La colonisation brésilienne vue par les voyageurs du XVIIème siècle : d’une utopie paradisiaque à une dystopie cauchemaresque

La colonisation brésilienne vue par les voyageurs du XVIIème siècle : d’une utopie paradisiaque à une dystopie cauchemaresque

Par KOKONOVA Viktoria

Cet article propose de réviser le concept du Nouveau Monde en revenant à l’origine de ce terme. Le continent américain, découvert au XVe siècle, s’oppose au Vieux Monde par sa nature et par le mode de vie de ses habitants. La rencontre avec la flore et la faune exotiques et les peuples autochtones fascine et à la fois effraie les Européens. Il s’agit sans aucun doute d’un choc culturel qui a engendré ce que Paul Hazard appelle « la crise de la conscience européenne 1 ». Cette crise fait naître néanmoins de nombreuses perspectives : les rois souhaitent élargir leurs territoires et en profiter, les religieux songent à faire triompher le christianisme en propageant la foi, et les aventuriers et les personnes d’humble condition se rendent au Nouveau Monde pour s’enrichir. L’Amérique, grâce aux récits viatiques, se présente comme une sorte de paradis terrestre, une terre riche, heureuse et abondante. Néanmoins, au XVIIe siècle, avec le progrès de la colonisation de la terre et de la conversion de la population, le mythe paradisiaque et utopique du Nouveau Monde se heurte à une réalité qui s’avère plus complexe qu’ils ne le pensaient.

Pour mieux comprendre les raisons de cette transformation, il nous semble crucial de présenter brièvement notre corpus et les étapes de la colonisation du pays, commencée un siècle plus tôt, avec la découverte du Brésil par le Portugais Pedro Álvares Cabral en 1500. Quand le Portugal perd son indépendance en 1580, son contrôle de la colonie s’affaiblit. Les Français en profitent et fondent la France équinoxiale sur l’île de Maragnan en 1612. Grâce aux relations L’Histoire de la mission des frères capucins en l’Isle de Maragnan (1614) et La Suite de l'histoire des choses plus mémorables advenues en Maragan, ès années 1613 et 1614 (1615) de Claude d’Abbeville et d’Yves d’Évreux nous connaissons les détails de cette colonie française qui n’a duré que quelques années. La lettre Carta de Manuel Gomes sobre a expedição de missionários Jesuitas no norte do Brasil em 1618 (1621) décrit justement l’expédition du général portugais Alexandre Moura dans l’île de Maragnan pour la reconquérir.

De 1580 à 1640, le Portugal a fait partie de l’Union Ibérique, et cette période de la collaboration portugalo-espagnole est représentée par El Nuevo Descubrimiento del rio de las Amazonas (1641) du jésuite espagnol Cristobal de Acuña (1597-1675). Ce « memorial », c’est-à-dire une relation adressée au roi, décrit l’expédition du portugais Pedro Teixeira sur le fleuve Amazone.

L’humaniste néerlandais Caspar Barlaeus (1584-1648) glorifie les actions de Mauritius Nassau, gouverneur du Brésil Hollandais du 1636 à 1644 dans son traité historique Rerum per octennium in Brasilia et alibi nuper gestarum sub praefectura (1647). L’Histoire des dernières troubles du Brésil entre les Portugais et les Hollandois (1651) de Pierre Moreau complète le texte de Barlaeus, en témoignant d’un regard critique sur la colonisation et le pays en général.

Le récit viatique la Relação da missão da serra de Ibiapaba (1660) du prêcheur portugais António Vieira (1608-1697) est un des nombreux témoignages des missions jésuites portugaises au nord du Brésil, Vieira y décrit minutieusement les difficultés que les missionnaires doivent affronter lors de leurs expéditions apostoliques.

Bien que ces textes, écrits par des missionnaires ou hommes politiques français, espagnols, portugais ou hollandais, fournissent diverses images du Nouveau Monde, ils continuent la tradition des récits viatiques des siècles précédents.

Cet article propose d’étudier les perspectives de la colonisation du Brésil vues par les explorateurs et missionnaires du XVIIe siècle. Nous tâcherons de tracer les transformations du regard sur le Brésil et de montrer comment l’image du pays se transforme de l’utopie paradisiaque à l’anti-utopie cauchemaresque.

La comparaison des textes du XVIIe siècle, écrits par des Européens qui appartenaient à des pays et couches sociales diverses, nous permettra de cerner la complexité de la transformation de l’image idyllique du Brésil. Nous allons aussi confronter ces textes avec des récits viatiques précédents où s’est créée l’image paradisiaque du Nouveau Monde. Cela nous permettra d’identifier les éléments stables et variables du mythème ainsi que de comprendre par quelles voies procède le changement et la destruction de ce mythe.

Pour ce faire, nous aborderons le mythe du paradis terrestre qui s’est construit en Amérique. Ensuite, nous analyserons comment ce mythe rencontre la réalité et finalement nous verrons la destruction de ce mythe et son remplacement par le mythe infernal.

 

Un paradis retrouvé

Les récits viatiques du XVIIe siècle héritent le schéma et les motifs des relations de voyage du Moyen Âge, où les mirabilia (merveilles) font partie de la réalité. L’absence de la frontière entre la fantaisie et la réalité est un des traits de la mentalité de l’époque : « les grandes découvertes, loin de dissiper les mythes, les renforcent et les multiplient 2 ». Le XVIIe siècle témoigne de la transformation de cet épistème, car l’empirisme et le rationalisme mettent en doute les merveilles décrites par les voyageurs : « Relégués au champ de la subjectivité, les mirabilia de la grande tradition et les voyages extraordinaires classiques qui en héritaient ont souffert une sorte d’écroulement ontologique 3. » La tradition, qui remonte au XVe siècle, de penser le paradis terrestre comme un lieu qui existe quelque part sur la terre, est un bon exemple de ce phénomène.

Le Brésil est encore vu au XVIIe siècle comme le paradis retrouvé, et les colonisateurs cherchent des preuves pour confirmer cette hypothèse. Considérons cette description des saisons de l’île du Maragnan chez Claude d’Abbeville :

 

Pendant l’hyver vous voyez ici la terre toute sterile ; au Brésil elle est tousjours feconde & fructifie en tout temps ; […] au Bresil vous y avez continuelle verdure, la terre est tousjours diaprée de belles plantes, de diverses & rares fleurs. En fin il n’y a jamais en ce Pays la qu’un perpétuel Printemps, accompagné de l’Automne & d’un continuel Esté ; & le tout avec une telle temperature qu’en toutes les saisons, & en tous les mois de l’année les arbres y portent feuilles, fleurs & fruicts, lesquels rendent si bon odeur parmy l’air  4.

 

L’auteur reprend le topos répandu du locus amoenus, c’est-à-dire, un thème littéraire récurrent qui fait référence à un lieu idéalisé, idyllique. L’apparition de ce topos n’est pas gratuite, car il est souvent à rapprocher de celui du jardin d’Eden et des délices 5. En effet, le capucin mentionne les éléments lexicaux qui appartiennent traditionnellement à ce topos, notamment l’air, les arbres verdoyants, les prairies, les fleurs, l’odeur agréable. Enfin, Claude d’Abbeville dit explicitement où il pense se trouver : « je n’estime pas qu’il y ayt sous le Ciel un Pays plus beau, plus sain & plus tempéré, si ce n’est le Paradis Terrestre, que plusieurs estiment estre sous l’Equinoxiale en Eden, à raison de la temperature d’iceluy 6. » Le capucin répète une théorie répandue dès le XVe siècle selon laquelle on estimait que le Paradis terrestre se trouvait sous la ligne équinoxiale. On a emprunté cette théorie du traité d’astronomie Du Ciel d’Aristote, l’une des sources les plus importantes du Moyen Âge et de la Renaissance. Selon la pensée de l’époque, le monde était divisé en trois zones climatiques, sous l’Équateur se trouvant la zone chaude où, pensait-on, il était impossible de vivre, « cependant [...] il pourrait y avoir une région tempérée dans la zone chaude et, à cet endroit, se trouverait le Paradis7. »

Le paradis brésilien est caractérisé par l’abondance dont témoigne le père Yves d’Évreux : « quant à la chair, poisson, legumes & racines, il y en a une telle abondance, qu’il n’est possible de le croire, à la charge pourtant qu’il les faut prendre & planter 8. » Nous pouvons constater une légère transformation du mythe paradisiaque : bien que la terre soit très fertile, elle ne pourra pas donner des fruits sans la participation active de l’être humain. On introduit la figure d’un colon actif, entrepreneur, qui prend soin de la terre. Le colon commence déjà à contrôler d’une certaine manière le caractère excessif et démesuré de l’Amérique, selon les mots de Jean-Claude Laborie 9. Les pensées du jésuite espagnol Cristobal de Acuña font écho à celles du missionnaire français : « On peut affirmer que les rives du fleuve Amazone sont au paradis à cause de leur fertilité, et si l'art aide la fécondité du sol, tout le fleuve se transformera en des paisibles jardins 10. » Nous voyons ici le même souci que chez Yves d’Évreux, car Acuña veut non seulement observer la nature américaine, mais il souhaite également la transformer.

Les missionnaires commencent donc à détruire l’image paradisiaque. Ce désir de modifier le paradis, un lieu parfait en tant que tel, témoigne peut-être de l’impossibilité de revenir au paradis, d’un décalage entre l’utopie paradisiaque qui existe dans l’imaginaire collectif et la réalité rencontrée. Les religieux du XVIIe siècle veulent mettre ce paradis excessif et démesuré en ordre. Ils l’admirent, mais leur regard enchanté cède place à un regard intéressé d’exploiteur.

 

Un paradis à exploiter

Bien que le Brésil semble avoir perdu le statut du paradis retrouvé, le pays continue à être représenté comme un lieu utopique. Corin Braga, dans son étude sur la morphologie du genre utopique note, à la suite de Jean-Jacques Wunenburger 11, que « le Paradis et utopie sont des facettes alternatives de la même configuration psychologique […] du thème du “lieu idéal” 12. » Ce lieu idéal n’est plus créé par Dieu, mais il peut être construit par l’être humain. Nous voyons ici la mentalité de la Renaissance qui place l’homme au centre de l’univers. Cette désacralisation du Brésil est marquée par un regard plus critique sur la réalité brésilienne. Les Européens confrontent le pays à leur patrie qui leur sert de point de référence. Cette comparaison n’est pas toujours en faveur du Brésil. Nous pouvons voir dans ce phénomène le « rapport réversible 13 » caractéristique du discours utopique. Il s’agit de la capacité de l’utopie de passer du positif au négatif, d’eu-topie à dys-topie.

En regardant le Brésil, les explorateurs y voient souvent une réplique de l’Europe, un pays à compléter et à améliorer. Quand le père Yves parle d’absence de vin et de vigne au Brésil, il affirme que : « La France n’a pas tousjours eu du vin, à présent, elle en regorge 14. » Donc, il est possible de rendre le Brésil semblable à la France en y plantant les mêmes cultures. Le missionnaire voudrait européiser le Brésil, le rendre identique à son pays d’origine. On invite ainsi les compatriotes à fonder un nouvel état qui continuerait l’ancien. Le discours utopique est remplacé ici par le colonial, qui cherche à assimiler l’altérité brésilienne.

Nous pouvons rencontrer le même désir de naturalisation des conquêtes dans la comparaison du Brésil avec des pays d’autrefois. Caspar Barlaeus entrevoit les perspectives de rendre le Brésil aussi prospère que les civilisations antiques en comparant la ville Mauritsstadt 15 avec les centres de commerce de l’Antiquité : « Il ne serait pas vain d'espérer que, dans ce monde étranger, une autre Tyr, une autre Sidon puisse naître d'aussi brillants débuts 16. » Ainsi, pour rendre le projet colonisateur envisageable, les missionnaires et explorateurs cherchent à inscrire la colonisation contemporaine dans la perspective historique. Père Yves, pour attirer ses compatriotes, pose la question suivante : « Quels gens furent jamais plus delicats que les Romains ? & cependant n’ont-ils pas quitté Rome & l’Italie, pour planter leurs Colonies dans les forests des Allemagnes & des Gaules17. » Caspar Barlaeus, pour louer les actions du comte de Maurice Nassau, recourt au même héritage antique, en comparant le gouverneur hollandais avec les Romains : « Il y avait des architectes à Rome, il y avait des agriculteurs qui ont conquis le monde, gardant une main dans les champs et dans les fermes et l'autre dans les camps et les tranchées 18. »

Nous pouvons constater dans ces trois exemples une tentative d’inscrire le Brésil dans l’histoire universelle, mais puisque le discours colonial domine presque tous les récits viatiques, il s’agit de représenter le Brésil comme une colonie sous la domination des pays qui se pensent héritiers des empires d’autrefois, et non comme un pays à part, qui possède sa propre histoire. Le Brésil est ainsi réduit aux « Allemagnes & des Gaules », à l’Europe avant la venue de la civilisation incarnée par les Romains. Ou bien il est vu comme une Europe inachevée, sa faible copie qui doit être améliorée. Néanmoins, cet optimisme colonisateur s’efface au contact avec la réalité.

 

Un paradis devenu enfer

La prise de connaissance du pays, la nécessité d’y vivre et d’y travailler ont progressivement mené les colonisateurs à voir à travers le mirage du paradis retrouvé une réalité bien plus difficile à comprendre et parfois décevante. La figure du Sauvage dont le XVIe siècle a laissé « une image favorable, nourrie par les fantasmes paradisiaques de Colomb et de ses successeurs 19 » est un des exemples qui reflète cette complexité. Les relations viatiques du XVIIe siècle présentent déjà une image différente qui garde néanmoins des traces des représentations précédentes. Ainsi, l’Amérindien continue à prouver la proximité du paradis, dont fait preuve sa longévité extrême :

 

L’air y est si salubre qu’ils ne meurent guère que de vieillesse, & par le deffaut de nature plustot que par quelque maladie, vivant pour l’ordinaire, cent, six vingts, ou sept vingts ans. Cela nous est admirable & comme prodigieux  20.

 

Selon le père Claude, la longévité est conditionnée par l’air et le climat et ces derniers sont des caractéristiques du paradis comme le mentionne la citation précédemment évoquée. Cet élément du topos paradisiaque garde son caractère merveilleux, il suscite l’étonnement du capucin.

Un autre élément qui étonne tous les missionnaires indépendamment de leur appartenance nationale est la nudité des Amérindiens, qui au siècle précédent était une des preuves de leur innocence. Au XVIIe siècle, cette image se transforme. Corin Braga explique ce phénomène par la lutte de l’Église contre les hérésies : « Cette image, qui soutenait des conceptions millénaristes et utopiques de facture hétérodoxe, adamique et pélagienne, a été combattue dans le cadre de l’offensive des églises établies contre les hérésies et les déviances 21. » L’image du Sauvage bon et innocent tendrait aussi à disparaitre à cause du changement des mentalités.

La nudité des autochtones a engendré une discussion autour de l’origine des Amérindiens. Les théologiens des XVIe et XVIIe siècle se demandent si les peuples de l’Amérique sont descendus d’Adam, s’ils ont commis le péché originel. Par ailleurs, la Bible ne parle pas de ces peuples. S’ils sont ignorés par le texte sacré, font-ils partie de l’histoire universelle et, le plus important : est-ce que la mort du Christ avait racheté leurs péchés ?

Les intellectuels de l’époque proposent de multiples versions de l’origine des Amérindiens. Issac de La Peyrère prouve par exemple dans son traité Præ-Adamitæ (1655) la polygenèse de l’humanité :

 

Adam, explique La Peyrère, n'est pas l'ancêtre de toute l'humanité. Il n'est que l'ancêtre des juifs, mystérieusement choisis par Dieu pour recevoir la Loi et pour être, par le truchement de Jésus-Christ, les agents de la Rédemption  22.

 

Dans le chapitre XLVI sur la nudité des Amérindiens Topinamba, le père Claude d’Abbeville affirme qu’« ils [Amérindiens] vont ordinairement touts nuds comme s’ils sortoient du ventre de leur mere, mais […] ils ne font paroiste aucunement qu’ils ayent tant soit peu de honte ou vergogne de leur nudité 23. » Apparemment, il s’inscrit dans la tradition paradisiaque de la vision des Brésiliens. Cependant, le père Claude ne s’associe pas aux défenseurs de la théorie préadamite. Il cherche à prouver que les Brésiliens du Maragnan descendent d’Adam et qu’ils ont reçu la parole du Christ, mais qu’ils l’ont oubliée. Il inclut dans le Chapitre XI l’épisode dans lequel l’Amérindien Japy Ouassou parle du Déluge universel : « Nous croyons encor que pour la meschanceté des hommes, Dieu envoya le Deluge par toute la terre pour les chastier 24. » Dans la citation suivante, où le père Claude réfléchit sur la nudité des Amérindiens, nous pouvons entrevoir comment les idées reçues de la Bible entrent en contradiction avec l’expérience empirique : « D’où vient donc que nos Topinamba ayant esté faits participants de la coulpe d’Adam & héritiers de son peché, n’ont-ils pas aussi hérité la honte & vergogne […] ainsi qu’ont fait toutes les autres Nations du Monde 25 ? » Après une brève hésitation, le capucin explique ce phénomène par l’habitude des Brésiliens d’être nus et voir la nudité. Le missionnaire ne met pas en doute le texte biblique bien qu’il soit capable de voir des incohérences entre la doxa et la réalité. De plus, pour justifier la nudité des autochtones, il trace des parallèles avec les Européens du passé : « nos Premiers Parens ne cacherent pas leur nudité & ne ressentirent aucune honte ou vergogne d’icelle jusques à ce que leurs yeux furent ouverts, c’est-à-dire jusques à ce qu’ils eurent cognoissance de leur peché 26 ». Ce motif de la méconnaissance de Dieu est l’un des plus répandus dans les récits viatiques des missionnaires.

L’absence complète (mais en fait apparente, car les anthropologues du XXe siècle ont reconstitué la religion des Tupinamba grâce aux récits viatiques et d’autres témoignages des XVIe et XVIIe siècles) du sentiment religieux chez les Amérindiens étonne les missionnaires : « Je n’estime pas qu’il y ait eu aucune nation au monde sans quelque espece de religion, sinon les Indiens Topinamba, lesquels n’ont cy-devant adoré aucun Dieu, ni celeste, ni terrestre 27. » Ce manque de religiosité était considéré comme la réussite sûre de l’évangélisation. Selon le jésuite Cristobal de Acuña, les Sauvages « promettent de grands espoirs que s'ils recevaient des nouvelles du vrai Créateur du Ciel et de la terre, ils embrasseraient sans difficulté sa sainte Loi 28. » L’absence de Dieu dans la vie des Amérindiens, selon les missionnaires, est remplacée par l’omniprésence du diable. Nous sommes ici face à la transformation de l’image utopique du Sauvage en l’image dystopique. Les auteurs ont tendance à remarquer le côté cruel et mauvais des Amérindiens au lieu d’admirer leur innocence. Le père Claude admet que « il ne se trouve pas que jamais il y ait eu nation plus barbare, plus cruelle & plus alienée de toute humanité que celle-là 29. » Le but symbolique des religieux ne consistait-il pas à corriger ce paradis corrompu et à le reconquérir ?

Les missionnaires vivent leur séjour au Brésil comme une promesse du triomphe de la foi chrétienne. Ils se voient justement comme de nouveaux apôtres du christianisme qui apportent la lumière de la foi aux âmes qui vivent dans les ténèbres du paganisme. Cristóbal de Acuña pense que « la porte serait ouverte pour que ses enfants entrent pour apporter la nouvelle lumière du Saint Évangile à tant d'âmes, que dans ce grand Fleuve elles reposent à l'ombre de la mort 30. » Chez les missionnaires portugais l’acte missionnaire est souvent représenté comme une lutte symbolique avec Satan, et le projet d’évangélisation est vu plutôt de manière pessimiste. Dans leurs relations le missionnaire devient souvent un soldat de Dieu ou un martyre prêt à se sacrifier pour le salut des âmes des Amérindiens. Comme le note Frank Lestringant, « le martyre est tout à la fois le destin, le dessein et l’ardent désir du père jésuite 31. » L’insertion d’épisodes hagiographiques est répandue dans les relations portugaises, par exemple, Manuel Gomes décrit la mort du père jésuite Francisco Pinto (1552-1608) aux mains des Amérindiens :

 

Ils atteignirent les montagnes d'Ibiapaba, et le 11 janvier 1608, lorsque de nombreux barbares Tapuija dévalèrent des montagnes, armés d'arcs et de flèches, ils attaquèrent la hutte dans laquelle se trouvait le père Francisco Pinto, priant l'office divin, et ils déchargèrent sur sa tête avec un rond bâton répétant plusieurs fois les coups sur la mâchoire, lui crevant les yeux ; ils firent de sa tête de minuscules morceaux. Ainsi finit ce capitaine fort arrosant ces champs de son sang d'où de nombreuses âmes sont venues au ciel  32.

 

Nous voyons dans cette scène la mort glorieuse d’un missionnaire qui a effectué ses tâches jusqu’à la fin de sa vie terrestre. Il est perfidement tué par des infidèles, mais ces païens sont contrebalancés par des âmes sauvées grâce à son travail d’évangélisation. La métaphore militaire (le jésuite est représenté comme un capitaine) transforme les « champs » arrosés de son sang en un champ de bataille.

Ainsi, le bon sauvage des relations du siècle précédent disparaît et cède place à un mauvais sauvage, cruel et violent. L’autre modification concerne la nature qui se déplace du locus amoenus vers le locus terribilis, un lieu terrifiant. La lutte contre les forces naturelles est l’un des motifs clés des relations jésuites, car ils doivent passer de multiples épreuves lors de leurs missions. Nous pouvons y retrouver l’opposition médiévale entre la culture et la nature, entre le monde bâti et le monde sauvage :

 

Les sentiers étaient si dentelés, les forêts si épaisses, les montagnes si hautes et accidentées, si couvertes d'herbes folles qu'on ne pouvait trouver ni chemin ni raccourci. Ouvrir le chemin à force de bras, souffrant tellement de la faim qu'ils ont souvent pâturé les aliments crus qu'offraient les champs, luttant pendant une année entière avec ces difficultés  33.

 

Manuel Gomes nous donne à voir une nature indomptable et hostile qui, contrairement à la nature paisible des relations des pères capucins où elle sert de fond, devient un vrai protagoniste contre lequel il faut « lutter ». Elle est représentée comme un vrai obstacle sur le chemin (réel et symbolique) des missionnaires, elle est un être vivant et animé. Si nous revenons à l’opposition entre culture et nature nous voyons que les missionnaires qui incarnent le monde civilisé prennent une position active dont témoignent les verbes d’action « ouvrir à force » et « lutter ». Ils sont prêts à mener le projet de l’acculturation jusqu’au bout, ce dont témoigne la durée de leur périple (une année).

Les missionnaires pénètrent avec difficulté la zone marginale où règne la nature, ils y rencontrent des fleuves ainsi que des forêts à traverser. Comme le note Jacques Le Goff dans son étude fameuse, la forêt ainsi que le désert sont « lieux de l’extrême marge où l’homme peut s’aventurer et y rencontrer d’autres hommes 34. » En effet, non seulement la nature, mais aussi l’homme, représentent un vrai danger. Antonio Vieira, en décrivant la forêt brésilienne, confesse :

 

Mais ce qui rendait l'ambassade difficile, ou complètement impossible, était la difficulté du chemin de plus de cent lieues, coupé par de nombreux et larges fleuves, et infesté de diverses nations de Tapuias féroces et indomptables, qui ne pardonnaient à personne  35.

 

Vieira conçoit les Amérindiens non seulement comme une partie intégrante de la nature, mais aussi comme une chose nuisible qui l’« infeste », ils représentent le mal contre lequel luttent les religieux. Plus loin dans sa relation, en décrivant les montagnes Ibiapaba, Vieira met à nouveaux en parallèle la nature avec les « sauvages » :

 

Elles sont toutes formées d'un seul rocher très dur, tantôt nu et hideux, tantôt couvert de verdure et de terre labourée, comme si la nature peignait dans ces falaises noires la condition de ses habitants, qui, étant toujours durs, et aussi de pierres, donnent parfois de l'espoir, et ils se laissent cultiver  36.

 

Le rocher représente une zone marginale lui aussi, mais c’est une marge à deux faces, car il est à la foi sauvage et cultivé, « tantôt nu et hideux, tantôt couvert de verdure ». Les Brésiliens, que le jésuite portugais compare à un rocher, sont eux aussi capables de transformations. Mais ils sont représentés comme un objet car c’est aux missionnaires d’effectuer cette transformation. La nature et les hommes se reflètent comme dans un miroir. Selon Vieira c’est la nature qui conditionne la vie des habitants, et si elle est potentiellement cultivable, les Amérindiens sont à leur tour convertibles à la foi chrétienne.

 

Pierre Moreau et la destruction de l’utopie brésilienne

Si les religieux sont frustrés et perdent parfois foi dans la possibilité de convertir les Amérindiens, les auteurs laïques se déçoivent en voyant l’impossibilité de construire un monde meilleur. L’un des exemples de ce regard pessimiste est le protestant Pierre Moreau. Il détruit progressivement le mythe paradisiaque du Brésil. Dans l’Avant-Propos il met en question le mythologème de climat aimable :

 

Quelque secrette & maligne disposition de l’air qu’on y respire, infectée des demons qui corrompt le naturel de ses habitants : car cette riche partie de l’Amérique au lieu de faire regner chez soy la tranquillité, semble n’estre destinée qu’au carnage & à la cruauté  37.

 

Selon lui, le Brésil est une terre maudite qui, à cause de son mauvais climat (il évoque par exemple « la continuelle chaleur du pays qui n’est qu’un perpetuel esté 38 »), ne provoque chez les habitants que la cruauté et la dégradation morale.

Le narrateur déploie la fonction de l’outsider antiutopique, il « reste plus proche des valeurs de son monde 39. » Effectivement, Pierre Moreau est une figure extérieure : son séjour au Brésil est limité à deux ans, il n’envisage pas de devenir colon, en outre il ne participe pas à la guerre. Cela lui permet de « regarder d’un œil critique la civilisation étrangère 40. » Dans l’Épitre dédicatoire, adressée au Prince César duc de Vendosme (1594-1665), Grand amiral de France et surintendant général de la Navigation, Moreau explique ainsi le but de son ouvrage :

 

J’ay jugé que l’histoire qui contient la description de ces malheurs & de méchancetez qui les ont produits, donneroit aux autres les mesmes sentimens que j’ay eus, & qu’ainsi servant à faire mieux connoistre par une opposition avantageuse la grandeur des obligations que nous avons à vostre Altesse  41.

 

Nous voyons ici le schéma décrit par Corin Braga : puisque le discours utopique est réversible, l’utopie brésilienne devient dystopique, et l’Europe à son tour acquiert des caractéristiques plutôt utopiques, car le duc est représenté comme un bon gouverneur qui ne pourrait pas permettre une telle guerre dans sa patrie.

L’Épitre dédicatoire et l’Avant-Propos préparent le lecteur à la suite, il attend la description de « malheurs & de méchancetés », et l’auteur ne trompe pas ses attentes. Voyons comment Pierre Moreau détruit le mythe d’une vie meilleure outre-mer. Avant lui, les explorateurs voulaient convaincre leurs lecteurs que la colonisation pourrait résoudre les problèmes sociaux, elle peut notamment être une source d’enrichissement soit matériel soit spirituel pour les cadets des familles nobles :

 

Jeunes Gentils-hommes qui n’ont rien que l’espée & le poignart quant aux biens de la fortune, mais riches de courage. […] Que faites-vous en France, sinon espouser les querelles de vos freres aisnez ? Que ne tentez-vous fortune, & au moins que n’enrichissez-vous votre esprit de la veuë des choses nouvelles  42 ?

 

Yves d’Évreux cherche à encourager leur envie de voir de nouvelles contrées, il leur rappelle qu’en France ils sont réduits à jouer un rôle peu enviable dans leur propre famille malgré leurs bonnes qualités comme le courage ou la curiosité. Caspar Barlaeus, à son tour, invite les artisans hollandais à quitter la métropole parce qu’ils peuvent s’enrichir facilement dans les colonies : « Dans leur patrie, ils arrivent à peine à se maintenir, et chacun d’entre eux pense que son métier le voue à la pauvreté. S'ils déménagent au Brésil, ils pourront […] recevoir un salaire plus lucratif 43. » Comme dans l’exemple précédent, l’auteur met en opposition les conditions sociales des ouvriers chez eux et outre-mer.

Pierre Moreau réduit le mythe d’abondance et d’enrichissement à un « bruit […] que le Bresil estoit le centre des richesses, où tous leurs soldats & matelots trouvoient leur fortune, qu’il estoit capable d’accomoder toute l’Europe 44 ». Témoin oculaire de la guerre, Pierre Moreau sait qu’au Brésil ces soldats ne trouveront que la famine, les maladies et, pour plusieurs d’entre eux, la mort :

 

[Les soldats nouveaux arrivés] avec de mauvais eaux & peu de vivres, devindrent en peu de temps foibles, décharnés & mal-habiles au mestier de la guerre, le scorbut, flux de sang & les vers qui s’engendroient des serositez corrompuës de leur sang […] estoient leurs maladies ordinaires ; trois ou quatre cents moururent ainsi accablez de langueur, qui dans les Hospitaux, qui par fois au milieu des ruës, comme des bestes  45.

 

Le Brésil devient ainsi un lieu dystopique, un locus terribilis, qui dès le Moyen Âge est caractérisé par l’obscurité, un froid glacial ou au contraire une chaleur extrême, une végétation aride ou bien par la présence d’une faune hostile.

Finalement, le protestant français met en cause le projet civilisateur hollandais qui prônait la tolérance religieuse qui « à long terme, s'est avérée être la meilleure solution et la plus pragmatique au problème de la pluriformité religieuse et, à mesure que le XVIIe siècle avançait, elle en est venue à être considérée comme une vertu politique avec des avantages sociaux et, plus important encore, économiques évidents 46. » Selon Pierre Moreau, cette tolérance mène à la propagation du péché :

 

Tous les vices y estoient en vogue, les temples de l’une & l’autre religion peu ou point fréquentez, le peu de soin d’y envoyer leurs esclaves & leur enseigner à prier Dieu estoit cause qu’il vivoient comme des bestes, sans d’autre soucy que d’en tirer service  47.

 

Cette description de la ville met en exergue le niveau de la corruption morale des habitants du Brésil Hollandais. Olinda se place parmi les villes de Sodome et Gomorrhe détruites à cause des crimes d’inhospitalité, de violence, d’orgueil, d’abus sexuel et d’homosexualité. À Olinda toutes les religions étaient permises, mais la vraie foi manquait aux habitants.

Enfin, Pierre Moreau affirme que les recruteurs, pour trouver de nouveaux soldats en Europe « leur représentent les pays esloignez, comme un Paradis terrestre qui fournit toutes les felicitez desirables48. » Mais cette relation détruit complètement ce mythe, elle décrit un topos dystopique, un Brésil cauchemaresque dont le climat et la nature influencent nuisiblement les habitants en les privant de qualités humaines et en les réduisant à des bêtes.

 

Ainsi, l’image édénique du Brésil se transforme au XVIIe siècle en une version infernale, et elle pourrait être lue comme La Divine Comédie à l’envers. Nous descendons progressivement du paradis à l’enfer au fur et à mesure de la colonisation.

Arrivés à ce présupposé jardin édénique, les colonisateurs commencent à noter des choses qui confirment cette hypothèse : le climat est aimable, la terre est féconde, les habitants sont innocents. Tout cela les rassure sur la possibilité d’y construire une nouvelle vie, de fonder une Nouvelle France, Nouvelle Hollande ou Nouvelle Lusitanie. Cependant, l’image utopique du Brésil, héritée du Moyen Âge, se déconstruit au contact avec la réalité. L’être humain, ayant retrouvé le paradis terrestre, se rend compte de l’impossibilité de ces retrouvailles. L’admiration de la nature cède place à son observation attentive et à son exploitation. Le Brésil devient une sorte de paradis humain, un projet d’une société idéale, une nouvelle Europe construite sur de nouveaux fondements. La troisième étape est dystopique et elle est marquée par l’impossibilité d’atteindre ces buts. Le Brésil, selon les missionnaires, est possédé par le diable, les Amérindiens sont eux aussi des enfants du démon difficiles à évangéliser. La nature, qui au début de la colonisation semblait idéale et paradisiaque, s’avère hostile à l’homme, sauvage et indomptable. Le « rêve exotique 49 » du Brésil se transforme ainsi en dystopie, en cauchemar de guerre continuelle entre les nations européennes.

 

  1. Cf. Paul Hazard, La crise de la conscience européenne : 1680-1715, Paris, Fayard, 1994 [1935].
  2. Numa Broc, La Géographie de la Renaissance :1420-1620, Paris, Éditions du CTHS, 2019, p. 265.
  3. Corin Braga, Les Antiutopies classiques, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 8.
  4. Claude d’Abbeville, Histoire de la Mission des pères capucins en l’Isle de Maragnan, Paris, François Huby, 1614, f. 200.
  5. Cf. Adelia Noferi, Attraversamento di luoghi simbolici. Petrarca, il bosco e la poesia : Con testimonianze sull’autrice, Firenze, Firenze University Press, 2021, p. 73-75.
  6. Claude d’Abbeville, op. cit., f. 200.
  7. Jorge Magasich-Airola, Jean-Marc de Beer, America Magica, Paris, Editions Autrement, 1994, p. 42.
  8. Yves d'Évreux, Voyage dans le Nord du Brésil, fait durant les années 1613 et 1614, Paris, 1864, p. 209.
  9. Cf. Jean-Claude Laborie, Excessives Amériques : héritage et transfert culturel, Paris, Desjonquères, 2011.
  10. Cristóbal de Acuña, Nuevo descubrimiento del gran rio de las Amazonas, Madrid, Imprenta del Reyno, 1641, p. 8, « Del rio de las Amazonas se puede afirmar, que sus orillas son en la fertilidad Paraisos, y si el arte ayuda a la fecundidad del suelo, será todo el unos apacibles jardines. »
  11. Cf. Jean-Jacques Wunenburger, L’utopie ou la crise de l’imaginaire, Paris, Jean-Pierre Delarge, 1979.
  12. Corin Braga, « From Eden to Utopia. A Morphology of the Utopian Genre », in Journal for the Study of Religions and Ideologies, vol. 15, no 44, 2016, p 3-32, p. 4, « Paradise and Utopia are alternative facets of the same psychological configuration […] of the topic of the “ideal place.” »
  13. Id., p. 8, « reversible rapport ».
  14. Yves d’Évreux, Voyage dans le Nord du Brésil, fait durant les années 1613 et 1614, op. cit., p. 211.
  15. La capitale du Brésil hollandais, actuellement elle fait partie de la ville de Recife de l’État du Pernambouc.
  16. Caspar Barlaeus, Rerum per octennium in Brasilia et alibi nuper gestarum, sub præfectura illustrissimi comitis J. Mauritii, Nassoviæ, &c. comitis, nunc Vesaliæ gubernatoris & equitatus fœderatorum Belgii ordd. sub Auriaco ductoris, Amsterdam, Joannis Blaeu, 1647, p. 124, « Nec vana fuerit spes, posse hic, in extremo orbe, aliam Tyrum, aliam Sidona ex tam luculentis primordiis exsurgere ».
  17. Yves d’Évreux, Voyage dans le Nord du Brésil, fait durant les années 1613 et 1614, op. cit., p. 208.
  18. Caspar Barlaeus, Rerum per octennium in Brasilia et alibi nuper gestarum, sub præfectura illustrissimi comitis J. Mauritii, Nassoviæ, &c. comitis, nunc Vesaliæ gubernatoris & equitatus fœderatorum Belgii ordd. sub Auriaco ductoris, op. cit, p. 249, « Habuit Roma architectos, habuit agricolas Orbis victores quorum manus una in agris & villis fuit, altera in castris & vallis. »
  19. Corin Braga, Les Antiutopies classiques, op.cit., p. 137.
  20. Claude d’Abbeville, Histoire de la Mission des pères capucins en l’Isle de Maragnan, op.cit., f. 264.
  21. Corin Braga, Les Antiutopies classiques, op.cit., p. 137-138.
  22. Stephen Greenblatt, « 12. Les hommes avant Adam », in Stephen Greenblatt (dir.), Adam et Ève. L’histoire sans fin de nos origines, Paris, Flammarion, « Libres Champs », 2020, p. 265-284.
  23. Claude d’Abbeville, Histoire de la Mission des pères capucins en l’Isle de Maragnan, op.cit., f. 270.
  24. Claude d’Abbeville, Histoire de la Mission des pères capucins en l’Isle de Maragnan, op.cit., f. 270.
  25. Ibid.
  26. Ibid.
  27. Claude d’Abbeville, Histoire de la Mission des pères capucins en l’Isle de Maragnan, op. cit., f. 322.
  28. Cristóbal de Acuña, Nuevo descubrimiento del gran rio de las Amazonas, op. cit, p. 20, « prometen grandes esperanças de que si se les diesse noticia del verdadero Criador de Cielos y tierra, con poca dificultad abraçarian su santa Ley. »
  29. Claude d’Abbeville, Histoire de la Mission des pères capucins en l’Isle de Maragnan, op. cit., f. 260.
  30. Cristóbal de Acuña, Nuevo descubrimiento del gran rio de las Amazonas, op. cit, p. 7, « por esta vía se le abriese puerta, a que sus hijos entrasen a llevar la nueva luz del Santo Evangelio, a tanto número de almas, que en este gran Rio yazen en la sombra de la muerte. »
  31. Frank Lestringant, « Le tropisme du martyre dans les Relations jésuites en Nouvelle-France », in Marie-Christine Gomez-Géraud, François Paré (éd.), De l’Orient à la Huronie, Québec : Les Presses de l'Université de Laval, 2011, p. 77-88, p. 77.
  32. Manuel Gomes, Carta de Manuel Gomes sobre a expedição de missionários Jesuitas no norte do Brasil em 1618 (1621), Lisbonne, Biblioteca nacional de Portugal, Manuscritos reservados, cote MSS. 29, no 31, f. 4, « Chegarão aos montes de Ibiapaba e aos onze de Janheiro de 1608 despenhando se muitos bárbaros tapuijas por humas montanhas abaixo armados de arcos e frechas, cometerão a choupana em que estava o padre Francisco Pinto, rezando o oficio devino e descarregando sobre sua cabeça com hum pau roliso repetindo muitas veses os golpes lhe que erão as queixadas lançando-lhe fora os olhos fizeram meudos pedasos o casco da cabesa. Assi acabou este forte capitam regando aquelles campos com seu sangue de que se vierão acolher muitas almas para o ceo. »
  33. Manuel Gomes, Carta de Manuel Gomes sobre a expedição de missionários Jesuitas no norte do Brasil em 1618 (1621), op. cit., f. 4, « Estavão tam serrados os caminhos, os bosques tam espesos, os montes tam altos e ásperos, tam cubertos com mato, que nem caminho, nem atalho descobriam. Abrindo caminho a força de braço, padesendo tanta fome que muitas veses pasavão com so cruas, que os campos ofereciam, lutando hum anno inteiro com estas dificuldades. »
  34. Jacques Le Goff, « Le désert-forêt », in L’Imaginaire médiéval, Paris, Gallimard, p. 59-75, p. 71
  35. Antonio Vieira, « Relação da Missão da serra de Ibiapaba », in José Eduardo Franco, Pedro Calafate (éd.), Escritos sobre os Índios, Lisboa, Temas e debates, 2016, p. 117-151, p. 122, « Mas dificultava, ou impossibilitava de todo a embaixada, a dificuldade do caminho de mais de cem léguas, atalhado de muitos e grande rios, e infestado de diversas nações de tapuias feros e indômitos, que a ninguém perdoam. »
  36. Id., p. 130, « são todas formadas de um só rochedo duríssimo, e em partes escalvado e medonho, em outras cobertas de verdura e terra lavradia, como se a natureza retratasse nestes negros penhascos a condição de seus habitadores, que, sendo sempre duras, e como de pedras, às vêzes dão esperanças, e se deixam cultivar. »
  37. Id., p. x.
  38. Pierre Moreau, « Histoire des dernières troubles du Brésil entre les Hollandois et les Portugais », in Relations véritables et curieuses de l’isle de Madagascar et du Brésil. Avec l’histoire de la dernière guerre faite au Brésil entre les Portugais et les Hollandois. Trois relations d’Egypte et une du Royaume de Perse, Paris, Augustin Courbé, 1651, p. 86.
  39. Corin Braga, Les Antiutopies classiques, op.cit., p. 66.
  40. Ibid.
  41. Pierre Moreau, « Histoire des dernières troubles du Brésil entre les Hollandois et les Portugais », op.cit., p. iv.
  42. Yves d’Évreux, Voyage dans le Nord du Brésil, fait durant les années 1613 et 1614, op. cit., p. 213.
  43. Caspar Barlaeus, Rerum per octennium in Brasilia et alibi nuper gestarum, sub præfectura illustrissimi comitis J. Mauritii, Nassoviæ, &c. comitis, nunc Vesaliæ gubernatoris & equitatus fœderatorum Belgii ordd. sub Auriaco ductoris, op. cit., p. 125, « Hos domi sua vix alit ars & professionem quisaue suam paupertatis putat. Sic hîc sint, possent veterem fortunam ad invidiam provocare, & diario gaudere luculentiore. »
  44. Pierre Moreau, « Histoire des dernières troubles du Brésil entre les Hollandois et les Portugais », op.cit., p. 7.
  45. Id., p. 136.
  46. Jonathan Israel, Stuart B. Schwartz, The Expansion of tolerance. Religion in Dutch Brazil (1624-1654), Amsterdam, Amsterdam University Press, 2007, p. 6-7, « Tolerance, in the long run, proved to be the best and most pragmatic solution to the problem of religious pluriformity, and, as the seventeenth century progressed, came to be regarded as a political virtue with clear social and, more importantly, economic benefits. »
  47. Pierre Moreau, « Histoire des dernières troubles du Brésil entre les Hollandois et les Portugais », op. cit., p. 25.
  48. Id., p. 194.
  49. Cf. Gilbert Chinard, L'Amérique et le rêve exotique dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1913.