Monde d'après, école d'avant. <em>La Faute à Rousseau</em>, <em>Le Remplaçant</em> et <em>L’École de la vie</em>

Monde d'après, école d'avant. La Faute à Rousseau, Le Remplaçant et L’École de la vie

Par PIEGAY Victor-Arthur
Illustration : Galliane Flamant

C'était un professeur, un simple professeur

Qui pensait que savoir était un grand trésor

Que tous les moins que rien n'avaient pour s'en sortir

Que l'école et le droit qu'a chacun de s'instruire

Il y mettait du temps, du talent et du cœur

Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures

Et loin des beaux discours, des grandes théories

À sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui

Il changeait la vie

 

Jean-Jacques Goldman, « Il changeait la vie »

 

Peut-être que cela durera encore des décennies, mais il est certain que le jour où quelqu’un pensera à rénover un peu les locaux, les premières choses qui partiront à la décharge seront la classe, la matière, le sujet, le professeur de chaque matière, l’année scolaire, l’examen. Des structures monolithiques qui vont à l’encontre de ce vers quoi tend le Game. Croyez-moi, tout va y passer.

 

Alessandro Baricco, The Game, p. 264.

 

 

 

L’école a le vent en poupe en cette année 2021, du moins à la télévision française, ce que n’ont pas manqué de souligner divers médias généralistes 1. En effet, au début de l’année, ce ne sont pas moins de trois séries scolaires qui ont été diffusées en première partie de soirée : La Faute à Rousseau (France 2, du 17 février au 10 mars, 8 épisodes), Le Remplaçant (TF1, le 12 avril, 2 épisodes conçus comme un pilote) et L’École de la vie (France 2, du 21 avril au 5 mai, 6 épisodes). Comment expliquer cet engouement pour le cadre scolaire et plus précisément pour les personnages d’enseignants, puisque les héros de ces trois fictions – Benjamin Rousseau dans la série éponyme, Nicolas Valeyre dans Le Remplaçant et Vincent Picard dans L’École de la vie – sont respectivement profs de philosophie, de lettres modernes et d’histoire-géographie ? Pour répondre, il apparaît tentant de solliciter l’actualité. L’école et le métier d’enseignant ont ainsi fait l’objet de multiples discours depuis le premier confinement et il semble possible d’affirmer que l’Éducation nationale est l’un des domaines socio-professionnels dont il a été le plus question dans le discours médiatique depuis le début de la pandémie, avec le monde hospitalier bien sûr, mais aussi celui de la restauration. Qu’il suffise de mentionner les multiples témoignages de parents avouant au micro de tel ou tel média que la part d’école qu’ils ont eue à assurer à la maison s’est révélée un véritable pensum. De façon concomitante, beaucoup parmi eux semblent avoir découvert qu’enseigner est un (vrai) métier et qu’il n’est donc pas invraisemblable de témoigner un minimum de considération à des enseignants désormais admissibles au grade de « héros du quotidien » car eux aussi se retrouvent potentiellement « en première ligne » selon les expressions désormais consacrées. L’époque est en effet marquée par l’héroïsation du monde du travail et de celles et ceux qui le font vivre et le discours publicitaire est ici un excellent révélateur de tendances. Citons deux exemples : la longue publicité pour Intermarché intitulée « Jusqu’à mon dernier souffle » selon le titre de la chanson du groupe Terrenoire qui en constitue la bande-son, montre ainsi une mère et son fils cuisiner pour d’héroïques soignants qui tentent de maintenir leur époux et père en vie 2 ; une autre publicité, pour Orange et son processus de « digitalisation des pros » lesquels, à en croire la voix-off du spot, « ne compte[nt] pas [leurs] heures », est, elle, illustrée par des vignettes mettant en scène autant de micro-aventures professionnelles quotidiennes 3. Le héros du moment c’est l’être qui travaille et l’enseignant ne fait évidemment pas exception.

Chercher à expliquer, toutefois, dans le très large répertoire des représentations télévisuelles du monde professionnel, ce qu’il faut bien appeler une mode, en France, de la série scolaire – les diffusions du Remplaçant et de L’Ecole de la vie ont eu lieu un peu plus d’un mois après la fin de La Faute à Rousseau et ont été espacées d’une semaine seulement – et analyser l’image de l’école contemporaine que ces trois fictions reflètent implique à la fois de replacer ces dernières dans le contexte sanitaire, social et politique du pays depuis le début de l’année 2020, mais aussi d’interroger la place de ces représentations dans l’ensemble plus vaste des fictions scolaires audiovisuelles en tant que catégorie fortement codifiée.

 

La série scolaire au temps du Covid

Interrogée par Le Figaro à propos des deux séries scolaires diffusées par la chaîne au début de l’année, Anne Holmes, directrice de la fiction nationale de France Télévision depuis 2018 déclare :

 

France 2, dans son ADN, est la première chaîne qui a parlé d’éducation, de transmission. Cela a été abandonné notamment car le format n’était plus adapté. Nous avons voulu renouer avec ces thèmes, traiter de sujets de société sans être aseptisé mais avec une forme de bienveillance afin d’être le reflet du monde contemporain  4.

 

L’école, en tant que caisse de résonnance de multiples problématiques sociétales contemporaines, semble particulièrement propice à l’accomplissement de cet objectif de création d’une fiction-miroir. Dans l’un de ses ouvrages, François Jost propose justement comme grille d’analyse du monde fictionnel d’une œuvre télévisuelle le concept d’accessibilité, à savoir le fait de considérer l’univers de la fiction comme un « […] monde qui communique avec le nôtre par toute sorte d’accès, certains n’étant que de simples portes à pousser, d’autres de long couloirs labyrinthiques au parcours complexe 5. » Nulle complexité pour entrer dans ces trois séries qui semblent privilégier la porte de l’actualité. Ainsi, chaque nouvel épisode, du moins dans les deux fictions les plus longues – La Faute à Rousseau et L’École de la vie – met en scène une question d’actualité scolaire en lien avec la jeunesse française : harcèlement, handicap et intégration, sexisme, homophobie, complotisme, etc. De ce point de vue, la diffusion de ces séries, contemporaine de l’assassinat de la jeune Alisha à Argentueil par deux de ses camarades en mars 2021, semble donner raison à Anne Holmes et à son insistance sur le devoir d’éducation et la nécessité de traiter des sujets de société sur le service public jusque dans les cases dévolues à la fiction.

Toutefois, deux événements d’actualité parmi les plus marquants de l’année 2020 en lien avec le domaine de l’école française sont passés sous silence. Cela apparaît étonnant pour ces trois séries qui ne sont pas si différentes de ce que Benoit Lafon appelle « des fictions ‟toutes proches” », tournées en régions et en prise directe sur le quotidien des spectateurs 6 : les séries de France 3 comme Louis la Brocante, Un village français ou Famille d’accueil étudiées par Lafon dans son article ou des séries-fleuves comme Demain nous appartient, Ici tout commence, Un si grand soleil ou l’historique Plus belle la vie. Ces dernières intègrent volontiers, diffusion quotidienne oblige, « l’écume des jours, l’apparition et la disparition de tous ces événements, petits ou grands, qui traversent notre vie et celle des médias, au quotidien » que François Jost analyse comme le premier rapport à l’actualité de la fiction télévisuelle qu’il théorise sous le terme de « dispersion 7. » Or s’il est une forme de rapport à l’actualité qui unit les trois séries, c’est la quasi invisibilité de la pandémie de Covid-19, mentionnée en tout et pour tout deux fois dans La Faute à Rousseau tout comme dans L’Ecole de la vie 8 quand Le Remplaçant ne l’aborde jamais, la pandémie demeurant littéralement à l’arrière-plan, lors d’une scène qui, se déroulant à l’orée d’un centre commercial de quartier, dévoile des badauds portant des masques. De plus, chacune de ces fictions s’achève par un rassemblement scolaire et/ou festif : une fête entre lycéens dans La Faute à Rousseau, un concours d’éloquence dans Le Remplaçant, un dîner des enseignants dans L’École de la vie. Ces trois séries, diffusées durant une période encore marquée par de multiples restrictions et à un stade peu avancé de la vaccination, se plaisent ainsi à figurer l’école du « monde d’après » selon l’expression qui fait aujourd’hui florès, le retour rassurant d’une normalité scolaire dans laquelle les élèves ne portent jamais de masques, voisinent dans la salle de classe sans distanciation aucune et sont susceptibles, comme leurs enseignants, de se réunir pour des soirées insouciantes sans que le spectre de la contamination ne semble plus planer. De ce point de vue, il est possible d’analyser ce refus de figurer la pandémie comme une capitalisation sur la valeur refuge de la fiction télévisuelle en temps de pandémie, en des jours où le feel good n’a jamais été aussi à la mode. Cependant, la crise contemporaine semble refléter plus que jamais, du point de vue de nos investissements fictionnels, la cohabitation des extrêmes propre à l’hypermodernité 9 puisque ces fictions scolaires qui rendent inexistant le Covid voisinent, sur la plateforme Salto qui les accueille, avec l’intégrale d’Urgences mise à disposition des abonnés depuis le 29 avril, et une nouvelle série sortie à la même période que les trois autres, The Hot Zone, que la plateforme présente ainsi : « L’histoire terrifiante de l’épidémie d’Ebola par ceux qui l’ont vécue. »

Une autre histoire terrifiante n’est jamais mentionnée dans ces trois fictions scolaires, même de biais 10 : l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020 et l’assassinat de Samuel Paty dont l’on peut penser, par ailleurs et paradoxalement, qu’il n’est pas étranger au retour sur le devant de la scène des personnages d’enseignants eu égard à la vague d’indignation qui l’a suivi et qui semble aussi avoir redessiné – le temps de l’émotion à vif, du moins – les contours de l’image publique de la figure d’enseignant. Il demeure ainsi possible d’envisager que cet événement dramatique, si les trois séries n’y font jamais référence, soit présent à l’arrière-plan, derrière l’ambition épidictique dont témoigne une série comme L’École de la vie, résumée ainsi par Nagui, l’un des producteurs de la fiction lui-même fils d’un couple d’enseignants, dans les colonnes du journal Ouest France :

 

Au-delà de la force de la transmission, du rôle de la pédagogie, je voulais souligner la place essentielle des profs : ce sont les piliers du monde de demain, qu’ils construisent avec nos enfants. Notre société complète se construit grâce aux professeurs et aux valeurs qu’ils transmettent. Encore une fois, tous essaient d’être vigilants, de voir ce qui peut se passer dans l’existence d’un adolescent. Ils cloisonnent admirablement leur vie personnelle. Quels que soient les problèmes à la maison, il fallait être disponible pour les élèves. La fin des heures de cours ne signe pas l’arrêt du travail, avec les leçons à préparer… On peut presque parler de sacerdoce  11.

 

La rhétorique de l’hommage est cependant particulièrement pernicieuse, ce que relevait déjà le sociologue David Courpasson dans un billet publié sur le site de Libération à propos des applaudissements de certains Français à 20h, durant le premier confinement, pour remercier les soignants :

 

Rendre hommage avec une telle ferveur confirme en premier lieu que chacun d’entre nous consent à ce que les soignants soient mis dans une situation de type sacrificiel. Bien sûr, certains d’entre eux vont être malades, d’autres vont mourir, mais au-delà de notre désolation, tout se passe comme si ces victimes de l’engagement au front faisaient partie d’une statistique implicite, une sorte de « dose acceptable », propre à tout combat. Du coup, les héros de nos soirées apéritif sont piégés : la revendication matérielle et financière qu’ils portent depuis des années pour sauver l’hôpital pourrait désormais apparaître presque déplacée, car en fait, ils sont les soldats du bien commun. Même pieds nus, sans masques ou boucliers, ils sont portés par les discours officiels au rang du héros, celui dont la paye véritable est l’honneur et la reconnaissance de la nation, la médaille brillant sur un corps couvert de stigmates et de cicatrices, mais pas une rallonge budgétaire  12.

 

S’il n’est pas question ici de comparer les conditions des soignants et celle des enseignants, une série comme L’École de la vie illustre, dès son premier épisode, le sacerdoce mentionné par son producteur, par le truchement du protagoniste Vincent Picard, qui prend les traits de ce nouveau héros « soldat du bien commun » dont la paye sera moins « l’honneur et la reconnaissance de la nation » que celle de ses élèves. L’héroïsation de l’enseignant passe – finalement comme dans le cas des soignants dans la réalité – par une valorisation du risque professionnel, à la différence près que celui qui est encouru par Vincent Picard ne fait évidemment pas partie des devoirs de sa profession. Ce dernier surprend en effet sur le portable d’un élève du lycée le livestream d’un défi sur le point d’être réalisé par Lucas, un nouvel élève en fauteuil roulant : passer au-dessus du vide sur deux planches tendues entre l’un des bâtiments du lycée et un échafaudage à une dizaine de mètres du sol. Le personnage de l’enseignant tente ainsi de faire entendre raison à l’élève en traversant le pont de fortune, pour finalement le mettre en sécurité. Si la série joue d’une mise en miroir des situations de l’adulte et de l’adolescent – « Si tu sautes, je saute » déclare ainsi le personnage de Vincent Picard, associant l’épreuve du handicap et celle du deuil, lui qui doit aussi symboliquement traverser le gouffre ouvert par la mort récente de sa compagne – il n’en demeure pas moins qu’elle construit aussi un pacte de réception reposant sur le sauvetage d’un.e élève par l’enseignant que le reste des épisodes rendra systématique 13. Jean-Jacques Goldman parlait de « changer la vie » dans une chanson au sein de laquelle il abordait l’une des fonctions potentielles de l’enseignant ; selon ces fictions, il semble désormais question de sauver des vies.

Il n’en demeure pas moins que ces séries font le choix de ne pas traiter directement les deux événements qui sont susceptibles d’avoir eu la résonnance la plus forte sur la vie scolaire récente, en somme, il semble que dans le traitement d’une actualité « à deux visages » selon Jost, elles préfèrent, à la « dispersion », ce que ce dernier appelle la « persistance », soit « une actualité qui dure, plus proche du contemporain 14. » Or, dans les trois séries diffusées sur TF1 et France 2, cette persistance est peut-être moins un reflet direct de l’actualité que la représentation fictionnelle d’une croyance fortement ancrée dans la société française contemporaine qui veut que l’école soit l’un des terrains privilégiés du « déchaînement du monde » pour reprendre l’expression qui donne son titre à un essai récent de François Cusset 15.

 

French School Horror Story

Nada Chaar, dans un article intitulé « Profs au cinéma, ou comment l’école est priée de sauver le monde » écrit que « [d]errière les types (et les stéréotypes) du prof, se dessine en réalité quelque chose de plus profond que nos règlements de compte plus ou moins conscients avec notre passé scolaire. Ce quelque chose, c’est le rêve d’une autre école 16. » Fondamentalement, une majorité de représentations scolaires à la télévision ne font pas autre chose, particulièrement depuis les succès de certaines séries à destination des adolescents dès les années 1980 qui se sont évertuées à rendre l’école désirable, que les représentations s’ancrent dans le champ du teen drama ou du teen sitcom 17. Toutefois, de ce point de vue, force est de constater que les lycées représentés dans ces trois séries françaises tiennent plutôt du cauchemar et n’ont rien à envier à celui de Sunnydale, dans Buffy the Vampire Slayer, ce lycée construit sur une bouche de l’enfer. Plus sérieusement, s’il revient à ces fictions d’être en prise directe avec une actualité traitée sous le sceau de la persistance, alors cette dernière ne peut être que négative.

À la feuilletonnisation, procédé généralisé dans les séries contemporaines dans lesquelles le spectateur est tenu en haleine d’épisode en épisode par de toujours plus excitants cliffhangers, les trois séries ajoutent une dimension de sérialité plus classique puisque chaque épisode fonctionne de façon semi-autonome en proposant une thématique particulière en lien avec l’école et les êtres qui la peuplent. Chaque fiction affiche de ce point de vue une claire bipartition du système des personnages. La dimension feuilletonnante est majoritairement assurée par les adultes : La Faute à Rousseau illustre ainsi à la fois les atermoiements amoureux de son héros éponyme, l’instauration de rapports plus étroits avec son fils et la fluctuation de ses ambitions professionnelles – lui qui hésite entre le lycée et un poste à la Sorbonne ; L’École de la vie met en scène les étapes du deuil de Vincent Picard dont la compagne est morte en couche quand Le Remplaçant illustre les retrouvailles entre le protagoniste et sa fille en même temps que le développement d’un intérêt amoureux pour la proviseure du lycée dans lequel il enseigne. S’ils ne sont bien sûr pas totalement privés d’une construction sur plusieurs épisodes, les personnages d’adolescents ne semblent valoir, cependant, qu’en tant qu’allégories de questions de société en rapport avec la jeunesse : La Faute à Rousseau comme L’École de la vie sont en effet conçues comme des anthologies fictionnelles des problèmes rencontrés dans leur quotidien par les adolescents. À chaque épisode un.e adolescent.e et à chaque adolescent.e un ou deux problème(s) représentatif(s) de ceux que peuvent connaître les jeunes Français.e.s d’aujourd’hui. Les titres prennent dans les deux cas la forme du prénom de l’élève concerné.e et sont complétés, dans La Faute à Rousseau, par un concept philosophique permettant censément d’éclairer la situation problématique 18. Si Le Remplaçant échappe pour le moment à ce systématisme en vertu du tournage de deux épisodes seulement, il n’en demeure pas moins que ces derniers abordent, pêle-mêle, la prise de risque adolescente, le racisme ou encore le sexisme. En somme, il n’y a pas d’école française heureuse et nulle série ne le dit mieux que L’École de la vie et sa chanson originale composée par Clara Luciani, « Beaux », qui constitue la seule et unique bande musicale de la fiction et qui semble résumer l’expérience scolaire à une forme de douleur et au désir d’une échappatoire 19. De ce point de vue, La Faute à Rousseau et sa bande originale électro-pop composée par Nicolas Jorelle tout comme Le Remplaçant dont le premier épisode débute par le duo entre Dua Lipa et Angèle sur le titre « Fever » laissent au moins espérer une représentation du quotidien scolaire où la joie est permise. Toutefois, et de même que L’École de la vie n’est pas dépourvue de touches humoristiques, les deux autres séries ne manquent pas, loin s’en faut, d’aborder les actualités les plus sombres de l’école. De l’épidictique à l’épique il n’y a ainsi parfois qu’un pas et les figures professorales des trois séries deviennent quasi des héros au sens mythique du terme tant l’exercice de leur métier dans les lycées fait figure de descente aux enfers.

 

Big Teacher is watching you

Gilles Lipovetsky le prophétisait dès 1992, en ouverture du Crépuscule du devoir : « il n’est plus d’utopie que morale, “le XXIe siècle sera éthique ou ne sera pas” 20 ». De fait, il semble que la seule école rêvée par ces séries soit une incarnation de l’éthicisme décrit par Lipovetsky. Alors qu’ils sont professeurs de philosophie (Benjamin Rousseau), de lettres modernes (Nicolas Valeyre) et d’histoire-géographie (Vincent Picard), les trois enseignants comme les séries qui les mettent en scène ne sont obsédés que par une discipline : l’enseignement moral et civique. En effet, non seulement ces fictions montrent les personnages enseigner cette matière, mais, et cela est surtout vrai pour les deux programmes du service public, elles cherchent aussi à se construire en séries civiques ou en séries « citoyennes » selon le terme aujourd’hui à la mode. Pour ce faire, elles n’hésitent pas à recourir à des ressorts didactiques plus ou moins directs afin de se penser comme autant d’outils pédagogiques à l’usage des petits et des grands puisque ces fictions se veulent accessibles, grand public et transgénérationnelles. Cette dernière ambition est patente dans La Faute à Rousseau qui met en scène en guise de miroir potentiel de ses téléspectateurs trois générations d’une même famille : le héros quadragénaire, son fils Théo, lycéen de terminale et la figure de mère/grand-mère soixante-huitarde incarnée par Anny Duperey. Il semble ainsi que certains messages soient adressés aux adolescents quand d’autres le sont plutôt à leurs parents voire grands-parents qui pourraient se sentir perdus face à la jeune génération actuelle. Deux exemples, parmi d’autres, peuvent l’illustrer. Dans le quatrième épisode de La Faute à Rousseau, Théo, au gré d’une discussion avec sa grand-mère sur les agissements de celui qui était son meilleur ami, Gabriel, qui a découvert l’homosexualité de Théo et a affiché les dessins érotiques de ce dernier, représentant ses ébats fantasmés avec un autre élève de la classe, sur les murs du lycée, découvre ainsi que celle-ci est parfaitement au fait du lexique contemporain associé aux définitions de l’identité de genre :

 

Grand-mère de Théo – Mort aux cons, et au numéro un d’entre eux : Gabriel.

Théo – Et puis même, ça va, j’suis pas la personne du monde la plus à plaindre non plus, hein. Je reste un homme… blanc… européen… cisgenre. Cisgenre c’est quand…

Grand-mère de Theo – Quand l’identité de genre correspond au sexe biologique. C’est l’inverse des transsexuels quoi.

Théo – Tu sais ça, toi ?

Grand-mère de Théo – J’ai été un homme, mais ne le dis pas à ton père.

Théo – Tout s’explique enfin !  21

 

Dans L’École de la vie, le quatrième épisode permet de neutraliser certains préjugés sur la sexualité des personnes handicapées. Les personnages de Lucie et Lucas sortent en effet ensemble et la jeune femme se pose des questions sur le peu d’empressement de son petit ami dans la réalisation de leur premier rapport sexuel. Une première scène, réunissant Lucie et sa sœur Chloé dans le CDI du lycée, introduit ainsi le préjugé :

 

Chloé – Lucie, tu redoutes pas le quotidien avec Lucas ? Je veux dire… Aller au resto, partir en vacances… Tout est compliqué en vrai.

Lucie – Ben… Pas plus qu’avec un mec qu’a une famille relou ou qui habite super loin.

Chloé – Ouais…

Lucie – Puis quand t’es amoureux tu t’en fous. Au contraire, ça rend les choses plus intenses.

Chloé – Attends t’es en train de me dire que t’es amoureuse là ?

Lucie – Franchement, c’est pour lui le plus dur. Moi j’suis valide et pas lui. Il flippe c’est normal.

Chloé – Tu crois pas plutôt que c’est qu’il peut pas… euh…

Lucie – Il peut pas quoi ?

Chloé – (Émet un sifflement connotant l’érection en même temps qu’elle redresse son stylo)  22

 

Une seconde scène du même épisode réunit Lucas et Lucie en marge d’une fête entre adolescents et neutralise le préjugé :

 

Lucie – Je sais.

Lucas – Euh… Tu sais quoi ?

Lucie – Ben, qu’entre nous ce sera pas forcément… normal. Mais j’m’en fous. Y’a mille façons de prendre du plaisir. Y’a pas que la jouissance… (elle regarde en direction de l’entrejambe de Lucas).

Lucas – Attends… J’comprends pas là.

Lucie – J’me suis renseignée sur internet, j’ai étudié le sujet à fond. Le corps a plein de zones érogènes comme les oreilles, la nuque, les tétons…

Lucas – Wow oh attends. J’ai pas de problème mécanique hein. C’est… parce que… C’est ma première fois en fait. Et… J’aimerais qu’on prenne un peu notre temps. Tes histoires de caresses, pour commencer ça me plaît bien.

Lucie – Moi j’ai tout mon temps.  23

 

En soi, cette dimension didactique n’est guère étonnante pour une série du service public. Toutefois, toutes dépeignent la condition adolescente comme essentiellement victimaire. En somme, dans ces trois séries, être adolescent c’est devoir, à un moment ou à un autre, être sauvé par un adulte, lequel prend les traits de l’enseignant, prof au grand cœur que les élèves contactent directement par téléphone pour obtenir du soutien en cas de bêtise ou simplement d’incertitude. De ce point de vue, le texto adressé au personnage de Benjamin Rousseau par son élève Emma, qui doit s’occuper de sa mère bipolaire, pourrait servir à résumer l’idéologie éthiciste des trois séries : « Je vais pas y arriver sans vous 24. » Toutefois, à bien y regarder, l’enseignant débonnaire est aussi un inquiétant Big Teacher ou une sorte d’avatar des agents du groupe Precrime de Minority Report, lui qui parvient presque à prévenir les erreurs adolescentes avant qu’elles ne soient commises en utilisant, ironie suprême, les outils plébiscités par les jeunes eux-mêmes puisque les séries mettent en scène des enseignants suivant leurs élèves sur les réseaux sociaux, en regardant notamment leurs feeds et leurs stories Instagram pour être prêts à agir au plus vite en cas de dérapage. Dans des séries qui peuvent aussi être lues comme conservatrices sous couvert de bonnes intentions pédagogiques qui se révèlent bien plutôt démagogiques, se dessine ainsi un éthicisme carcéral fondé sur une forme paradoxale de paternalisme positif, mais au fond adophobe car illustrant la nécessité d’une pédagogie du redressement.

 

La récré est terminée

Dans bien des fictions scolaires contemporaines, majoritairement voire exclusivement comiques, apparaît un type particulier de personnage enseignant auquel nous avons jadis donné le nom de teencher : jeune, célibataire, passionné par les mêmes activités que ses élèves (cosplay, jeu vidéo, etc.), souvent vierge… Bref, un modèle d’adulescent qui se serait vu conférer la responsabilité d’enseigner à de jeunes personnes finalement très proches de lui 25. Or, si l’étiquette « nos profs atypiques préférés » désignait une catégorie à part entière il y a quelques mois sur la plateforme Salto qui accueille ces trois séries, l’atypisme de leurs protagonistes n’est en aucun cas celui des teenchers et, d’une façon révélatrice, chaque série repose aussi sur un rapport de ses héros à la paternité : Vincent Picard doit assumer seul la vie avec sa petite fille puisque sa femme est morte en couche tandis que Nicolas Valeyre et Benjamin Rousseau, pères jadis démissionnaires, œuvrent justement à une réparation de leurs erreurs de jeunesse en s’invitant dans la vie de leurs enfants lycéens. La Faute à Rousseau est toutefois l’emblème le plus manifeste de la tendance adophobe de ces trois séries, d’une façon d’autant plus pernicieuse qu’elle est la plus séduisante, loin des stéréotypes éculés du Remplaçant et de la grisaille mélodramatique de L’École de la vie. Jocelyn Lachance définit ainsi l’adophobie :

 

L’étymologie du mot « adolescent » (adolescere) rappelle que nous parlons bien de celui ou de celle qui « est en train de grandir ». L’adophobie désigne donc la peur de ces individus – nos enfants, nos élèves, ce public avec lequel nous travaillons parfois dans des institutions diverses. Elle cible ces adolescents qui, par définition, vivent des changements profonds et incontournables dans leur vie : chacun d’entre nous, quels que soient l’origine, l’âge, le sexe, le milieu social, est amené à traverser cette période de transformation corporelle, relationnelle et identitaire. L’adophobie, c’est donc une peur non seulement des adolescents et des adolescentes, mais aussi de l’adolescence qui nous habite, silencieuse et tapie dans notre mémoire. Il n’existe pas de groupes d’adophobes, des personnes dont nous aurions le réflexe de nous différencier, mais plutôt des actes et des paroles adophobes, qui sont parfois les nôtres  26.

 

Du point de vue de cette peur d’une adolescence qui nous habite, La Faute à Rousseau gagne à être rapprochée d’une autre fiction fort peu alléguée par les analystes de l’école au cinéma ou à la télévision, à l’inverse de références intertextuelles désormais classiques comme Dead Poets Society 27 ou L’Instit’ : P.R.O.F.S de Patrick Schulmann. Regardé au pire avec condescendance, au mieux avec une forme de sympathie nostalgique en raison de sa rediffusion quasi annuelle à la télévision en période de rentrée scolaire, P.R.O.F.S constitue pourtant le film-matrice de la comédie populaire française sur le métier d’enseignant eu égard à la récurrence avec laquelle il est cité par nombre de fictions ultérieures 28. De ce point de vue, le personnage de Benjamin Rousseau n’est pas sans évoquer, au premier abord, le protagoniste de P.R.O.F.S, Frédéric Game, sous deux aspects au moins. Benjamin semble en effet au commencement de la série être un modèle de teencher : comme Frédéric, il vit chez sa mère – d’une façon encore plus étonnante pour Benjamin le quadragénaire, ce « vieux punk queutard qui a raté sa vie 29 » comme il se définit lui-même – refuse comme Frédéric de s’engager dans une relation amoureuse stable pour préférer les charmes de l’imprévu et de l’absence d’attaches et, comme Frédéric, il arrive en retard lors du premier jour de classe. Tous deux font aussi figure d’enseignants atypiques dans leurs méthodes. L’adjectif convient bien à Benjamin Rousseau, en vertu de son flou sémantique. Atypique, ce n’est ainsi ni revendicatif ni encore moins contestataire. Certes, Benjamin Rousseau brille par son refus de mettre des notes, mais il ne revendique ni ne conteste rien. Intégrer le lycée, dans le premier épisode, revient à embrasser sa carrière de sauveur qui parviendra à inculquer quelques concepts philosophiques aux élèves, mais sans jamais questionner en profondeur le fonctionnement même de l’école de la République. La seule attaque de Benjamin Rousseau contre l’école prend la forme d’une récupération de la critique la plus facilement faite à l’encontre du système scolaire contemporain, lequel serait désormais affecté, pour ne pas dire infecté, par les politiques néolibérales. Ces dernières sont censément incarnées par la proviseure de l’établissement, que les premières minutes de la série opposent d’emblée à Benjamin. Cohabitent en effet à l’écran la voix-off de la proviseure – « Cette année, c’est la dernière ligne droite avant le grand bain, que vous poursuiviez vos études ou que vous rentriez dans la vie active. Alors on compte sur vous pour être performants. Ça veut dire quoi ‟performants” ? Ça commence par la ponctualité » – et les images de Benjamin Rousseau en retard qui appelle sa mère pour qu’elle vienne le chercher à la gare puis qui se change, sous les yeux de sa classe, sur le parking du lycée 30. Les dernières minutes de la première saison semblent d’ailleurs répondre à cette ouverture. Lors d’une scène se déroulant en salle des profs, et au gré d’une remarque du professeur de philosophie, la proviseure du lycée, vexée, lui demande : « Un petit conseil sur comment faire tourner une boîte avec quatre-vingt profs et mille élèves, c’est ça ? » Et celui-ci de rétorquer :

 

Oh ! Magnifique le lycée comparé à une boîte avec des élèves qui sont des éléments que nous devons manager, faire de ce lycée une multinationale, félicitations ! Au début de l’année, vous m’avez expliqué que le lycée devait changer parce que le monde changeait. Et bien je crois que c’est exactement le contraire : plus le monde devient violent, plus le lycée doit résister. Voilà mon conseil  31.

 

Semblent donc s’opposer deux visions irréconciliables : au lycée comme classe préparatoire à la start-up nation répond le lycée comme conservatoire. Or, il faut noter que l’adaptation à l’évolution du monde ne signifie pas nécessairement jouer le jeu de l’idéologie néolibérale, à la différence, peut-être, du culte du sauveur. C’est ce qu’a fort bien montré Emilie Souyri dans un article récent en analysant la façon dont la représentation du professeur providentiel fait justement le jeu de cette idéologie en privilégiant un individualisme forcené et une logique du seul contre tous qui « attaqu[e] plus ou moins implicitement toutes les structures collectives de soutien des enseignants (les syndicats, l’équipe pédagogique trop bureaucratique, etc.) 32. »

L’atypisme de Benjamin Rousseau est peut-être, en 2021, tout sauf atypique : il est celui de la critique de l’idéologie néolibérale qui en fait indirectement le jeu, mais aussi de l’éthique cool, de la responsabilité sexy, du care séduisant qui ont certes leurs mérites, mais qui sont aussi du bois dont on fait les gourous, le politiquement correct et les donneurs de leçons bouffis de narcissisme et au final farouchement individualistes. Rien de tel dans le film de Schulmann dont l’on peut être surpris, au revisionnage, de constater combien le personnage de Frédéric Game paraît, lui, insaisissable voire inquiétant, un véritable trickster de l’enseignement. C’est dire que, comme son patronyme l’indique, Frédéric Game est aussi une allégorie de ce qu’Alain Cotta théorise, en 1980, comme « société ludique » conditionnant une « vie » désormais « envahie par le jeu 33. » Ce jeu, à en croire Schulmann, pénètre aussi les murs de l’école, où quatre collègues et amis jouent au poker entre les cours dans un film qui va jusqu’à anticiper la fascination contemporaine pour la chasse à l’homme puisque l’ambition de la bande formée par Frédéric (lettres modernes), Michel (arts plastiques), Gérard (EPS) et Francis (documentaliste) consiste à se débarrasser des collègues qui s’opposent à leur projet implicite de transformer le lycée en un gigantesque terrain de jeu qui revient aussi et surtout à refuser l’école traditionnelle. C’est ce qui explique que l’ensemble paraisse aujourd’hui étrangement violent, chaque action du quatuor pour se débarrasser de collègues indésirables prenant la forme d’un acte de terrorisme scolaire. Ces quatre personnages, pistoleros semant le chaos dans un lycée qui figure tout autant un décor de western – ou de guerre, puisque le titre fait directement référence au M. A. S. H de Robert Altman – sont les tenants d’une idéologie libertaire appliquée à l’école, dont Frédéric professe les grandes lignes lors d’un échange se déroulant après l’un de leurs forfaits tandis que chacun rêve à voix haute :

 

Francis – Il faudrait commencer moins tôt. Il faudrait plus d’horaires du tout.

Michel – Plus d’emmerdeurs, plus de types qui font les flics.

Gérard – Faudrait plus d’élèves.

Frédéric – Faudrait plus de profs.

Gérard – Là tu pousses.

Frédéric – Ben nan, c’est logique : plus d’élèves, plus de profs.

Michel – Ben alors plus d’école.

Frédéric – Bien sûr, c’est ça. L’école idéale c’est qu’il n’y ait plus d’école.  34

 

Rien de tel dans La Faute à Rousseau, Le Remplaçant et L’Ecole de la vie qui, à l’absence d’école appelée de leurs vœux par Frédéric et ses compères qui organisent régulièrement des courses de vitesse pour quitter leurs classes et un lycée où « [c]elui qui donne le plus de temps à l’Éducation nationale est à l’amende » préfèrent mettre en scène davantage d’école et des figures professorales omniprésentes, des profs 24/24, y compris hors des murs de l’institution. Ainsi, contrairement à Frédéric et sa bande qui vont au bout de leur logique en finissant par « ne plus y aller », les enseignants de ces séries s’enracinent, abolissant même leur statut d’outsider considéré au moins depuis L’Instit’ et la promotion de l’enseignant remplaçant comme substitut du chevalier errant redressant les torts partout où il passe – au profit de celui d’insider, à l’image de Nicolas Valeyre qui, contrairement à Victor Novak dans la série des années 1990, finit par revenir enseigner dans le lycée dans lequel il n’est donc plus guère un remplaçant quoi que le titre de la série promette. Plus largement, ces trois séries témoignent d’un retour à l’esprit de sérieux et à l’âge de la vie qui l’incarne le mieux : l’âge adulte. En effet, ce qui se lit aussi dans La Faute à Rousseau, c’est le parcours de l’adulescent Benjamin vers l’âge adulte autant que la nécessité implicite de faire coïncider l’âge de son état civil et celui de son comportement. Bref : il doit tuer l’adolescent en lui.

 

Pour que l’école pèse enfin dans le game

Dans P.R.O.F.S, la scène durant laquelle la bande des quatre rêve à voix haute sous les étoiles se poursuit ainsi :

 

Frédéric – Bien sûr, c’est ça. L’école idéale c’est qu’il n’y ait plus d’école.

Francis – Alors ça c’est pas demain.

Frédéric – Mais si c’est demain !

Gérard – Oh non, c’est pas possible.

Frédéric – Mais si c’est très possible. Avec les ordinateurs, les banques de données… Les cours enregistrés par les profs les plus compétents sur des cassettes. Mieux : sur des disquettes. Le gosse aura même plus besoin de sortir de chez lui.

Michel – Oui, mais s’il comprend pas ?

Frédéric – Toutes les questions possibles et imaginables auront leur réponse sur des disquettes, comme toutes les phases possibles d’un jeu vidéo.

Francis – Mais comment vérifiera-t-on le niveau ?

Frédéric – Avec des analyseurs de réponses. Les Japonais ils ont déjà ça.

Gérard – J’sais pas si c’est un bien.

Frédéric – Tu te rends compte ? Plus d’école. Plus d’école. La fin du calvaire pour des milliards de gens.

Michel – Alors là, tu vois, il y a des perspectives. LÀ ! Ça devient grandiose.

Gérard – J’arrive pas à y croire.

Michel – De toute façon, pour nous c’est trop tard.

Francis – Ouais, faut pas rêver hein.

Frédéric – Mais si il faut rêver ! Il faut !  35

 

Non seulement Frédéric Game est l’inventeur du premier MOOC de l’Histoire, lui qui, pour pouvoir rester dans son lit, demande à l’un de ses collègues de diffuser une vidéocassette sur laquelle il s’est filmé, dans une barque au grand air, pour proposer à ses élèves un cours sur le Baroque, mais il est aussi le premier rejeton professoral de l’insurrection numérique cartographiée par Alessandro Baricco dans son remarquable essai The Game. La prise de parole du personnage de Frédéric vérifie en effet parfaitement le constat opéré par Baricco, selon lequel l’insurrection numérique, dont il rappelle qu’elle est la conséquence d’une révolution mentale et pas l’inverse, a consisté à « générer le changement en produisant des outils qui, même s’ils ne sont pas des jeux, y ressemblent 36. » En soi, et paradoxalement, P.R.O.F.S, ce film vieux de trente-six ans cette année, semble presque plus moderne ou à défaut plus excitant – si l’on rappelle ici l’idée de Nadaa Char selon laquelle le propre d’une fiction scolaire est de rêver une autre école – que les trois propositions que vient de faire la télévision française. Il est en effet étonnant de constater qu’à l’échelle de tous les domaines qui ont été questionnés dans la perspective utopique de changer le quotidien dans le monde d’après – le logement, l’habitat et le cadre de vie, le travail, la santé et le bien-être, etc. – il en est un dont la réinvention n’a guère été envisagée : celui de l’enseignement. Le confinement n’a été vu que comme une parenthèse infernale, une anomalie intolérable, un moment que l’ensemble du pays espérait être le plus court possible durant lequel l’institution ne pouvait pas fonctionner correctement en raison de la fermeture du sanctuaire scolaire, qu’il soit élémentaire, secondaire ou même universitaire. Et chacun d’espérer une lumière au bout du tunnel de l’enseignement numérique qui permettrait à l’école traditionnelle de revenir, cette école d’avant que ces trois séries reflètent et qui semble, post-confinements, encore plus surannée.

Si, comme on l’a vu, l’école représentée par ces trois fictions se veut un reflet de notre école réelle, alors ce qu’elles montrent semble surtout être, pour citer Baricco, « une certaine réaction, possible et primitive, face à la nouvelle civilisation numérique : ne pas comprendre ses règles et continuer à jouer le jeu du passé 37. » D’une façon intéressante, c’est précisément l’école qu’Alessandro Baricco cible dans ce passage de son essai :

 

C’est un comportement qu’on trouvera souvent autour de nous. Voire en nous-mêmes. Il est étrange, car il mêle une bonne dose de dignité et de fierté à une dose incroyable de ridicule. Ça me fait penser à ces joueurs qui célèbrent un but marqué alors que l’arbitre vient d’interrompre le jeu. Ils n’ont pas entendu son coup de sifflet et, à présent, ils sont habités par un mélange de bonheur et de solitude… Ils sont dans leur histoire à eux pour un long moment, ce sont à la fois des héros et des clowns.

Signalons que l’école marque après le coup de sifflet de l’arbitre chaque fois qu’elle ouvre ses portes le matin. Nous en sommes bien conscients, n’est-ce pas ?  38

 

Du point de vue de l’entrée de l’école dans le Game, ce nouveau monde théorisé par Baricco, né de l’insurrection numérique et dans lequel le jeu est élevé au rang de schéma fondateur, La Faute à Rousseau apparaît particulièrement paradoxale. Dans l’un des épisodes en effet, les élèves de la classe de Benjamin Rousseau, dont les méthodes sont montrées par la série comme peu académiques, se plaignent du fait que ce dernier ne leur propose aucune méthodologie de la dissertation. Le personnage de Benjamin provoque ainsi la classe en diffusant, sur l’écran du vidéoprojecteur, un tuto de la méthodologie de la dissertation de philosophie enregistré par un internaute sur une chaîne YouTube 39. Que le tuto, cette forme d’apprentissage qui pourrait constituer l’emblème de l’insurrection numérique en conduisant à l’élimination de « la caste des médiateurs et, à la longue, [à la destruction] [d]es vieilles élites 40 » soit brocardé par une série qui héroïse l’enseignant, cela ne semble guère étonnant. Il faut toutefois rappeler que la série coexiste, dans l’ensemble des productions audiovisuelles du service public, avec Lumni, la plateforme éducative numérique lancée le 19 novembre 2019, qui recourt à ce format, confié notamment à des youtubeurs 41. De plus, la série n’est pas si éloignée, dans l’un de ses aspects du moins, d’une forme de fiction-tuto dans la mesure où elle peut aussi être reçue comme avatar grand public d’une fiction à thèse. Chaque épisode en effet, outre le fait de mettre en image l’un des cauchemars scolaires du moment, éclaire l’expérience vécue par l’élève avec le concept philosophique idoine pour mieux la comprendre dans une série qui, ce faisant, semble volontiers encline à briser le quatrième mur et à s’adresser au spectateur. Or, en disqualifiant la valeur du tuto projeté par Benjamin Rousseau à ses élèves, la série semble contreproductive à un double titre : premièrement, elle neutralise ce qui peut lui conférer une partie de sa valeur, en l’occurrence, de constituer une forme alternative d’apprentissage, une forme de vulgarisation philosophique ou de prolégomènes à un investissement plus profond dans la discipline ; deuxièmement, elle disqualifie la fonction pédagogique potentielle du tuto alors qu’elle est diffusée sur l’une des chaînes responsables de la création d’une plateforme, Lumni, qui adoube cette nouvelle manière d’apprendre.

Il n’en demeure pas moins que cette série, à son corps défendant peut-être, est de nature à ouvrir la voie à une réflexion sur les possibles audiovisuels et transmédiatiques de l’Éducation nationale, dont les programmes proposés par France 4 et le site Lumni constituent peut-être les prémices. De ce point de vue toutefois, le service public semble ici avoir au moins deux trains de retard. L’expérience Lumni est malheureusement cantonnée à la télévision et au seul ordinateur, et ne passe pas (encore ?) par une appli, qui constituerait évidemment la forme la plus accomplie du game éducatif à destination des digital natives des générations Z et alpha. Au surplus, La Faute à Rousseau laisse regretter qu’aucun fonctionnement transmédiatique n’ait été pensé, alors qu’il semble qu’il y avait là une opportunité pour mettre en place un lien entre télévision et smartphone déjà développé par le service public avec la diffusion d’une série comme SKAM.

 

Conclusion

Gadget que tout cela ? Peut-être, ou bien plutôt sens de l’Histoire si l’on en croit Baricco. Quoi qu’il en soit, pourquoi ne pas tirer profit de la crise que le monde a connue pour revitaliser le métier d’enseignant voire, comme les compères de P.R.O.F.S, rêver ? Pour cela, il importe que l’Éducation nationale dépoussière sa relation aux médias, puisqu’aussi bien on peut s’interroger sur le fait que de nombreux contenus présents sur Lumni ne soient pas pris en charge par des enseignants, mais par des youtubeurs comme on l’a vu, ou encore des figures du monde associatif, des humoristes, des journalistes ou des animateurs du service public comme Alex Goude, qui présente, sur France 4, les émissions La Maison Lumni et Les Cahiers de vacances de Lumni. En effet, contrairement au monde médical, qui n’a pas attendu la crise du Covid pour intervenir dans les médias – qu’il suffise de mentionner l’omniprésence de Michel Cymes ou Patrick Pelloux – ou, évidemment, au monde de la restauration qui fait désormais quasi jeu égal avec les sportifs et les stars de la musique ou du cinéma du point de vue de la popularité de ses représentants, la profession d’enseignant reste malheureusement sans visage 42 et ce ne sont pas les apparitions de véritables profs ayant pris en charge des cours diffusés sur France 4 durant les confinements qui semblent avoir changé cet état de fait.

Il importe aussi que la fiction qui représente le monde professoral se modernise, qu’elle rompe définitivement avec ses modèles pontifiants, anachroniques autant qu’erronés du point de vue du transfert culturel appliqué (Dead Poets Society comme pseudo-modèle du Remplaçant) ou désormais dépassés et encombrants (L’Instit’ et sa représentation de l’enseignement synonyme d’assistanat social). La fiction scolaire a en effet un rôle à jouer dans une époque qui, même si on peut le regretter, confère un pouvoir exorbitant aux représentations en matière d’impact sociétal. S’il n’est donc pas impossible de postuler que les fictions du monde professionnel puissent aussi construire ce que l’on désigne aujourd’hui sous l’expression de role model et puissent susciter des vocations – de médecins urgentistes, de policiers, d’avocats etc. – alors rêvons des séries pouvant potentiellement jouer un rôle, évidemment mineur en comparaison d’une véritable politique de revalorisation du métier, pour endiguer la baisse continue des candidatures aux concours de recrutement de l’Éducation nationale.

 

  1. Voir, entre autres : Céline Fontana, « Le remplaçant, La faute à Rousseau, L’école de la vie… quand l’éducation dans les séries devient notre miroir », Le Figaro, 18/04/21, https://www.lefigaro.fr/culture/le-remplacant-la-faute-a-rousseau-l-ecole-de-la-vie-quand-l-education-dans-les-series-devient-notre-miroir-20210418 ; Cécile Jaurès, « Les profs, ces héros de séries télé », La Croix, 17/04/21, https://educfrance.org/les-profs-ces-heros-des-series-tele-la-croix/ ou encore Benoît Lagane, « Nouveaux profs en séries… Vincent, Nicolas, Benjamin Rousseau… et les autres ! », France Inter, 24/04/21, https://www.franceinter.fr/emissions/l-effet-miroir/l-effet-miroir-24-avril-2021.
  2. https://www.youtube.com/watch?v=EkcBzj56lxc&t=7s. Plus récemment, Intermarché a proposé une autre publicité bigger than life intitulée, selon le titre de la chanson de William Sheller qui en constitue la bande-son, « Un endroit pour vivre », mettant cette fois-ci justement en scène un jeune professeur des écoles, visiblement le seul d’une petite commune rurale, dont le départ est célébré par tout le village lors d’un banquet en plein air : https://www.youtube.com/watch?v=s8rnM7_Jgz8
  3. https://www.youtube.com/watch?v=qNclUr4q39A
  4. Céline Fontana, « Le remplaçant, La faute à Rousseau, L’école de la vie… quand l’éducation dans les séries devient notre miroir », art. cit.
  5. François Jost, Comprendre la télévision et ses programmes, Paris, Armand Colin, 2017 [2005], p. 104.
  6. Benoit Lafon, « Des fictions “toutes proches” : une certaine identité de la France. Enjeux politiques des séries télévisées de France 3 en prime time (Louis la Brocante, Famille d’accueil, Un village français) », Mots. Les langages du politique [En ligne], 99 | 2012, http://journals.openedition.org/mots/20694
  7. François Jost, op. cit., p. 104-105. En italique dans le texte.
  8. Voir Gaëlle Thomas, Soiliho Bodin, L’Ecole de la vie, 01x02, « Chloé » et 01x03, « Juliette », © Fiction’Air, France Télévisions, Banijay Studios France, 2021 ; Agathe Robilliard, Thomas Boullé, La Faute à Rousseau, 01x04, « Ethan et l’identité » et 01x06, « Gabriel et le désir », © DEMD Productions, France Télévisions, 2021.
  9. « C’est sous les traits d’un composé paradoxal de frivolité et d’anxiété, d’euphorie et de vulnérabilité, de ludique et d’effroi, que se dessine la modernité du deuxième genre ». Gilles Lipovetsky, Les Temps hypermodernes, Le Livre de poche, « Biblio essai », 2018 [2004].
  10. Dans ces séries qui multiplient comme on l’a vu la mise en scène de problématiques sociétales, aucune atteinte à la laïcité n’est jamais représentée et la question de la présence des religions à l’école n’est strictement jamais questionnée.
  11. Céline Fontana, « ‟L’Ecole de la vie” ». Nagui : ‟Les profs sont les piliers du monde de demain”, Ouest France, 21/04/2021, https://www.ouest-france.fr/medias/television/l-ecole-de-la-vie-nagui-les-profs-sont-les-piliers-du-monde-de-demain-38d9ec96-a1b8-11eb-be44-5ab9cc62b0fd
  12. David Courpasson, « Applaudir, et après ? », Libération, 30/03/2020, https://www.liberation.fr/debats/2020/03/30/applaudir-et-apres_1783571/
  13. Gaëlle Thomas, Soiliho Bodin, L’Ecole de la vie, 01x01, « Lucas », 2021, 43:35 - 47:38.
  14. François Jost, op. cit., p. 105. En italique dans le texte.
  15. François Cusset, Le Déchaînement du monde : Logique nouvelle de la violence, Paris, La Découverte, 2018.
  16. Nadaa Char, « Profs au cinéma. Ou comment l’école est priée de sauver le monde », Nonfiction, 01/12/17, https://www.nonfiction.fr/article-9143-profs-au-cinema-ou-comment-lecole-est-priee-de-sauver-le-monde.htm
  17. Sur cette question, nous nous permettons de renvoyer à notre article « ‟It’s alright ‘cause I’m Saved By the Bell” : les génériques de séries scolaires », in Sébastien Hubier, Emmanuel Le Vagueresse (éds.), Séries TV génériques, Reims, Epure, 2020, p. 73-91.
  18. Note (tableau) dans la version PDF de l'article.
  19. Moi, quand j'me sens touchée, coulée, perdueJe me roule en boule et j'entends plusLes mots qu'on m'envoie au lance-pierresFaux, quand je dis que je m'en fous je mensC'est qu'ils ne me quittent jamais vraimentCes gens qui me regardent de traversAïe, pourquoi faudrait qu'on se fasse du malViens, plus près que je te soigneAïe, pourquoi faudrait qu'on se fasse du malMêle, ta vie à ma vieOn pourrait se tenir chaudSe lisser les plumes et se trouver beaux
  20. Gilles Lipovetsky, Le Crépuscule du devoir : l’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques, Paris, Gallimard, 1992, p. 11.
  21. Agathe Robilliard, Thomas Boullé, La Faute à Rousseau, 01x04, « Ethan et l’identité », © DEMD Productions, France Télévisions, 2021, 40:03 – 40:33.
  22. Gaëlle Thomas, Soiliho Bodin, L’Ecole de la vie, 01x04, « Mehdi », © Fiction’Air, France Télévisions, Banijay Studios France, 2021Episode 4 37:04 – 37:46.
  23. Id., 40:14 – 41:22.
  24. Agathe Robilliard, Thomas Boullé, La Faute à Rousseau, 01x03, « Emma et le devoir », © DEMD Productions, France Télévisions, 2021.
  25. Victor-Arthur Piégay, « Agir en fonctionnaire non éthique et irresponsable. Comédies scolaires et enseignants indignes », in Sébastien Hubier, Frédérique Toudoire-Surlapierre, Vices pop : Dysfonctionnements dans la pop culture, Reims, Epure, 2019, p. 63-79.
  26. Jocelyn Lachance, L’Adophobie : le piège des images, Nouvelle édition [en ligne]. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 2016, https://books.openedition.org/pum/3031
  27. Interrogé par France Info, Joey Starr, instigateur du projet sériel du Remplaçant pour TF1 en ayant choisi de camper un enseignant à l’écran, cite ainsi deux modèles pour son personnage de Nicolas Valeyre : celui de John Keating dans Dead Poets Society, film mieux connu en France sous le titre Le Cercle des poètes disparus, et Henry Barthes (sic), professeur remplaçant du film Detachment de Tony Kaye, interprété à l’écran par Adrian Brody. Certaines scènes des deux épisodes du pilote font ainsi très clairement référence au film de Peter Weir et au personnage incarné à l’écran par Robin Williams : la propension du personnage de Nicolas Valeyre à faire cours hors des murs de la salle de classe – en prenant soin de ménager son effet par un « Alors, vous venez ? » lancé à la cantonade à des élèves médusés – l’association entre expression orale et pratique sportive (Chloé Marçais, Joris Morio, Jean-André Yerles, Le Remplaçant, 01x01, © Black Dynamite Production, Exilène Films, 00:31:35 – 00:34:04) et, surtout, la reprise du « barbaric yawp » whitmanien qui devient, dans la série de TF1, l’ensemble des cris censément libérateurs des élèves lancés depuis l’une des travées du lycée (00:21:45 – 00:23:24), avant que cette énergie et cette colère ne soient finalement canalisées dans un projet interdisciplinaire fondé sur la préparation d’un concours de plaidoirie. Au-delà de ces réécritures, un tel modèle semble on ne peut plus étonnant. Quoi de commun en effet entre une école préparatoire privée d’élite, fondée sur le modèle du pensionnat de garçons, dans le Vermont, à la fin des années cinquante, et un lycée public de la région parisienne en 2021, dans notre société hypermoderne post-disciplinaire ?
  28. Le récent film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, La Vie scolaire, y fait par exemple explicitement référence, par le biais du personnage de professeur d’EPS, Redouane, vulgaire et fantasque. Là où le Gérard de P.R.O.F.S proposait des activités ski nautique et planche à voile sur le bitume de la cour de récréation, celui de La Vie scolaire, lui, propose aux élèves une sorte de football pratiqué rollers aux pieds.
  29. Agathe Robilliard, Thomas Boullé, La Faute à Rousseau, 01x02, « Anaïs et l’amour », © DEMD Productions, France Télévisions, 2021.
  30. Agathe Robilliard, Thomas Boullé, La Faute à Rousseau, 01x01, « Paul et la liberté », © DEMD Productions, France Télévisions, 2021, 00:00:19 – 00:03:12.
  31. Agathe Robilliard, Thomas Boullé, La Faute à Rousseau, 01x08, « Théo et le bonheur », © DEMD Productions, France Télévisions, 2021, 00:39:28 – 00:39:55.
  32. Emilie Souyri, « Les Professeurs providentiels au cinéma : décodage politique », in Antoine Derobertmasure, Marc Demeuse, Marie Bocquillon (éds.), L’Ecole à travers le cinéma : Ce que les films nous disent sur le système éducatif, Bruxelles, Mardaga, 2020, p. 149.
  33. Alain Cotta, La Société ludique : la vie envahie par le jeu, Paris, Grasset, 1980.
  34. Patrick Schulmann, P.R.O.F.S, © Madeleine Films, 1985, 01:13:06 – 01:13:22.
  35. Id., 01:13:19 – 01:14:04.
  36. Alessandro Baricco, The Game, Vincent Raynaud (trad.), Paris, Gallimard, 2019 [2018], p. 60.
  37. Id., p. 141.
  38. Ibid.
  39. Agathe Robilliard, Thomas Boullé, La Faute à Rousseau, 01x03, « Emma et le devoir », © DEMD Productions, France Télévisions, 2021, 00:39:42 – 00:40:39.
  40. Alessandro Baricco, op.cit., p. 95. La citation exacte est la suivante : « Si on se passe des médiations, on élimine la caste des médiateurs, et, à la longue, on détruit les vieilles élites ».
  41. Interviennent par exemple Cyrus North, dont la chaîne cherche justement à vulgariser la philosophie, PV Nova, Florian Henn de la chaîne Mamytwink, Nota Bene, Micode, ou encore Juju Def.
  42. Pensons toutefois à M. le Prof, connu d’abord sur les réseaux sociaux et, d’une façon révélatrice, dont les apparitions dans les médias se sont d’abord faites derrière un masque.