<em>Playground and gameplay</em>. Espaces et valeurs de l'enfance dans la narration vidéoludique

Playground and gameplay. Espaces et valeurs de l'enfance dans la narration vidéoludique

Par BENOIT-HAMBOURG Alban

Malgré une importante production vidéoludique destinée fondamentalement à un public désigné comme jeune (bien que l'ancienneté du medium devrait à présent nuancer ce propos), les avatars et les protagonistes directement construits à partir de ce public ne forment pas une population majoritaire. En effet, peu de jeux vidéo permettent d'incarner des enfants et des adolescents, d'interagir dans des espaces directement identifiés pour eux, et moins encore mettent en scène exclusivement ou presque ces derniers. Peu d'entre eux figurent comme héros, notamment lorsque les jeux vidéo proposent des aventures en solitaire 1. La présence d'enfants au sein d'un système de personnages vidéoludique est généralement intégrée comme support ou relai narratif (l'enfant à sauver, à garder et/ou à protéger) et comme adjuvant mécanique (il peut métaphoriquement et au sein du gameplay illustrer et prolonger les prises de décision morales de votre avatar qui lui sera un adulte).

Depuis l'essor des consoles de jeu, les enfants restent la cible première de cette industrie, comme l'a illustré le développement de ses formes publicitaires. Pourtant cette industrie n'a pas tout de suite regardé la littérature, les séries télévisées et le cinéma destinés à ce public pour imaginer et enrichir ses propres récits et son propre langage. Elle ne semble pas avoir cherché à participer à une action fondamentale partagée par ces autres media, celle de mettre en scène sa propre vie d'enfant ou d'adolescent et d'expérimenter les limites qui nous sont généralement imposées (ce que le jeu vidéo promet d'autant mieux par ses possibilités), comme le permettraient l'enceinte de Poudlard, la ville de Sunnydale jusqu'à l'enclave du Capitole. Les normes et les systèmes sociaux de ces espaces sont parfois des projections de ce que nous comprenons et expérimentons dans nos premières années. Ainsi, les voir mis en scène, testés dans leurs limites, battus et détournés par des personnages nous incarnant d'une certaine façon, peut nourrir justement un sentiment d'identification plaisant.

Le jeu vidéo semble s'être d'abord concentré principalement sur ce qui semblait mieux correspondre aux réalités du matériel, par l'intermédiaire des contrôleurs (joysticks et manettes) avec de l'action directe (jeux de combat, jeux de tir, de plate-formes etc). Aussi, les espaces destinés à ce jeune public semblaient peut-être trop familiers pour permettre le fantasme de l'exploration et la satisfaction du progrès et de la réussite propres au jeu d'aventure par exemple. Enfin, l'émotion serait moins palpable dans une fiction avec des règles trop proches d'un quotidien si prosaïque. Pourtant, la mise en scène et en jeu de l'enfant et de l'adolescent n'engendre pas une typologie de personnage complètement figée, qui se baserait sur une faiblesse, un manque, et qu'une présence adulte comblerait ou corrigerait. L'interaction à travers lui ou avec lui, et les dynamiques de sociabilités qui en découlent (entre protagonistes mais aussi avec les joueurs) présentent des ressources propres dont certaines productions vidéoludiques ont su tirer parti.

Cette recherche tâchera d'expliciter quels intérêts narratifs, mécaniques et symboliques possède et propose l'interaction ludique à travers un avatar enfant/adolescent, et par extension les objets qui lui sont liés. Nous aborderons d'abord les possibilités de scenarii et de gameplay offertes par les espaces destinés aux plus jeunes sujets, lorsqu'il s'agit pour le joueur de se projeter dans sa propre expérience du lycée par exemple. Nous pourrons ensuite interroger les détournements de ces espaces et de leurs caractéristiques afin de les intégrer dans des genres et types de jeux qui n'amènent pas fondamentalement à croiser ou interpréter des enfants, comme le jeu d'action type RPG (Role Playing Game), mais surtout le survival horror. Nous pourrons alors percevoir les qualités de ce choix d'avatar, et questionner en quoi la société des enfants, en opposition aux adultes, apporte un regard différent sur des situations fictionnelles bien connues, et surtout une expérience de jeu, dans ses buts et ses défis, novatrice.

 

L'école, entre safe zone et champ de bataille

L'école est à la fois un espace et un système dans lesquels nous nous formons en tant qu'êtres sociaux, et elle est normalement un territoire engendrant des adultes fonctionnels ou non d'après des codes, des règles et des objectifs. Le jeu vidéo est aussi une surface d'interaction qui possède des règles à respecter en vue d'un résultat précis. Des règles que nous cherchons en tant que joueurs à suivre plus ou moins, et avec lesquelles nous sommes tentés de nous amuser, engendrant dès lors un avatar qui sera plus ou moins fonctionnel selon le but à atteindre. Un des premiers jeux à s'intéresser aux possibilités ludiques de ce lieu s'intitule Skool Daze. Développé par Helen et David Reidy, il est édité par Microsphere en 1985 pour la console ZX Spectrum et Commodore 64. Il propose une simulation d'école, présentée sur l'écran dans sa totalité en coupe de profil. Les joueurs sont invités à se mettre dans la peau d'un écolier (qu'ils sont d'ailleurs invités dès l'ouverture de la partie à nommer avec leur propre nom) qui doit récupérer son bulletin de notes situé dans le coffre-fort du bureau du directeur. La partie n'est pas limitée dans le temps, les joueurs doivent retrouver les quatre parties de la combinaison du coffre détenues par les enseignants. Pour les découvrir, il faudra déjà créer la zizanie en déclenchant l'alarme de l'école, puis parvenir à toucher avec son lance-pierre un professeur qui révèlera alors son morceau du code. Pour déclencher l'alarme il faut parvenir à activer des blasons accrochés aux murs : en assommant des camarades d'un jet de pierre afin de rebondir sur eux et les atteindre, ou en faisant chuter des professeurs sur lesquels un second projectile rebondira vers la cible espérée. Bien entendu, être pris sur le fait vaudra aux joueurs une sévère réprimande et une sanction qui s'exprime par un nombre de lignes à copier, et dont la somme est indiquée en bas de l'écran. Le game over intervient en réalité lorsque ce nombre atteint dix mille lignes et que votre avatar se retrouve expulsé de l'école.

Les jeux de simulation étaient déjà bien représentés à cette époque. Nous pouvons citer à ce titre Little Computer People (développé par David Crane et édité par Activision en 1985), dans lequel nous suivons un personnage masculin vivre au quotidien dans sa maison présentée elle-aussi en coupe de profil, et avec lequel des interactions sont possibles via des demandes écrites au clavier. Ce précurseur de la licence des Sims, lancée en 2000, ne présente pas de réel défi à proprement parler, l'action se déroulant en continu, sans affrontement ni adversaire. C'est justement sur ce point que Skool Daze se distingue particulièrement. Le choix du point de vue est déjà très important. En étant assez large, il amène et oblige les joueurs à considérer un espace important sur un même tableau, constitué de nombreuses salles et couloirs où une quantité remarquable de personnages sont actifs à l'écran 2. La richesse du gameplay se fonde sur cette galerie de personnages, du fauteur de trouble au professeur d'histoire sénile, en passant par le premier de la classe qui n'hésitera pas à rapporter vos absences en cours, parmi d'autres élèves qui interagissent entre eux. Ensuite, le rythme de la partie cadre quelque peu l'action, puisque l'activité de l'école est scandée par les différents cours et les temps de récréation (indiqués aussi textuellement en bas de l'écran), indiquant où le protagoniste est attendu par l'autorité professorale. Il est dès lors possible de faire l'école buissonnière, de suivre patiemment l'emploi du temps, ou de perturber le déroulement des leçons et de la récréation. Tout cela en gardant à l'esprit que chaque méfait mis sur le dos d'un camarade rapportera des points aux joueurs, additionnés sur une ligne de score affichée au-dessus de la somme des lignes à copier. La tension du jeu repose donc entre ces deux modalités : atteindre son objectif qui nécessite de mauvais agissements, en tâchant à la fois de garder au plus bas son nombre de lignes à copier et d'élever au plus haut son score général.

L'essence du gameplay repose dans l'interaction avec d'autres personnages répondant aux fameux archétypes de la brute, de l'élève parfait, ou du perturbateur, bien connus des fictions scolaires d'autres media. Mais elle s'inscrit aussi dans l'adaptation et le détournement d'une réalité très simple, celle d'aller à l'école, au service de la pulsion ludique. Cette dynamique associe l'identification 3 des joueurs et la possibilité de modeler la réalité de cet espace en prenant l'ascendant sur l'autorité qu'il représente. Le couple de développeurs 4 a tout de suite pensé à la liberté voulue possiblement par les joueurs, comme une vengeance sur les règles de leur propre expérience scolaire. Cela se traduit par le level design de l'école dans laquelle notre personnage évolue, qui s'inspire quelque peu du modèle du jeu de plateforme, et des mécaniques, secondaires, servant la bonne projection des joueurs dans l'action représentée : la possibilité de renommer l'ensemble des personnages, d'écrire sur les tableaux des salles de classe, ou encore de brutaliser d'autres élèves sans aucune justification.

Cette dynamique est prolongée et enrichie par le jeu Bully (renommé Canis Canem Edit en dehors des USA) commercialisé en 2006 5. Il est développé et édité par Rockstar Games, studio connu pour sa fameuse licence GTA (Grand Theft Auto). L'impulsion ludique proposée par Skool Daze trouve, à la fois grâce aux possibilités techniques de la Playstation 2 et à la « ligne éditoriale » de Rockstar, un digne successeur. C'est à travers une petite frappe de 15 ans, Jimmy Hopkins, que les joueurs peuvent l'expérimenter. Celui-ci est placé à la Bullworth Academy alors que sa mère et son nouveau beau-père partent un an en voyage de noces. Ce nouvel établissement, inconnu du joueur et du personnage est rapidement quadrillé comme un territoire divisé par les bandes qui l'occupent : Caïds, Fayots, Sportifs, Bourges et Blousons noirs, qui n'hésitent pas à très ouvertement s'opposer, de la simple intimidation à la violence gratuite. Le but du jeu s'énonce alors clairement : rassembler toutes les factions sous son propre et unique commandement.

Le jeu présente donc un environnement scolaire, avec ses règles, ses horaires, son autorité à respecter, qui nécessite des interactions avec les autres élèves et aussi le monde adulte. Mais celles-ci sont toujours tournées vers des dynamiques de gameplay, qu'il s'agisse du but initial du jeu, à savoir la résolution globale du scénario (avec des événements scriptés), ou d'une pratique du jeu plus individuelle avec une certaine liberté d'action. Aller en cours et les suivre avec assiduité permet, en chimie par exemple, de canaliser des connaissances afin de créer des boules puantes et des pétards, qui peuvent s'avérer utiles en situation délicate face à d'autres élèves aux intentions belliqueuses. Libre aux joueurs de déclencher des bagarres collectives pour leur simple plaisir, ou de garder ce type d'outil pour faciliter leur avancée dans les défis qui leur seront imposés. Au-delà d'une direction artistique dont l'imaginaire peut nourrir déjà beaucoup d'attentes, ce sont toutes les possibilités d'action et d'interaction qui en découlent qui permettent de véritablement s'approprier l'espace scolaire, le système qu'il représente, et de le renverser pour ses propres intérêts. Le défi repose dans l'appropriation des limites et des libertés de ce lieu qui peuvent servir les ambitions des protagonistes. Mais il réside surtout dans la recherche et le développement par les joueurs d'un détournement de ses possibilités à la faveur du développement de la partie et d'un plaisir de jeu plus immédiat. Si l'action repose effectivement sur des rapports sociaux, des liens d'influences, sans oublier l'éloquence de vos poings, et les multiples manières d'appréhender un échange, c'est avant tout une liberté d'action dans un quotidien réglementé qui est le principal facteur d'interaction ludique. Cette motivation cathartique permet de dépasser le cadre strict de l'établissement scolaire et l'ennui potentiel de juste revivre ses propres années au lycée, lorsque tout l'objectif est de subvertir et de détourner ce système.

 

Les valeurs de la jeunesse : victimes et garantes de l'ordre social

Cette vocation à expérimenter le détournement d'un système en incarnant un avatar jeune, peut dépasser le cadre purement scolaire, pour devenir plus global. Dès lors, l'interaction des joueurs avec la structure et l'autorité que représente ce milieu n’est généralement qu'une partie d'un territoire de jeu beaucoup plus grand. Il s'agit d'une tendance que nous retrouvons dans de nombreuses productions japonaises destinées à la jeunesse, à la fois des light novel, des mangas, des productions animées et des jeux vidéo. Les protagonistes, enfants et/ou adolescents, sont souvent désignés de prime abord comme des figures logiquement plus faibles face à la force antagoniste du récit, si elles n'en sont pas directement les cibles, mais toute la construction de la narration tend à poser leurs valeurs intrinsèques comme indispensables à la suppression de cette menace. Cela peut se révéler par des capacités particulières qui seraient inaccessibles aux adultes 6, et des dispositions morales propres qui les amèneraient à mieux surpasser leurs ennemis généralement plus âgés 7.

La licence de jeux vidéo Shin Megami Tensei : Persona, développée et éditée par le studio Atlus, reprend ces codes en mettant en scène des attributs et des valeurs propres à l'adolescence, dans un style dit « tranche de vie 8 », associés à une action parallèle, plus martiale et généralement cachée du reste de la population. Notre analyse s'attachera plus particulièrement au cinquième opus de la série. En quelques mots, l'action se concentre sur un groupe de lycéens qui vont tous avoir la possibilité de se rendre, grâce à une application sur leur portable, dans le Metaverse. Cet espace parallèle au monde réel est la dimension cognitive produite inconsciemment par la société. Seuls les détenteurs de persona, comme nos protagonistes, sont en mesure de le voir, de le pénétrer et possiblement d'interférer directement avec. Les persona 9 sont des manifestations de la personnalité de chacun, qui sont invoquées afin de faire face à un danger, prenant pour la plupart la forme de figures mythologiques, religieuses ou culturelles.

Au sein du Metaverse, nos héros vont tâcher de s'introduire au sein de palaces afin de combattre et renverser les forces néfastes liées à des personnalités du monde réel aux agissements répréhensibles. Un palace est l'expression d'une distorsion engendrée par des pensées et des intentions négatives, corrompues, déformant la psyché de l'individu. Seules des natures très affirmées génèrent des palaces à partir de leur esprit troublé. Le modèle de jeu de Persona 5 allie dungeon crawler 10 et combat au tour par tour (souvent retrouvé dans les RPG). Les protagonistes combattent dès lors avec l'expression de leur persona, afin de réguler l'ébranlement du cœur et de l'esprit de leurs opposants. Ces derniers ne sont pas des méchants classiques, dont les ambitions seraient le contrôle ou la destruction en soi, comme beaucoup d'antagonistes fictionnels. Sans réduire leurs crimes, leur champ d'action s'intègre véritablement dans la société contemporaine, avec par exemple, un professeur de lycée qui harcèle sexuellement et physiquement ses élèves, un artiste volant le travail de ses disciples, ou encore un chef de la mafia qui manipule et extorque des adolescents. La jeunesse, victime de l'autorité d'adultes malfaisants, ne semble pouvoir manifester la puissance de son ethos que dans l'espace du Metaverse pour espérer réparer les rouages de leur société tourmentée 11.

Pourtant il ne s'agit pas uniquement de parcourir les méandres psychiques de quelques criminels pour tâcher de leur inspirer meilleur comportement après un combat bien mené. L'essentiel du jeu se déroule dans notre réalité, dans le quotidien bien matériel de lycéens contraints par le calendrier scolaire et le règlement des adultes. C'est par cet aspect que Persona 5 s'inscrit aussi dans le genre du visual novel : la journée est scandée par la présence obligatoire en cours, l'extra-scolaire avec un job étudiant, des loisirs, des amis, autant d'activités auxquelles s'ajoutent donc leur bataille secrète (d’une manière qui rappelle des séries comme Buffy the Vampire Slayer). C'est d'ailleurs par toute cette mécanique purement humaine et plus précisément adolescente que la progression du jeu peut se faire. Répondre aux questions des professeurs, réviser pour ses examens, passer du temps avec ses proches, ou entreprendre un job sont des interactions qui font évoluer les statistiques de ces personnages, enrichissant et améliorant leurs capacités au combat. Par exemple, regarder des films d'action (au cinéma ou en louant des DVD) peut développer des traits de caractère comme l'audace, nécessaires pour pouvoir ensuite accroître ses échanges avec certains personnages, accéder à plus de quêtes, perfectionner sa persona, ouvrir un scénario plus fouillé, et un déroulement de l'histoire et du gameplay un peu différent. S'il faut demeurer des élèves plus ou moins modèles durant la journée, le temps libre est laissé aux joueurs pour établir un chemin de progression individuel selon leurs capacités et leurs qualités. Malgré tout, c'est bien une dimension de sociabilité qui lie l'ensemble de ces mécaniques : les phases de jeu destinées aux interactions sociales amènent les joueurs à adapter leur personnalité selon leurs interlocuteurs pour mieux faire progresser leurs liens, imitant ainsi le fonctionnement d'une persona dans le sens où Carl Jung a pu l'analyser 12. Le vrai message du jeu demeure de révéler aux protagonistes et par extension aux joueurs leur « moi profond » face à une société vacillante et brutale.

La subversion de l'autorité du monde adulte ne semble possible que dans la dimension cognitive, accessible uniquement aux protagonistes. L'injustice dont ils sont victimes et qui les rassemble est vengée d'abord dans l'ombre, mais il s'agit bien malgré tout de faire éclater la vérité et assurer une sanction pour le coupable dans le monde réel. Le jeu embrasse un mouvement propre au super héros qui fait justice dans un à-côté du quotidien de tous, mais afin de rétablir un ordre face à des opprimés dont la parole ne compte justement pas. La mise en scène de ces adolescents contre l'ordre établi, à savoir la société des adultes très cadrée et incapable de les écouter, s'applique d'abord par une forme de dérobade. En effet, ces adolescents ne sont véritablement maîtres que dans la réalité alternative où ils combattent, à laquelle ils sont seuls à avoir accès, mais revenus à Tokyo ils doivent se confronter aux règles de leur société, avec ses risques, ses abus et ses dangers. En termes de jouabilité, cela se traduit par une différence de traitement entre les phases de jeu dans le monde réel et celles passées dans le Metaverse. Ces dernières sont organisées autour d'énormément de menus et d'informations chiffrées (l'expérience et l'argent gagnés au combat, les points de vie des combattants et des ennemis, les dégâts infligés etc.) indiquant un sentiment de contrôle des joueurs dans cet espace flou et normalement peu hospitalier. Face à cela, le monde réel, aussi connu soit-il, ne répond à aucune information certaine, le développement des caractéristiques du personnage joué est imprécis, tout comme ses relations, qui dépendent de plus de circonstances.

Nous sommes donc acteurs d'un gameplay très fouillé pour une réalité qui peut sembler bien prosaïque. Mais c'est au profit du message premier du jeu (déjà développé dans le troisième et le quatrième opus de la série), qui est la révélation de ces adolescents en tant qu'être sociaux conscients de leur capacité à modifier le monde qui les entoure, en s'appropriant ce « masque social ». Comprendre le fonctionnement des persona en tant qu'arme dans le Metaverse mais aussi et surtout en tant que projection de sa propre individualité sociale consolide un entrelacement nécessaire à la bonne préhension de cette expérience vidéoludique. Ainsi, la véritable victoire repose dans le rejet d'un modèle défaillant en embrassant sa véritable persona, en comprenant ses caractéristiques et en l'utilisant efficacement, afin de rejoindre l'âge adulte loin de ses figures corrompues.

 

La société des enfants : une tentative impossible de rejet des lois des hommes ?

Au-delà de la contestation, du détournement, de la confrontation, comment se présente le rejet total de la société des adultes ? Est-il même véritablement possible ? Le jeu vidéo s'est aussi penché sur ces questions ou a laissé dans une certaine mesure les joueurs interroger cette idée. Cette réflexion s'applique parfaitement dans le contexte du survival horror : que faire d'un enfant ou d'un adolescent dans le cadre d'un jeu vidéo où l'antagoniste premier est la mort elle-même, où la menace est globale et sans doute là où nous l'attendons le moins ? Il est a priori moins armé pour se défendre efficacement, par ses capacités physiques et son expérience du monde. Mais ses qualités intrinsèques de jeune sujet peuvent-elles lui accorder un autre moyen de résistance ?

L'interprétation temporaire d'un enfant par les joueurs, dans l'atmosphère d'un jeu d'horreur où le protagoniste initial est certes largement menacé mais plus armé contre le danger, peut être un ressort dramatique éloquent. C'est le cas par exemple dans Resident Evil 2 (développé et édité par Capcom, sorti en 1998) lorsque l'aventure avec Claire Redfield est ponctuée un instant par la prise en main d'une jeune fille de huit ans, Sherry Birkin. L'appréhension constante au cours du jeu est ici redoublée par l'incapacité de l'enfant à tenir une arme et la contrainte de fuir les créatures dangereuses durant ce niveau heureusement court 13. Les actions du protagoniste adulte, déjà limitées (il est impossible par exemple de sauter, ou d'effectuer une esquive si un ennemi vous approche), le sont encore plus afin d'insister sur l'impuissance de Sherry face aux événements, et plus directement aux périls qui l'entourent. Le joueur est l'espace d'un instant véritablement démuni, et sa détresse est multipliée.

Cette faiblesse physique et donc mécanique de jeunes protagonistes peut aussi être le moteur premier d'un gameplay. C'est sur cette impulsion que Rule of Rose 14 fait reposer son expérience. Nous interprétons Jennifer, jeune anglaise menée au milieu d'une nuit de mars 1930 à un manoir abandonné en suivant un petit garçon qui semblait perdu. Après avoir parcouru quelque peu la bâtisse, elle se retrouve malmenée par un groupe d'enfants masqués de sacs en papier qui, mimant des funérailles, tâchent de l'enterrer vivante. Elle reprend conscience ligotée dans un aéronef qui semble abandonné, mais qui se trouve être dirigé par ce groupe d'enfants cruels rencontrés plus tôt, qui se présentent sous le nom de « Club des aristocrates du crayon rouge ». Enfermée dans cet aéronef et menacée de mort, Jennifer doit calmer sa fureur en trouvant une offrande qui lui convienne chaque mois. Ce faisant, elle explore les lieux lui permettant de rassembler des indices sur chaque membre de ce mystérieux club, et de permettre aux joueurs de comprendre la raison de sa présence ici.

L'expérience du joueur est une errance dans des espaces confinés, noueux, avec un but peu explicite, scandée d'épreuves pour Jennifer qui subit le sadisme de ses « hôtes ». Celle-ci trouve des objets sur son chemin, qui peuvent être des clefs pour résoudre des énigmes, pour accéder à de nouvelles pièces, ou pour interagir avec les membres du club 15. Le cheminement des joueurs se fonde en réalité sur la compréhension progressive du scénario, très obscure au début du jeu : l'avancée de Jennifer est en réalité un retour sur elle-même, un travail mémoriel que les joueurs sont incités à interpréter. Car la jeune fille était dans ce manoir enfant, qui est en fait un orphelinat. Et toute l'aventure est une sorte de cauchemar post-traumatique (l'aéronef n'est alors qu'une projection mentale de la bâtisse), car nous apprenons qu'elle est en fait l'unique survivante d'une tuerie quand elle était plus jeune. Cet événement tragique ayant eu lieu au sein d'un établissement malmené par des adultes détachés, et trop absents si ce n'est à de rares occasions de violence envers les orphelins 16.

L'image dépeinte de cette société d'enfants laissée à l'abandon n'est qu'un reflet des sévices qu'un monde adulte leur a infligés. Ce club des aristocrates du crayon rouge n'est qu'une organisation qui reprend les codes de domination et d'humiliation que les adultes leur ont transmis, adaptés selon leur propre imaginaire (ce qui peut le rendre d'autant plus cruel et effrayant pour les joueurs). Les comportements ne reflètent que des pulsions typiquement adultes que les enfants n'auraient peut-être pensées ou expérimentées par eux-mêmes, et qu'ils ne justifient pas de la même manière. Le monde enfantin est ici détourné, son iconographie est altérée pour mieux servir le malaise et la peur, dans l'héritage d'une culture cinématographique et littéraire ayant placé les enfants comme des antagonistes horrifiques de premier ordre (citons The Bad Seen de Mervyn LeRoy en 1956, jusqu'à Esther de Jaume Collet-Serra en 2009 ou Conjuring de James Wan en 2013). Au-delà de l'expérience visuelle, cet univers offre des qualités novatrices en matière d’interactivité, fondées sur l'entrave, la perte de repères et la difficulté, propres au genre du survival horror.

Cet écart qui place l'orphelinat comme un lieu effrayant, et l'altération des codes enfantins liés au jouet, au conte, au jeu de faire semblant, permettent de servir d'autant plus l'horreur scénaristique, tout en complexifiant les mécaniques du jeu. Les joueurs sont sans doute surpris de devoir interagir avec des bonbons et des dessins d'enfants dont ils ne savent que faire au départ, et d'autant plus inquiets que l'interaction avec les autres personnages est guidée par la crainte, la fuite ou la défense. Les joueurs sont mis en difficulté en incarnant une adolescente torturée, avec peu de possibilités d'action, et qui ne peut se défendre la majeure partie du jeu qu'avec quelques objets simples (fourchette, balai, raquette, parapluie) 17. Il n'y a pas de réel ascendant des joueurs sur le personnage : ils sont placés véritablement dans la peau tremblante de Jennifer. L'atmosphère du jeu déteint sur le gameplay et inversement : le contrôle du personnage est limité par sa nature fragile et les épreuves qu'il doit affronter, le menu de l'inventaire et de la carte (qui normalement forme une rupture avec la diégèse, qui se présente comme une interface prévue pour le joueur, un outil pour mieux progresser) prend ici la forme de dessins d'enfants rendant compliquées leur lisibilité et leur utilisation. Il y a donc une cohérence entre les règles du jeu, les dispositifs de leur mise en application et l'histoire, qui, ensemble ont d'autant plus d'impact dans l'immersion, la confrontation et l'émotion.

Les valeurs de l'enfance peuvent être un terrain d'épreuves psychologiques et mécaniques pour les joueurs, par l'altération d'une iconographie normalement rassurante et familière et sa corruption par les adultes. Il est malgré tout possible d'y déceler aussi une force pour résister et refuser un modèle injuste et inhumain. C'est ce qu'illustre le dernier chapitre de la cinquième saison du jeu The Walking Dead, jeu développé et édité par Telltale Games, et sorti en plusieurs épisodes entre 2012 et 2019. Il s'agit d'une fiction interactive : le gameplay se fonde presque exclusivement sur du dialogue ou quelques actions par quick time event (QTE18 qui amènent à des embranchements scénaristiques guidés à partir des choix des joueurs sans retour possible. La dernière saison suit une jeune fille, Clementine, que les joueurs rencontrent dès la première saison du jeu, lorsque l'invasion des morts-vivants commence à peine, et qu'elle est encore enfant. Le protagoniste est à ce moment Lee Everett qui prend la jeune fille sous son aile. À la clôture du jeu, nous nous trouvons quelques années plus tard, Clementine est alors adolescente et, à son tour, elle tâche de survivre avec un jeune garçon qui a entre 8 et 10 ans, Alvin Junior.

Cette ultime saison intéresse notre étude car le duo va se retrouver au sein d'un petit groupe d'enfants et d'adolescents dans une école pour enfants à problèmes, l'Ericson's Boarding School for Troubled Youth. Ils sont là depuis le début de la catastrophe, abandonnés complètement par les professeurs, le directeur et tout le personnel, et ont dû reformer un semblant de société par eux-mêmes. S'ils sont présentés en autarcie complète (tout juste troublée par quelques morts-vivants), il n'en est rien. Car une milice armée en guerre avec une autre communauté cherche des survivants, idéalement jeunes, pour en faire de nouveaux soldats. Ainsi au premier épisode de cette saison, nous découvrons que le leader des enfants a vendu deux de ses camarades quelques mois plus tôt pour que cette milice laisse tranquille le reste du groupe, du moins temporairement. Mais le marché était un leurre, puisque le groupe guerrier compte bien trouver l'abri des enfants et les enrôler de force au plus vite.

Le retour de cette communauté d'adultes belliqueux sur le territoire des enfants casse complètement le semblant d'ordre et d'harmonie qui y régnait. Les machinations du leader, Marlon, sont révélées et, dans la panique, il tue une de ses camarades qui était au courant et ne supportait plus ce secret. La confrontation entre tous les membres finit par la mort de Marlon par les mains d'Alvin Junior. Dès lors, toute l'organisation et sa fragile concorde s'écroulent. Le drame met en action une forme d'innocence qui est mise à mal par des desseins adultes, à savoir la guerre entre ensembles de survivants. Ce choix de se retourner vers une vision d'enfants (dont certains n'ont même pas connu le monde avant la pandémie) sur l'invasion de morts-vivants et la chute de la société comme nous la connaissons est un excellent choix pour se permettre d'autres points de vue sur la catastrophe et sur les véritables nécessités de l'humanité survivante, du moins sur de nouvelles valeurs qui selon eux devraient être défendues à présent 19. C'est d'autant plus éloquent puisque ce sont les choix du joueur qui vont guider quelque peu la narration, en participant par exemple au moral et à l'organisation du groupe d'enfants désormais sans tête pensante. C'est au cours des échanges avec Alvin que cela est le plus sensible en répondant à ses questionnements concernant ses actes, la nature des morts-vivants, et en orientant « l'éducation » que nous souhaitons lui transmettre, entre enfance ordinaire comme on l'entendrait avant le fléau et la nécessité qu'il soit déjà prêt à survivre par lui-même malgré son très jeune âge.

C'est bien le monde adulte et ses lois absurdes qui ramènent à la réalité de la situation mondiale, et qui doivent amener les enfants à « grandir » d'après les propres termes de Clementine. Ainsi, c'est en agissant comme eux d'une certaine façon qu'il semble possible de les confronter et de survivre. Mais c'est justement parce qu'ils sont pris pour de simples enfants que les soldats de cette milice à plusieurs reprises se retrouvent défaits, même si le petit groupe est moins fort physiquement et psychologiquement face à ces situations terribles. Toute la difficulté de mettre en scène et en jeu des enfants réside dans ce problème. Leurs compétences doivent être constamment remises en question. En effet, les publics peuvent plus difficilement rester crédules face à des enfants qui pourraient se débarrasser d'ennemis de la même manière, ou aussi facilement qu'un adulte, ni accepter sans surprise qu'ils puissent résoudre des problèmes qu'un adulte ne pourrait pas. Sauf dans ce cas précis, où le contexte de crise permet un endurcissement et une croissance psychologique accélérés. La tension entre leur nature et leur devoir est soutenue par des moments où leur état d'enfants reprend le dessus : lorsqu'ils tâchent de préserver le plaisir à jouer à action ou vérité, à se taquiner, à se disputer comme des enfants, et en se dévoilant à Clementine, qui, comme les joueurs, est étrangère au groupe, car rappelons-le, ils n'étaient pas dans cet établissement spécifique par hasard.

Les enfants et les adolescents sont difficiles à mettre en scène en dehors d'un système avec un ou plusieurs adultes autour d'eux, la vision du monde des premiers étant filtrée par une adaptation ou une opposition qu'ils incarnent avec des figures plus âgées. Il serait en effet peu aisé de créer un personnage enfant ou adolescent complètement vierge de modèle parental ou plus largement d'autorité qu'il pourrait questionner, et qui soit crédible pour ses spectateurs. Dans le cas présent, il est possible de tricher un peu avec cette première remarque car, par la force des choses, c'est entre eux qu'ils doivent se forger ce regard singulier sur le monde qui les entoure. Cette tromperie est aussi rendue possible par la présence des joueurs qui mettent en action l'espace fictionnel sous leurs yeux. L'intermédiaire du joueur est forcément extérieure à l'avatar et douée d'une distance qui donne à celui-ci quelques atouts, qu'il soit un enfant ou un adulte. Si les choix dialogiques et moraux sont limités, c'est aux joueurs de vouloir tendre vers une dureté plus adulte dans le comportement de la protagoniste, ou vouloir préserver une part d'innocence. En soi, les enfants livrés à eux-mêmes n'ont idéalement pour véritable figure référente que le joueur, figure omnisciente ou presque, et qui, paradoxalement, doit demeurer discrète dans l'action des protagonistes pour ne pas rompre son implication émotionnelle. Libre aux joueurs, dans une certaine mesure, de refuser le modèle dominant adulte pour préserver une forme de candeur chez ses protagonistes.

 

Conclusion

Le jeu vidéo s'est donc approprié peu à peu les espaces destinés à la jeunesse, notamment dans des mécaniques de gameplay qui permettent de détourner les caractéristiques premières de ces espaces et de l'autorité qui les régit. Au-delà de cette proposition, l'enfant joué et la société des enfants rencontrée et confrontée sont généralement des manières de servir des genres de jeu vidéo. Cela s'avère particulièrement efficace dans le cadre du survival horror, jusqu'à animer des types de jouabilité et d'interfaces singuliers et novateurs. Outre la narration et l'interprétation, en apportant un regard différent sur une situation compliquée, cette société apporte une expérience de ses conjonctures avec d'autres difficultés, d'autres limites et d'autres qualités.

Quelles que soient les propositions de gameplay, et la mise en scène d'enfants et d'adolescents plus ou moins crédibles, les interpréter permet d'agir dans un cadre d'insouciance impossible différemment. S'il est vrai que les enfants calquent souvent leur comportement sur ceux d'adultes qu'ils ont connus, il reste une volonté d'autodétermination distincte. Cela peut les aider à se confronter à un problème différemment, mais aussi engager autrement le cours des événements. Cette proposition permet de prendre en main une typologie de personnages neuve dans un récit, et de vraiment renouveler une expérience plus classique du jeu vidéo. Loin des héros quasi-invincibles ou des soldats aux chargeurs illimités, ces figures confirment que « la valeur n'attend point le nombre des années 20 ».

Avec l'enfance, et mieux encore avec les sociétés d'enfants, le jeu vidéo permet d'introduire de manière plus convaincante les joueurs dans la diégèse du jeu mais aussi dans toutes les caractéristiques mécaniques et d'interfaces. En effet, rien n'est mieux qu'un être ontologiquement perçu et conçu comme un sujet naïf face aux événements qui se produisent devant lui, et aux mécaniques mises à sa disposition pour contrer les difficultés qui se mettront sur son chemin. Ceci afin de lui permettre d'essayer, d'échouer, de demander conseil, de s'allier, et surtout d'évoluer et de se transformer afin de tendre vers une partie de vie réussie.

 

  1. Lorsqu'il s'agit de personnages humanoïdes ou avec lesquels l'identification est plus aisée, nous pouvons citer quelques enfants ou adolescents au sein de groupes de combattants pour des opus de la licence Final Fantasy, et quelques exceptions telles que le protagoniste d'Ico ou encore Link de la licence The Legend of Zelda. Mais ils demeurent peu nombreux. Sinon, malgré un jeune âge souligné ou imaginé pour certains héros bien connus tels que Spyro, ou Tails le camarade de Sonic, leur nature plus proche de l'animal ou de la créature imaginaire les écarte quelque peu de notre analyse.
  2. En effet, malgré les limitations techniques des consoles, les deux développeurs sont parvenus à déployer beaucoup de figures à l'écran, de manière lisible, et de distinguer avec peu de pixels les plus importantes, par des animations précises : par exemple Angelface, la brute, ira frapper ses camarades, et le professeur de sciences Mr Rockitt, outre sa blouse que l'on peut discerner, appellera les élèves ses « chérubins ».
  3. Identification qui est sensible par le détail de l'univers représenté, et prolongée par le dialogue engagé avec les joueurs. Par exemple, pour obtenir le segment de code détenu par le vieux professeur d'histoire, il faut découvrir et lui rappeler sa date de naissance. Celle-ci, qui change à chaque partie, est la même que celle d'une bataille historique dont il parlera durant ses leçons, amenant les joueurs, à une époque où Internet n'est pas dans les foyers, à effectuer quelques recherches personnelles.
  4. Il est à noter que Helen Reidy, avant de se consacrer uniquement au développement de jeux vidéo, était institutrice.
  5. Ce second titre, tout aussi évocateur, paraissait plus politiquement correct, puisque le terme « bully » désigne la mascotte de l'établissement dans lequel se déroule le jeu, mais aussi et surtout la « brute » en anglais et plus largement le bizutage. Cette ambivalence ne fut pas appréciée par l'ensemble des équipes pour la communication du jeu.
  6. Le modèle des magical girls telles Sailor Moon ou Sakura, chasseuse de cartes correspondraient bien à cette idée, puisque ces héroïnes sont presque exclusivement des jeunes collégiennes ou lycéennes.
  7. C'est souvent une dynamique dans le genre des shōnen, ou manga destinés initialement à un public adolescent masculin, comme Naruto ou Hunter x Hunter.
  8. « Genre » de manga et d'anime se concentrant principalement sur la vie quotidienne de personnages, souvent écoliers. La narration s'attache particulièrement sur leurs relations, familiales, amicales et amoureuses, dans des contextes et des styles divers. Voir Robin, E. Brenner, Understanding Manga and Anime, Westport, Libraries Unlimited Inc, 2007, p. 112.
  9. Ce concept qui rassemble tous les jeux de la licence se fonde sur les recherches de Carl Gustav Jung, et son discours au sujet du rapport entre la personnalité d'un individu et la société à travers la notion de « masque social ».
  10. Expression anglaise traduite par « ramper dans un donjon » désignant d'abord un modèle de scénario pour les jeux de rôle sur table. Elle désigne ensuite un genre de jeu vidéo dont l'essentiel ou une partie du gameplay consiste en l'exploration de niveaux ou donjons, souvent labyrinthiques et habités d'ennemis qu'il est nécessaire de combattre.
  11. Rémi Lopez, Clémence Postis, Persona : Derrière le masque, volume 2, Paris, Third éditions, 2017
  12. Carl G. Jung, Dialectique du Moi et de l'inconscient, Roland Cahen (trad.), Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1986 [1964].
  13. Le studio Capcom a repris cette idée pour l'opus Resident Evil : Revelations 2 (2015), durant la seconde moitié de jeu passée avec Barry Burton, vétéran de la licence et soldat aguerri, qui doit faire équipe avec une jeune fille, Natalia Korda. Le gameplay s'organise autour du contrôle des deux personnages en tandem : Natalia ne peut véritablement se défendre, mais sa taille lui permet d'accéder à des espaces réduits pour résoudre des énigmes ou se cacher des ennemis. Barry assure l'élimination de ces derniers et la défense de la petite fille.
  14. Jeu développé par Punchline, et édité par Sony Computer Entertainment au Japon, Atlus en Amérique du Nord et 505 Games en Europe. Sorti en 2006, sa vente se limita à peu d'exemplaires en dehors du Japon face à des politiques de boycott et d'interdiction pour son contenu jugé immoral.
  15. Le modèle du gameplay et les mécaniques du personnage se rapprochent de l'expérience des premiers jeux Silent Hill (édités et développés par Konami).
  16. Ce désintéressement des adultes permet aux plus malintentionnés de faire régler la terreur parmi les enfants recueillis. Parmi les orphelins, c'est à travers cet ordre aristocratique qui brutalise les plus faibles ; du côté des adultes, c'est à travers le harcèlement moral, physique et sexuel, jusqu'au viol explicitement évoqué de l'une des résidentes par le directeur. Les critiques sévères du jeu amenant sa censure se fondaient principalement sur ces thématiques, jugées peu adaptées à un jeune public.
  17. Si le character design de Jennifer la rend très lisse, très sobre, pour asseoir cette position passive et inquiétée face aux événements, par le choix de sa coiffure et la coupe et la couleur de sa tenue, son animation fut aussi réfléchie dans ce sens. En effet, elle ne peut pas se déplacer très rapidement, et si les joueurs la laissent immobile, sa posture recroquevillée révèle sa peur. Si elle est équipée d'une arme de courte portée, une fourchette ou un couteau, elle attaquera son opposant en détournant le regard. Et la jeune fille passera toujours un œil dans l'embrasure des portes avant de changer de pièce.
  18. Le quick time event est une action contextuelle pour laquelle les joueurs doivent exécuter avec leur contrôleur une série de commandes apparaissant à l'écran dans un temps imparti, afin de déclencher un résultat prédéfini. Le contrôle du ou des personnages qui se limite donc à ces phases précises forme un type de gameplay partagé par la plupart des jeux développés par le studio, avec quelques variantes pour certains titres.
  19. Cette démarche morale place le groupe dans une dynamique totalement opposée, et plus raisonnée, à celle qui anime les bandes décrites par William Golding dans sa Majesté des mouches (1954) ou les petits meurtriers de Stephen King dans Les Enfants du maïs (1977) par exemple.
  20. « Parle sans t'émouvoir. / Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées / La valeur n'attend point le nombre des années. », paroles de Don Rodrigue adressées au Comte dans Le Cid (Acte II, scène 2).