24 » caractérise les fictions néo-victoriennes relevant de la mouvance steampunk (parce que le point de départ de la bifurcation historique est celui d’un autre mode de production de l’énergie), tel n’est pas l’imaginaire technologique de ces séries néo-victoriennes, qui reposent sur une célébration très marquée de l’électricité, de la locomotive et des dispositifs optiques en développement. Certes, les frontières entre les genres (néo-victorianisme, série policière, steampunk) sont parfois poreuses. Dans Murdoch, l’on peut ainsi observer des traces de steampunk dans les artefacts futuristes créés par le héros, par exemple un « trackizer », sorte de GPS à mécanisme d’horlogerie. Mais cette série se passe dans une époque bien précise, le tournant du XIXe siècle au XXe siècle, en mettant en scène les personnages de grands innovateurs comme Nikola Tesla, et Alexander Graham Bell, ou d’aventuriers comme les frères Wright et Joseph-Elzéard Bernier. Les dispositifs novateurs fournissent de nombreux prétextes à développement d’énigmes meurtrières à élucider.

Le concept d’« histoire contrefactuelle » ne convient pas tout à fait non plus ici. Ce terme désigne une façon de bifurquer dans l’Histoire qui consiste en la suppression « en pensée [d’] un événement ou [d’] une réalité historique [et en une] interrog[ation] sur les conséquences de cette suppression 25 » : et si les États-Unis avaient perdu la Deuxième Guerre mondiale (sujet du roman Le Maitre du haut château de Philip K. Dick) ? Et si c’était l’Europe qui avait été conquise par les Incas (thème de Civilizations de Laurent Binet) ? Or, même si certaines séries peuvent ponctuellement prendre des libertés avec l’Histoire victorienne, elles n’affectent pas son déroulement général. Or, selon Jacques Boireau 26, une bonne « uchronie » repose sur un événement majeur : son point de départ est « pauvre », et « le mythe fondateur qu’elle détourne ou modifie doit être un temps (historique) connu de l’élève moyen en fin de scolarité primaire ». Catherine Gallagher énonce, pour sa part, les choses en termes logiques, ceux du « but for » (s’il n’y avait eu). Dans la phrase « Si John F. Kennedy n’avait pas été assassiné en 1963 et avait effectué deux mandats présidentiels, la guerre du Vietnam aurait été finie avant 1968 », la clause conditionnelle est contraire aux faits qui se sont produits. L’histoire contrefactuelle est l’examen des conséquences possibles du cours des choses s’il n’y avait eu (« but for ») un événement marquant (l’assassinat de Kennedy 27).

Or, dans les séries néo-victoriennes, les phénomènes politiques évoqués sont tout à fait avérés : l’institutionnalisation du New York Police Department dans L’Aliéniste ou le vote de l’Anatomy Act et du Great Reform Bill dans The Frankenstein Chronicles ou l’assassinat de McKinkey dans Murdoch. Aucune extrapolation n’est faite à partir d’un fait majeur omis ou modifié. Bien au contraire, la rencontre d’une constellation de personnages historiques dans ces séries vient appuyer avec force la nature des changements qui se sont bien opérés à Londres, New York ou Toronto, trois villes filmées comme des mégalopoles tentaculaires, en pleine transformation sociale et architecturale. Ces villes sont les lieux de réunions, probables et improbables, de ceux qui sont supposés avoir « fait le siècle ».

La dynamique fondatrice des séries néo-victoriennes n’est donc ni celle de l’histoire contrefactuelle ni celle de l’uchronie : elle se sert de figures historiques et imagine des trajectoires fictives sans conséquence sur l’Histoire telle que nous la connaissons. Cependant, cette dynamique est fondamentalement liée à la suggestion, très fréquente, de possibles bifurcations : des « what if » (et si ?), qui, résolus à la fin (d’un épisode ou d’une saison), se transforment alors en « could have been » (cela aurait pu).

 

Quasi-bifurcations et surdéterminations de l’Histoire

Dans un épisode de Murdoch 28, le héros éponyme et ses acolytes sauvent le président américain William McKinley d’un complot orchestré par des anarchistes. Il s’agit d’un épisode dans lequel on retrouve le personnage récurrent de Terence Meyers (Peter Keleghan), employé des services secrets canadiens. Les épisodes de la série qui concernent des personnages historiques, et qui évoquent souvent la géopolitique de l’époque, sont d’ailleurs généralement ceux où l’on rencontre Meyers. Murdoch, en effet, est d’une rigueur « semi-formulaire » exemplaire : chaque saison est fournie en gimmicks et personnages hauts en couleur qui reviennent seulement le temps d'un épisode 29.

Ce sont donc les épisodes « Terence Meyers » qui abordent le plus les possibles de l’histoire canadienne. Dans cet épisode, Meyers déclare qu’il a besoin des services de notre héros et de ses amis (sa devise étant « c'est une affaire de sécurité nationale 30 ! »), après qu’un attentat a été commis dans une boutique. Meyers pense que des anarchistes ont fomenté cette attaque, perpétrée dans le but de renverser les gouvernements américains et canadiens, alors qu’une visite du Président McKinley se prépare à Ottawa. Meyers et Murdoch infiltrent un groupe d’anarchistes auquel appartient Emma Goldman (personnage réel 31), groupe finalement innocenté. Murdoch découvre en effet que l’attentat a été commis par le propriétaire de l’immeuble afin d’expulser ses locataires.

Murdoch sauve tout de même in extremis le président américain, alors qu’il allait être assassiné par un espion de son propre pays 32. À la fin de l’épisode, McKinley rentre aux États-Unis et son mandat n’est pas le moins du monde affecté par cette aventure (même si l’on sait que dans l’histoire réelle, il sera véritablement tué, ce que Murdoch évoque dans l’épisode « L’espion qui venait dans le froid 33»). Le président en gardera, selon l’intrigue de la série, une grande gratitude envers les Canadiens, avec qui les relations sont désormais harmonieuses. Cette intrigue fictive a autant d’importance que les considérations géopolitiques de l’époque, et permet de sceller la réconciliation américano-canadienne, souvent menacée tout au long de la série par la belligérance des États-Unis sur son voisin septentrional.

De même, l’épisode « Le Trésor des confédérés 34 » évoque l’éventuelle disparition du Canada : une lettre de l’ancien (réel) Premier ministre John A. Macdonald 35 a été découverte sur le cadavre de l’ancien ministre (fictif) de la Défense, Mortimer Shanly. Or, la lettre révèle des projets canadiens de financer les Copperheads 36 pendant la guerre de Sécession, ce qui aurait conduit à une division des États-Unis en trois parties adverses. En réalité, il s’agit d’un complot : mais si cette lettre tombe entre les mains des Américains, cela signifie inéluctablement une guerre entre les nations américaines et canadiennes, selon le Premier ministre, Wilfrid Laurier 37. Heureusement, Murdoch va déjouer tout le complot. C’est donc cette logique d’influence (fictive) sur le cours des événements (réels) que possèdent, au mieux, les personnages néo-victoriens. Tout ceci est en phase avec la fiction historique populaire depuis son élaboration par Walter Scott.

Mais en réalité, les séries néo-victoriennes font bien plus que de laisser intacte la Grande Histoire : elles la surdéterminent. Le cours des événements — un progrès technique et social continu et fulgurant, qui conduit à la modernité — est présenté comme inéluctable. Certes, ce progrès est parcouru d’obstacles, lesquels sont surtout incarnés par des opposants conservateurs (les anti-Antatomy Act dans The Frankenstein Chronicles, les policiers corrompus dans L’Aliéniste, uniquement désireux de protéger les élites new-yorkaises), mais que les héros vont vaincre, parce qu’ils sont du côté du changement et donc, nécessairement, au service du développement de l’« Histoire ».

Dans L’Aliéniste, le psychiatre contribue à « accélérer » le progrès, puisqu’il va faire comprendre non seulement au chef de la police, mais au futur président des États-Unis, l’importance de la prise en compte de la maladie mentale dans le cadre légal, mais aussi le sensibiliser à la misère infantile qui fait exploser la criminalité. L’historien et romancier Caleb Carr, à l’origine du personnage du Dr Laszlo Kreizler, s’est d’ailleurs inspiré de William James (frère de l’écrivain Henry James), qui a établi le premier laboratoire de psychologie aux États-Unis, à l’université Harvard, où il a eu pour étudiant le jeune Theodore Roosevelt. De même, Kreizler refuse une offre financière de la part de l’homme d’affaires J. P. Morgan, mais il aura au moins inspiré au banquier philanthrope une prise de conscience de l’état de la prison de Blackwell, la célèbre île-prison [épisode « Courber l’échine 38 »]. Les mondes néo-victoriens ne sont donc pas tout à fait des mondes alternatifs, mais plutôt des versions possibles d’une Histoire dont les résultats sont les mêmes, mais dont les causes et les enchaînements ont été altérés.

En cela, ce sont bien des métafictions historiques : elles se servent des modalités de l’enquête policière pour examiner aussi bien l’Histoire que la fiction historique. On ne saurait ainsi rapporter ces productions au seul plaisir du pastiche victorien : l’anachronisme et la transfiction n’empêchent pas un certain intérêt pour la représentation des faits sociaux de l’époque victorienne. Par des effets de « micro-histoire », une fidélité aux cadres et à l’esthétique du XIXe siècle, et surtout par des personnages qui incarnent la convergence des forces motrices de l’Histoire, les séries néo-victoriennes mettent en acte des « imaginaires sociaux 39 » victoriens.

 

Des versions inclusives du XIXe siècle ou des « rétrotopies » ?

Cependant, les séries néo-victoriennes ne sont pas exemptes d’un autre aspect de proximité avec l’histoire contrefactuelle : elles ont tendance à dépeindre un XIXe siècle dans lequel on trouve davantage de diversités ethniques. Elles représentent une époque où les minorités raciales, sexuelles et sociales sont susceptibles de cohabiter harmonieusement, parfois en dépit de la réalité historique. En cela, elles mettent en œuvre une forme de « réparation » de l’Histoire.

The Frankenstein Chronicles met ainsi en scène un policier de Scotland Yard (un « bobby ») noir, Nightingale (Ritchie Campbell), sans que la carnation du policier ne soit jamais sujette à commentaires. L’Aliéniste montre un psychiatre très progressiste, et, de la même manière que dans le roman de Caleb Carr, donne de l’importance à une policière femme, Sarah Howard, censée être la première dans l’histoire de la police new-yorkaise. La série Murdoch s’est progressivement revêtue d’une forme de recherche d’inclusivité (de surface, du moins) en ajoutant, au fil des saisons, de nouveaux personnages issus des minorités, comme Llewynn Watts (Daniel Maslany), détective gay. La légiste Emily Grace (Georgina Reilly) finit par faire son coming out 40; et sa successeuse sera ensuite Violet Hart, première femme médecin noire de Toronto (Shanice Benton). Des dénonciations ponctuelles des discriminations urbaines sont amenées au fil des enquêtes : sur le traitement des populations autochtones, sur le travail des enfants, la situation des Noirs aux États-Unis. William Murdoch symbolise l’évolution sociétale du Canada actuel, bien plus que celui du XIXe siècle ; au début de la série, diffusée en 2008, il demeure encore influencé par sa foi catholique et rejette l’avortement et les droits des homosexuels. Mais sous l’influence de son épouse, la légiste Julia Ogden (Hélène Joy), et grâce à son expérience de l’altérité, il intègre petit à petit les vertus de la tolérance, seule manière de parvenir au vivre-ensemble dans une société multiculturelle, tout en ne reniant pas ses croyances individuelles.

C’est en se confrontant à autrui que le détective néo-victorien revoit son système de valeurs. En cela, les modalités d’enquête restent assez classiques : le policier — puisque son autorité s’exerce sur un périmètre — est l’un des seuls à arpenter plusieurs espaces urbains en principe étanches, par exemple les hautes sphères et les quartiers défavorisés qui composent cet « Underworld » victorien archétypal, mais aussi les quartiers « ethniques » de Londres, New York ou Toronto. Ce sont des villes cosmopolites, mais surtout des villes palimpsestes, chaque quartier ouvrant un potentiel narratif à de multiples communautés. Nombreux sont les épisodes de ces séries qui se passent sur les docks, dans les différents Chinatown 41 ou dans les quartiers juifs42 souvent sur des modes narratifs et esthétiques assez « orientalistes 43 ». Dans The Alienist, Kreizler, lui-même originaire de l’empire austro-hongrois, rencontre au cours de son enquête des membres de diverses communautés de New York, argentines, italiennes ou russes, selon la nationalité des garçons assassinés. Le thème de la série est d’ailleurs en grande partie celui de l’immigration vers l’Amérique au XIXe siècle, et le feuilleton a été promu comme une fiction sur la vie des immigrés à New York 44.

Bref, ces séries essaient de construire un XIXe siècle où les minorités sont montrées, dans la lignée des évolutions actuelles que connait le period drama en général. Car il convient de rappeler que, plus encore que d’autres genres, le period drama a été accusé de conservatisme politique, d’ethnocentrisme, voire de perpétuer les stéréotypes raciaux. La période « Heritage » du cinéma britannique 45 ou les drames costumés de la BBC ont eu tendance à ne représenter que l’aristocratie et la haute bourgeoisie, blanches de surcroît 46. Mais ces reproches ont pu être réactivés de manière plus récente pour des fictions historiques contemporaines à très vaste succès comme Downton Abbey 47, dont le succès a précisément rendu plus difficile aux acteurs britanniques non « caucasiens » de trouver des rôles 48.

Mais le « period drama » est en pleine mutation depuis le tournant du XXIe siècle, renouvelé par de multiples stratégies de décentrement. La pratique du « casting ouvert 49 » est ainsi de plus en plus courante, et s’inscrit à bien des égards dans cette logique d’ouverture. Parfois, cette pratique trouve une justification diégétique, comme c’est le cas pour la série Bridgerton 50 laquelle entretient des liens avec l’histoire contrefactuelle puisque ce feuilleton montre une histoire alternative de la Régence britannique dans laquelle les Noirs ont acquis une place égale à celle occupée par les Blancs dans l’aristocratie anglaise. Comme le souligne Salamishah Tillet 51 à propos de cette série, nous avons enfin l’occasion de savourer un « British period show » dans lequel des personnages noirs peuvent s’épanouir dans l’intrigue mélodramatique, dans de beaux costumes et des paysages bucoliques, sans avoir à jouer des serviteurs ou des esclaves. Le discours « escapiste » est ici privilégié : le débat sur la légitimité d’une telle entreprise de rectification historique est escamoté au profit d’un pragmatisme social et esthétique. Mais la valeur réparatrice de la fiction, en termes de vérité historique, ne peut être ignorée. La recherche en Histoire, livrée à un plus grand public par des ouvrages comme Black England 52 et des films qui mettent en scène des personnages anglais non blancs ayant eu une réelle existence53, ont rendu disponible ce savoir. Dès lors, il existe bel et bien une attente de period dramas qui reflèteraient cette prise de conscience collective.

On peut, dans le cas de Murdoch, de Bridgerton ou d’autres productions de ce type, se poser la question de savoir si cette volonté d’inclusivité par la représentativité ne produit pas, à l’inverse, une absence de questionnement sur les formes d’oppression, passées et présentes, des minorités. Il semble que certaines séries, en mettant en scène un XIXe siècle que l’on peut qualifier d’« uchronie post-raciale », se livrent à une réparation de l’Histoire qui efface les rapports réels de domination, ne font plus voir qu’une sorte de grand kitsch dépolitisé. On peut donc se demander si ce projet, de « sauvetage » du XIXe siècle ne produit pas les effets inverses : celui de nous plonger dans une « rétrotopie », selon le terme depuis peu discuté par Zygmunt Bauman 54, qui désamorce les thèmes de l’oppression et de l’injustice.

 

Conclusion

Jamais parfaitement « contrefactuel », le XIXe siècle néo-victorien est infiniment malléable au déploiement d’univers parallèles, à la fois mimétiques par rapport au déroulement historique réel et empruntant des références à d’autres bases idéologiques et esthétiques. La Victoriana télévisuelle est un amalgame de plusieurs « XIXe siècles », certains apparaissant plus « inclusifs » que l’époque réelle, et d'autres projetant au contraire les angoisses du futur sur ce passé remodelé : la série néo-victorienne Carnival Row 55, par exemple, expose un univers protovictorien mêlé aux archétypes de la Fantasy dans lequel les créatures magiques deviennent des boucs émissaires, d’une manière qui rappelle sans équivoque les discriminations envers les noirs dans nos sociétés actuelles 56. Ce sont des séries à « clef », qui évoquent les problématiques publiques contemporaines, nos inquiétudes sur l'avenir, en retraçant leurs origines tout en les transposant dans un décor révolu. Les séries néo-victoriennes montrent des villes qui « auraient pu » sombrer dans le chaos social. Les séries télévisées néo-victoriennes sont aussi bien situées dans le présent que dans le passé, et nous permettent de nous interroger sur le rapport que nous entretenons avec notre propre époque et sur les possibilités d’agir sur le cours des événements.

  1. « An explicit or implicit past-tense, hypothetical, conditional conjecture pursued when the antecedent condition is known to be contrary to fact ». Catherine Gallagher, Telling It Like It Wasn’t. The Counterfactual Imagination in History and Fiction, Chicago, IL, The University of Chicago Press, 2018, p. 2. Traduction de l’auteure.
  2. Quelques exemples récents de fictions néo-victoriennes : Elizabeth MacNeal, La Fabrique de poupées, Karine Guerre (trad.), Paris, Pocket, 2019, Joseph O’Connor, Le Bal des ombres, Carine Chichereau (trad.), Paris, Rivages, 2021 ; la suite de films Sherlock Holmes de Guy Ritchie (© Silver Pictures, 2009, 2011) ; le jeu vidéo The Order : 1886 (© Sony, 2015).
  3. À l’exception du steampunk, sous-genre néo-victorien rétrofuturiste qui représente un xixe siècle alternatif dominé par la vapeur et qui fait persister l’époque victorienne et ses machines dans la contemporanéité des écrans et des nouvelles technologies.
  4. Richard Warlow, Ripper Street, © Tiger Aspect Productions, 2012-2016.
  5. Rachael New, Miss Scarlet and the Duke, © Worldwide/PBS, 2020-.
  6. R.B. Carney, Cal Coons et Alexandra Zarowny, Les Enquêtes de Murdoch [Murdoch Mysteries] © Shaftesbury Films, 2008 — .
  7. Hossein Amini et Eric Roth, L’Aliéniste [The Alienist], © Paramount Television, 2018-2020.
  8. Du grec « agon » (révolte), agonopolis est un concept que l’on trouve dans l’essai de Gareth Milligton qui définit une ville en transition, par exemple dans le cas des métropoles américaines en proie aux mouvements de contestations des années 1960 et 1970. Ce terme est réemployé par Rafe McGregor dans le cadre d’un article sur la série néo-victorienne Carnival Row (Amazon, 2019). Gareth Millington, Race, Culture, and the Right to the City: Centres, Peripheries, Margins, New York, NY, 2011; Rafe McGregor, « The Urban Zemiology of Carnival Row: Allegory, Racism and Revanchism », Critical Criminology, n° 29, 2021, p. 367-383.
  9. Zygmunt Bauman, Retrotopia, Frédéric Joly (trad.), Paris, Premier Parallèle, 2019.
  10. Apparu avec le roman La Prisonnière des Sargasses (Wide Sargasso Sea) de Jean Rhys, publié en 1966, réécriture de Jane Eyre de Charlotte Brontë.
  11. Benjamin Ross et Barry Langford, The Frankenstein Chronicles, © Rainmark, 2015-2018.
  12. Julian Fellowes, The Gilded Age, © Universal Television, 2022.
  13. Ed Whitmore, Arthur and George, © ITV, 2015.
  14. John Logan, Penny Dreadful, ©ITV/Showtime, 2014-2017
  15. Tony Jordan, Sarah Phelbs et al., Dickensian, © Red Planet Pictures, 2015.
  16. Tom Bidwell, The Irregulars, © Drama Republic, 2021.
  17. John Milius, William J. MacDonald et Bruno Heller, Rome, © HBO, 2005-2007.
  18. Michael Hirst, The Tudors, © Showtime/BBC Two, 2007–2010.
  19. Daisy Godwin, Victoria, © ITV, 2016-2019.
  20. Walter Bagehot, The English Constitution, Paul Smith (éd.), Cambridge, Cambridge University Press, 2012 [1867]. Traduction de l’auteure.
  21. On le voit avec L’Aliéniste ou Les Enquêtes de Murdoch, le néo-victorianisme se passe aussi en Amérique du Nord.
  22. Caleb Carr, L’Aliéniste, René Baldy (trad.), Paris, Pocket, 1996.
  23. Les Enquêtes de Murdoch est une série dite « procédurale », avec une structure semi-formulaire. Ce n’est pas le cas de L’Aliéniste et The Frankenstein Chronicles, qui poursuivent un criminel sur toute une saison. Le ton de la série n’est aussi pas du tout le même : The Frankenstein Chronicles et L’Aliéniste mélangent horreur et enquête, alors que Murdoch est une série tout à fait « familiale », qui recourt beaucoup à l’humour. Pour la définition d’une série « semi-formulaire », voir Claire Cornillon, « La forme semi-feuilletonnante formulaire : l’exemple d’Ally McBeal », TV/Series, n° 15, 2019, « La sérialité en question », Florent Favard et Hélène Machinal (dir.), en ligne : http://journals.openedition.org/tvseries/3400
  24. Comme le rappelle Simon Bréan, l’uchronie renvoie d’abord à des textes non romanesques, qui imaginent l’histoire à l’aune de ce qui aurait pu se passer, sous l’inspiration de l’essai fondateur de Charles Renouvier paru en 1876. Simon Bréan, « L’uchronie comme histoire culturelle conjecturale », écrire l'histoire, n°12 ,2013, « Dossier présent », Sylvie Aprile et Dominique Dupart (dir.), p.133-141.
  25. Isabelle Drouet, Stéphanie Dupouy, Laurent Jeanpierre et Florian Nicodème, « Contrefactuels en histoire : du mot au mode d’emploi. Le moment de la new economic history », Labyrinthe, n°39, 2012, « Et si? La cause du contrefactuel en histoire », Sacha Bourgeois-Gironde (dir.), p. 81-112, p. 81.
  26. Jacques Boireau, « La Machine à ralentir le temps », Imagine, n°14, 1982, cité par Serge Perraud, « L’uchronie. Pour une histoire différente », Présence d’esprit, n°7, 1995, en ligne : https://www.noosfere.org/icarus/articles/article.asp?numarticle=35
  27. Catherine Gallagher, op.cit., p.2.
  28. R.B. Carney, Cal Coons et Alexandra Zarowny, Les Enquêtes de Murdoch, 5x4, War on Terror, © Shaftesbury Films,2012.
  29. Par exemple, chaque saison comporte un épisode qui met en scène le gentleman-innovateur James Pendrick (Peter Stebbings), ce qui permet de développer des motifs proches de la science-fiction à la Jules Verne et H.G. Welles.
  30. « This is a matter of national security ». Traduction de l’auteure.
  31. Emma Goldman est une intellectuelle et anarchiste (née en Russie en 1869, morte à Toronto en 1902). Son parcours et ses écrits ont été redécouverts dans les années 1970, notamment par des chercheuses féministes ou anarchistes. En 1901, elle est arrêtée pour participation à un complot d’assassinat contre le président McKinley, sans que l’on n’ait jamais pu prouver son implication dans cette conspiration. Voir Sabine Bosio-Valici et Michelle Zancarini-Fournel, « Emma Goldman, vagabonde de la liberté » in Femmes et fières de l'être : un siècle d'émancipation féminin, Paris, Larousse, 2001, « 20/21 », p.121.
  32. Le Premier ministre canadien à l’époque du tournage de la série, Stephen Harper (en poste de 2006 à 2015) fait une apparition surprise dans cet épisode de Murdoch.
  33. R.B. Carney, Cal Coons et Alexandra Zarowny, Les Enquêtes de Murdoch, 7x15, The Spy Who Came Up to the Cold, © Shaftesbury Films, 2014.
  34.  R.B. Carney, Cal Coons et Alexandra Zarowny, Les Enquêtes de Murdoch, 4x7, « Le Trésor des confédérés », © Shaftesbury Films, 2011.
  35. John A. Macdonald (1815-1891) a été le premier à occuper la fonction de Premier ministre du Canada, de 1867 à 1873, puis de 1878 à 1891.
  36. Les copperheads (« vipères cuivrées ») sont un groupe de démocrates du nord des États-Unis opposés à la guerre de Sécession qui désiraient un accord de paix immédiat avec les Confédérés.
  37. Le Premier ministre canadien à l’époque du tournage de la série, Stephen Harper (en poste de 2006 à 2015) fait une apparition surprise dans cet épisode de Murdoch en tant que sergent subalterne.
  38. (S1E07, « Courber l’échine [Many Sainted Men] », 2018).
  39. Sur ce concept d’« imaginaire social », voir Cornelius Castoriadis et Paul Ricœur, Dialogue sur l’histoire et l’imaginaire social, Paris, Éditions de l’EHESS, 2016.
  40. R.B. Carney, Cal Coons et Alexandra Zarowny, Les Enquêtes de Murdoch, 7x14, Toronto's Girl Problem, ©Shaftesbury Films, 2015.
  41. Richard Warlow, Ripper street, 2x1, Pure as the Driven, © Tiger Aspect Production, 2013 ; R.B. Carney, Cal Coons et Alexandra Zarowny, Les Enquêtes de Murdoch, 3x2, The Great Wall, © Shaftesbury Films, 2010.
  42. Richard Warlow, Ripper Street, 2x6, A Stronger Loving World, © Tiger Aspect Production; R.B. Carney, Cal Coons et Alexandra Zarowny, Les Enquêtes de Murdoch, 11x15, Murdoch Schmurdock, 2018. Dans L’Aliéniste, les personnages de Lucius et Marcus habitent sur Hester street, où se trouve une importante communauté yiddish.
  43. Voir Jaine Chemmachery, « Orientalising London and the Victorian Era : Questioning Neo-Victorian Politics and Ideologies », Polysèmes n°23, 2020, « Contemporary Victoriana - Women and Parody », Yannick Bellenger-Morvan, Xavier Giudicelli, Nathalie Saudo-Welby et Margaret Stetz (dir.), en ligne: https://journals.openedition.org/polysemes/7382
  44. David Hinckley, « TNT’s The Alienist is a Grim Tale of Murder and Immigrant Life », TVWW, 22/01/2018, http://www.tvworthwatching.com/post/TNT-The-Alienist-is-a-Grim-Tale-of-Murder-and-Immigrant-Life.aspx
  45. Le terme Heritage Film désigne un ensemble de films réalisés dans les années 1980 et 1990 qui décrit l’Angleterre prédeuxième guerre mondiale, sur un mode souvent nostalgique, avec un grand soin apporté aux décors, costumes et à la cinématographie : les films produits et réalisés par le duo Ismael Merchant/James Ivory ( Chambre avec vue [A Room with A View], © Merchant Films, 1985 ; Maurice, © Merchant Films, 1987 ; Howard’s End, © Merchant Films, 1992) sont emblématiques de cet ensemble. Voir Andrew Higson, English Heritage, English Cinema : Costume Drama Since 1980, Londres, Oxford University Press, 2003.
  46. Andrew Higson, op.cit., p. 12. 
  47. Julian Fellowes, Downton Abbey, Carnival Films, © 2010-2015.
  48. Voir Yoselin Acevedo, « Thandie Newton: Period Dramas Have Made It Harder for Black Actors to Find Work in England », IndieWire, 20/03/2017, https://www.indiewire.com/2017/03/thandie-newton-lack-of-diversity-british-television-period-drama-series-1201795265/
  49. On a pu voir au cours des années 2010 et 2020 apparaître des séries télévisées et des films qui mettent en scène des acteurs non blancs pour incarner des personnages du passé (historique ou littéraire) traditionnellement incarnés par des acteurs blancs : c’est le cas au cinéma de The Personal History of David Copperfield (Armandi Ianucci, © FilmNation Entertainment, 2019), avec Dev Patel dans le rôle éponyme, ou de Wuthering Heights (Andrea Arnold, © HanWay Films, 2011), avec James Howson, d’origine afro-caribéenne dans le rôle principal d’Healthcliff. Appelée « race-lift, «colorblind casting », ou encore « race-reverse casting », cette pratique s’inscrit dans une volonté plus ou moins revendiquée de rendre visibles les minorités à l’écran.
  50. Chris Van Dusen, Bridgerton, © Shondaland, 2020-,
  51. Salamishah Tillet, « ‘Bridgerton’ Takes On Race. But Its Core Is Escapism », The New York Times, 5/01/2021, https://www.nytimes.com/2021/01/05/arts/television/bridgerton-race-netflix.html
  52. Gretchen Gerzina, Black England: Life before Emancipation, Londres, Allison & Busby, 1999.
  53. Amma Asante, Belle, © DJ Films, 2013 ; et Amma Asante, A United Kingdom, © DJ Films, 2016.
  54. Zygmunt Bauman, op.cit.
  55. René Echevarria et Travis Beacham, Carnival Row, © Amazon studios, 2019-.
  56. Felipe Espinoza Garrido, « Queerness in the Neo-Victorian Empire: Sexuality, Race, and the Limits of Self-Reflexivity in Carnival Row and The Terror », Neo-Victorian Studies, 2020, n° 13-1, « Queering Neo-Victorianism Beyond Sarah Waters », Caroline Koegler et Marlena Tronicke (dir.), p. 212-241.