Les nouveaux mondes de Margaret Cavendish : de la mise en scène à l’expérience de pensée

Les nouveaux mondes de Margaret Cavendish : de la mise en scène à l’expérience de pensée

Par GALL Marie

 

Le texte de fiction Description of a Brave New World called the Blazing World constitue l’appendice du traité philosophique Observations upon Experimental Philosophy (1666) 1. Leur autrice, Margaret Cavendish, Duchesse anglaise, poétesse et philosophe, explique leur complémentarité dans la préface du Blazing World : ces deux textes sont juxtaposés « comme deux mondes contigus reliés par un pôle 2 ». Avant de se demander ce que peut représenter leur « pôle » commun, il convient de relever l’emploi polysémique du concept de « monde » dans The Blazing World, qui peut qualifier à la fois des éléments réels et fictionnels. En effet, si « monde » peut désigner chacun des deux livres, il évoque aussi immédiatement, tel qu’il est utilisé dans le titre de l’œuvre, la nouvelle terre fictionnelle découverte, révélatrice de l’existence d’une infinité de mondes. « Monde » est enfin présent dans une dernière acception sur laquelle cette démonstration s’appuiera : celle d’un monde imaginaire et intérieur, qui peut prendre la forme d’un système du monde philosophique.

La découverte d’une nouvelle terre et la pluralité des mondes habités sont deux topoï des fictions scientifiques, catégorie élaborée à partir des travaux de Frédérique Aït-Touati et employée ici pour désigner des œuvres de fiction avec une portée scientifique 3. En effet, les découvertes géographiques et cosmologiques contribuent à réactiver l’intérêt pour la pluralité des mondes et leur habitabilité. The Blazing World convoque ce double héritage : politico-géographique tout d’abord, puisque l’Impératrice, l’une des protagonistes, découvre par hasard et après une traversée mouvementée (le navire est « projeté dans un autre monde 4 ») une nouvelle terre qualifiée de « contrée étrange 5 ». Le climat et les reliefs, radicalement différents, rappellent les descriptions topographiques des terres dans les récits de voyage. Ce nouveau monde est peuplé de créatures hybrides « étranges 6 » elles-aussi, voire « stupéfiantes 7 » dont les « diverses complexions [sont] inconnues dans notre monde 8 ». L’Impératrice se trouve immergée dans une nouvelle culture qui a son fonctionnement propre : ses langues, ses mœurs, son organisation étatique ou ses modalités d’échange de richesses par exemple. L’héritage cosmologique se traduit quant à lui par la défense de l’idée d’une pluralité de mondes habitables, telle qu’elle peut être envisagée à partir des hypothèses copernicienne et brunienne. Si le système géocentrique qui opposait un monde sublunaire corruptible à un monde supra-lunaire parfait s’effrite, alors la Terre devient une planète parmi les autres, ce qui rend probable l'habitabilité d’autres corps célestes. Dans The Blazing World, la découverte du nouveau monde initie un procédé récursif de découvertes et de créations d’une infinité de nouveaux mondes habités 9. Les esprits, entités immatérielles non-genrées qui apparaissent au début du récit comme la principale source d’apprentissage des protagonistes (l’Impératrice et la Duchesse qui porte le nom de l’autrice) 10, les informent : « il existe un nombre […] infini de mondes [terrestres] peuplés 11 ». La portée scientifique du Blazing World ne réside pourtant pas dans cette référence à la pluralité de mondes « terrestres », qui seraient de même nature que la Terre, mais dans la création de mondes « célestes » qui jouent un rôle épistémique dans la démonstration de la théorie de la matière et de l’imagination de l’autrice, selon laquelle la matière animée compose le monde dans son acception la plus large (ou tous les mondes), y compris l’imagination.

Il s’agira de montrer que The Blazing World est plus qu’une simple mise en scène ludique et pédagogique des théories scientifiques que Cavendish élabore dans ses Observations mais constitue une puissante expérience de pensée, au service des hypothèses scientifiques de l’autrice. Nous étudierons dans un premier temps la nature des mondes célestes créés et détruits par la Duchesse, qui permettent à l’autrice d’examiner (et de discréditer) les différents systèmes du monde, puis dans un second temps le monde que la protagoniste crée « selon sa propre imagination 12 », afin de mettre en évidence le caractère expérimental de cette fiction.

 

Expérimenter les mondes célestes

La distinction entre « monde terrestre » et « monde céleste » apparaît dans le récit quand la Duchesse souhaite devenir Princesse d’un monde. La colonisation des mondes est souvent utilisée dans les fictions scientifiques pour imager leur existence en nombre infini et leur vitalité. La présence de vie à toute échelle constitue en effet l’un des lieux communs des fictions scientifiques qui offrent de multiples jeux de perspective en réponse à des interrogations sur la place de la Terre – et surtout des humains – dans le cosmos. Ces questionnements sont produits et alimentés entre autres par le perfectionnement d’instruments optiques (qui rendent monstrueuses des créatures microscopiques et accessibles les reliefs des corps cosmiques), par le déplacement des frontières cosmologiques (le décentrement terrestre provoqué par l’effondrement du système ptolémaïque hérité d’Aristote) et géographiques (les remaniements des cartes qui témoignent d’une limite de la connaissance humaine), et par la coexistence de métaphores du monde (organique et mécanique 13). Ces questions ainsi soulevées portent sur le regard de l’humain, qui se situe face ou dans la nature, et sur les conditions de présence de vie dans celle-ci. Les auteurs de fictions scientifiques qui s’emparent de ces questionnements mobilisent l’analogie entre le microcosmique et le macrocosmique 14, et s’attachent à montrer par la fiction que chaque monde contient une infinité de créatures qui sont elles-mêmes des mondes, processus que Cyrano de Bergerac nomme « cironalité universelle 15 » (en référence au ciron, considéré comme le plus petit animal visible à l’œil nu qui constitue un modèle analogique efficace dans le débat). Cavendish ne fait pas exception : « l’homme [est] bien un microcosme […] puisque la mouche ou le ver [sont] un monde en petit alors il en [est] de même pour l’homme 16 ». La particularité ou la force du Blazing World est d’élargir la présence de vie dans la matière à d’autres types de mondes : les mondes terrestres ne sont plus les seuls concernés, les mondes célestes imaginés existent également en nombre infini et regorgent de vie. Les esprits dissuadent en effet la Duchesse de conquérir un monde terrestre, et lui conseillent plutôt de créer un monde céleste, appelé aussi « monde immatériel », « monde en soi-même », « monde de son invention », « monde imaginaire », « immatériel » ou « intérieur », qui se développe dans le cerveau de l’individu créateur :

 

Vous pouvez vous créer un monde céleste […] tout être humain peut créer un monde immatériel habité de toutes ses créatures immatérielles […] dans l'espace d'un cerveau ou d'un crâne; […] il peut inventer un monde selon sa fantaisie, avec la forme de gouvernement qui lui plaît, donner à ses créatures tous les mouvements […] les manières de percevoir […] et créer des tourbillons, des lumières, des pressions […] faire un monde plein de veines, de muscles et de nerfs et les mettre en branle d'une simple chiquenaude ou d'une caresse de la main ; […] il peut altérer ce monde aussi souvent que cela lui chante, ou le faire passer de l'état de monde naturel à celui de monde artificiel. Il peut inventer un monde d'idées, un monde d'atomes, un monde de lumières ou tout ce que son imagination lui dicte. […] il est en votre pouvoir de créer un tel monde [...] un monde en vous-même  17.

 

Trois éléments sont à relever dans cet extrait. Premièrement, les nouveaux mondes célestes que proposent de créer les esprits s’appuient eux aussi sur l’analogie entre le microcosme et le macrocosme. En effet, le monde possible peut être « plein de veines, de muscles et de nerfs », et prendre ainsi la forme d’un monde anatomique et animal. Ensuite, les mondes imaginaires créés à partir de la correspondance entre le microcosmique et le macrocosmique se révèlent animés par un principe vital. Un parallèle se dessine alors entre imagination et vie (le monde possible est « habité » et « mis en branle » par exemple). Sans prendre position au sujet de l’aspect matériel de la faculté créatrice, l’autrice explicite déjà la vitalité des mondes imaginés, ce qui constitue un premier pas dans la démonstration de sa théorie matérielle, selon laquelle l’imagination est composée de matière rationnelle animée. Enfin, l’abondance de termes se rapportant au champ lexical de la physique (« tourbillons », qui renvoie à la théorie cartésienne, « pression », « réaction » ou « atomes » par exemple), permet d’assimiler les mondes célestes à des systèmes du monde, compris comme des tentatives d’explication du réel, et plus particulièrement des phénomènes naturels.

Le personnage de Cavendish essaie donc de « créer un monde de [son] invention 18 » selon les systèmes du monde de savants anciens (Thalès, Pythagore, Platon, Épicure et Aristote) puis modernes (Descartes et Hobbes). Chaque monde est imaginé, construit et expérimenté par la Duchesse, jusqu’à ce qu’il soit abandonné, ce qui permet à l’autrice de présenter les différentes théories et de pointer leurs incohérences. L’expérience sensible du modèle épicurien (qui décrit un monde composé d’une infinité d’atomes) le révèle par exemple monstrueux, terrifiant et dangereux :

 

les atomes en nombre infini constituèrent une brume telle qu'elle obscurcit complètement la perception de son esprit […] la confusion régnant parmi ces atomes fut responsable de figures si étranges et si monstrueuses qu'elles lui causèrent plus de frayeur que de joie ; un tel chaos avait pris possession de son esprit qu'il l'avait presque anéanti. À la fin, étant parvenu avec beaucoup de difficulté à purger et à nettoyer son esprit de cette poussière et de cette brume de particules, elle entreprit de créer un monde suivant l’opinion d’[un autre savant]  19.

 

Les modèles cartésien et hobbésien ensuite créés et expérimentés recèlent aussi une forme de violence qui se manifeste par une grande confusion. Dans le monde de Descartes d’abord, les mouvements des globules éthérés perturbent profondément les pensées de la protagoniste, qui « chancèlent très fort, comme si elles [étaient] toutes ivres ». Un effet similaire se produit quand elle crée un monde céleste « selon l’opinion de Hobbes » :

 

toutes les parties de ce monde imaginaire se mirent à se bousculer et à se pousser les unes les autres, on eût dit une meute de loups attaquant des moutons ou encore des chiens à la poursuite de lièvres. Et lorsqu’elle rencontra une réaction égale aux pressions qui s'exerçaient, son esprit se trouva si extraordinairement oppressé que ses pensées ne pouvaient ni avancer, ni reculer, ce qui lui valut de tels maux de tête que, même après avoir bien vite détruit ce monde, elle eut beaucoup de difficulté à apaiser son esprit et à le délivrer de la douleur provoquée par ces pressions et ces réactions  20.

 

Les mondes sont donc éprouvés : leur composition, leur organisation et leur fonctionnement sont ressentis physiquement par le personnage dont les pensées s’embrument ou se bousculent dans ces mondes qui la terrorisent. Les sensations physiques deviennent tellement insupportables (elles persistent parfois même après la destruction du monde) que la Duchesse se retrouve contrainte de s’en extraire et de les détruire. Les champs lexicaux du trouble et de la peur, couplés à ceux de la contrainte et de la douleur traduisent le dysfonctionnement interne des modèles. La destruction de mondes célestes représente donc la remise en question nécessaire et inévitable des différents systèmes du monde en vigueur.

L’analogie entre le microcosme et le macrocosme permet donc la construction de mondes terrestres et célestes, ces derniers étant définis comme des mondes imaginaires animés qui forment des systèmes du monde. Un lien se tisse entre imagination et vitalité, ce qui nous donne un premier aperçu de la théorie de la matière de l’autrice. Une expérience sensible de ces mondes célestes est possible, mais elle conduit la protagoniste à abandonner les modèles préexistants. Nous montrerons ensuite que la construction de son propre monde imaginaire (à comprendre comme son système du monde) permet à l’autrice de dévoiler entièrement sa posture philosophique selon laquelle tout est composé de matière animée d’un principe vital propre. L’imagination, qui crée des mondes dans « l’espace du crâne », se révélera alors matérielle elle aussi.

 

La création d’un monde céleste « selon sa propre imagination » : une véritable expérience de pensée

Dès qu’elle se rend compte qu’« aucun modèle ne lui [est] de la moindre utilité 21 », la Duchesse décide de :

 

créer un monde [céleste] entièrement selon sa propre imagination […] composé de matière sensitive et rationnelle auto-mouvante 22. En fait, [ce monde] était formé uniquement de matière rationnelle, qui est le degré de matière le plus subtil et le plus pur : car alors que la matière sensitive était en mouvement et réagissait selon les perceptions du corps et en harmonie avec lui, cette matière rationnelle, quant à elle, était en mouvement au même moment par la création du monde imaginaire  23.

 

La matière apparaît alors animée puisque, comme l’expliquent les esprits, « rien ne peut se mouvoir par soi-même sans être doué de vie 24 ». Cet extrait fait écho à un autre le précédant dans lequel l’Impératrice demande aux esprits « si toute la matière est animisée 25 », ce qu’ils ne peuvent affirmer mais qu’ils défendent en expliquant notamment que « la matière n’[a] pas d’autre mouvement que celui qui [procède] d’un pouvoir spirituel, […] toute la matière [est] douée de mouvement ». Une lecture croisée du Blazing World et des Observations 26 permet d’affiner notre compréhension de la théorie matérielle de Cavendish, et de mettre ainsi en évidence sa présence dans la conception du monde céleste de la Duchesse. Sa théorie postule une matière vivante, animée par un principe vital, pourvue d’un mouvement interne et de perceptions. Selon l’autrice, la division tripartite de la matière : rationnelle, sensitive (toutes deux capables d’automouvement) et inanimée, garantit l’ordre naturel. La partie inanimée de la matière serait mise en mouvement par les deux autres, ce qui confère à la matière dans son ensemble une vitalité. Dans le prolongement du traité philosophique qui établit par exemple que : « La matière, l’automouvement et la connaissance de soi, sont inséparables les unes des autres, et font de la Nature un corps matériel, automouvant et qui se connaît lui-même 27 », la fiction offre une reformulation du fondement de sa philosophie :

 

Car la nature n'est qu'un seul corps vivant, infini, se mouvant et se connaissant par soi-même, qui est constitué des trois degrés de matière, la matière inanimée, la matière sensitive et la matière rationnelle, si bien mêlés que nulle partie de la nature, fût-ce un atome, ne peut exister sans posséder ces trois degrés. La partie sensitive est la vie, la partie rationnelle est l'âme et la partie inanimée, le corps de la nature infinie  28.

 

Il convient aussi de noter que, dans l’adresse aux lecteurs des Observations, Cavendish remanie un aspect de sa théorie de la matière ; elle élimine la partie inanimée pour affirmer que toute la matière est animée à différents degrés : « il n’était pas nécessaire d'introduire un degré inanimé de matière […] toute la matière est animée ou automouvante 29 ».

La partie de la matière exclusivement mobilisée par la protagoniste dans la conception du monde céleste est la partie rationnelle dynamique, celle qui représente l’âme (située dans le cerveau). À l’origine de la pensée, cette partie mène à la connaissance de la nature. Puisque ce degré de matière a été utilisé pour créer son monde, l’imagination apparaît donc rationnelle. Alors que le statut ambivalent de cette faculté à l’époque oppose sa capacité à créer des chimères qui tromperaient l’humain et son efficacité dans l’élaboration des savoirs, Cavendish l’associe au processus de découverte : c’est selon elle une faculté qui, comme la raison, est un « effet » ou une « action 30 » de la partie rationnelle de la matière. La création de mondes joue ainsi un rôle à deux niveaux de lecture. D’une part, en tant que procédé récursif et narratif, elle est l’occasion pour l’autrice de présenter les systèmes du monde des savants, de délivrer et de mettre en scène sa propre théorie de la matière et de l’imagination. D’autre part, en tant qu’activité cérébrale sollicitant l’imagination composée de matière rationnelle, la création de mondes convoque sa théorie de la matière, ce qui contribue à la démontrer. La mobilisation de l’imagination dans une démonstration de sa théorie de la matière semble justifiée par la nature-même de cette faculté composée de matière rationnelle. Son matérialisme vital 31 brouille les frontières entre objet et méthode de recherche (l’imagination est utilisée en tant que méthode pour analyser l’objet de connaissance « imagination »), entre fictif et réel, entre langage et matière. Marina Leslie est la première, à notre connaissance, à avoir mis en évidence « l’un des projets les plus consistants du Blazing World », celui « de démontrer les propriétés matérielles et productives de la raison et de l’imagination 32 ».

 

Dans une série de démonstrations afin de déterminer l’efficacité de l’imagination ainsi envisagée, Cavendish représente l’Impératrice et la Duchesse faisant leur chemin dans une variété de mondes nouveaux […] ces expériences […] permettent à Cavendish de créer une fiction qui suggère comment l’imagination peut transcender la fiction, produisant simultanément des représentations textuelles et des transformations matérielles  33.

 

Dans la continuité de l’analyse de Leslie qui relève les expériences littéraires, les expériences de genres et met en évidence le caractère démonstratif du Blazing World 34, nous souhaitons montrer que la fiction agit comme une véritable expérience de pensée dans cette œuvre.

« L’expérimentation mentale » est définie par Ernst Mach 35 comme une méthode rationnelle qui s’appuie sur la construction imaginaire d’une hypothèse et qui permet d’inférer. Cette notion a été particulièrement réinvestie par des philosophes anglo-saxons à partir des années 1980, on parle alors de thought experiment, traduit par « expérience de pensée ». L’ambivalence de cette méthode a été théorisée à la fois par des historiens de la littérature, des théoriciens de la fiction, des historiens des sciences, ou des philosophes du langage, tous concernés par l’articulation entre fiction et réel que semble permettre l’expérience de pensée 36. Les travaux portent à la fois sur l’efficacité du procédé dans le type de connaissances produites, sur son rapport avec l’expérience physique (si ce n’est avec le monde réel), sur le recours à l’imagination 37 et sur sa dimension fictionnelle 38. En effet, ces interrogations sur l’expérience de pensée croisent celles sur la fiction, qui n’est pas nécessairement associée à la contre-vérité mais qui peut être rapprochée de l’hypothèse et investie d’une capacité épistémique 39. Du latin fingere, qui signifie « construire », « se figurer », « élaborer », la fiction est porteuse d’une idée de remodelage et de ré-agencement du réel qui se rapproche du dispositif-même de l’expérimentation mentale. Il ne s’agit pas ici d’identifier systématiquement fiction et vérité, ou fiction et expérience de pensée, mais plutôt d’insister sur la potentialité épistémique de la fiction : elle peut intervenir dans la recherche scientifique et s’avérer productrice de savoirs, et d’autant plus quand elle est assimilée à une expérience de pensée 40, la fiction pouvant alors devenir un instrument spéculatif essentiel.

Ici, nous entendons par « expérience de pensée » la mobilisation de l’imagination pour fabriquer un monde qui met en scène une théorie, afin de la démontrer, de l’invalider ou d’en déduire des conséquences scientifiques. Sans chercher à définir précisément la catégorie par ses différentes étapes 41, ni à proposer des critères afin d’inscrire certains textes (ou moments de récit) dans cette catégorie et d’en exclure d’autres, nous tenons à relever deux éléments qui structurent ce processus épistémologique : la construction d’un monde et la capacité à inférer scientifiquement.

Dans The Blazing World, la fiction joue un rôle heuristique précis, elle est encadrée par un débrayage, assuré par l’association du Blazing World aux Observations. L’élaboration de mondes célestes chez Cavendish peut être considérée comme une expérience de pensée dans la mesure où la conception imaginaire d’un monde permet de démontrer sa théorie de la matière et d’inférer scientifiquement. L’expérience de pensée permet de tester son hypothèse scientifique et de parvenir à la conclusion suivante : les mondes sont composés de matière animée, qu’ils soient terrestres, microscopiques, macroscopiques, ou célestes, se déployant alors « dans l’espace d’un cerveau ou d’un crâne 42 ».

Il semble ainsi pertinent de s’interroger sur les points de jonction qui peuvent apparaître si l’on met en parallèle la catégorie de « fiction scientifique » et celle d’« expérience de pensée 43 ». Les auteurs et autrices de fictions scientifiques élaborent en effet un ou plusieurs mondes et utilisent la fiction pour déplacer le regard, tester une hypothèse, fournir des arguments ou même démontrer une théorie. Dans ces œuvres, les dispositifs fictionnels comme l’expérience de pensée interviennent principalement pour pallier une distance entre le savant et son objet de recherche (le cosmos étudié est trop grand et trop éloigné, et la composition de la matière invisible à l’œil nu par exemple). En outre, ils peuvent compenser l’assimilation du savant avec son objet d’étude (la Terre nous contient et la matière nous compose) et offrir un décentrement soit pour nous extraire de la Terre afin d’étudier ses mouvements et sa place dans l’Univers, soit pour inviter le lecteur-expérimentateur à s’observer depuis l’intérieur. Il semble néanmoins qu’on ne puisse pas réduire l’expérience de pensée à sa propension à sortir les savants d’une impasse empirique. En tant qu’elle peut être irréalisée (mais réalisable), on peut se demander si l’expérience de pensée pallie seulement l’impossibilité expérimentale. Loin d’être une version diminuée de l’expérience concrète, l’expérience de pensée est ici considérée comme un véritable dispositif fictionnel qui permet de rendre visible l’invisible. Pour mettre en évidence le caractère heuristique de la fiction au XVIIe siècle plus particulièrement, Aït-Touati pose une différence majeure entre fictif : « fiction comme irréel » et fictionnel : « fiction […] qui participe à la construction des connaissances [...] elle n’est pas un voile, elle révèle, elle crée des images et est productrice de savoirs 44 ». Pour Aït-Touati, il existe une véritable « nécessité de transformer, pour voir le juste 45 ». Le contexte d’élaboration des fictions scientifiques facilite par ailleurs leur association au processus heuristique qu’est l’expérience de pensée, notamment si l’on prend en compte la porosité des champs de savoirs, le statut de l’hypothèse 46, et le caractère spéculatif de la physique au XVIIe siècle, qui favorisent l’usage de la fiction dans le discours scientifique 47.

 

La création de nouveaux mondes joue donc un rôle épistémique dans la démonstration de la théorie de la matière et de l’imagination de Cavendish. Au sein du procédé récursif de construction de mondes imaginaires (qui sont l’occasion de tester des systèmes philosophiques, de les éprouver pour en démontrer l’incohérence) se trouve le monde de Cavendish, composé de matière rationnelle animée. La fiction participe à démontrer le caractère épistémique, matériel et vital de l’imagination, et peut être ainsi considérée comme une véritable expérience de pensée.

Réhabiliter la fonction heuristique de la fiction nous pousse à reconsidérer le rôle et l’usage de l’expérience de pensée, et nous invite à faire dialoguer cette catégorie avec celle des « fictions scientifiques » pour saisir ces œuvres à la fois dans leur dimension ludique et heuristique. Bien que l’expérience de pensée élaborée par Cavendish semble topique (nous avons situé le dispositif entre les pages 158 et 167), l’étude de Julien Techer au sujet des expériences de pensée du XVIIIe siècle nous interroge précisément sur la difficulté à les abstraire du récit. Porter une attention particulière au rôle du lecteur et de la lectrice 48 permettrait sans doute de mesurer le « rayonnement hypothétique et conjectural 49 » du scénario. Impliqué et actif dans l’expérience de pensée, le lecteur 50 est aussi encouragé à la reproduire en créant lui-même son monde 51 à la fin de l’épilogue.

The Blazing World ne présente pas un monde unique régi par des lois à découvrir mais bien des mondes, en tant qu’objets et outils de recherche, qui sont des versions explicatives du réel, imaginées par chaque savant, ce qui remet en question le statut de l’objet de savoir (construit et non découvert). Réintroduire la fiction et l’imagination dans les processus d’accès aux connaissances permet à la fois d’être au plus près du texte de Cavendish et de sa théorie de la matière, et de repenser le récit de l’histoire des sciences dites « modernes », érigées en sciences exclusivement objectives et expérimentales, alors que le contexte épistémologique offre un terreau fertile aux savants pour qu’ils élaborent des fictions scientifiques, qu’ils mobilisent l’imagination et qu’ils expérimentent par la pensée. La subjectivité est de rigueur, l’expérimentateur est pris en compte puisqu’il construit le monde qu’il étudie. François-Xavier Demoures et Eric Monnet ont d’ailleurs montré l’inévitable dimension subjective de l’expérience de pensée « qui élimine d’emblée la perspective d’une science totalement objective et désincarnée 52 ».

Au terme de notre analyse, nous pouvons finalement esquisser une réponse à la question posée en introduction. Il semblerait que le « pôle » commun qui relie le monde de la fiction scientifique The Blazing World et celui du traité philosophique Observations upon Experimental Philosophy soit la matière rationnelle, qui est à l’origine de deux facultés complémentaires : la raison et l’imagination.

 

  1. OBSERVATIONS UPON EXPERIMENTAL PHILOSOPHY. To which is added, THE DESCRIPTION OF A New Blazing World. WRITTEN By the Thrice Noble, Illustrious, and Excellent PRINCESSE, THE Duchess of Newcastle. LONDON, Printed by A. Maxwell, in the Year, 1666. La même année, Cavendish publie deux éditions différentes du Blazing World : l’une ne contient que la fiction et s’adresse à un lectorat féminin, l’autre, sur laquelle nous concentrons notre analyse, est composée du traité et de la fiction.
  2. Margaret Cavendish, Le Monde glorieux, Line Cottegnies (trad.), Paris, José Corti, 1999 [1666], p. 8.
  3. Les travaux de Frédérique Aït-Touati (notamment Cosmopoétique, Poétiques du discours cosmologique au XVIIe siècle, thèse de doctorat en Littérature comparée, François Lecercle (dir.), Université Paris IV-Sorbonne, mars 2008 ; et Contes de la Lune. Essai sur la fiction et la science modernes, Paris, Gallimard, 2011) portent sur un ensemble de textes « à la fois sérieux et ludiques, scientifiques et imaginaires » (Ibid., p. 18). Cette littérature du cosmos mobilise la « fiction scientifique », définie comme instrument heuristique qui déforme le réel pour mieux le saisir. Le corpus de Guilhem Armand (Les fictions à vocation scientifique de Cyrano de Bergerac à Diderot : Vers une poétique hybride, thèse de doctorat en Littératures française et francophone, Jean-Michel Racault et Aurélia Gaillard (dir.), Université de la Réunion, 2009), proche de celui d’Aït-Touati, est composé d’un ensemble de textes qu’il qualifie de « fictions à vocation scientifique ». Armand assimile la fiction à vocation scientifique à un « horizon générique », c’est-à-dire « un texte qui s’élabore à la frontière de plusieurs discours […] et de plusieurs genres […], mais qui ne s’établit jamais réellement en genre proprement dit. » (Ibid., p. 617). À partir de ces deux études, nous employons « fiction scientifique » pour qualifier un ensemble d’œuvres du XVIIe siècle sur la pluralité des mondes qui sont à la frontière de plusieurs discours, considérés aujourd’hui comme autant littéraires que scientifiques. Leur usage commun de la fiction comme outil heuristique autorisant un décentrement les inscrit dans cette catégorie (en cours d’élaboration) sans gommer leurs particularités.
  4. Margaret Cavendish, Le Monde glorieux, op. cit., p. 13.
  5. Ibid., p. 16.
  6. Ibid., p. 15.
  7. Ibid., p. 16.
  8. Ibid., p. 23.
  9. Marina Leslie, « Mind the Map: Fancy, Matter, and World Construction in Margaret Cavendish's « Blazing World », Renaissance and Reformation, n°35, 2012, p. 85-112.
  10. « il n’y avait pas de différence de sexe parmi eux » (Margaret Cavendish, Le Monde glorieux, op. cit., p. 169) puis : « les esprits immatériels […] l’informaient de toutes les choses qu’elle désirait connaitre et dont ils étaient en mesure de lui parler » (Ibid.,p. 203). La limite de leur connaissance sera ensuite révélée.
  11. Ibid., p. 156-157.
  12. Ibid., p. 165-166.
  13. Carolyn Merchant, La Mort de la nature. Les femmes, l’écologie et la révolution scientifique, Marseille, Wildproject, 2021.
  14. L’ancienne analogie entre le microcosme et le macrocosme est héritée de l’Antiquité : l’idée selon laquelle l’homme serait structuré comme le cosmos et constituerait un « petit monde » se trouve dans Le Timée de Platon, puis dans les considérations de l’infini dans De rerum natura de Lucrèce. Elle persiste au Moyen-Âge, culmine à partir de la Renaissance et continue d’être utilisée dans des traités philosophiques publiés à la charnière du XVIe et XVIIe siècle, voir par exemple Jourdain Guibelet, Trois discours philosophiques : le I. de la comparaison de l’Homme avec le Monde. Mis de nouveau en lumière par Jourdain Guibelet. M., A Evreux, Chez Antoine le Marié, 1603. L’analogie continue d’être effective au XVIIe siècle et s’inscrit dans des questionnements scientifiques et philosophiques qui portent notamment sur l’infini et la vie, où le modèle analogique du ciron est exploité. Voir : Sarah Grandin, « « Cironalité universelle » : taille, échelle et perspective dans L’Autre monde de Cyrano », in Sophie Duhem, Estelle Galbois et Anne-Perrin Khelissa (dir.), Penser le « Petit » de l'Antiquité au premier XXe siècle, Éditions Fage, 2017.
  15. Savinien Cyrano de Bergerac, L’Autre monde : Les états et Empires de la Lune, Les états et Empires du Soleil, Jacques Prévot (éd.), Paris, Gallimard, 2004, p. 128.
  16. Margaret Cavendish, Le monde glorieux, op. cit., p. 118.
  17. Ibid., p. 158.
  18. Ibid., p. 161.
  19. Ibid., p. 163.
  20. Ibid., p. 165.
  21. Ibid., p. 165.
  22. Dans la traduction de Line Cottegnies « self-moving » est traduit par « animée ».
  23. Ibid., p. 165-166.
  24. Ibid., p. 117.
  25. Ibid., p. 132. Cottegnies indique : « Cavendish emploie le néologisme “soulified” ».
  26. Pour citer le texte, nous nous référons à la version en ligne : https://github.com/digicavendish/plain-modernized-EEBO-TCP-MargaretCavendish/blob/master/Observations%20Upon%20A53049.headed.txt (sous la forme : Observations, suivi de la ligne). Nous traduisons.
  27. «  Matter, Self-motion and Self-knowledg, are inseparable from each other, and make Nature, one Material, self-moving, and selfknowing Body. » (Observations, l. 4352-4354).
  28. Margaret Cavendish, Le monde glorieux, op. cit., p. 133-134.
  29. « there was no necessity of introducing an inanimate degree of Matter […] that all Matter is animate or self-moving » (Observations, l. 600 et l. 609-611).
  30. « when I distinguish Fancy from Reason; I mean not as if Fancy were not made by the Rational parts of Matter; but by Reason I understand a rational search and enquiry into the causes of natural effects; and by Fancy a voluntary creation or production of the Mind, both being effects, or rather actions of the rational part of Matter » que nous traduisons : « lorsque je distingue la fantaisie de la raison ; je ne veux pas dire que la fantaisie n'a pas été faite par les parties rationnelles de la matière ; mais par « raison », j'entends une recherche rationnelle et une enquête sur les causes des effets naturels ; et par « fantaisie », une création ou une production volontaire de l'esprit, les deux étant des effets, ou plutôt des actions de la partie rationnelle de la matière » (nous soulignons), préface du Blazing World, dans sa version annexée aux Observations.
  31. Nous reprenons l’expression « Matérialisme vital » présentée par Charles Wolfe lors des Grandes Conférences des Archives Henri Poincaré, « Un matérialisme intelligent » le 13 octobre 2021, Nancy : « La matière est réellement ou potentiellement vivante […] [le matérialisme vital] considère comme son défi central explicatif la vie, la vitalité, l’organisme, [il] cherche à intégrer les propriétés du vivant dans son ontologie ».
  32. « One of Cavendish’s most consistent projects in The Blazing World is to demonstrate the material and productive properties of reason and imagination by providing a kind of tropological map of their points of intersection », Marina Leslie, « Mind the Map: Fancy, Matter, and World Construction in Margaret Cavendish’s Blazing World », op.cit. (les traductions sont de nous).
  33. Ibid.
  34. Elle montre que la fiction est une démonstration matérielle.
  35. Ernst Mach, La connaissance et l’erreur, Marcel Dufour (trad.), Flammarion, 1908, cité par Jean-Pierre Cometti, « Expériences de pensée et théories de la fiction », lors du colloque international « Les expériences de pensée : entre philosophie, sciences, littérature & arts », ENS, Paris, octobre 2014, organisé par Jean-Charles Darmon, Thomas Mondémé et l’équipe du Centre de Recherches sur les Relations entre Littérature, Philosophie et Morale (USR République des Savoirs CNRS-ENS-Collège de France), en collaboration avec les autres composantes de l’USR, Mathesis, le CIEPFC et le Centre Cavaillès, en partenariat avec l’équipe ESR de l’UVSQ et avec le soutien du Labex TransferS et l’IUF.
  36. Il existe une abondante littérature théorique sur le sujet. Pour n’en citer que quelques-uns : Pierre Duhem, La théorie physique. Son objet, sa structure (1914) ; Roy Sorensen, Thought Experiments (1992) ; Nancy Nersessian « In the Theoretician’s Laboratory: Thought Experimenting as Mental Modeling » (1993) ; Tamar Gendre Szabó, Thought experiment: On the powers and limits of imaginary cases (2000) ; Erik Weber et Tim De Mey, « Explanation and thought experiments in history » (2003) ; John Norton, Are Thought Experiments Just What You Thought? (1996) et On thought experiments: Is there more to the argument? (2004) ; Mélanie Frappier, Letitia Meynell, James Robert Brown (eds.), Thought Experiments in Philosophy, Science, and the Arts (2013).
  37. Nous avons établi une bibliographie non-exhaustive notamment à partir de la lecture de : Frank Vermandel, « Quels enjeux épistémologiques pour la fiction ? », Les Cahiers du LAUA (Langages, Actions Urbaines, Altérités - Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes), La fiction et le réel, 2013, p. 29-46.
  38. Sur la dimension fictionnelle de l’expérience de pensée, voir Anne-Lise Rey, « L'expérience de pensée au péril de la fiction : Le cas de la correspondance entre Leibniz et Papin », Revue d'histoire des sciences, Tome 66, n°2, 2013, p. 275-298 ; Jean-Pierre Cometti, « Expériences de pensée et théories de la fiction », op. cit..
  39. Il y a plus d’un siècle, Hans Vaihinger avait déjà révélé le caractère heuristique de la fiction dans le processus d’accès aux savoirs, en proposant une jonction entre imagination et connaissance (La Philosophie du comme si, traduction et préface de Christophe Bouriau, Paris, Kimé, 2008). Il considérait que la fiction pouvait être un instrument cognitif et une technique de recherche légitime, entretenant un lien étroit avec l’hypothèse. À partir des travaux de Pavel qui remettent en question la bipartition traditionnelle entre vérité scientifique et fiction, certaines études sur le rôle cognitif de celle-ci et sur le possible recours au récit en sciences ont permis une réévaluation des dichotomies : fiction / réalité, imagination / vérité, monde fictionnel / monde référentiel. A ce propos, voir : Frank Vermandel, « Quels enjeux épistémologiques pour la fiction ? », op. cit.
  40. Sur la fiction littéraire comme expérience de pensée : Nancy Murzilli, « La possibilisation du monde : littérature et expérience de pensée », Critique, vol. 682, n°3, 2004, p.  219-234.
  41. Sur la structure tripartite des expériences de pensée philosophiques du XVIIIe siècle, voir : Julien Techer, Les Usages de l’expérience de pensée au XVIIIe siècle, Classiques Garnier, 2021.
  42. Margaret Cavendish, Le Monde glorieux, op. cit., p. 158.
  43. Jean-Charles Darmon et Frédérique Aït-Touati ont évoqué l’assimilation d’autres fictions scientifiques à des expériences de pensée, voir : Jean-Charles Darmon, « Rhétorique du songe, fictions heuristiques et politique de la « grimace » : Cyrano sur les traces de Quevedo, de Kepler et de Campanella », Littératures classiques, supplément au n°53, 2004 et Frédérique Aït-Touati, Fictions of the cosmos, op. cit., p. 66.
  44. Frédérique Aït-Touati, Contes de la lune, op. cit., p. 71-72.
  45. Ibid., p. 171.
  46. Au sujet des liens étroits qu’entretiennent « connaissance » et « fiction », voir Olivier Caïra, La Fiction : du roman au jeu d'échec, Paris, Editions EHESS, coll. "En temps & lieux", 2011, notamment la section « La fiction dans l’activité académique » (p. 116-122) du chapitre 4 intitulé « Hybrides et faux amis ». Caïra y interroge le rôle de la fiction dans les controverses savantes du XVIIe siècle à partir des travaux d’Aït-Touati, et entend distinguer « objet hypothétique et fiction scientifique » (p. 119-120).
  47. Sur l’ambivalence de la fiction et son utilisation dans le discours astronomique du XVIIe siècle : Ibid., p. 73-74.
  48. L’une des deux éditions de 1666 du Blazing World s’adresse à un lectorat explicitement féminin.
  49. Julien Techer, Les Usages de l’expérience de pensée au XVIIIe siècle, op. cit.
  50. Nous utilisons le masculin car nous fondons cette analyse sur l’édition du Blazing World adressée à un lectorat masculin, supposément neutre.
  51. « qu’ils créent leur propre monde […] je choisirai […], pour une autre amie, de créer un autre monde », Margaret Cavendish, Le Monde glorieux, op. cit., p. 257.
  52. François-Xavier Demoures et Éric Monnet, « Le monde à l’épreuve de l’imagination. Sur « l’expérimentation mentale », Tracés. Revue de Sciences humaines, n°9, 2005, p. 37-51.