Du conte merveilleux au récit de guerre : la violence dans Harry Potter
Poser la question de la violence, « force exercée par une personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu’un ou pour obtenir quelque chose » (CNTRL) 1, dans les objets sémiotiques fictionnels destinés à l’enfance et à la jeunesse, c’est questionner le rôle de cette littérature adressée à un public particulier. Si la littérature de jeunesse développe un savoir lire littéraire, elle est aussi le lieu d’une transmission et d’un partage culturel et participe à la construction de l’identité du jeune lecteur. C’est encore une expérience intime qui met en jeu des émotions lui permettant de se découvrir, et de penser sa relation aux autres et au monde. La littérature est ainsi une scène symbolique. Les situations fictives de violence renvoient à des réalités historiques et contemporaines 2. La représentation de la violence dans l’écriture littéraire peut alors être envisagée d’un point de vue éthique (voire politique) comme un aspect important de la construction des valeurs du lecteur 3 et du rapport au droit 4, un « laboratoire de jugement moral 5 ».
La série Harry Potter superpose des aventures extraordinaires et des scènes de violences physiques et morales dans une production crossover de low fantasy 6. Elle a la particularité de s’adresser, de tome en tome, à un lecteur toujours plus âgé, puisque Rowling, d’un volume au suivant, fait vieillir ses personnages d’une année, allonge et complexifie l’intrigue. La violence peut ainsi être analysée comme un marqueur de la manière dont l’auteure a tenu compte de l’évolution de ses lecteurs entre le tome 1 publié en 1997 pour des enfants de 11 ans et le tome 7, publié en 2007, destiné aux mêmes lecteurs devenus de jeunes adultes. Nous nous demandons comment et pourquoi la violence est présente dans cette série en nous plaçant dans la perspective des théories de la réception. Selon Robert Jauss, toute œuvre littéraire répond à une question que se pose le lecteur, et est analysable à partir de l’horizon d’attente 7 de son lectorat. Le théoricien de la réception isole trois facteurs principaux permettant de décrire l’horizon d’attente d’un lecteur :
L’expérience préalable que le public a du genre dont elle relève, la forme et la thématique d’œuvres antérieures dont elle présuppose la connaissance, et l’opposition entre langage poétique et langage pratique, monde imaginaire et réalité quotidienne 8.
Nous nous demandons donc à quelles questions répond l’œuvre de Rowling, au fil de l’écriture à propos de la violence, et nous émettons l’hypothèse que l’hybridation 9 entre les genres littéraires propre à la fantasy donne à Rowling des outils pour traiter de la violence de manière à rencontrer l’horizon d’attente du lectorat auquel chaque tome est destiné. Schaeffer 10 définit le genre littéraire comme un ensemble de « conventions constituantes » qui permettent à un auteur de donner forme à un contenu (pour reprendre la formule de Bakhtine), et à un lecteur de recevoir ce contenu. Les scènes de violence dans la série sont enchâssées dans des épisodes aux colorations génériques différentes qui permettent au lecteur de prendre conscience de réalités toujours plus complexes sur la violence. Nous allons donc tenter de démêler, tout au long de la saga, dans l’enchevêtrement des genres mis en œuvre, le/les genres dominants de certaines scènes de violence pour en analyser les éventuels effets sur un lectorat. Évidemment, les théoriciens de la réception construisent leurs théories sur un lecteur modèle 11, nous ne pouvons présager des réactions de chaque lecteur, ni envisager chaque texte de lecture 12, nos analyses ne peuvent porter que sur la réception programmée par le texte pour ce lecteur modèle, âgé de 11 à 18 ans, suivant le tome concerné par l’analyse.
Nous avons sélectionné 15 scènes dans l’ensemble des sept tomes 13 dans lesquelles une forme de violence est intentionnellement exercée, soit sur le personnage principal Harry Potter, soit par ce même personnage. Nous nous sommes limités à une scène de chaque type pour les volumes 2, 3, 4 et 5 14. Pour le volume 1 15, nous n’avons trouvé qu’une seule scène de violence intentionnelle subie par Harry, et pour les volumes 6 et 7 16, nous en avons sélectionné 3. Nous avons privilégié les scènes d’affrontements et les scènes de bataille, dans lesquelles la violence est effectivement commise ou subie, et non pas présentée comme une menace évitée. Nous tenterons de déplier au fur et à mesure de notre article les différents genres affleurant dans les scènes de violence : merveilleux, fantastique, réalisme, récit initiatique et récit de guerre.
Le merveilleux : une violence sans conséquences
Le merveilleux 17 imprègne l’ensemble de la série. Le personnage d’Harry est une figure stéréotypique du conte : orphelin maltraité, sa gentillesse et sa loyauté lui permettent de s’allier des adjuvants plus forts (Hagrid) et plus sages (Dumbledore) que lui-même. Le parcours d’Harry dans le monde merveilleux de la magie est jalonné par des épisodes violents : l’expérience de la violence semble inhérente à toute éducation dans le monde des sorciers. Depuis le terrain de Quidditch sur lequel circulent les Cognards destinés à frapper les joueurs (t1) 18, jusqu’à l’apprentissage du Transplanage (t6) au risque de la perte d’un membre (la « désartibulation »), en passant par l’usage d’un manuel qui mord littéralement les élèves qui tentent de l’ouvrir (t4) et le Tournoi des Trois sorciers (t4) qui consiste en une série d’épreuves toutes plus dangereuses les unes que les autres pour l’intégrité physique des concurrents, les occasions de blessures et de mutilations se multiplient dans le quotidien de l’école de magie. Dans un monde où on peut faire repousser les os (et où on peut les faire disparaitre, d’ailleurs, t2), la tolérance de la société à la violence, à la douleur, et au danger physique semble plus élevée que dans le monde des lecteurs.
Les scènes de violence imprégnées de merveilleux sont spectaculaires. Ainsi dans le dernier tome s’échangent les lumières verte ou rouge des sorts et contre-sorts. Dans un des épisodes finaux, l’incendie de la « Salle sur Demande » (t7) prend la forme d’une métaphore/métamorphose :
Les flammes les pourchassèrent comme si elles étaient vivantes, dotées de sens, décidées à les tuer. Le feu maintenant se métamorphosait, se transformant en une gigantesque horde de bêtes féroces : serpents enflammés, chimères et dragons se dressaient dans les airs […] Les monstres enflammés les avaient encerclés, se rapprochant de plus en plus. Ils donnaient des coups de griffes, de corne, de queue, et la chaleur se solidifiait comme un mur autour d’eux (p.675).
Il est difficile de savoir où finit la métaphore et où commence l’enchantement dans les descriptions d’un récit merveilleux. La violence se manifeste par ses effets sur les corps. Ainsi, les mains de Quirell dans le tome 1 sont « complètement brûlées, écarlates, la chair à vif 19 », Jedusor se « tor[d] sur le sol20 » à la fin du tome 2 quand il disparait. Cette disparition est d’ailleurs l’une des caractéristiques de la violence dans les parties de récit merveilleux de la saga : les « méchants » disparaissent sans laisser de corps. Le sang coule cependant de manière récurrente, mais de manière plus évocatrice encore coule l’encre du journal de Jedusor dans le tome 2 : « Un flot d’encre jaillit du livre à gros bouillons et ruissela sur les mains de Harry 21 », « on n’entendait plus que le bruit faible et régulier de l’encre qui continuait de couler goutte à goutte du journal intime 22. » Paradoxalement, cette description qui montre l’encre coulant est la plus longue évocation de la perte du liquide vital, comme s’il n’était possible de s’appesantir sur le saignement que lorsqu’il n’y a pas perte de sang.
Le merveilleux est le genre dominant des deux premiers tomes, il repose en partie sur l’intertextualité. Le combat final du tome 2 23 oppose le basilic, un serpent géant, à Harry armé d’une épée qui lui est apparue par magie. On apprend plus tard qu’elle fut celle du sorcier Gryffondor, dont l’emblème est un lion. Ce combat n’est pas sans rappeler un épisode de la geste arthurienne, dans lequel Yvain 24 affronte un serpent pour secourir un lion, dans un combat opposant symboliquement le bien au mal. Les épisodes violents enchâssés dans le récit merveilleux ont pour fonction de confirmer les choix du héros et de les faire approuver par le lecteur qui l’admire.
Dans un récit merveilleux, quel que soit le degré de violence auquel est confronté le personnage principal, le lecteur modèle sait qu’il survivra, que les dommages subis sont réversibles. La violence est inévitablement un des éléments de résolution de l’intrigue : le héros doit affronter des opposants maléfiques pour rétablir le bien et un ordre désirable pour le lecteur. Dès le tome 2, l’ordre désirable désigné par la victoire d’Harry est un monde dans lequel aucune différence n’est faite entre les élèves, qu’ils soient ou non sorciers de souche. La violence subie par le héros dans un récit merveilleux solidarise le lecteur avec lui dans sa lutte, et pour sa cause, c’est en général de cette manière que fonctionnent les œuvres à destination des enfants.
Le fantastique ou la remise en cause de la rationalité et de la moralité
Le fantastique apparait dès le tome 3 de la saga. Il se distingue du merveilleux en ce qu’il prend appui sur le réel. Pour Prince 25, le fantastique se définit en partie par « l’émergence d’un événement rompant l’ordre naturel et rationnel, déchirant le réel préalablement valorisé et décrit, et exprimant une terrible menace : il est lié à un surnaturel mauvais, voire potentiellement agressif. » Cette définition semble exclure une possibilité de fantastique dans un récit merveilleux. Pour Dupeyron-Lafay 26, « la littérature est par essence de la fiction, un artefact ; le réel est donc en grande partie un faux problème et un hors sujet ». Dès lors, nous pouvons définir une forme de fantastique dans la littérature de fantasy comme l’émergence d’un événement rompant l’ordre présenté comme naturel et rationnel dans le récit et admis comme tel par le lecteur. Le récit de Rowling institue le monde de la magie comme réel, il possède un ordre naturel et rationnel connu du lecteur après la lecture des deux premiers tomes.
C’est ainsi que certaines scènes dans le tome 3 de la série opposent la rationalité du monde magique dans lequel évoluent les personnages et des croyances présentées comme irrationnelles. Dans ce volume en effet apparaissent des controverses sur la possibilité de prédiction de l’avenir ou sur l’attention à porter aux signes (comme le « sinistros 27 »). Les élèves redoutent de s’approcher d’une maison dite hantée (la cabane hurlante), crainte superstitieuse qui permet à Harry, caché sous sa cape d’invisibilité, de jouer un tour à ses ennemis, Malefoy, Crabbe et Goyle 28. Les enfants qui côtoient des fantômes dans l’école, ont peur des fantômes inconnus de la cabane hurlante, comme s’ils craignaient eux-mêmes l’émergence du sur-surnaturel dans un monde déjà surnaturel. Rowling crée ainsi, dans la fiction merveilleuse, une forme de rationalité qui rend possible le surgissement d’un irrationnel fantastique.
À partir du tome 3, sont introduites des créatures traditionnellement associées au fantastique : le loup-garou et les êtres entretenant un rapport particulier avec la mort : les Détraqueurs (t3 sqq.) et plus tard les sombrals (t.5), créatures que ne peuvent voir que les humains qui ont déjà vu la mort. La description des Détraqueurs est évocatrice de la mort : « main luisante, grisâtre, visqueuse et couverte de croûtes, comme si elle s’était putréfiée dans l’eau… 29», ils sont vêtus d’une « étoffe noire », provoquent l’extinction des lumières, et la perte de toute chaleur :
Un froid intense envahit le compartiment. Harry sentit son propre souffle se figer dans sa poitrine. Le froid lui traversait la peau et se répandait dans tout son corps. Un crépitement semblable à une chute d’eau retentit dans ses oreilles. Il avait l’impression qu’on le tirait par les pieds […] (p. 91).
La seule présence des Détraqueurs pour Harry est une forme de violence, puisqu’il se sent envahi par la mort : « un brouillard blanc, épais, l’enveloppait, s’insinuait en lui… 30 » La description suggère fortement que la créature maléfique absorbe la vie des humains : « L’être dissimulé sous la cagoule prit une longue et lente inspiration qui produisit une sorte de râle. On aurait dit qu’il essayait d’aspirer autre chose que de l’air 31. » Or Harry est le seul personnage sensible à ce point au pouvoir des Détraqueurs, il est le seul qui entende des cris en leur présence : « Venus de très loin, il entendit de terribles hurlements, des cris terrifiés, implorants 32 », ce qui l’exclut de l’expérience commune et fait de lui, à cause de son isolement, un témoin traditionnel des phénomènes fantastiques.
Dans le monde magique rationalisé de Rowling surgissent ainsi des entités mauvaises, agressives qui menacent le rapport du personnage principal à la réalité. La malignité du fantastique repose sur une maxime que Sartre formule ainsi : « Agis toujours de telle sorte que tu traites l’humain en toi-même et dans la personne des autres comme un moyen et jamais comme une fin 33. » C’est bien selon cette maxime que se comporte Voldemort qui se mutile lui-même et tue les autres pour arriver à ses fins. En quittant le merveilleux pour entrer avec son lecteur dans le fantastique, Rowling introduit avec la violence une forme de malignité qui pourrait faire basculer le héros. Pour Harry, l’enjeu n’est pas tant de sombrer dans la folie et l’irrationalité (risque que court tout héros de récit fantastique), mais dans une violence sans fin (au sens propre comme au sens figuré), une violence qui le submerge. Rowling fait fonctionner les ressorts du fantastique pour rendre perceptible ce risque de basculement. Entre le tome 3 et le tome 6, elle fait d’abord vivre à son héros l’expérience d’une perte de contrôle de lui-même. Par les rencontres avec les Détraqueurs, puis par une connexion psychique entre le héros et Voldemort, elle lui fait redouter une perte d’identité. Enfin, par plusieurs rencontres successives avec des personnages profondément maléfiques, elle lui fait entrevoir la possibilité qu’offre la perte de contrôle sur sa propre violence en s’appuyant sur le « vertige » provoqué par le fantastique. Nous analyserons ces moments un peu plus loin.
Le réalisme : les effets de réel construits sur la violence d’une rivalité entre adolescents
La violence des rapports entre Harry et certains de ses camarades d’école contribue à l’effet de réel34 ; elle est un marqueur de l’évolution psychologique des personnages tout en assurant au lecteur l’humanité imparfaite du héros. L’inimitié entre Harry et Malefoy ne constitue pas un enjeu de la saga, mais elle confère une forme de vraisemblance au récit de la vie quotidienne des adolescents de l’école de magie : tous les élèves entretiennent habituellement des relations plus ou moins amicales, et parfois violentes, les uns avec les autres. L’antagonisme entre Harry et Malefoy est redoublé à l’échelle des deux trios que forment Harry, Ron et Hermione, d’une part, Malefoy, Crabbe et Goyle de l’autre, donnant lieu à des affrontements plus proches des rivalités de bandes d’adolescents que de duels de sorcellerie. À l’échelle des « maisons » Gryffondor et Serpentard, l’opposition entre les deux groupes d’élèves prend l’aspect d’une compétition sportive et scolaire, finalement très ordinaire.
Au cours des sept tomes, des affrontements verbaux entre les deux élèves ennemis, les provocations et les mauvais tours se multiplient pour aboutir dans le tome 6 à de véritables confrontations physiques : ils s’opposent dans deux scènes particulièrement violentes. Dans la première, dans un compartiment de train, Malefoy est l’agresseur et Harry la victime : « il donna un violent coup de pied en plein visage. Harry sentit son nez se casser, du sang gicla un peu partout », « Puis, prenant bien soin, au passage, de lui marcher sur les doigts, Malefoy quitta le compartiment 35 ». Dans la seconde, Harry blesse Malefoy dans les toilettes de l’école : « Du sang jaillit alors du visage et de la poitrine de Malefoy, comme si une épée invisible l’avait tailladé. Il vacilla et s’effondra sur le sol inondé d’eau dans un grand bruit d’éclaboussures, sa baguette tombant de sa main inerte 36. » Les blessures infligées sont d’autant plus graves qu’elles sont le résultat de coups portés sans retenue, et sans souci des conséquences. Malefoy abandonne Harry dans le train qui repart pour Londres, loin de la protection vitale pour lui de l’école. Harry, pour sa part, teste sur Malefoy un sort dont il ne connait pas les effets, et qui s’avère délétère. Les pires conséquences sont finalement évitées, dans les deux épisodes, par l’intervention d’un adulte qui rétablit la situation. À ces affrontements, dans lesquels la violence entre les deux personnages est paroxystique et contenue uniquement par l’intervention des adultes, succède une nouvelle étape dans le tome 7. Les rencontres entre Malefoy et Harry se soldent par un renoncement mutuel à la violence, et les contraignent à se protéger réciproquement à plusieurs reprises. La violence n’est qu’une étape de leur relation, elle marque leur évolution psychologique.
C’est aussi par l’usage ou non usage de la violence que Rowling souligne l’évolution des acolytes de Malefoy dans le tome 7. Dans la scène 37 où les deux trios s’affrontent dans la « Salle sur Demande », Malefoy apparait comme un protecteur : il empêche Crabbe de tuer ses ennemis, il le soustrait à des maléfices, il porte Goyle pour le sauver de l’incendie final. À ce personnage intelligent et qui a tiré les leçons des affrontements violents qu’il a vécus, s’oppose Crabbe, qui n’a appris de la violence que la manière de la provoquer et de l’entretenir. Il lance des sorts interdits, bouscule Malefoy et le désarme par accident, il provoque un incendie qu’il ne contrôle pas. Malefoy quitte la Salle sur Demande, sauvé par son ennemi et sauvant Goyle, tandis que Crabbe y meurt, victime de sa propre violence. Rowling finalement montre comment le rapport à la violence de chacun explique ses choix et cèle son destin. Pour le lecteur, l’évolution de chaque personnage dans le tome 7 laisse entrevoir l’adulte qu’il deviendra. La vision de Rowling s’écarte sensiblement de celle de Golding 38, puisqu’elle « sauve » de la violence cinq des six jeunes dans cette scène.
Le récit initiatique : la violence enseignée
Plusieurs auteurs 39 ont souligné la dimension initiatique de la saga : « Harry Potter peut […] se définir comme un roman d’apprentissage dans lequel le héros s’engage dans une quête existentielle et initiatique 40. » Cette initiation est en partie assurée par l’école elle-même, y compris en ce qui concerne la violence. Le héros apprend en sept tomes l’interdit posé sur la violence, son usage institutionnel, et des usages personnels. Ainsi, au chapitre 14 du tome 4, Maugrey fait la démonstration sur des araignées des trois « sortilèges impardonnables 41 » qui, parce qu’ils relèvent de la magie noire, sont prohibés. Les effets de ces sorts sur les cobayes sont de plus en plus redoutables. L’imperium permet d’assoir un contrôle sur un individu, tant physiquement que psychologiquement, d’aliéner son libre arbitre. Il peut être assimilé à une emprise totale sur la personne, que l’on rencontre dans des situations extrêmes de harcèlement ou d’endoctrinement. C’est la violence de l’asservissement, d’un esclavagisme mental, qui est ainsi présentée. Le sortilège de Doloris, qui inflige une douleur aigue sur sa victime pouvant la mener à la folie, amène l’araignée, presque personnifiée, « trop terrifiée pour bouger », à rouler « sur elle-même, agitée d’horribles convulsions […] de spasmes et de tremblements de plus en plus violents […] 42 ». Enfin, le sortilège de mort déclenche « un éclair aveuglant de lumière verte », couleur cadavérique qui a instantanément un effet fatal : « l’araignée […] était morte sur le coup. » Il est provoqué par la formule Avada Kedavra qui comporte, par un jeu de sonorités, une référence au cadavre. La mort est annoncée par « une rafale de vent », comme un souffle de vie retiré, idée reprise plus loin dans le texte avec l’évocation d’une « bourrasque 43 ».
Les aspects de la violence, qui sont thématisés, font l’objet d’une gradation, marquée par les commentaires du professeur et les réactions des élèves. Cette démonstration ne confine pas encore à l’horreur, car si le spectacle est repoussant, rien n’est vraiment spectaculaire : aucun bruit chez la victime et les réactions des témoins, qu’aucun danger direct ne menace, sont contenues : « Plusieurs filles étouffèrent un cri 44. » Par ailleurs, la violence est infligée à un animal, l’araignée, souvent assimilé dans les contes aux sorcières maléfiques, sans doute choisi parce qu’il cristallise les peurs enfantines, et l’aversion de Ron, plusieurs fois rappelée, interdit à cet égard une identification du lecteur à la victime. Pourtant, en montrant les réactions des personnages, le texte invite le lecteur à s’associer à leurs émotions, le rendant de plus en plus sensible aux effets de la leçon. La démonstration de l’imperium aboutit dans un premier temps à l’hilarité générale. Le deuxième sortilège ravive chez Neville « dont les mains [sont] crispées sur le bord de sa table, ses jointures livides, ses yeux écarquillés de terreur 45 » un traumatisme profond, puisque ses propres parents en ont été victimes. L’intervention d’Hermione pour faire cesser les effets psychologiques de cet acte de torture souligne sa gravité pour le lecteur qui ressent alors une révulsion. La troisième expérience renvoie Harry à son propre traumatisme qui charrie avec lui son lot de questions obsédantes : « C’était donc ainsi que ses parents étaient morts […] ? Toute blessure leur avait-elle également été épargnée ? Avaient-ils simplement vu la lumière verte, entendu la mort arriver comme une bourrasque, avant que la vie s’échappe de leurs corps ? 46 » Dès lors, la violence apparait comme un processus et les élèves, comme le lecteur, sont invités à une forme d’observation quasi scientifique : il s’agit de comprendre comment la mort advient. Cette violence parait légitime car il s’agit d’une leçon.
En voyant la réalisation de ces sortilèges à des fins éducatives, les enfants comprennent le fondement de leur prohibition. Harry et Neville revivent, eux, leur passé douloureux jusqu’à en éprouver une violence psychologique. Là encore, le lecteur modèle 47 est censé s’identifier à ces personnages qui sont involontairement les victimes des conséquences que ces formes de violence ont eues sur leurs parents. En cela, la scène s’apparente au récit initiatique fondé sur un rite de passage vers l’âge adulte 48 qui met en danger le personnage pour le faire évoluer vers une compréhension du monde ou de lui-même. L’éducation est un parcours d’initiation et la classe permet ici l’émergence d’un statut de sujet dans l’acceptation de cette loi symbolique qui valorise le « vivre ensemble » : « Ne pas pratiquer les sortilèges d’endoloris, d’imperium, et d’avada kedavra, constituent les interdits d’une déontologie fondée sur le respect de la personne de l’autre fût-t-il l’adversaire 49. »
La leçon de défense contre les violences illégitimes trouve son prolongement dans une initiation, tout aussi douloureuse, à la violence institutionnelle. Parmi les personnages complices de cette violence institutionnelle se trouve Dolores Ombrage. Cette professeure devient progressivement toute puissante au sein de l’école de Poudlard instituant toute une série d’interdictions, de brimades et d’humiliations. Nocif, le personnage symbolise l’exercice d’un pouvoir répressif qui élimine ou sanctionne, y compris par la torture. En effet, une punition apparemment ancrée dans la tradition scolaire, l’écriture de lignes, est subie par le truchement d’une « longue plume mince et noire » à l’extrémité « anormalement pointue 50 » qui blesse la main et fait écrire Harry avec son propre sang. La scène montre une violence intentionnellement infligée engendrant des souffrances aigües. Rowling montre le plaisir évident ressenti par la tortionnaire, se manifestant par des sourires de satisfaction : « Elle l’observait, sa large bouche de crapaud étirée en un sourire 51. » L’hypocrisie très marquée du personnage s’exprime par une apparente douceur qui contraste avec une réelle cruauté (« Très bien, dit Ombrage d’une voix douce, on parvient déjà mieux à contrôler son humeur, n’est-ce pas ? 52 ») et par l’emploi d’un double langage convoquant sens propre et sens figuré : il faut que le message « rentre », s’imprime, mentalement mais aussi corporellement. Et en effet, les mots s’inscrivent dans la chair, l’instrument de torture générant une coupure et blessant à sang : « Les mots […] étaient également apparus sur le dos de sa main droite, tracés dans sa peau comme avec un scalpel 53. » La violence est ici à la fois physique et psychologique car il s’agit pour Ombrage de briser la volonté de Harry. Harry, qui étouffe toute « exclamation de douleur », répond à l’archétype du résistant : « Harry ne demanda pas quand il pourrait s’arrêter […] Il savait que le professeur Ombrage l’observait, guettant le moindre signe de faiblesse 54. » Le lecteur modèle ne peut qu’être révolté par cette punition doublement illégitime puisque Harry, courageux, s’oppose à une institution tyrannique et subit un châtiment d’une rare cruauté. Il en vient à mépriser l’adulte qui exerce un pouvoir absolu et arbitraire 55. Les élèves s’engagent alors dans une défense active. Ils s’organisent en une association secrète, passant ainsi « dans la clandestinité pour échapper aux ‘collaborateurs’ qui ont fait main basse sur la direction de l’école et le ministère de la Magie 56 ». L’allusion historique à la seconde guerre mondiale est évidente 57. Les sévices corporels et psychologiques sur un enfant sont donc ici thématisés pour aborder la question de la violence institutionnelle. Cette scène montre au lecteur que l’éducation du rapport à la loi peut s’appuyer sur un système de sanctions injustes. Elle montre aussi qu’une institution peut édicter des lois injustes car contraires aux droits fondamentaux qui les surplombent. Elle incite donc à réfléchir à la résistance civique par l’exemple des amis d’Harry, lesquels « montreront […] un rare engagement citoyen par leur désobéissance civile à l’égard d’un gouvernement lâche et révisionniste 58 ».
La violence peut également se manifester sous la forme de manipulations psychologiques pour conduire l’autre à transgresser la loi. Harry est poussé par la tueuse Bellatrix à appliquer la loi du Talion : « Je croyais que tu étais là pour venger mon cher cousin ! 59 » (t5). Elle le provoque par ses propos incitateurs et par son comportement moqueur, le rabaissant au rang de nouveau-né : « - Aaaaaah… Fallait-il que tu l’aimes, bébé Potter ! 60 » Cette fois, Harry passe à l’acte en violant la règle des sortilèges impardonnables : « - Endoloris ! 61 » Bien que non conforme à la loi des sorciers, cette violence parait légitime. En effet, Bellatrix vient d’assassiner sous ses yeux son parrain (Sirius Black) et lui-même est en danger de mort. Elle n’éprouve cependant pas la douleur attendue et se relève avant de jeter un antisort. Comme dans une scène d’horreur, la tête d’une statue se détache et roule alors au sol : « L’antisort que lui jeta Bellatrix frappa de plein fouet le beau visage du sorcier. Sous le choc, sa tête s’arracha de son cou et atterrit cinq ou six mètres plus loin en traçant de longues rayures sur le parquet 62. » La violence de Harry se révèle impuissante. S’il ne parvient pas à ses fins, c’est qu’il n’y prend pas une réelle satisfaction. Bellatrix explique : « - Il faut vraiment vouloir la souffrance de l’autre, Potter ! Et y prendre plaisir. La juste et sainte colère n’aura pas beaucoup d’effet sur moi. 63 » Ce type de violence n’est pas un moyen de lutter mais une fin en soi qui procure un plaisir sadique. Cette violence jouissive ne pouvait, dès lors, apparaitre au lecteur (en principe âgé de 15 ans), dont elle risquait de heurter la sensibilité, avant le tome 5. A l’opposé, la violence de Harry est contenue car sa colère est juste comme l’est, en droit, la légitime défense. Alors que ces scènes d’initiation concernent un usage de la violence dans la société civile, celles des tomes 6 et 7 relèvent principalement du récit de guerre parce qu’elles impliquent un grand nombre de participants.
Du récit de duel au récit de guerre
Douglas 64 note la « tendance de certains auteurs contemporains pour la jeunesse à vouloir réconcilier réalisme et fantasy », reposant sur la « volonté d’utiliser cette littérature pour aborder des sujets sérieux, voire graves ». La violence est un sujet sensible qui s’amplifie tout au long de la série au point de remettre en cause la démarcation entre la fantasy et le réalisme. En effet, le 4e tome montre un tournant dans la saga avec le retour de Voldemort à partir duquel s’organise, dans le tome 5, une société répressive fondée sur une idéologie totalitaire conduisant au génocide 65. Face à l’impuissance des adultes et à la complicité active ou passive de ceux qui soutiennent une thèse négationniste, les élèves de Poudlard, se lancent dans un mouvement de résistance : «Les épreuves se poursuivent, mais elle se jouent » désormais « ‘pour de vrai’ dans la confrontation de la destructivité, révélant du même coup les limites des fonctions de protection assurées par les adultes66. »
Au chapitre 34 (t4) se superpose une scène dominée encore par le fantastique, dans laquelle le lecteur assiste à la « renaissance » de celui qui incarne le mal, et l’émergence d’une violence rendue réaliste par la description d’une agression physique à l’arme blanche à l’encontre de Harry. Le duel magique qui s’ensuit entre Voldemort et Harry poursuit cette description dans la même veine : « Un jet de lumière verte jaillit de la baguette de Voldemort à l’instant même où une lumière rouge fusait de celle de Harry. […] la baguette de Harry se mit à vibrer comme si elle avait été parcourue d’un courant électrique 67. » Le jaillissement de ce courant, qui symbolise l’existence des relations psychiques et identitaires unissant les deux opposants, renvoie à une matérialité physique. La scène se rapproche d’un récit de vie relatant une tentative de meurtre sur une victime prise au piège. La violence exercée par Voldemort sous la forme d’un sortilège impardonnable est ici thématisée pour montrer la transgression à la loi. Cette transgression rend légitime l’usage d’une violence défensive, qui reste toutefois contenue, puisque Harry n’utilise que le sort de désarmement. Elle annonce un basculement vers la violence des scènes de guerre qui caractérisent les deux derniers tomes. Bien que Voldemort et ses sbires ne constituent pas un état-nation affrontant un autre état, ses partisans se comportent comme des belligérants qui ont gangréné les institutions érigées en état « terroriste68 » et qui souhaitent désormais assoir un pouvoir total. Le conflit armé opposant le camp des forces du mal aux résistants de Poudlard éclate donc. La fiction a des relents historiques puisqu’elle se situe dans l’espace d’une Angleterre contemporaine et renvoie au conflit de la seconde guerre mondiale alimenté par des théories totalitaires. Comment Rowling met-elle en mots ce qui, par la monstruosité des combats, relève de l’indicible ?
Les scènes de combat nécessitent de rapporter une grande diversité de faits qui à la fois s’enchainent et se déroulent simultanément. Lors de la première bataille de Poudlard 69, Harry doit à la fois échapper à un loup-garou, Greyback, aider Ginny et poursuivre Malefoy et Rogue. Entre chaque étape, le lecteur suit le regard de Harry qui par exemple voit « Tonks aux prises avec un énorme sorcier blond ». Les actions d’une pluralité de protagonistes sont citées dans leur simultanéité « Ginny affrontait Amycus » « le professeur Mc Gonagall et Lupin […] combattaient chacun un Mangemort ». Dans ce champ de bataille, Harry est celui qui se déplace, s’élançant dans la mêlée, et que le lecteur suit : « Il […] se précipita tête la première au cœur de la bataille », « fonça droit devant, évitant de justesse une explosion », « se rua » à la poursuite des fuyards. La violence sur les corps est fortement thématisée. La scène de combat est sanglante (« une mare de sang ») mais ce n’est pas le sang qui marque le chaos. Ce sont les mouvements des corps (« des cheveux roux qui voletaient comme des flammes », « [Amycus] fut soulevé par le choc et violemment projeté contre le mur opposé »), leur chute (« Harry sentit Greyback s’effondrer sur lui »), leur déploiement sur le sol : des corps « à plat ventre », « un visage rond et pâle de Neville, contre le sol », « étalé à travers des jambes de quelqu’un ». Et puis leurs blessures (« les mains crispées sur le ventre »), les cris « de goret » et « hurlement de douleur », et la mention, rare dans la saga, de la présence d’odeurs (« une odeur pestilentielle de sueur et de sang le prenant à la gorge »). Comme dans tous les récits de guerre 70 sont aussi montrées les dégradations matérielles : « Des maléfices […] craquelant la pierre, fracassant la fenêtre la plus proche » « une pluie de débris arrachés aux murs ». Le spectacle guerrier (explosion, blessures, sang, chutes, cris, fuites…) tourne à la confusion, mais le témoignage du combat oppose bien des protagonistes aux rôles identifiés. Tandis que les amis de Harry se défendent courageusement, la description animalise les assaillants (le loup-garou, le Mangemort à la silhouette massive) qui prennent plaisir au massacre (Amycus « gloussait de rire, trouvant le jeu très amusant »). C’est la bataille du bien contre le mal. Pour le lecteur modèle, c’est une bataille éprouvante, car il a conscience que n’importe lequel des personnages secondaires peut succomber.
Cette impression se confirme dans le tome 7, lorsque les corps sans vie sont exposés dans la Grande Salle de Poudlard 71, qui sont tous des défunts importants car proches de Harry. Ils représentaient par leur jeunesse une forme d’espoir contre la violence ambiante : Fred, un frère de Ron, presque un frère de Harry et Tonks et Remus, jeunes mariés. C’est une scène de désolation, s’inscrivant dans une gradation de l’insupportable. Le récit se veut être un témoignage de la douleur de l’entourage que Harry regarde : « Mr Weasley lui caressait les cheveux, le visage inondé de larmes. » L’entraide est mise en scène et ajoute à la compassion du lecteur : « Les survivants […] se tenaient par le cou », « Ron rejoignit Bill […] qui lui passa un bras autour des épaules ». Harry assiste à ces scènes de tristesse et de réconfort, mais sans y prendre part, comme le lecteur impuissant. Les effets sur les survivants sont donc montrés de l’extérieur, mais ce qui est surtout thématisé ici c’est le sentiment de culpabilité de l’adolescent pour qui la violence s’est déployée. Harry ressent une violence psychologique (« Il ne pouvait supporter l’idée de rejoindre les Weasley, de les regarder dans les yeux, alors que s’il s’était rendu dès le début, Fred ne serait peut-être pas mort… ») qui a des répercussions physiologiques : « Harry […] n’arrivait plus à respirer. » Le lecteur n’est donc épargné ni par la disparition de personnages de plus en plus emblématiques, ni par les tourments du héros. Il est interpelé par le conflit interne qui anime Harry : responsable certes en tant que leader de la résistance puisqu’il est « l’élu », mais coupable ? L’illégitimité de la violence de l’agresseur, démontrée au fil des tomes, permet de disculper le héros de cette violence. Cette responsabilité, il l’endosse, jusqu’à donner sa vie lors du combat final. Le genre de la fantasy ressurgit alors pour faire triompher le héros.
Dans le combat final entre Harry et Voldemort 72, la violence juste est magnifiée. Le duel est mis en scène avec une intention esthétique. Les figures de style s’enchainent articulées autour du champ lexical de la lumière : « Une lueur rouge et or jaillit soudain au-dessus d’eux, dans le ciel ensorcelé, en même temps qu’un soleil éclatant dessinait ses premiers contours à la fenêtre la plus proche. La lumière éclaira leurs visages au même instant et Voldemort se transforma brusquement en une tache flamboyante. » « Harry vit le jet de lumière verte de Voldemort heurter son propre sort » « dans le soleil levant ». Dans un premier temps, les deux sorts sont encore dissymétriques : l’un tue, l’autre désarme. Puis, la riposte de Harry procure son effet et l’auteure nous offre alors le spectacle d’une danse où la Baguette de Sureau s’envole « tournoyant sous le plafond enchanté, telle la tête de Nagini, virevoletant dans les airs », tandis que Voldemort « basculait en arrière ». L’ennemi est d’abord réduit au rang de bête maléfique, « son visage de serpent » « les pupilles fendues de ses yeux écarlates se révulsant ». Sa mort apparait comme une élimination de sa puissance : contrairement aux autres cadavres, le personnage n’inspire plus aucune peur, car il est décrit dans sa décadence « les bras en croix », « les mains blanches et vides » « un visage […] dépourvu d’expression » une simple « dépouille ». Et comme si cette « fin triviale » le délivrait enfin de son inhumanité, le personnage retrouve son identité : « Tom Jedusor s’abattit sur le sol…Voldemort était mort. »
La portée morale de cette dernière scène de violence est évidente : alors que Harry ne commet aucun acte de violence mortelle (il n’emploie pas le sortilège de la mort), l’oppresseur est puni mortellement de sa propre violence, « mort, tué par son propre maléfice ». Le bien triomphe donc du mal, et la scène de violence héroïque emporte le consentement du lecteur modèle.
Conclusion
Si la saga peut se présenter comme une opposition simpliste entre le bien et le mal, incarnés par deux protagonistes, Harry et Voldemort, et qui se résout en une succession de duels, les questions morales se révèlent plus complexes au fil de la lecture. Car Rowling a fait du personnage de Harry lui-même un champ de bataille dans lequel s’affrontent l’enfant qui lutte pour son intégrité et l’âme de Voldemort. La violence n’est pas seulement omniprésente dans la vie de Harry, elle est à l’origine de sa vie psychique, et dès lors, toute la saga peut être considérée comme le récit d’une sortie de la violence. Mais Harry n’est pas le seul personnage concerné par cet enjeu, toute la communauté des sorciers l’est également, et d’une certaine manière, les lecteurs eux-mêmes. La démultiplication des scènes de violence et leurs thématisations variées (actes, formes, intentions, légitimité, responsabilité, rapport à la loi et à l’institution) permettent à chaque lecteur de réfléchir, quel que soit son âge à son propre rapport à la violence. Ce tour de force n’est possible qu’à la faveur d’une écriture qui nuance en permanence en puisant dans la palette des genres littéraires.
- Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. Site porté par le CNRS, https://www.cnrtl.fr/
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- Ibid. p.54.
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- Tome 1 : Harry Potter à l’école des sorciers, Paris, Gallimard Jeunesse, 2000 ; Tome 2 : Harry Potter et la chambre des secrets, Paris, Gallimard Jeunesse, 2000 ; Tome 3 : Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Paris, Gallimard Jeunesse, 2019 ; Tome 4 : Harry Potter et la coupe de feu, Paris, Gallimard, 2000 ; Tome 5 : Harry Potter et l’ordre du Phénix, Paris, Gallimard, 2003 ; Tome 6 : Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé, Paris, Gallimard, 2005 ; Tome 7 : Harry Potter et les reliques de la mort, Paris, Gallimard, 2007.
- Tome 2, p. 183-184, p. 337-340. Tome 3, p. 90-99, p. 289-291. Tome 4, p. 292-297, p. 590-591, p. 303-305; p. 909-910.
- Tome 1, p. 287-288.
- Tome 6, p. 171-172, p. 574-575, p. 656-657. Tome 7, p. 673-676, p. 706-707, p. 793-794.
- Anne Besson & Évelyne Jacquelin (dir.), Poétiques du merveilleux : Fantastique, science-fiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels, Arras, Artois Presses Université, 2015.
- Par souci de clarté, nous mentionnons les tomes des éditions précitées en les numérotant de 1 à 7 sous cette forme (t/numéro). Nous ne renvoyons aux pages que pour les citations.
- Tome 1, p. 288.
- Tome 2, p. 340.
- Ibid.
- Ibid.
- Ibid.
- Yvain, le chevalier au lion, est connu des lecteurs français par le roman de Chrétien de Troye, mais il l’est aussi des lecteurs anglais, par une version galloise du 14e siècle : Owain, or the Lady of the Fountain, recueillie dans The Three Welsh Romances.
- Nathalie Prince, La littérature fantastique, Paris, Armand Colin, 2015, p.30.
- Françoise Dupeyron-Lafay, « Merveilleux et fantastique : en finir avec le réel, le possible et le vrai ? », in Anne Besson & Évelyne Jacquelin (dir.), Poétiques du merveilleux : Fantastique, science-fiction, fantasy en littérature et dans les arts visuels, op. cit.
- Tome 3, p. 115.
- Ibid., p. 90-91.
- Ibid., p. 91.
- Ibid.
- Ibid.
- Ibid.
- Cité par Nathalie Prince, op. cit., p.30.
- Roland Barthes, « L’effet de réel », Communications, 11(1), 1968, p. 84-89.
- Tome 6, p. 172.
- Ibid., p. 575.
- Tome 7, p. 706 sqq.
- William Golding, The Lord of the Flies, London, Faber and Faber, 1954.
- Nicole Biagioli & Marie-Louise Martinez-Verdier, « Harry Potter : de la crise des différences à la différenciation des identités des personnes et des disciplines », Tréma [en ligne], 24, 2005 ; Marie-Louise Martinez, « Pour en finir avec le XXe siècle et ses éternelles adolescences, un roman d’éducation pour le troisième millénaire », Le Télémaque, n° 32, 2007/2 ; Daphné Pleindoux-Legrand, Harry Potter : récit d’apprentissage et quête initiatique, Thèse de doctorat en Études anglophones, sous la direction de François Gallix, Soutenue en 2007 à Paris IV. ; Anne Besson, . op. cit., 2013 ; Marie-Paule Durieux & Jean-Paul Matot, « Variations psychanalytiques sur les aventures de Harry Potter », Le Carnet PSY n°184, 2014/8, p. 4.
- Daphné Pleindoux-Legrand, Ibid..
- Tome 4, p. 192-197.
- Ibid., p. 194-195.
- Ibid., p. 196.
- Ibid.
- Ibid., p. 195
- Ibid., p. 196.
- Umberto Eco, op. cit.
- Arnold Van Gennep, Les rites de passage : étude systématique, Paris, E. Nourry, 1981 [1909].
- Nicole Biagioli & Marie-Louise Martinez-Verdier, op. cit., p.6.
- Tome 5, p. 303.
- Ibid., p. 304.
- Ibid., p. 303.
- Ibid., p. 304.
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- Nicole Biagioli, Actes du Colloque International : L’édition pour la jeunesse entre héritage et culture de masse, Institut International Charles-Perrault (IICP) & Université Paris VII-Jussieu, 25, 26 et 27 novembre 2004, [En ligne]
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- Isabelle Cani, Harry Potter ou l’anti-Peter Pan. Pour en finir avec la magie de l’enfance, 2018, Paris, Fayard, p. 237-238 : « Les ‘Sang de Bourbe’ en effet, ne sont pas chargés de représenter les populations immigrés vues par le racisme européen actuel, mais les juifs vus par l’imaginaire raciste d’avant-guerre » ; Biagioli et Martinez-Verdier (2005, p. 4) parlent de « troisième guerre mondiale latente » ; idem Martinez (2007, p. 10).
- Nicole Biagioli & Marie-Louise Martinez-Verdier, op. cit., p.6.
- Tome 5, p. 909.
- Ibid., p. 910.
- Ibid.
- Ibid.
- Ibid.
- Virginie Douglas, « Poétiques du merveilleux, Réalisme, fantasy, réalisme magique dans le roman britannique contemporain pour la jeunesse », Le merveilleux entre mythe et religion, Arras, Artois Presses Université, 2010, p. 217-231.
- Valère Ndior &Nicolas Rousseau. op.cit.
- Marie-Paule Durieux & Jean-Paul Matot, « Variations psychanalytiques sur les aventures de Harry Potter », Le Carnet PSY n°184, 2014/8, p. 4.
- Tome 4, p. 590.
- Valère Ndior & Nicolas Rousseau, op.cit.
- Tome 6, p. 656-657.
- Kathryne Fontaine, Poétique du récit de guerre contemporain. La littérature comme laboratoire d’éthique. Laval, Presses de l’Université Laval, 2021.
- Tome 7, p. 706-707.
- Ibid., p. 793-794.