Témoigner de l'avenir pour changer le passé : les ratures de l'histoire dans <em>The Uncanny X-Men</em>

Témoigner de l'avenir pour changer le passé : les ratures de l'histoire dans The Uncanny X-Men

Par CHELEBOURG Christian

« Je n’arrive pas à croire qu’un monde soit perdu à tel point qu’on ne puisse pas le changer 2. »

(Christina Pryde)

 

 

 

« Je pense que si je connaissais mon futur, je passerais ma vie à essayer de le changer 3 », songe Ororo Munroe, alias Storm, l’ancienne pickpocket du Caire recueillie par le Professeur Xavier dans l’équipe des X-Men. Qui ne penserait pas de même ? Les oracles et la divination ne promettent rien d’autre. Au tournant des années 80, les superhéros mutants créés en juillet 1963 par Stan Lee et Jack Kirby se trouvent en capacité de poursuivre cette chimère et même acculés à le faire, à tenter de corriger, de raturer l’histoire pour mieux en maîtriser le sens. La fiction spéculative qui en découle mobilise un imaginaire qui intéresse aussi bien l’héritage littéraire et religieux que l’écriture des comics et la mémoire de la Shoah.

 

Paradoxe temporel

Au mois de janvier 1981, le scénariste Chris Claremont et le dessinateur John Byrne projettent les Uncanny X-Men, ou plutôt ce qu’il en reste, dans un Manhattan postapocalyptique. On est en 2013, les Sentinels, des robots conçus à l’origine pour éliminer les mutants, ont pris le pouvoir sur une Amérique ravagée. Katherine Pryde est leur prisonnière. Comme la plupart de ses semblables, la passe-muraille porte un collier qui annihile son superpouvoir. Mais elle a tout de même trompé la vigilance de ses geôliers pour rencontrer clandestinement Wolverine. Émissaire de la résistance canadienne, il l’informe d’une prochaine offensive nucléaire sur tout le continent si les créatures d’acier perfectionnées par Larry Trask font mine de vouloir étendre leur empire. Or, c’est précisément ce qu’elles préparent.

Le titre de l’épisode, Days of Future Past, s’affiche sur la façade en ruine d’un immeuble de Park Avenue. Il fleure bon les Sixties. On y entend l’écho d’un album des Moody Blues sorti au Royaume-Uni le 11 novembre 1967, arrivé aux USA en avril 1968, Days of Future Passed, sur lequel figurait leur morceau le plus célèbre : « Nights in White Satin 4 ». C’était le bon temps. Précisément celui de la naissance de Kitty Pryde, introduite en janvier 1980 dans God Spare the Child… (The Uncanny X-Men, no 129) alors qu’elle a treize ans. De la part des deux auteurs nés en 1950, il y a plus dans ce clin d’œil aux Moody Blues que la nostalgie de leur adolescence soixante-huitarde et le souvenir d’un slow aussi lancinant qu’interminable : plus de sept minutes. Days of Future Passed a marqué un tournant de l’histoire du rock : premier véritable concept album avant Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles qui devait populariser le format, et première collaboration entre un groupe pop et un orchestre symphonique avant Deep Purple et son Concerto for Group and Orchestra ou The Who avec Tommy interprété par le London Symphony Orchestra, deux événements de l’année 1969. La référence, en ce sens, est marquée par une volonté de légitimation de la culture jeune, peut-être avant tout un besoin de reconnaissance, qui passe par l’abolition du clivage entre classique et populaire. Claremont et Byrne, en ce domaine, se situent dans le sillage de Stan Lee et de sa tournée des universités américaines durant les années 70 pour promouvoir la mythologie des comics.

Mais par-delà cette posture esthétique visant à redéfinir les cadres de l’expression artistique, l’allusion à Days of Future Passed engage également la logique du récit. Le tableau de New York sur lequel s’ouvre le récit correspond en effet au programme posé par le titre du 33 tours. Il nous donne à voir un futur passé, un avenir tel que l’imaginaient à la fin des années 60 et au début des années 70 des films comme Planet of the Apes (1968), The Omega Man (1971) ou même Soylent Green (1973). La critique n’a pas manqué de relier cette intrigue à l’élection de Ronald Reagan à la Maison Blanche 5. Elle comporte une réflexion sur l’arrivée au pouvoir d’un conservatisme radical et agressif. On nous montre comment le fait de vouloir rendre à l’Amérique sa grandeur – faut-il rappeler que c’est la campagne de Reagan qui a lancé le slogan « Let’s Make America Great Again » repris par Trump en 2016 ? – peut conduire à réaliser ses pires cauchemars, ceux qu’Hollywood actualise au sens grammatical du terme. Et tout l’objet de la diégèse est de conjurer ce futur d’antan au moyen d’un passé qui n’est pas encore advenu, un passé proprement à venir qui doit rendre le cauchemar impossible. L’oxymore du titre met en avant le paradoxe temporel sur lequel repose le récit.

En matière de voyage dans le temps, les lecteurs de science-fiction ont intégré depuis la fin de la guerre que la plus grande circonspection est de mise dès lors qu’on s’aventure à remonter dans le passé. Dès 1944, Le Voyageur imprudent de René Barjavel a montré l’exemple à ne pas suivre et, en 1952, Ray Bradbury dans A Sound of Thunder est allé jusqu’à postuler qu’un papillon malencontreusement écrasé à l’ère jurassique pouvait changer le résultat d’une élection contemporaine. Claremont et Byrne n’en ont cure et accréditent l’idée qu’il suffirait d’empêcher le meurtre d’un sénateur hostile aux mutants pour éviter l’hystérie répressive qu’il a engendrée. Le scénario de Days of Future Past fait le pari d’une causalité simple et directe, que Kate expose aux X-Men en leur expliquant sa mission par la voix de Kitty : « à Halloween, en 1980 – aujourd’hui –, la Confrérie des Mauvais Mutants va abattre le candidat à l’élection présidentielle Robert Kelly, en même temps que Charles Xavier et Moira MacTaggert. / L’assassinat de Kelly va déclencher une série d’événements qui – à 30 ans d’ici – culmineront dans la destruction du monde par un holocauste nucléaire. Je suis là pour empêcher ça 6 ». Le résumé dans la suite de l’épisode, Mind out of Time, parlera d’« événement séminal 7 ». La logique est mécaniste : un mouvement initial entraîne une réaction en chaîne. C’est cette conception de l’histoire qui motive le voyage dans le temps : « Que cet acte de terrorisme soit déjoué et, espérons-le, les Sentinels ne verront jamais le jour 8. »

 

Migration des âmes

Pas de machine complexe pour cela, pas de scaphandre, pas d’exposé théorique comme les développements d’H.-G. Wells sur la quatrième dimension dans The Time Machine (1895). Tout repose sur les pouvoirs psychiques d’un nouveau personnage introduit pour la circonstance : Rachel Summers, fille de Scott Summers, alias Cyclops, et du Phoenix, Jean Grey. Il ne s’agit pas d’envoyer Kate Pryde dans le passé, mais de transférer son esprit d’adulte dans son corps d’adolescente afin qu’elle puisse informer les X-Men de 1980 de ce qu’elle sait en 2013. Claremont et Byrne avaient déjà transporté Jean Grey au xviiie siècle sous l’emprise mentale de Jason Wyngarde, le cerveau du Hellfire Club. Leur conception du voyage dans le temps relève moins de la science-fiction que de la parapsychologie ; ils n’en font pas une prouesse technologique mais une expérience spirituelle. Si l’histoire proprement dite ne compte que deux volets, sa publication en volume au mois d’août 2004 9 la rattache à une veine mystique en l’inscrivant dans un ensemble plus vaste centré sur l’arrivée et l’installation de Kitty parmi les X-Men. Tout s’ouvre sur les obsèques de Jean Grey qui s’est sacrifiée pour protéger l’univers des pouvoirs quasi divins dont elle s’est enivrée en tant que Dark Phoenix. La compilation intègre aussi une réécriture de la Divina commedia du Dante parue dans le X-Men Annual de 1980, Nightcrawler’s Inferno, qui mène Kurt Wagner ou plutôt son âme jusqu’au 9e cercle de l’enfer en compagnie de Doctor Strange et de quelques autres. Deux tératomachies opposent par ailleurs les mutants à des créatures légendaires : le Wendigo tiré du folklore amérindien dans Rage 10! et un monstre d’inspiration lovecraftienne, le N’Garai remonté de la nuit des temps, dans Demon 11. L’un s’attaque à Wolverine et Nightcrawler en pleine nature, l’autre surprend Kitty dans l’école du professeur Xavier, où ses origines juives lui valent de passer seule la nuit de Noël. Le Wendigo renvoie à une malédiction, tout comme le titre d’une autre aventure, Something Wicked This Way Comes ! 12, est emprunté à une sorcière de Macbeth. Les X-Men évoluent dans le royaume des ombres.

Dans ce contexte, l’usage que Rachel Summers fait de son pouvoir s’apparente d’autant plus à une épreuve initiatique : « C’est drôle, j’ai expérimenté la mort si souvent à travers l’esprit des autres, pourtant je suis terrifiée à l’idée de mourir moi-même 13 », songe-t-elle en serrant contre elle le corps inerte de Kate, tandis qu’Ororo se fait transpercer par un Sentinel et que Wolverine, pulvérisé, est réduit à son squelette d’adamantium. Le lien médiumnique est, pour Rachel, une mort par procuration sans cesse renouvelée. Il la confronte à la mortalité de ses semblables, donc aux limites de leur invincibilité de façade. Il les humanise, en quelque sorte, nourrissant le sentiment de fragilité qui l’angoisse. Mais face à Kate, la télépathe ne pense pas à elle-même. Elle est taraudée par un questionnement que ne renierait pas un théologien : « Si le corps de Kate meurt ici, est-ce que son esprit sera piégé dans le passé ? Si oui, je lui souhaite… une vie meilleure que celle qu’elle a vécue 14. » La possibilité d’une mort brutale en 2013 change le voyage dans les années 1980 en migration spirituelle. Le mythe des âmes errantes et le clivage psychédélique de l’esprit et du corps sont revisités dans une optique eschatologique. Le retour dans le passé porte un espoir de jours meilleurs, une promesse de paradis. Il offre en tout cas à Kate et aux X-Men une seconde chance ; il leur permet de prendre un nouveau départ. L’Amérique du xxie siècle est identifiée à un cercle de l’enfer et l’hégémonie des Sentinels à un châtiment.

On comprend mieux l’univocité du lien causal sur lequel repose toute l’entreprise : le meurtre du sénateur Kelly est au fond moins invoqué comme un événement historique que comme une faute à expier. Le péché auquel les mutants du futur doivent de vivre dans un monde marqué par la Chute est d’avoir répondu à la méfiance par la violence, d’avoir voulu « enseigner à l’humanité la peur et le respect de l’homo superior 15 », comme le clame Raven alias Mystique, la chef de file de la Confrérie des Mauvais Mutants. « Les reportages sur l’assassinat de Kelly n’ont pas mentionné précisément qui l’a tué 16 », nous apprend Kate. Et si elle, sûre de ses compagnons d’armes, l’attribue à la Confrérie, Bishop qui fait le voyage à sa place dans la série animée X-Men va jusqu’à soupçonner les superhéros eux-mêmes, suite à un trou de mémoire et parce qu’il vient à peine de rallier leur équipe. Tout contribue à donner à l’attentat une portée collective : « c’est notre faute à tous 17 », déclare Charles Xavier après avoir scanné l’esprit et les souvenirs de Bishop. Jean Grey et Storm reconnaissent non sans fierté qu’elles se sentent capables d’un tel crime : « Nous avons tous dans l’âme des côtés obscurs18 », assène la maîtresse du vent et des éléments. C’est l’occasion d’un moment féministe où les deux mutantes font valoir un pouvoir de nuisance qui n’a rien à envier à leurs homologues masculins. Il y a du Girl Power avant l’heure dans leur protestation. L’information rapportée du futur revêt une fonction psychopompe : elle oblige à un examen de conscience et fait réfléchir chacun aux conséquences de ses choix et de ses actes. Elle intente au présent le procès de l’avenir.

 

Réécriture de l’histoire

C’est tout l’enjeu de Days of Future Present, le crossover écrit en 1990-91 par Walter et Louise Simonson avec Chris Claremont, pour faire suite aux tribulations de Kate Pryde. Franklin Richards, le fils de Reed Richards, leader des Fantastic Four, et de la femme invisible, surgit adulte du futur pour exposer à son moi enfant la nuisance de ses pouvoirs et le contraindre à y renoncer. Son avenir, c’est celui où règnent les Sentinels, où les superhéros ont été défaits, parfois transformés en limiers chasseurs de mutants (Hounds), sous le contrôle d’un humanoïde nommé Ahab qui fait ici son apparition. Rachel Summers a été l’une de ces créatures, la meilleure d’entre elles. Elle est désormais traquée à son tour par Ahab, tout comme Franklin, son grand amour, qu’elle a vu mourir sous ses yeux. Car telle est la révélation qui se fait jour : c’est au moment de sa mort que Franklin Richards modifie la réalité pour se propulser en rêve dans le passé, reconstituer l’environnement dans lequel il a grandi et tâcher d’annihiler à sa source un pouvoir qu’il rend responsable du sort funeste du monde. « C’est ma propre infamie, mon impulsivité qui m’ont fait contribuer à notre perte 19 », explique-t-il à son père en lui rappelant qu’il avait lui-même cherché à le brider quand il était enfant. À la lumière de l’expérience, l’homme qu’il est devenu rend en quelque sorte hommage à la clairvoyance de Reed Richards et prend le contrepied de son adolescence rebelle pour accomplir ce que l’autorité paternelle n’avait pas réussi à imposer. Mais c’est aussi prendre l’ascendant sur le leader des Fantastic Four, qui n’a pas réussi à contrarier une évolution qu’il pressentait. Le scénario met en avant la fragilisation de la figure paternelle. La démonstration se heurte néanmoins à un obstacle logique sur lequel un des X-Factor met le doigt : « Peut-être que j’ai raté quelque chose, Reed, mais si le jeune Franklin – à partir de maintenant – n’a plus aucun superpouvoir… d’où donc son moi plus âgé tiendrait-il la capacité de voyager dans le temps, sans parler des autres tours de force qu’il a réalisés 20 ? » Le paradoxe temporel s’invite pour dénoncer l’incohérence de la situation.

L’important, c’est l’intention, le repentir au sens que l’étude génétique des œuvres d’art donne au terme. La storyline se veut édifiante. Franklin Richards s’avise rétrospectivement qu’il aurait été bien inspiré d’être un fils plus obéissant, et il fait tout pour corriger son erreur. Charles Xavier comprend de même, dans Days of Future Past : The Animated Series, qu’il aurait dû protéger le sénateur Kelly. Dans les deux cas, le voyage rétrograde est entrepris à des fins de réparation. L’histoire de Franklin Richards illustre ses remords. Elle a tout d’un conte pour enfant sage, désolé d’avoir commis une faute à son corps défendant. « Je le vois maintenant… avec mes yeux d’enfant ! Et je sais ! Ça ne doit jamais arriver ! Ça ne doit jamais s’être passé comme ça 21 ! », s’emporte-t-il adulte, cramponné au moi innocent de sa prime jeunesse. Le décalage entre les potentialités, les espérances et la réalité dramatise un enchaînement de circonstances qui prend l’allure d’une fatalité maligne.

La chronologie sur laquelle repose le voyage rétrospectif s’inspire de la théologie de la prédestination, selon laquelle tout est écrit. De là le personnage de Destiny, la seule amie de Mystique, dont le pouvoir de divination se trouve mis à mal par l’intervention de Rachel Summers dans Days of Future Past. Si, au moment de lancer l’attaque contre le sénateur, elle peut discerner « un nouvel élément aléatoire qui pourrait sérieusement affecter notre plan 22 » ou, comme elle le dit plus loin, « une anomalie qui touche au cœur même du flux temporel 23 », c’est que pour elle l’avenir est d’ordinaire un livre ouvert. Kate vient troubler cette linéarité en y introduisant un principe d’incertitude qui interdit toute prévision claire. La création de cette figure d’aveugle extralucide pour cet arc narratif accuse, par le nom même qui lui est donné, une confusion de l’histoire et de la destinée. Précognitive comme on dit en science-fiction, Destiny s’inspire des oracles antiques pour faire ressortir les fondements mythiques de la conception du temps sur laquelle repose le scénario. La mission d’Ahab dans Days of Future Present confirme et complète cette représentation de la temporalité : « Après le va-et-vient de Pryde dans le temps, la hiérarchie a mis en place des contre-mesures appropriées en m’implantant moi et les miens à ce carrefour temporel pour empêcher toute nouvelle réécriture de ce qui est pour nous l’histoire 24 », explique-t-il. Ahab et Destiny se rejoignent pour définir l’histoire comme un texte littéraire que le voyage de Kate altère.

À la lumière de cet imaginaire, les cloisons solides ne sont pas les seules que la jeune mutante traverse. La métaphore livresque que filent la prophétesse et le cyborg lui reconnaît également le pouvoir de franchir le mur de la métalepse 25 en étant à la fois acteur du récit et d’une certaine manière auteur, capable de le remanier après coup, de le corriger, de l’amender. L’histoire apparaît comme un mythe, au sens étymologique du terme, dans lequel Rachel et Kitty tâchent d’apporter des variantes. Ce qui s’oppose, au fond c’est d’un côté l’homogénéité du tissu narratif, la pureté linéaire de sa trame, de l’autre le désordre qu’y apportent les ratures, les retouches, les repentirs. Pour la Confrérie des Mauvais Mutants et les Sentinels, l’histoire est un livre publié ; pour les X-Men et leurs alliés, c’est un manuscrit en développement, toujours susceptible d’être remis sur le métier.

 

Conflit des interprétations

Chris Claremont et John Byrne tirent les conclusions des mésaventures éditoriales de Jean Grey, la mère de Rachel Summers. « Tout ça c’est des comics, et parfois on change d’avis 26 », déclare John Byrne au printemps 1984 dans The Phoenix Tapes, une interview des principaux protagonistes de l’écriture et de la publication de The Uncanny X-Men numéro 137, celui qui avait clos quatre ans plus tôt la saga de Dark Phoenix. L’échange reconstitue l’histoire d’un de ces changements d’avis dans une publication qui – fait exceptionnel – révèle aux lecteurs la version originale de cet ultime épisode, The Fate of the Phoenix !, dont le rédacteur en chef de Marvel, Jim Shooter, avait à l’époque exigé le remaniement. On y découvre que l’héroïne créée par Stan Lee et Jack Kirby dans le tout premier numéro de The Uncanny X-Men, ne s’y sacrifiait pas mais retrouvait sa place dans l’équipe un fois débarrassée des pouvoirs du Phoenix. Claremont et Byrne avaient pris soin de ménager un happy end à leur sombre saga et de rendre le personnage disponible pour de nouvelles aventures. Condamnée par l’Impératrice Lilandra, comme dans la version publiée, elle était sauvée par les X-Men unanimes. Shooter ne l’avait pas toléré. L’ampleur des destructions causées par Phoenix rendait à ses yeux sa réhabilitation impossible, indécente. Dans un milieu professionnel pétri de culture hébraïque 27, sa conviction était fondée sur une analogie historique à laquelle un Chris Claremont, lui-même né de mère juive, ne pouvait être sensible :

 

Je pense personnellement, et je l’ai dit à maintes reprises, qu’avoir un personnage qui a détruit un monde habité avec ses milliards de vies, qui a anéanti un vaisseau interstellaire, et ensuite… bon, vous voyez, on lui enlève ses pouvoirs et on la laisse revenir sur Terre. Ça me semble être la même chose que capturer Hitler vivant à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lui retirer l’armée allemande et le laisser venir s’installer à Long Island. D’ailleurs, je ne pense pas que l’histoire s’arrêterait là, je pense qu’un paquet de monde viendrait à sa porte avec des mitraillettes  28

 

Un enjeu de crédibilité s’allie donc, dans sa réaction, à l’enjeu moral. Les dialogues ont été réécrits pour approfondir la question de la dualité de Jean Grey et la trancher en faveur non de l’amitié, mais du bien de l’humanité. Le dernier volet de l’histoire, intitulé Return to the Ashes dans le manuscrit, cède la place à six nouvelles planches qui montrent l’équipe résignée à l’élimination de Jean, à l’exception de Scott Summers le Cyclop, bien sûr, devant qui elle se donne elle-même la mort pour évacuer la menace qu’elle représente. Elle a suivi le même cheminement intellectuel que ses alliés. Elle renchérit même sur leurs craintes, puisqu’elle confesse auparavant sa fascination pour la puissance et la destruction. Tout le monde, comme Jim Shooter, se rallie à Lilandra. En conclusion, le Watcher qui vantait initialement en Jean un symbole « du potentiel de l’espèce pour le bien comme pour le mal 29 » en fait désormais celui de son « extraordinaire aptitude au sacrifice de soi 30 », et formule dans la foulée ce qui pourrait être l’épitaphe de l’héroïne : « Jean Grey aurait pu vivre pour devenir un dieu, mais il était plus important pour elle de mourir… en humaine 31. » Changement de lecture, changement de psychologie, changement de destin si l’on se réfère au titre de l’aventure. « Je sentais que les actes devaient avoir des conséquences 32 », résume Jim Shooter pour justifier son insistance. Le retour de Jean Grey parmi les X-Men n’aurait pu, selon lui, qu’alimenter l’hostilité à leur égard et donner raison à leurs détracteurs en entretenant un sentiment délétère d’irresponsabilité et d’impunité. Vivante, elle est au fond l’exemple par excellence du bienfondé des peurs agitées par le sénateur Kelly. Son sacrifice sauve la mise aux mutants.

Tout, dans cette évolution du personnage, est affaire de lecture et d’écriture. Jim Salicrup, l’éditeur en charge des X-Men, nous apprend que, de son côté, il pensait la saga en termes de possession diabolique et comparait Jean Grey à la jeune Regan McNeil dans The Exorcist (1973) de William Friedkin : « Dans le film, il y a cette petite fille qui prend le dessus et plusieurs personnes sont tuées, mais à la fin, quand le démon est parti, personne ne pense “Tuons cette petite fille meurtrière !” Vous voyez 33 ? » John Byrne confirme qu’il dissociait de même Phoenix de Jean Grey, mais il convient volontiers que rien n’était explicite : « quand on y regarde de près, ça n’a jamais été joué comme ça et on se retrouve avec des problèmes. On peut voir ça comme la justification d’un génocide 34. » La possession implicite a donc été changée en symbiote explicite, impliquant une intrication des deux identités.

La génétique de la saga met en avant l’ambivalence inhérente à l’écriture souvent suggestive des comic books, et la réécriture atteste leur malléabilité discursive : des trente-quatre planches initiales, vingt-neuf sont reprises telles quelles, à l’exception de nombreuses répliques bien sûr mais d’une seule case partiellement redessinée pour substituer Angel à Gladiator, le leader de la Garde prétorienne de Lilandra, qui affronte les X-Men. Les mêmes dessins peuvent raconter des histoires opposées. L’expérience de The Fate of the Phoenix !, à la fois sa mésinterprétation et sa réécriture en urgence, prouvent que rien n’est jamais acquis dans les comics, rien n’est jamais écrit une fois pour toutes. Même le meilleur, le plus cliché, le plus attendu n’est pas assuré, pourquoi le pire le serait-il ? C’est tout l’objet de Days of Future Past : le destin (Fate) peut toujours être remanié, réinventé. On ne s’étonnera guère que, pour l’illustrer, Claremont choisisse d’entraver l’histoire d’un autre génocide. Dans la foulée, à l’automne 1981, il prendra le parti d’expliquer la violence du combat de Magneto pour la cause mutante par sa déportation à Auschwitz quand il était enfant 35. L’interprétation de la saga de Dark Phoenix par Jim Shooter semble avoir agi comme un catalyseur sur l’inspiration du scénariste, libérant ses références inconscientes à l’Holocauste 36.

 

Ægri somnia

Pour parvenir à son objectif, Katherine Pryde fait preuve comme sa mère d’esprit de sacrifice. Le sien est sentimental. Piotr Rasputin alias Colossus, qu’elle a épousé entre temps, lui pose d’emblée la question qui fait mal : « Et si nous réussissons, qu’adviendra-t-il de nous, de notre amour ? Il pourrait cesser d’exister, comme les Sentinels 37 ». L’amour rétablit de la complexité dans la chaîne causale. Se prémunir contre le pire risque aussi d’impacter le meilleur ; les conséquences d’une réécriture du passé sont multiples et imprévisibles. Entre son bonheur et la vie de milliards d’êtres humains, Kate n’hésite évidemment pas. Elle ne serait pas une superhéroïne sans ça. Et puis il reste en elle une part de fatalisme : « Peter, si notre amour était appelé à exister, il existera 38. » Kate veut croire à l’union mystique des âmes et des cœurs. Le Cantique des cantiques affirme que l’amour est plus fort que la mort (8:6). La révision de l’histoire est pour elle l’occasion de vérifier s’il est également plus fort que les faits. Elle envisage l’expérience avec confiance comme une mise à l’épreuve de leur idylle entamée dès le soir de ses quatorze ans dans The Uncanny X-Men de janvier 1983 (no 165) et déjà préfigurée dans Demon, quand elle souhaite un joyeux Noël à Peter en agitant une branche de gui au-dessus de sa tête tandis qu’elle l’embrasse sur la joue par surprise. Le feuilleton de leur relation, qui parcourt les planches du mensuel, relève plus du coup de foudre que de l’enchaînement de circonstances. La fillette ingénue a réussi à l’imposer à son partenaire en dépit des préventions de celui-ci quant à son jeune âge. On comprend qu’elle puisse rester optimiste. Le Colosse, lui, se situe à un niveau ontologique, considérant qu’« on joue avec la structure de base de la réalité 39. »

Il est d’accord en cela avec Moira MacTaggert qui s’en inquiète auprès de Charles Xavier : « Charles, si tu as raison… si le voyage dans le temps est praticable, si le résultat est que l’histoire est… modifiable – il nous faut redéfinir notre concept de réalité lui-même 40. » La réalité pour la généticienne existe dans le temps, elle est indissociable de l’histoire et de sa chronologie. Un événement ne peut pas à la fois avoir été et ne pas avoir été. Or, c’est précisément ce que se propose d’accomplir Rachel Summers en projetant Kate dans son passé. Dans l’adaptation cinématographique de 2014, où Kitty Pryde remplace Rachel Summers comme médium et cède à Wolverine sa place de voyageuse temporelle, cette contradiction est mise en avant lorsqu’elle lui explique les effets de l’opération :

 

En gros, ton corps va dormir pendant que ton esprit va remonter le temps. Tant que tu seras là-bas, le passé et le présent vont continuer de coexister. Mais dès que tu te réveilleras… tout ce que tu auras fait va prendre racine et devenir l’histoire. Et pour nous tous, ce sera la seule histoire que nous connaîtrons. Ce sera comme si les cinquante dernières années n’avaient pas eu lieu. Dans ce monde, cette guerre… La seule personne qui s’en souviendra, c’est toi  41.

 

L’analogie au sommeil permet de spécifier le moyen par lequel l’aventure spatiotemporelle est articulée au décor narratif de départ. On a affaire au dispositif de l’Échiquier 42, dans sa déclinaison onirique consistant à brouiller la distinction entre réalité objective, partagée par divers focalisateurs indépendants, et rêve subjectif, apanage d’un seul. En l’espèce, le voyageur est censé s’endormir dans un monde matériel qui ne sera plus qu’un songe à son réveil. L’expédition régressive fonctionne comme un inverseur de statut ontologique : par un tour de passe-passe mnésique, le réel devient un rêve et le rêve – l’activité de l’esprit pendant que le corps sommeille – engendre une histoire nouvelle. Le voyageur voit son expérience phénoménologique reléguée au rang de vision onirique, de fantasme.

En devenant passé, le futur se fait illusion cauchemardesque. Il n’est plus qu’un possible parmi d’autres, dont celui ou ceux dans lesquels Kitty et Peter ne seraient pas aimés. Le pire n’est plus assuré ; le meilleur non plus. À l’instant où Kate, Bishop ou Wolverine reviennent au xxe siècle, l’avenir dont ils arrivent bascule dans la potentialité, l’incertitude. Non seulement personne ne peut connaître le monde dont ils parlent, mais il n’a même plus d’autre réalité intrinsèque et tangible que leur vécu. D’où leur difficulté à se faire entendre. Wolverine y remédie dans le film en rapportant à un Charles Xavier encore sur ses deux jambes une confidence sur ses pouvoirs qu’il ne lui fera que des années plus tard 43. Personne ne peut savoir cela, l’anecdote capte donc aussitôt l’attention de son interlocuteur. Dans le comic book et la série animée, c’est un scanner de l’esprit de Kitty et de Bishop qui assure l’équipe de leur bonne foi. Leurs souvenirs relèvent alors du ça-a-été dont Barthes fait le noème, l’essence même de la photographie. Et ils en ont la mélancolie 44 comme en témoignent aussi bien le sentiment d’échec qui s’empare de Xavier en découvrant les souvenirs de Bishop que la réaction de Kate en retrouvant ses anciens compagnons d’armes : « On s’est battu, on a perdu, on est m-mort. Et maintenant… vous voir en vie… Oh mon dieu, je ne pensais pas que ça ferait aussi mal 45 ! » La vérité du rêveur est de nature sensible, non concrète.

 

Mémoire des survivants

Tandis que les combats se prolongent dans les rues de New York en proie aux Sentinels, Colossus s’inquiète du temps que prend Kate pour mener à bien sa mission : « Notre monde peut ne pas changer du tout. À la place, l’action de Kate peut créer une chronologie entièrement différente… une terre alternative, parallèle 46 », lui répond Rachel à défaut de le rassurer. Elle ne sait pas si bien dire. Il est bientôt acquis que c’est elle qui est née dans un futur différent de la Terre-616 47, la continuité principale des Uncanny X-Men. Kate a réussi, comme on s’en doutait, mais cela n’a aucun impact sur l’avenir d’où elle est partie. Une fois ouverte la brèche spatiotemporelle, les allées et venues se multiplient. On l’a vu pour celles de Franklin Richards, un autre enfant de cette Terre-811 où il file le parfait amour avec Rachel. Elle fait elle-même le déplacement en chair et en os – non plus en esprit comme Katherine Pryde – dans The Past… of Future Days, un épisode paru en août 1984. Néanmoins, plusieurs indices lui suggèrent rapidement qu’elle a commis une méprise : « Mon voyage temporel a été un succès, je suis dans le passé. / Mais est-ce le bon passé… / Mon passé 48 ? » Les X-Men ne sont pas tout à fait les mêmes : Storm est coiffée d’une crête iroquoise, Xavier est ingambe. La loi de contrôle des mutants est passée à l’instigation de Robert Kelly qui n’a donc pas été assassiné. On pourrait dire de ce monde qu’il n’est, par rapport à celui dont est issue la Terre-811, ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Aux yeux de Rachel, hantée par les fantômes de son avenir passé, il apparaît étrangement rassurant, ce qui n’est pas moins que l’inquiétante étrangeté une forme de cet unheimliche que le traducteur anglais de Freud rend précisément par uncanny 49 : « De mon temps, les humains normaux comme toi haïssaient les mutants, ils nous chassaient et, quand on avait de la chance, ils nous tuaient 50 », ne peut-elle s’empêcher de songer quand un patron de boîte de nuit l’accueille à son domicile en toute sympathie. C’est une femme apeurée, aux aguets, et le fait qu’elle soit réellement traquée ne change rien à son anxiété paranoïde. C’est aussi, surtout peut-être, une femme qui peine à trouver sa place dans la société : « Plus je regarde cette époque, moins mes souvenirs ont de sens 51 », déclare-t-elle le mois suivant dans Public Enemy où son état psychologique lui vaut de suivre une psychanalyse avec le Professeur Xavier. Elle appelle dans la foulée Scott Summers au téléphone, mais reste incapable de parler à cet homme dont elle fait tout pour se rapprocher sans pouvoir lui dire qu’elle est sa fille. Dans Legacy of the Lost, en décembre 1984, elle apprend la mort de sa mère en surprenant une conversation au cours de laquelle Kurt Wagner évoque les revers subis par l’équipe. Sa réaction manque de coûter la vie au farfadet, en dépit de leur amitié. Xavier est obligé d’intervenir vigoureusement pour la calmer et stopper ses rafales psioniques. Sa crise l’amène à raconter à tous ce qu’elle a vécu et sa vaine tentative pour l’enrayer, jusqu’à son arrivée dans cette temporalité à la fois différente et proche de la sienne, puisqu’on y retrouve à l’œuvre les mêmes forces hostiles aux mutants. Flottant entre deux mondes dissemblables mais similaires, en proie aux mêmes dérives idéologiques, elle érige sa mémoire en révélation d’un « futur qui nous attend peut-être tous si nous ne faisons rien… / pendant qu’on en a encore le temps… et qu’il nous reste un espoir 52. »

Toute une mythologie biblique et littéraire enrichit son personnage : « Tous ceux que je connais et que j’aime dans mon monde sont morts… Comme Ismaël dans Moby Dick, je reste seule pour raconter l’histoire 53 », se lamente-t-elle dans Juggernaut’s Back in Town. La référence rappelle que son prénom est aussi le nom du navire à bord duquel le narrateur de Melville trouve refuge après le naufrage du “Pequod”. Le roman s’achève sur l’évocation de ce baleinier dont le capitaine recherche en vain ses enfants disparus. Il établit ainsi une analogie avec un passage du prophète Jérémie : « Ainsi parle l’Éternel : / On entend des cris à Rama, / Des lamentations, des larmes amères ; / Rachel pleure ses enfants ; / Elle refuse d’être consolée sur ses enfants, / Car ils ne sont plus. (31:15 54). Le sens littéral des versets interpelle dans la mesure où l’épouse de Jacob est morte en donnant naissance à son second fils, bien avant que le premier ne décède à son tour 55. Mais la posture prophétique du Livre place précisément la Rachel biblique dans une situation comparable à celle de Rachel Summers : elle lui fait verser des larmes sur des deuils à venir. La télépathe rejoint ainsi la figure de la grande aïeule d’Israël dont le tombeau, l’un des lieux saints du judaïsme, symbolise le chemin emprunté par les Judéens lors de la déportation à Babylone.

À ses idées noires s’ajoute la culpabilité d’avoir servi Ahab sous la contrainte et traqué ses frères mutants. Elle se déteste au point de renoncer à l’usage du pouvoir de repérage qui la servait tant dans cette mission contre nature. Elle craque finalement dans The Spiral Path, sorti à l’automne 1985. Elle revendique son héritage maternel pour invoquer à son tour la force du Phoenix et réhabiliter la mémoire de Jean Grey en l’opposant aux « forces du préjugé et de la haine raciale 56 ». La scène de sa transformation est immédiatement suivie par une réception au Mémorial de l’Holocauste à Washington, D.C., en présence de Kate Pryde et de Magneto 57. Un survivant de Buchenwald est appelé à témoigner de l’extermination de sa famille. La brusquerie de l’enchaînement a valeur de rapprochement éclairant. Avec tous les traumatismes dont elle souffre 58, Rachel Summers, seule rescapée de la Terre-811, tient symboliquement dans The Uncanny X-Men le rôle – alors novateur dans la culture mainstream américaine 59 – de mémoire vivante de la Shoah. Elle illustre l’engagement de ces grands témoins pour qu’« un tel cauchemar ne puisse pas se reproduire 60 ! »

 

L’écriture de Days of Future Past et de ses suites immédiates est contemporaine d’une active campagne d’enregistrement vidéo des témoignages d’anciens déportés, l’Holocaust Survivors Film Projects lancé à l’Université de Yale le 28 juin 1979 par le journaliste Laurel Vlock et le psychiatre Dori Laub. Kitty Pryde, l’enfant juive, et Rachel Summers, la mutante persécutée, prêtent leurs jeunes visages à une génération martyre dont on craint, trente ans après la fin de la guerre, que le souvenir et les leçons ne se perdent : « Nous qui avons survécu sommes très vieux... et chaque année nous sommes un peu moins nombreux, comme nos geôliers et nos assassins 61 », déclare le conférencier du National Holocaust Memorial. Sur fond de phobie de la différence et de racisme d’état 62, le paradoxe temporel développé dans The Uncanny X-Men invite à toujours prendre garde à la façon dont on écrit l’histoire, de peur de ne pouvoir revenir en arrière et la raturer.

 

  1.  « I can’t think any world is so lost that we can’t turn it around. » (Marguerite Bennett, Myke Norton, Fco Plascencia, Years of Future Past, no 1, Marvel Comics, 2015, p. 6).
  2.  « I think if I knew my future, I would spend my life trying to change it. » (Chris Claremont, John Byrne, Mind out of Time, p. 1-30, The Uncanny X-Men, no 142, feb. 1981, p. 28).
  3.  Si l’album a connu un succès mitigé aux USA en 1968, son titre-phare s’est élevé à la première place du Billboard Hot 100 en novembre 1972.
  4.  Voir Ryan Donovan Purcell, « Days of Future Past: Comics and History », Rethinking History: The Journal of Theory and Practice, vol. 25, no 1, “History As Creative Writing 9”, 2021, p. 131-144.
  5.  « on Hallowe’en, 1980 -- today -- the Brotherhood of Evil Mutants will murder presidential candidate Robert Kelly, along with Charles Xavier and Moira MacTaggert. / Kelly’s assassination will set in motion a sequence of events that -- 30 years from now -- will culminate in the destruction of the world in a nuclear holocaust. I’m here to prevent that. » (Chris Claremont, John Byrne, Days of Future Past, p. 1-30, The Uncanny X-Men, no 141, jan. 1981, p. 17).
  6.  « seminal event » (Mind out of Time [op. cit.], p. 7).
  7.  « Prevent that act of terrorism and, hopefully, the Sentinels would never come into being. » (ibid.)
  8.  Chris Claremont, John Byrne, Days of Future Past, New York, Marvel Comics, 2004. Le volume compile les numéros 139 à 143 de The Uncanny X-Men et le X-Men Annual no 4.
  9.  Publication originale dans The Uncanny X-Men, no 140, dec. 1980.
  10.  Publication originale dans The Uncanny X-Men, no 143, march 1981.
  11.  Publication originale dans The Uncanny X-Men, no 139, nov. 1980.
  12.  « Funny, I’ve experienced death so often in the minds of others, yet I’m terrified of dying myself. » (Mind out of Time [op. cit.], p. 26).
  13.  « If Kate’s body dies here, will her mind be trapped in the past? If so, I wish her a… happier life than the one she lived. » (ibid.)
  14.  « to teach humanity to fear and the respect the power of homo superior. » (Days of Future Past [op. cit.], p. 18).
  15.  « The News reports of Kelly’s assassination made no mention of precisely who killed him. » (Mind out of Time [op. cit.], p. 12).
  16.  « it’s all our fault. » (Eric Lewald, Sidney Iwanter, Mark Edens, X-Men, 01x11, Days of Future Past: Part I © Marvel Entertainment Group, 20th Century Fox Television, Saban Entertainment, Graz Entertainement, AKOM Production Ltd, 13/03/1993, 16:23).
  17.  « We all have dark sides to our souls » (id., 20:09).
  18.  « It was my own horror, my impulsiveness that made me share in our undoing. » (Louise Simonson, Terry Shoemaker & Chris Wozniak, Days of Future Present, Part 3, The Once and Future Mutant, p. 2-45, New Mutants Annual, no 6, july 1990, p. 44).
  19.  « Maybe I’m missin’ somethin’, Reed, but if young Franklin -- as of now -- doesn’t have any super-powers… where’d his older self gain the ability to travel in time, not to mention all the other stunts he’s been pushin’? » (Chris Claremont, Art Adam, Days of Future Present, Part 4, You Must Remember This, p. 3-47, X-Men Annual, no 14, july 1990, p. 14).
  20.  « I see it now… through the child’s eyes! And I know! It must never happen! It must never have been this way! » (The Once and Future Mutant [op. cit.], p. 43).
  21.  « a new random element that could seriously affect our plan » (Days of Future Past [op. cit.], p. 26).
  22.  « an anomaly that strikes to the very heart of time stream. » (Mind out of Time [op. cit.], p. 7).
  23.  « After Pryde’s time-switch, the hierarchy set in motion appropriate counter-measures… / seeding me and mine at this temporal nexus, to prevent any further re-writing of what is for us history. » (You Must Remember This [op. cit.], p. 20).
  24.  La métalepse désigne le franchissement de « la frontière mouvante mais sacrée entre deux mondes : celui où l’on raconte, celui que l’on raconte » (Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, « Poétique », 1972, p. 245).
  25.  « these are comic books and sometimes we change our minds… » (The Dark Phoenix Tapes, p. 37-49, in Phoenix: The Untold Story, New York, Marvel Comics, apr. 1984, p. 38).
  26.  Voir Arie Kapal, From Krakow to Krypton: Jews and Comic Books, Philadelphia, The Jewish Publication Society, 2008.
  27.  « I personally think, and I’ve said this many times, that having a character destroy an inhabited world with billions of people, wipe out a starship and then—well, you know, having the powers removed and being let go on Earth. It seems to me that that’s the same as capturing Hitler alive at the end of World War II, taking the German army away from him and letting him go to live on Long Island. Now, I don’t think the story would end there, I think a lot of people would come to his front door with machine guns… » (The Dark Phoenix Tapes [op. cit.], p. 43).
  28.  « the potential of the species both for good and evil » (Phoenix: The Untold Story [op. cit.], p. 36).
  29.  « extraordinary capacity for self-sacrifice » (Chris Claremont, John Byrne, The Fate of the Phoenix!, p. 2-35, The Uncanny X-Men, no 137, sept. 1980, p. 35).
  30.  « Jean Grey could have lived to become a god, it was more important to her that she die… a human. » (ibid.)
  31.  « I felt that there had to be some consequences for the actions » (The Dark Phoenix Tapes [op. cit.], p. 39).
  32.  « In the movie, there’s this little girl whose taken over and several people get killed, but by the end, when the demon’s gone no one thinks, “Let’s kill that murderous little girl.” You know ? » (id., p. 40).
  33.  « when you look at it, it was never played that way and then you get into problems. You can look at it as justification for genocide. » (id., p. 41).
  34.  La première mention de ce traumatisme dans la biographie du villain emblématique de la franchise apparaît à l’automne 1981 : « Je me rappelle ma propre enfance… les chambres à gaz et Auschwitz, les plaisanteries des gardes pendant qu’il conduisait ma famille à la mort. Tout comme nos vies ne signifiaient rien pour eux, la vie des humains a fini par ne plus rien signifier pour moi. » [« I remember my own childhood -- the gas chambers as Auschwitz, the guards joking as they herded my family to their death. As our lives were nothing to them, so human lives became nothing to me. » (Chris Claremont, Dave Cockrum, Josef Rubinstein, BobWiacek, I, Magneto, p. 2-38, The Uncanny X-Men, no 150, oct. 1981, p. 36)]. Chris Claremont s’est exprimé sur les raisons de son choix : « J’essayais de cerner ce qui faisait vibrer Magneto… Et je me suis demandé quel a été l’événement le plus transfigurateur de notre siècle, qui pourrait être relié au super-concept des X-Men en tant que parias persécutés ? Ça devait être l’Holocauste. » [« I was trying to figure out what made Magneto tick… And I thought, what was the most transfiguring event of our century that would tie in the super-concept of the X-Men as persecuted outcasts? It has to be the Holocaust! » (cité par Henri Gonshak, Hollywood and the Holocaust, Lanham, Rowman & Littlefield, 2015, p. 261-262)].
  35.  Chris Claremont avait eu l’occasion de rencontrer et d’aider des rescapés traumatisés par la Shoah lors d’un séjour dans un kibboutz en Israël (Cases et bulles, « Magneto, les mutants et la Shoah », La Boîte de comics, 25/06/2019, https://laboitedecomics.wordpress.com/2019/06/25/magneto-les-mutants-et-la-shoah/).
  36.  « And if we succeed, what will happen to us, to our love? It might cease to exist along, with the Sentinels. » (Days of Future Past [op. cit.], p. 7).
  37.  « Peter, if our love was meant to be, it will be. » (ibid.)
  38.  « we are toying with the basic fabric of reality » (ibid.)
  39.  « Charles, if you’re right… if time travel is possible, if as a result history is… mutable -- we’ll have to redefine our concept of reality itself. » (Mind out of Time [op. cit.], p. 6).
  40.  « Basically your body will go to sleep, while your mind travels back in time. As long as you’re back there past and present will continue to coexist. But once you wake up... whatever you’ve done will take hold and become history. And for the rest of us it’ll be the only history that we know. It’ll be like the last fifty years never happened. In this world, this war… The only person who will remember it is you. » (Bryan Singer, X-Men: Days of Future Past © 20th Century Fox, Bad Hat Harry Productions, The Donner’s Company, 2014, 00:15:30).
  41.  Je me permets de renvoyer sur ce point à Christian Chelebourg, Les Fictions de jeunesse, Paris, PUF, « Les Littéraires », 2013, p. 61-70.
  42.  Bryan Singer, X-Men: Days of Future Past (op. cit.), 00:29:40.
  43.  Voir Roland Barthes, La Chambre claire : Note sur la photographie, Paris, Le Seuil, 1980, chap. 33.
  44.  « We fought, we lost, we d-died. And now… seing you alive… Oh God, I didn’t think it would hurt that much. » (Days of Future Past [op. cit.], p. 18).
  45.  « Our world may not change at all. Instead, Kate’s action could create an entirely different timeline… an alternative, parallel earth… » (Mind out of Time [op. cit.], p. 11).
  46.  Sur l’origine de cette notion dont l’usage s’est répandu grâce à Chris Claremont dans la deuxième moitié des années 80, voir Rich Johnston, « Dave Thorpe, the Man Who Invented Marvel’s “616”, Explains Where It Came From », Bleedingcool.com, 02/07/2019, https://bleedingcool.com/comics/dave-thorpe-marvel-616-explains-where-it-came-from/.
  47.  « My time-shift was successful, I’m in the past. / But is it the right past... / My past? » (Chris Claremont, John Romita, Dan Green, The Past… of Future Days, p. 2-22, The Uncanny X-Men, no 184, Aug. 1984, p. 8).
  48. Das Unheimliche (1919), l’étude de Sigmund Freud sur le fantastique, est traduite en français par L’Inquiétante Étrangeté (Marie Bonaparte et E. Marty trad.) et en anglais par The Uncanny (David McLintock trad.)
  49.  « In my day, normal humans like you hated mutants, we were hunted, and, if we were lucky, killed. » (Chris Claremont, John Romita, Dan Green, The Past… of Future Days, p. 2-22, The Uncanny X-Men, no 184, Aug. 1984, p. 13).
  50.  « The more I see this era, the less my memories mean anything. » (Chris Claremont, John Romita, Dan Green, Public Enemy, p. 2-22, The Uncanny X-Men, no 185, sept. 1984, p. 5).
  51.  « The future that may yet lie in wait for us all if we don’t do anything… / while there’s still time… and hope » (Chris Claremont, John Romita, Dan Green, Legacy of the Lost, p. 2-22, The Uncanny X-Men, no 188, dec. 1984, p. 18).
  52.  « Everyone I know and love in my world is dead -- like Ishmael in Moby Dick, only I am left to tell the tale. » (Chris Claremont, John Romita, Dan Green, Steve Leialoha, Juggernaut’s Back in Town, p. 2-22, The Uncanny X-Men, no 194, june 1984, p. 5).
  53.  Traduction de Louis Segond (1910).
  54.  Le sens symbolique des versets leur fait désigner la descendance juive de Rachel. Saint Matthieu (2:17-18) voit dans le massacre des Innocents la réalisation de cette prophétie.
  55.  « the forces of prejudice and race hatred… » (Chris Claremont, John Romita, Dan Green, The Spiral Path, p. 2-22, The Uncanny X-Men, no 199, nov. 1985, p. 12).
  56.  Sur ce personnage et ses engagements, voir Cheryl Alexander Malcolm, « Witness, Trauma and Remembrance: Holocaust Representation and the X-Men », p. 144-160, in Samantha Baskind, Ranen Omer-Sherman (ed.), The Jewish Graphic Novel: Critical Approaches, New Brunswick, New Jersey and London, Rutgers University Press, 2008.
  57.  Le Docteur Ludwig Fineltain établit qu’il n’existe pas de névrose spécifique des rescapés mais « une très large palette de symptômes et de syndromes fonctionnant autour des souvenirs et des fantasmes d’une sourde crainte de la destruction collective », parmi lesquels on compte la psychasthénie, l’hyperémotivité, la « culpabilité d’avoir survécu », la « reviviscence d’une imagerie terrifiante du passé », l’« impression très intense d’être dédoublés » ou encore la « prophétie du malheur » (« Les Syndromes des survivants de la Shoah : réflexions sur le concept d’hypertraumatisme », Bulletin de psychiatrie, no 12, 20/12/2002, http://www.bulletindepsychiatrie.com/shoah. htm).
  58.  « Parfois on oublie que parler de l’Holocauste est une chose relativement nouvelle pour la plupart des Américains. Bien sûr, trente-cinq états rendent aujourd’hui obligatoire d’enseigner l’Holocauste dans les établissements publics. Mais le premier d’entre eux, l’Illinois, n’a adopté cette politique que récemment, dans les années 90. Avant cela, il y avait peu d’occasions pour les teenagers d’apprendre des choses sur le génocide nazi, même si les auteurs de comics ont fait un effort pour combler le vide. » [« Sometimes we forget that talking about the Holocaust is a relatively new thing for most Americans. Sure, thirty-five states now require teaching the Holocaust in public schools. But the first of them, Illinois, adopted that policy as recently as 1990. There were few opportunities for teenagers to learn about the Nazi genocide during the years before that, although comic book creators made an effort to fill that gap. » (Stan Lee, « Introduction », p. 9, in Neal Adams, Rafael Medoff, Craig Yoe, We Spoke Out: Comic Books and the Holocaust, Yoe Books-IDW Publishing, 2018)].
  59.  « that such a nightmare never occur again! » (The Spiral Path [op. cit.], p. 13).
  60.  « We who survived are very old -- and there are less of us each year, as there are of our jailors and murderers. » (ibid.)
  61.  Voir à ce propos Clancy Smith, « Days of Future Past: Segregation, Oppression and Technology in X-Men and America », p. 63-76, in Joseph J. Darowski (ed.), X-Men: Essays on the Children of the Atom in Changing Times, Jefferson, Mc Farland & Company, 2014.