Qui n’a pas tué Laura Palmer ?

Qui n’a pas tué Laura Palmer ?

Par VILARROIG Jessica

Laura

Si la série Twin Peaks 1 semble poser la question « Qui a tué Laura Palmer ? », il semblerait finalement plus judicieux, au regard des multiples pouvoirs résurrectionnels de ce personnage féminin principal, tout à la fois absent et omniprésent, réel et fantasmatique, de se demander : « Qui n’a pas tué Laura Palmer ? », ne serait-ce que pour comprendre pourquoi les dernières images de la saison 3 nous abandonnent dans une réalité parallèle, pantois, en présence d’une Laura terrifiée mais bien vivante, à la fois la même et différente. C’est d’abord que Laura est avant tout un prénom qui revient toujours et qui hante depuis longtemps l’histoire de la littérature et du cinéma. Ce prénom, depuis le pétrarquisme, a un pouvoir de « revenance » qui est celui, éternel, de l’énigme du féminin, comme source originelle de toutes choses. Laura a été immortalisée par Pétrarque bien après sa mort et son beau visage continuera à rester dans notre pensée comme une « lumière qui brûle et détruit tout entier 2 », immortalisé pour l’éternité tout au long des 366 poèmes du Canzionere. Du vivant de Laura de Noves, Pétrarque qui n’a fait que l’apercevoir, a fait d’elle un idéal amoureux à la source d’une poésie lyrique intarissable. Même après sa mort, le poète défie sa disparition et continue, comme Orphée, sa catabase lyrique et son dialogue intérieur pour rappeler sans cesse la défunte aimée 3. Laura erre donc depuis longtemps sur les ruines de la mélancolie. Elle ne fait que changer de nom de famille et la Laura Hunt d’Otto Preminger en 1944 signe, bien avant la série de David Lynch, la persistance du retour de la morte pour qui le héros dans la première partie du film développe une sorte de passion nécrophile. A mi-chemin entre Écho et Eurydice, l’aura de Laura nimbe les lieux mélancoliques du manque et de la perte, elle hante autant qu’elle possède, bien au-delà des limites de la réalité des œuvres dans lesquelles elle apparaît, puis disparaît, puis réapparaît encore. C’est que la fantasmatique Laura nous possède et nous renvoie tous, tant à nos fantasmes qu’à nos fantômes. Elle est dans la prononciation de son seul prénom, une référence, un écho, une revenante. Dans la lignée de David Raksin qui crée un leitmotiv musical qui annonce les évocations du souvenir de la morte dans la Laura d’Otto Preminger, Angelo Badalamenti compose le thème persistant de Laura qui structure émotionnellement la série de Twin Peaks autour des évocations récurrentes de l’éternelle « mal morte » qui agit aussi sur les spectateurs comme une hantise. De même, quand son charme opère, l’esthétique sérielle de Twin Peaks, comme éternel retour du même, fonctionne comme une hantise qui occupe de façon obsédante le spectateur, jamais vraiment résolu à accepter le deuil du récit.

Comment cerner le pouvoir de « revenance » de Laura Palmer ? Nous avancerons à son image, de façon kaléidoscopique, sur les traces de sa présence au cœur de son absence, à l’écoute de ses chuchotements et de ses messages, pour essayer de réunir tous les fragments, de son portrait au regard fixe dans le générique jusqu’à son hurlement final.

 

Le portrait de Laura

Chaque générique de la série s’ouvre sur le portrait photographique de Laura qui apparaît puis qui disparaît. Le personnage est saisi à l’apogée de sa beauté adolescente avec un je ne sais quoi dans le regard d’heureux et de défiant. Puis l’image se floute lui conférant un aspect fantomatique à la fois brumeux et lumineux avec un effet de glissement sur les paysages qui cernent la ville de Twin Peaks suggérant déjà qu’elle hante les lieux et le récit à venir. Elle pose un regard fixe sur chaque épisode qui s’ouvre en compagnie du thème musical persistant et envoûtant d’Angelo Badalamenti qui est, dans son apparente simplicité, d’une efficacité virtuose. La structure sérielle relève en soi d’un art de la résurrection et de la revenance, ce qui accroit le pouvoir du fantôme de Laura qui s’inclut dans ce principe de la répétition et de l’effet de retour dans nos quotidiens avec ce générique qui devient familier, comme un rituel sériel attendu. La sérialité qui convoque notre regard en attente d’une répétition, est déjà un vecteur propice à cet « inquiétant familier » que suscite le portrait photographique de Laura. Ce portrait fonctionne comme un point aveuglant, un punctum 4 qui centralise l’intensité du temps en nous signifiant simultanément qu’elle est éternelle, qu’elle est morte et qu’elle va mourir. Le portrait est un point de convergence où tout est contenu, où tout coïncide de façon mutique : la ville et ses habitants, le passé, le présent et l’avenir de l’intrigue. Son visage, au cœur d’un paradoxe temporel, est oraculaire. Dès lors, Laura habite l’absence comme une hantise à laquelle personne ne peut se soustraire. Si l’on s’appuie encore sur Roland Barthes dans La chambre claire, l’objet photographique saisit l’objet sous la forme d’un « kairos », qui serait essentiellement un moment critique du désir. Or Laura est morte violemment au cœur de son adolescence, au moment critique du désir. Elle devient à sa mort une allégorie du désir où tous ceux des personnages de Twin Peaks convergent. Sur cette photographie du générique, Laura semble nous regarde la regarder ce qui suscite une sensation d’ « inquiétante étrangeté » qu’il conviendrait davantage de traduire par « inquiétant familier ». LUnheimlich, théorisé par Freud à partir de la nouvelle d’Hoffmann Le marchand de sable renvoie en partie au personnage d’Olympia, « jeune femme muette, froide et rigide comme la mort 5 » dont le regard fixe est interprété par le personnage principal comme l’absolu d’un regard amoureux, alors même qu’aveuglé par le déni, il ne comprend que trop tard qu’il ne s’agit que d’une poupée de bois. Laura comme « objet » photographique persistant ne cesse de nous mettre en rapport avec la mort. Elle est le Spectrum 6 de la série, à la fois mort et vivant pour l’éternité, d’autant qu’elle ressuscite à chaque début d’épisode. Dans ce vis-à-vis d’ouverture, le regard devient le cœur palpitant de « l’inquiétant familier » sur lequel repose une part de l’esthétique de la série allié à une intrigue dont l’énigme centrale pourrait être celle du féminin et des désirs menaçants qu’elle contient et suscite. Après le générique, le pilote de la série s’ouvre sur une petite séquence symbolique qui semble condenser, dans une énigme initiale, cette mise en abyme du regard. Josie Packard, fardée comme une poupée, se regarde dans un miroir et fait face à son identité. En cela, comme possédée, elle n’est à la fois qu’une variation de Laura et un double allégorique du petit monde de Twin Peaks dont les apparences ne se sont pas encore fissurées. Il en ressort déjà une sorte de mélancolie indolente et poétique, une tension latente du regard, entre obscénité et pudeur. De fait, le spectateur ouvre son premier regard sur la série en assistant à une scène très intime de quête identitaire sous fond de dédoublement masqué à l’identique.

Mais les fantômes et les démons réveillés par la mort de Laura se chargeront bientôt de ramener la profondeur à la surface à travers une irruption de l’obscène – tels que l’insert en gros plan de l’œil de Laura ou les rictus du visage de Bob Killer – propice à mettre en tension le spectateur un peu trop envoûté par une nonchalance mélancolique propre à l’absence de l’objet aimé. C’est à travers le motif du regard comme démon de la vision, que l’obscénité de certaines images permettra le mouvement théâtral d’une irruption de l’existence profonde dans l’illusion.

 

La boîte de Pandore

Si la narration de Twin Peaks semble s’ouvrir dans la première saison comme une enquête assez classique autour de la mort sordide d’une jeune adolescente dans une petite ville aux apparences tranquilles et dont la résolution finale viendrait apaiser l’âme de la jeune morte, il n’en est rien. Plus encore, l’enquête de surface menée par Dale Cooper – et ce même quand le meurtrier se révèle au spectateur dans la deuxième saison – le convertit en véritable médium capable d’entendre et de capter l’invisible. Sa véritable enquête devient dès lors ésotérique et vient soulever une nuée de secrets endormis, bien au-delà de la découverte du meurtrier, agi par des forces obscures comme une marionnette grotesque. Mais sur le long chemin initiatique de Dale Cooper au gré des trois saisons, chaque résolution ouvre sur une nouvelle énigme en creusant un gouffre dans fond. L’esprit de Laura est à l’image des poupées russes et sa mort ouvre définitivement une brèche, celle-là même de la potentialité infinie du réel et de fait, du sériel. Ce qui fait énigme dépasse profondément l’enquête apparente. La mort de Laura signe plutôt un réveil, sa véritable existence commence dans son absence qui devient obsessionnelle pour tous les personnages de Twin Peaks. Le récit de la série est avant tout celui d’un très long processus de deuil dans de multiples dimensions. Laura est le point de convergence de tous les secrets détenus par les personnages de la série. On sait combien « la boîte » est un objet cher à l’esthétique de David Lynch. Dans Twin Peaks, Laura « est » la boîte, ce qui ferait de Dale Cooper la Pandore moderne de l’histoire. La boîte est l’allégorie invisible du cerveau de Laura, jadis contenu dans son corps vivant, mais dont les terribles souvenirs après sa mort se jettent et déferlent sur les habitants de Twin Peaks. Laura puise alors sa force dans sa propre mort et Dale Cooper, en enquêtant sur celle-ci, soulève peu à peu, d’épisodes en épisodes, tous les secrets de Laura, naguère contenus par sa vie aux multiples facettes et organisée par un clivage qui finira par exploser avec une force nucléaire, dans l’épisode 8 de la troisième saison. Il ouvre donc grand la porte tant aux forces invisibles qu’aux secrets de l’univers, puissants retours de refoulé, qui s’attaquent à lui et à la plupart des habitants de la petite ville qui reposaient, avant la disparition de Laura, sur le déni, les secrets honteux bien scellés et les non-dits bien gardés. L’effet de la mort de Laura peut être comparé à un effet de boomerang. Derrière ses apparences de jeune fille saine et épanouie, Laura semble contenir à elle seule tous les maux de la ville, elle en est les secrets scellés. Dans le mythe d’origine, si la boîte que l’on offre à Pandore le jour de son mariage doit rester scellée, c’est précisément pour permettre les conditions de la vie psychique d’un groupe lors des accords inconscients de la création des alliances. Ce que contient la boîte de Pandore, ce sont les fantasmes coupables de chacun, faits d’événements transgressifs qu’il valait mieux oublier, difficilement pensables et enfouis par le refoulement et le déni. Cette boite de Pandore évoque donc la transmission de l’interdit et de l’impensable : tout ce qui ne peut se penser, ni être dit ou raconté est enfermé dans le « personnage-clé » de Laura. De même, en ouvrant la « boîte », c’est également une multiplicité d’histoires qui se réveillent et qui alimentent les infinis possibles de la sérialité.

En enquêtant sur sa mort, Dale Cooper libère la culpabilité et les forces catastrophiques de l’inconscient qui vont déferler sur la ville qui donne son nom à la série, tout en réveillant celles du fantôme de Laura qui commence sa deuxième vie dans des réalités parallèles, dont celle la loge noire.

 

La mort de Laura et son effet principal : les dédoublements du réel

Laura, en jeune fille « exemplaire », est l’allégorie de sa ville et le thème du double est contenu dans le titre même de la série. Dans les deux premières saisons de Twin Peaks, le mal est facétieux. Il rôde, se déplace, s’incarne, se déguise, se métamorphose, revient. Comme le flot au bruit sourd et puissant de la cascade qui délimite la ville, le mal gronde derrière le masque des apparences et plane de façon onirique, comme un oiseau de proie. En parallèle de l’enquête de Dale Cooper, toute quête de vérité et d’innocence se confronte à des limites floues entre le réel et l’illusion, le passé, le présent et l’avenir, la mort et le vivant, le bien et le mal, toujours en miroir et réversibles. Ce qui se dévoile alors, ce sont « les forces obscures derrière les apparences, la folie cachée des figures ordinaires 7 » pour témoigner d’une dualité fondatrice et familière, aux origines même de la nature humaine. Au gré des avancées de l’enquête de Dale Cooper sur la mort de Laura, tous les habitants de la ville vont devoir faire face à ce qu’ils dissimulent et de fait, à leurs ambivalences et à leur dualité interne, dans une esthétique du double permanente, au service de celle de « l’inquiétant familier ». L’un des premiers effets de la mort de Laura semble donc être celui d’un dédoublement infini du réel.

L’esthétique du double est dès lors explorée dans toutes ses gradations : de la doublure, du dédoublement à l’ubiquité, de la ressemblance au déguisement, de la réapparition du même à l’irruption de l’altérité radicale. Chaque personnage en évoque un autre. Dans ce monde symbiotique aux multiples combinaisons, chaque personnage trouve son double, son sosie, son reflet, son revers ou son envers, sa variation, son fantôme ou son ombre, son couple ou sa paire dans un ou plusieurs personnages qui vivent et se déplacent sur un échiquier où se jouent de multiples transferts. Les personnages féminins de la série, comme possédés, apparaissent également comme autant de variations du personnage source de Laura et de ses multiples facettes. Toutes les variations du féminin sont représentées, aussi étranges soient-elles, de la femme fatale à la femme enfant, de la jolie idiote à la femme de tête, de la sainte à la prostituée ou la sorcière, de la morte amoureuse à la fraîcheur adolescente, de la vieille femme décatie à la pythie. James Hurley, par exemple, aveuglé par l’amour romantique, ne cesse de s’adresser au fantôme d’une autre quand il aime une femme. Ce même personnage va trouver ses variations dans le personnage d’un Harold, au romantisme plus radical, ou en Ben Horne, le sur-mâle infantile de la série, ou même en Dale Cooper hanté par des mortes dont le visage est interchangeable dans la loge noire, à la fin de la deuxième saison. Cette esthétique du double explore également la part d’ombre des personnages : la figure effrayante de Bobby Killer apparaît dans les miroirs familiers de Leland ou de Cooper. Alors que Dale Cooper mène son enquête en quête de vérité, la ville de Twin Peaks révèle une quantité de personnages oxymoriques, dont la part d’ombre se révèle peu à peu ou brutalement, en miroir ou à l’image de l’âme tourmentée ou réversible de Laura. La part d’ombre de chacun serait la personnalité seconde, la part non reconnue de la psyché, mais aussi « l’insistance clivante 8 », la part animale et infantile refoulée. L’agent Dale Cooper devra aussi, dans la deuxième saison faire face au retour sur l’échiquier de la ville de l’un de ses doubles maléfiques en la figure de Windom Wealer (Wildo en hommage au premier personnage narrateur du film Laura d’Otto Preminger) qui fait remonter à la surface sa faute d’amour et le souvenir douloureux et fantomatique de Caroline, en écho à la mort de Laura et trouvant son substitut momentanément dans le personnage d’Annie. Dans la troisième saison, l’agent Cooper sur son chemin initiatique de plus en plus insondable nous fait expérimenter la fragmentation radicale de son identité, en se dédoublant sur deux axes narratifs totalement opposés. D’une part, la figure autistique et enfantine de Doogie ralentit la narration jusqu’à l’exaspération en défiant le rythme sériel attendu, et de l’autre, sa figure maléfique l’accélère, créant un brouillage spatial et temporel imprévisible avec des ruptures de rythme et de registres de plus en plus violentes qui brusquent les habitudes sérielles du spectateur, nostalgique des deux premières saisons.

La mort de Laura ouvre donc progressivement un espace « d’entre-deux » de plus en plus béant, dans lequel tous les personnages se fourvoient et s’abiment. La série en ses trois saisons, peut être aussi comprise comme le récit collectif d’un très long travail de deuil qui se déploie, de personnages en personnages, menés à rencontrer leur part d’ombre et à entreprendre une sorte de douloureux « travail du négatif 9 ». La structure sérielle permet justement de rendre compte sur le temps de la progression chaotique de ce travail de deuil, de façon aussi concrète que subtile et métaphorique. D’autre part, les difficultés mélancoliques de survivre à l’absence et à la perte brutale, soulèvent les fragilités narcissiques de chacun des personnages en les menant vers d’autres deuils non faits, d’autres secrets enfouis, d’autres traumas. La fragmentation identitaire et celle du réel lui-même devient alors la source inépuisable de la série qui s’ouvre dans la troisième saison à des réalités parallèles dans un dérèglement de l’espace et du temps, ce qui permet, à chaque épisode, la résurrection du spectateur. Mais si le fantôme de Laura a un rôle actif, ne serait-ce qu’en générant une multiplicité de récits, qu’attend-elle des vivants ?

 

Laura : fantasme, fantôme ou revenante ?

Laura est morte avant-même que la série commence. Mais où est Laura, que veut-elle et comment agit-elle sur son petit monde ? On la retrouve essentiellement, dans un premier temps, dans les récits rétrospectifs subjectifs et le non-lieu d’un au-delà : la loge noire qui, avec ses rideaux rouges prend les allures d’un théâtre de l’inconscient. Elle partage le lieu avec d’autres personnages étranges qui comme elle émettent des messages sibyllins et syncopés. Certains, tels le géant ou Mike le manchot, brisent la frontière entre les deux mondes pour intervenir, dans certains épisodes, auprès des vivants dans des saynètes aussi oniriques que surréalistes. Laura devient la reine étrange et poétique de ce monde parallèle avec lequel certains des personnages de Twin Peaks les plus marginaux, graves et solitaires – peuvent communiquer de façon médiumnique, comme « la femme à la bûche », le lieutenant Briggs ou Hawk, l’indien adjoint du shérif. Dale Cooper, agent passionné par le Tibet et adepte des techniques intuitives, sera le récepteur de la plupart des messages de la loge noire, sous la forme de rêves éveillés ou nocturnes. Bien vite, l’enquête « exotérique » sera envahie par des indices ésotériques difficiles à décrypter et, à l’énigme policière, s’ajoutent des énigmes poétiques venues d’outre-monde qui enrichissent notablement les potentialités sérielles. Avec la mort qui rôde, de nouveaux registres s’introduisent dans la série au fond langoureux et mélancolique. Le grotesque, le clownesque et l’obscène s’abattent sur la narration suscitant chez le spectateur un rire électrique et addictif, toujours à la lisière de l’angoisse mais en demande de réitération à l’occasion de saynètes parfois gratuites mais très théâtrales. En effet, comme possédés, beaucoup des personnages de Twin Peaks, tel Leland Palmer ou Nadine Hurley, sont peu à peu régis par une mécanique mystérieuse, mise en relief par un jeu d’acteur excessif, théâtral et aux limites de la marionnette. Laura tire-t-elle les ficelles ? Ce rire, au plus près de « la mécanique plaquée sur du vivant 10 » théorisé par Bergson, vient-il de son esprit vengeur ? empathique ? cynique ? joueur ?

Les mots fantôme et fantasme ont la même origine grecque : le mot grec fantasma porte en lui-même « la bivalence de l’intériorité qui phantasme et de l’extériorité qui fait surgir un imago (fantôme en latin) 11 ». En Laura, nous l’avons vu, convergent les secrets et les fantasmes les plus transgressifs des habitants de la ville dont elle est l’allégorie. De fait, la mort de Laura signe le trauma de sa ville et c’est ce même trauma qui réveille et révèle la puissance de son fantôme. Si « le fantasme est une fiction de la réalité du trauma 12 », il est aussi ce qui le révèle. Le fantasme comme le fantôme est apparition puis disparition de l’objet et la narration de Twin Peaks n’est peut-être qu’une métaphore de plusieurs traumas cumulés qui se font écho. Le fantôme reste enfermé dans la mémoire des vivants pour les hanter et revenir sans cesse comme une obsession hallucinée, à moins qu’il ne revienne sous la forme d’un « revenant » qui reprend sa place parmi les vivants en les possédant. De fait, les personnages féminins de la série, comme autant de variations du personnage source de Laura, paraissent comme possédés et habités :  telles Audrey Horne quand elle se déplace et danse, Donna Hayward quand elle porte les lunettes de soleil de Laura, ou Maddie Ferguson qui exhume sa cousine par sa ressemblance troublante. C’est que dans la mélancolie, il y a une identification du vivant au disparu, il n’y a plus ni dedans, ni dehors : « L’identité de l’endeuillé devient autre et victime d’envahissement, la hantise devient aliénation 13 », ce qui revient à appartenir momentanément au mort. Le fantôme est aussi le signe d’une réanimation du psychisme, d’une remise en mouvement progressive de cette vie psychique que le traumatisme de la perte a dévasté. Le fantôme est paradoxal car il peut être considéré simultanément comme une entrave au processus de deuil et la condition essentielle à celui-ci. « La relation au disparu ne s’arrête pas avec sa mort. […] c’est l’ambivalence du lien au disparu qui est mise à jour […] D’un point de vue fantasmatique, la survenue de la mort du disparu fait du survivant son meurtrier 14. » En mettant à jour la culpabilité et la responsabilité de chacun des habitants de Twin Peaks, le fantôme de Laura, à travers l’enquête de l’agent Cooper, semble chercher à la fois les responsables de sa mort mais aussi ceux qui la font continuer à vivre dans un entre-deux. Figure absente ambivalente, elle est à la fois un guide empathique et une entité vengeresse, mais elle semble surtout avoir un enseignement à transmettre aux vivants.

Qu’enseigne Laura aux endeuillés ? Sur quel long chemin initiatique mène-t-elle, d’épisodes en épisodes, à la fois les personnages de son petit monde et chacun des spectateurs ? La forme courte et la réitération dans la continuité permet à la fois une coupure lacanienne qui, à la fin de chaque épisode attise le désir de poursuivre et laisse à méditer en laissant un temps de résonance à chaque fin d’épisode. Laura existe d’autant plus dans « l’après-coup » ce qui génère de façon souterraine l’intrigue psychanalytique teintée de grotesque d’un long travail de deuil et du négatif chez une multiplicité de personnages. Par exemple, il faut attendre la troisième saison pour que Nadine Hurley, grâce à la pelle d’or du docteur Jacoby, figure burlesque de la psychanalyse, arrive à se « dé-pelleter » de sa merde et à se libérer de ses ambivalences tyranniques. De fait, elle libère son mari qui peut enfin, après toute une vie de frustration, aimer librement Norma. Dans les deux premières saisons, le fantôme de Laura vient essentiellement fissurer toutes les apparences et demander aux vivants de sortir du déni, de faire face au trauma et d’en profiter pour changer. La figure du fantôme est avant tout un appel au changement. En cumulant trois forces : celle du fantasme, du fantôme et du revenant, Laura la « mal morte » agit sur les personnages de la série qui sont tous en mutation identitaire et forcés au changement, ce qui démultiplie les potentialités sérielles car le spectateur s’attache, au-delà d’un jugement moral, à suivre plusieurs destinées simultanées.

 

Effets de retours et retours du refoulé 

Alliée au pouvoir de « revenance » de la structure sérielle, et si son charme esthétique opère, la série Twin Peaks peut donc devenir une fiction obsédante qui s’infiltre dans le quotidien du spectateur, dans un récit parallèle à celui de son quotidien. Le spectateur, éternel endeuillé, possédé par le mystère de Laura qui semble générer des récits à l’infini, peut être amené à revoir le regard qu’il porte sur son propre réel tout en cherchant à maintenir le plus longtemps possible l’illusion de la fiction qui l’accompagne. Le fantôme de Laura qui plane sur la série fait du spectateur un endeuillé qui aimerait retarder tant qu’il le peut le processus du travail de deuil car il s’agit de « maintenir l’illusion que l’objet perdu continue à vivre et à aimer en secret l’endeuillé 15 ». En quelque sorte, le spectateur sous le charme du fantôme sériel voudrait que cela dure éternellement car l’expérience sérielle est un art de la résurrection qui « dans la réitération d’un schéma, s’étend pour durer et dure pour s’étendre 16 ». Cette expérience narrative participe donc d’une sorte de lente et progressive contamination, celle d’un « inquiétant familier » envoutant qui s’infiltre dans la réalité quotidienne du spectateur. La ville de Twin Peaks se déploie comme la métaphore de ceux qui nous habitent et dans son activité contre transférentielle, le téléspectateur peut se retrouver médusé face à un kaléidoscope qui l’invite à s’identifier simultanément aux personnalités fragmentées qui composent le récit sériel, en miroir de son âme. C’est que la série Twin Peaks, qui ouvre sur des espaces de plus en plus métaphoriques au gré des trois saisons, révèle à chaque épisode, un réseau infini de secrets endormis qui surgissent au grand jour et qui déchirent le voile des apparences et de la réalité. Le fantôme de Laura génère donc, avec la puissance d’un boomerang, « un effet de retour » à de multiples niveaux. L’ « encrypté 17 » de la ville se dévoile au gré des épisodes grâce à l’agent Cooper qui lève les rideaux rouges de la loge noire, haut lieu de l’inconscient collectif. Sa véritable mission est de décrypter peu à peu les signes oniriques qui émergent de cette angoisse collective, y compris celle des spectateurs, qui fait irruption sur le terrain d’un réel bien organisé. Les effets de retour structurels génèrent alors une série de retours du refoulé, aussi jubilatoires qu’angoissants, sur le terrain métaphorique de la fiction.

Face à l’effondrement des apparences et la façon dont le réel se fissure et se fragmente sous l’effet d’un long travail de deuil collectif qui donne toute sa puissance au fantôme de Laura, le spectateur assiste à un brouillage temporel progressif et au spectacle de la régression de certains des personnages au gré des épisodes des deux premières saisons. Le peu d’enfants représentés semblent monstrueux, les adolescents apparaissent comme trop matures face à des adultes qui se comportent comme des enfants restés à demeure ou comme des adolescents en proie au retour des premières passions amoureuses. Tous les conflits non résolus, les fantômes de l’enfance et de l’adolescence font aussi un effet de retour pour posséder beaucoup de personnages qui vivent dans le déni, tels l’inénarrable Nadine Hurley qui pense avoir dix-sept ans ou Ben Horne qui joue comme un petit garçon à la guerre de sécession. Le spectateur se familiarise avec ces inversions générationnelles et peut, à son tour, régresser et retrouver dans ce brouillage des limites générationnelles quelque chose de l’entre-deux de son adolescence. Il revit alors dans ce monde fictif parallèle qui dure, ce doute adolescent qui trouve que les vivants paraissent morts et les morts vivants, que les choses et les gens « sonnent faux », que les apparences ne sont qu’un cache-misère, qu’il y a toujours anguille sous roche. La structure sérielle toujours en mutation, qui entretient les révélations, les revers inattendus et les rebondissements, réveillerait-t-elle en chacun de nous les fantômes de l’adolescence ? Laura serait alors avant tout un fantôme vengeur de l’adolescence qui plane et pénètre « l’encrypté » d’une ville pour générer un long et progressif effondrement des simulacres de la réalité et de ses limites.

Ces retours du refoulé mis en scène parfois avec l’humour volontairement grotesque qui caractérise l’esthétique de la série, soutiennent cet « inquiétant familier » théorisé par Freud et dont David Lynch explore les potentiels à chaque épisode. Freud se saisit d’une phrase du philosophe allemand Schelling qui qualifie d’Unheimlich tout ce qui devrait rester dans le secret, dans l’ombre et le dissimulé et qui sort au grand jour 18. Si le Heimlich fait référence au « chez soi » et au familier, le préfixe un, qui évoque son contraire, serait la marque du refoulé. La série qui apparaît, disparaît puis réapparaît en prenant une place aussi fantasmatique que fantomatique dans nos quotidiens, réitère chez le spectateur à la fois l’expérience du refoulement, en comprimant et en retenant la narration au moment même où elle allait s’élancer et celle du retour du refoulé, quand elle revient à chaque fois sur le même mode mais en révélant de nouveaux secrets, précédemment inhibés.

 

Laura : d’Écho à Eurydice

Le fantôme de Laura Palmer qui plane sur les trois saisons de la série est donc d’une telle puissance qu’il paraît finalement plus vivant que les vivants. Mais, en héroïne lynchéenne, Laura Palmer est à la fois une surface inépuisable de projections et un trou noir insondable. Dans la troisième saison, alors que le temps du deuil s’est écoulé, son fantôme lui-même semble dépassé par les forces qui l’entourent, devenues radicalement maléfiques et explosives. Dans la troisième saison, les forces que la mort de Laura a soulevées, sont devenues plus puissantes avec le temps. Elles se sont étendues et la petite ville de Twins Peaks est redevenue un monde naïf et révolu où tous les personnages ont vieilli. Même si tout y converge encore, le temps et l’espace se sont fragmentés et l’intrigue se déplace de façon imprévisible sur de nouveaux personnages, dans des grandes villes et des périodes temporelles différentes. Le brouillage temporel a quitté les personnages qui ont naturellement vieilli, pour s’emparer de l’intrigue. Ce qui menace est devenu plus cruel et implacable, le mal est arrivé à maturation. Les figures qui l’incarnent se sont multipliées et attaquent de toutes part. Le mal fragmente l’intrigue et envahit l’espace avec froideur et cynisme, à l’image des hommes fantomatiques au visage noirci à la suie ressemblant à des mineurs hirsutes, revenus des strates les plus profondes de l’humanité. Dans le bureau du FBI de Cole (incarné par David Lynch), le portrait de Franz Kafka fait face à une photo en noir et blanc de la bombe nucléaire. Cette figuration symbolique signe la rencontre entre un absurde sans issue et l’annihilation du vivant, mettant le spectateur déstabilisé face à des angoisses de morcellement. De fait, le temps devient le nouveau mystère à résoudre, de plus en plus mystérieux et hermétique. Est-ce le passé ou le futur ? se demandent les personnages, et ce, jusqu’à ce que l’agent Cooper ferme la série sur une question déroutante : en quelle année sommes-nous ? L’épisode 8 de la troisième saison propose une expérience cinématographique éprouvante physiquement pour le spectateur agressé et désorienté, l’expérimental en passe par une expérience des limites. Le nouveau monde de Twin Peaks est attaqué d’une façon imprévisible et le voilà propulsé pendant plusieurs minutes dans une explosion nucléaire. Dans cet épisode central de la troisième saison, le mal et la destruction prennent cyniquement le pouvoir en explosant également tous les codes cinématographiques. Dale Cooper, après avoir traversé son morcellement identitaire sous la forme d’une ubiquité radicalement antithétique sur l’axe de l’innocence et du mal absolu, peut enfin mener à bien sa mission orphique : ramener Laura à la surface de la narration et effacer le monde de Twin Peaks au bord de son anéantissement.

D’abord générateur d’échos permanents, le fantôme de Laura n’a cessé d’essayer de faire entendre autrement la même chose, sous la forme de résonances, de rémanences et de réminiscences. Figure puissante de la persistance du retour, elle est à la source même de la structure sérielle jusqu’à ce qu’elle touche à ses limites. La série s’annonçait avec humour comme une « invitation à l’amour » avec une multitude de cœurs languissants. Mais à ne faire entendre que la fin, Écho, condamnée à répéter, prend le risque de s’épuiser face aux rejets de Narcisse jusqu’à se figer dans une répétition mortifère 19. Il ne restait plus au fantôme de Laura Palmer, radicalement menacé d’implosion dans la saison 3, de guider Dale Cooper vers la phase la plus difficile de son initiation, en lui demandant l’impossible : la ramener telle Eurydice parmi les vivants. Le mythe orphique exaucé aurait pu donner lieu à une victoire finale de l’amour. Si la mélancolie et sa poétique sont liées à la perte irréversible de l’objet d’amour, la plupart des personnages féminins de la série sont des Eurydice qui auraient pu être sauvées. Mais en réalité, la troisième saison se finit avec le hurlement d’effroi de Laura Palmer devenue Carrie Page. Ramenée par Dale Cooper d’entre les morts, elle se retrouve face à sa maison habitée par d’autres, dans une réalité parallèle. Dans l’inversion finale issue d’un paradoxe temporel, Laura est bien vivante et l’histoire qui s’est déroulée s’efface car sa mort n’a pas eu lieu.

 

Le cri de laura

Alors que son fantôme ne pouvait qu’émettre des messages syncopés et sibyllins ou chuchoter à l’oreille de Dale Cooper dans la loge noire, comment interpréter le cri d’effroi final de Laura Palmer/Carrie Page – revenue d’entre les morts dans une réalité parallèle ? Ce dernier cri en évoque un autre, celui d’avant sa mort dans les bois, comme s’il en était la continuité. S’agit-il de l’expression d’un exorcisme final, d’une libération enfin possible, celle du trauma enfin crié, comme évacuation radicale de l’histoire qui hante son corps, « le cri de terreur viscéral de son histoire faite de viols répétés 20 » ? S’agit-il d’un cri de terreur face à une réalité multiple sans fin possible, sans limites, où il serait impossible d’être unique, ni jamais tout à fait vivant, ni tout à fait mort ? Signe-t-il l’angoisse face à l’idée que la réalité n’existe pas, que nous sommes condamnés à vivre, en morts-vivants, dans un rêve à la structure sérielle généré par des forces supérieures insondables ? Ce cri final strident est-il une ouverture ou une fermeture ? Permet-il d’effacer tout ce qui a précédé et de mettre fin à la série elle-même ? Le cri final de Laura permet-il d’entendre et d’accepter qu’un certain monde est révolu ? Permet-il au spectateur de faire enfin son deuil en acceptant que ce soit la fin de la série ? Exprime-t-il l’expulsion finale du travail de deuil douloureux des réalisateurs qui ont atteint leurs limites cinématographiques ? Quoi qu’il en soit, il est certain que Laura ressuscitera bientôt, ailleurs, sous un autre nom, en référence ou en écho. Son fantôme est inscrit dans un système sériel depuis que Pétrarque l’a ouvert, en écrivant pendant toute sa vie sa série de sonnets en hommage à Laura vivante puis à Laura morte 21. Le besoin sériel actuel est peut-être le signe de la mélancolie du monde face à des deuils impossibles. Le développement actuel de l’esthétique sérielle comme esthétique de la résurrection révèle sans doute un nouveau rapport à la mort 22 en lien avec une réalité en mutation, permettant de sublimer les difficultés à faire face tant aux limites qu’à la perte et au manque.

 

  1. Mark Frost, David Lynch, Twin Peaks, © ABC – Showtime, 1990-1991, 2017.
  2. Pétrarque, premier quatrain du sonnet 14, in Sonnets et Canzones, http://www.ipoesie.org/petrarque-sonnets-vie-11-20
  3. Petrarque, Sonnets à Laure morte, Hachette livre – BNF, 2021 [1913].
  4. Roland Barthes au sujet du portrait de David Gardner : « il est mort et il va mourir ». Roland Barthes, La chambre claire, Paris, Éditions de l’étoile - Gallimard - Seuil, 1980, p. 148-150.
  5. E.T Hoffmann, Le marchand de sable, O. Mannoni (trad.), in Sigmund Freud, L’inquiétant familier (l’inquiétante étrangeté), suivi du Marchand de sable, Paris, Payot et Rivages, « Petite biblio Payot Classiques », 2019.
  6. Au sujet du Spectrum et du retour du mort, Roland Barthes, La chambre claire, op. cit., chap. 4, p. 22-23.
  7. Simone Korff Sausse, « Freud, Hoffmann et les yeux », préface à Sigmund Freud, L’inquiétant familier (l’inquiétante étrangeté), op. cit.
  8. Jef Dehing, « L’œuvre de Jung, ombre et clarté », Cahiers jungiens de la psychanalyse, 2007/3, n° 123, p. 51-77, https://www.cairn.info/revue-cahiers-jungiens-de-psychanalyse-2007-3-page-51.htm
  9. Entendons par travail du négatif la capacité à mettre en mouvement un processus de dépassement de l’opposition vie/mort pour qu’une véritable conscience de soi puisse advenir : « Le travail du négatif épouse les oppositions entre pulsion de vie et d’amour et pulsion de mort et de destruction », André Green, « Commentaires après coup sur le travail du négatif », colloque d’Athènes, 24-26 novembre 2006, http://www.psychoanalysis.gr/documents/Green_Commentaires_Travail_du_Negatif.pdf
  10. Henri Bergson, Le rire, Paris, PUF, « Quadrige », 1999 [1900].
  11. Ghislaine-Sylvie Nourry-Namur, « La peur des fantômes qui donnent des nouvelles de l’au-delà », Contes et légendes, n° 8 « Les fantômes », mai-juin-juillet 2018, p. 40-45.
  12. Christine Condamin, Coralie Diere, « Fantôme, traces et trauma. De la douleur du deuil à l'expression d'un trauma encrypté », Bulletin de psychologie, 2013/6, n° 528, p. 489-497, https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2013-6-page-489.htm
  13. Ophélie Méchin, « Destin des identifications dans la perte : le fantôme », Conserveries mémorielles, 2016, n° 18, « Revenances et hantises », http://journals.openedition.org/cm/2228.
  14. Ibid.
  15. Geneviève Richard, « Métapsychologie du fantôme », Revue d’études ibériques et ibéro-américaines, http://iberical.paris-sorbonne.fr/metapsychologie-du-fantome/.
  16. Vinciane Despret, « Être ou ne pas spectre », Libération, 13 novembre 2008, « 59 philosophes écrivent », p. 15.
  17. Nicolas Abraham, Maria Torok, L’écorce et le noyau, Paris, Flammarion, « Champs essais », 1977. Dans cet ouvrage, « l’encrypté » est une forme grave d’inclusion psychique en lien avec la perte, l’objet perdu étant narcissiquement indispensable au survivant alors même qu’un secret inavouable le lie à un autre. Les fantômes seraient la conséquence sur un sujet du secret inavouable d’un autre.
  18. Sigmund Freud, L’inquiétant familier (l’inquiétante étrangeté), op. cit.
  19.   Paris Marion Polirsztok, « Échos et remakes : le cinéma comme résurrection », L’art du cinéma, 2009, n° 63-64-65, « Échos et remakes », p. 7.
  20.  Cécile Desbrun, « Un impossible réveil », Culturellement vôtre, 16 décembre 2017, https://culturellementvotre.fr/tag/twin-peaks-saison-3-analyse/.
  21. Pétrarque, Sonnets à Laure morte, op. cit.
  22. Vinciane Despret, « Être ou ne pas spectre », op. cit.