« Lumière sur le "Noir " » : vers des horreurs d’anthologie (<em>iZombie, Supernatural, Lovecraft Country...</em>)

« Lumière sur le "Noir " » : vers des horreurs d’anthologie (iZombie, Supernatural, Lovecraft Country...)

Par CASTA Isabelle-Rachel

Dernier témoignage d’un sujet appelé à disparaître de façon imminente, l’écriture de l’horrible ne peut-elle parfois apparaître – même à travers l’expression du dégoût profond – comme l’ultime désir de vivre ? Ne peut-elle, par un curieux renversement, chercher à horrifier tout ce qui porte atteinte à la vie et à la béatitude ? Dès lors, à la limite du sacré, l’horrible se hisserait pleinement jusqu’à la “sainte horreur”, écrasement du sujet devant la faute et aspiration quasi désespérée à s’élever jusqu’à l’extase, devant laquelle transgression et mal absolu s’abolissent pour laisser place à l’affirmation d’une nouvelle beauté, elle aussi innommable par le langage humain. Serait qualifié d’horrible alors le simple voile du sublime ne niant aucunement ce qui suscitait l’horreur, mais – par une subtile opération de démasquage – le repoussant dans l’incréé illusoire et inapte à engendrer  2.

 

Une convergence critique étonnante se fait jour depuis quelques mois : l’attention prêtée aux films, publics, séries et média d’épouvante et de terreur, et ce dans des unités ou des cadres de recherche aussi divers et aussi éloignés que possible. Il s’agit, par exemple, des Lovecraftiana proposées par Katarzyna Gadomska, d’une réflexion sur les publics de l’horreur initiée par Jules Sandeau, ou encore d’un numéro spécial d’Alkemie sur L’horrible, sous la direction de Mihaela-Genţiana Stănişor (juin 2021)...

L’accélération de la production sérielle « de genre » amène à une forme d’auto-engendrement des multivers de l’horreur ; en effet, capillarisée par quelques opus « highbrow » (The Walking dead entre autres), la consommation écranique se tourne aussi vers des « mixtes », où le burlesque et l’effroi s’épousent agréablement et pertinemment. Il faut bien sûr nourrir l’arc narratif des protagonistes, et les anthologies déguisées proposées par un certain nombre de shows contribuent à écrire ce dialogue permanent entre les re-motivations des uns et des autres, autour de quelques grands « sèmes » d’épouvante à la fois identifiés (zombies, vampires, maison maudite, boucle temporelle) et revivifiés : fantômes au carré dans American Horror Story, zombies sympathiques dans iZombie, problématique racialiste dans Lovecraft Country.

 

Un peu d’archéologie des visualités !

La multiplication écranique a rendu aisé et quasi banal l’accès aux productions les plus pointues et les plus clivantes : qui a donc aujourd’hui encore peur d’avouer qu’il a regardé Cannibal Holocaust ? C’est pourquoi les séries se répondent et se correspondent ; l’acceptabilité plus souple des tabous anciens permet de suivre à la fois les vampires nazis de The Strain et les marcheurs blancs de Game of Thrones ; les uns appartiennent à la dark fantasy, les autres à la fantaisie urbaine horrifique, mais ils contribuent tous à ce que Stanley Cavell voyait dans les figures du Mal, agissant dans ces séries dont Sandra Laugier 3 dit qu’elles sont devenues les compagnes de nos vies : une aide à juger « l’état présent de l’existence humaine pour aller vers un état à venir, ou, le cas échéant juger que le présent vaut mieux que ce qu’il en coûterait de le changer. »

Des œuvres particulièrement topiques font de l’horreur à la fois leur objet, leur sujet, et d’une certaine façon un « scrupule », au sens de la casuistique. Cela ne signifie pas que l’horreur soit morale, au sens de moraliste ou de moralisateur, mais qu’elle est un outil épistémique dans l’édification de notre appréhension du réel ; d’ailleurs, le fait que les séries entraînent une forme de « conversation mondiale » complexifie et nuance à la fois ce challenge entre les productions elles-mêmes, et entre les archétypes horrifiques déclinés à l’infini ; chaque « anthologie » se plait à réinterpréter des variations déjà présentes ailleurs, et le loup-garou de Supernatural a sans doute des choses à dire au Oz de Buffy ou aux locataires de Being human, dans une négociation permanente entre les obligations spectaculaires (500 séries sont produites chaque année aux États-Unis), et les singularités revendiquées de chaque opus.

 

Take back the narrative !

La récente réflexion de Télérama sur le renouveau du fantastique français passe aussi par une interrogation portée sur le streaming : « Les plateformes peuvent-elles jouer un rôle d’accélérateur  4 ? » « Elles sont demandeuses de films de genre, estime Thierry Lounas. Cela va métamorphoser la création française et la stimuler. » La demande, Manuel Chiche y croit aussi pour les salles. « Les exploitants ont besoin de rajeunir leur public. Ils doivent renouveler leur offre. » Anaïs Bertrand, elle, évoque l’attente du marché international pour ces films d’horreur français. À domicile, elle le sait, l’épreuve du box-office sera déterminante. « Pour que ça bouge vraiment, il faut attirer les jeunes mais aussi les ex-fans des années 80 qui ont 50 ou 60 ans aujourd’hui. »

Les temporalités désaccordées des séries horrifiques, leur dimensionnalité infiniment diverse, leur management diégétique ou publicitaire nous instaurent en spectateur unique et solitaire, puisque totalement autonome, mais les réseaux sociaux se chargent de nous remettre dans la circulation des « media de flux » ; ce sont ces différentes énergies, ces retraits et ces réinvestissements qui aident à cerner pourquoi le modèle du « monster of the week » s’est peu à peu métamorphosé en revue anthologique du corpus séminal de l’épouvante – rejoignant Yannick Haenel parlant de Joseph Conrad, en disant : « Ainsi les feux tracent-ils des lignes à l’intérieur des phrases, rejouant à chaque instant un combat spirituel où le damné et l’indemne se disputent le sort de chaque étant 5 ».

Certes, l’éducation aux films, ou séries, d’horreur se fait à partir de la vision ou de la révision des chefs-d’œuvre du genre, comme le contemporain American Horror Story 6, mais on pourrait tout autant rappeler La Maison de la Mort, de James Whale (The Old Dark House, 1932), film à propos duquel Anne Dessuant, critique à Télérama, dit que « tout est illusion et irrémédiablement voué au désastre 7 », ou les canoniques Nosferatu, Frankenstein, ou Chute de la Maison Usher.

La fermeture réitérée des cinémas a de toute façon favorisé la sortie directe en plate-forme d’une abondance frappante d’opus, bouleversant les grammaires spectatorielles de films d’horreur, plutôt vus en public et en groupe, comme en témoigne la recension du récent festival de Gérardmer 8 qui suscite cette réaction dans Libération : « Le rendez-vous du film d’horreur, épidémie oblige, s’est déroulé en ligne. Une édition marquée par l’émergence d’un renouveau français du genre avec La Nuée (Just Philippot) et Teddy (Ludovic et Zoran Boukherma) 9. » D’autres médias font état d’œuvres tout aussi fortes : le Possessor de Brandon Cronenberg, le Host de Rob Savage, mais aussi Anything for Jackson de Justin G. Dyck ou Sleep de Michael Venus.

La question de la naturalisation de l’horreur se pose immédiatement, s’il faut en croire Jacques Morice : « On pressent bien que La Nuée va décoller de la terre ferme vers le fantastique horrifique. [...] La violence qui se manifeste est d’autant plus marquante qu’elle reste longtemps réprimée. Elle couve. Le tout se déploie avec une forme de beauté sanguinaire, monstrueuse 10. »

Autre archi-thème : ne pas se savoir mort, qui est devenu, depuis les films Les Autres d’Alejandro Amenábar et Sixième sens de M. Night Shyamalan, une nouvelle frontière de la narration fantastique sérielle ; néanmoins, les difficultés liées à la « perduration » d’un état fantomatique sur plusieurs saisons amène les scénaristes à ramener leurs morts à la vie (Being Human) ou à ne les faire exister qu’une seule saison. C’est le cas de la relation qu’entretiennent Violet et Tate lors de la première saison d’American Horror Story 11.

Comme le développe longuement Mathieu Pierre dans sa thèse 12, la découverte du caractère fantomatique de Tate effraie Violet et la pousse à mettre un terme à leur relation. Lorsque ce dernier cherche à la convaincre de se suicider pour qu’ils puissent enfin être ensemble, il exprime en réalité le désir universel d’aimer et d’être aimé sans possibilité de séparation : ainsi que l’explique Christian Chelebourg, l’amour « est condamné sur terre à suivre la pente fatale du dépérissement physique. Pour s’idéaliser, pour devenir plus fort que la mort et s’inscrire dans l’éternité, il doit par conséquent s’affranchir du corps non sur le plan de la sexualité, comme on le pense d’ordinaire, mais sur celui de la plastique 13. » Pour qu’ils puissent s’aimer librement, il faut que la jeune fille passe le pont, qu’elle se libère de sa vie et de son corps.

Ce qu’elle ignore à cet instant, c’est que cette libération a déjà eu lieu et que la proposition du jeune homme avait simplement pour but de le lui faire admettre. En effet, tout comme le spectateur, Violet n’a pas conscience qu’elle a effectivement réussi son suicide quelques épisodes plus tôt, supposant l’idée que le passage de la vie à la mort n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît. Violet, tout comme la Sally de Being Human (US) 14, a besoin d’être initiée à sa nouvelle condition, et cela ne peut être effectué que par un autre mort. Tate lui montre son corps pourrissant, à elle que l’on voit et qui se voit comme la charmante adolescente qu’elle est pour l’éternité. Le choc est rude mais salutaire ; dès lors, Violet et Tate pourront vivre une relation présentée comme bien plus profonde que l’amour entre vivants.

Dans le fantastique, les morts, même s’ils côtoient les vivants, ne marchent pas pour autant sur les mêmes voies. Il existe entre eux ce fossé qu’est la vie et le caractère prosaïque du corps. Lorsqu’un des deux amants n’est plus que fantôme, la relation ne peut être que souffrance. Dès lors, l’affranchissement du corps et des contraintes physiques qu’il induit est ce qui permet d’accéder à la jouissance totale puisque celle-ci s’inscrit désormais dans l’éternité. Le fantôme est la projection fantasmée du désir d’un amour éternel qui passe nécessairement par la mort. Finalement, la série fantastique contemporaine est parvenue à déplacer la figure du fantôme pour en faire un personnage dont la fonction n’est plus uniquement d’effrayer.

Les fantômes d’American Horror Story ou de Being Human ont tous ce point commun : ils ont la possibilité par leur état de se jouer des vivants, mais ils restent fatalement des êtres humains, et se confondent aisément avec nous, bien qu’ils ne fassent plus partie de notre monde. Et même s’il se rencontre encore des esprits frappeurs, le fantôme est malgré tout un être en souffrance qui cristallise, via son apparition, la possibilité rassurante d’une vie après la mort. Un état dans lequel l’Homme est libéré de ses contraintes physiques, où l’amour ne connait pas de fin et où les amants finissent par ne faire qu’un. L’amour achérontique est en cela un amour idéal car spiritualisé.

Le recours au surnaturel permet de suggérer plus intensément cette représentation de l’amour idéal comme fusionnel, image que l’Homme a depuis longtemps perpétuée. Les amours terrestres semblent en comparaison toujours vouées à l’échec, et l’on projette dès lors dans la mort l’idée de l’achèvement du sentiment. Finalement, le corps physique est une entrave, et le fantôme, en tant qu’esprit errant, représentant de notre spiritualité, est cet être qui cristallise l’amour véritable et absolu.

Si le fantôme s’accommode si bien du médium sériel, c’est qu’il en rappelle l’esthétique réitérative et la fin toujours différée : Michael Scoffield, donné pour mort dans Prison Break, revient finalement une dernière fois ; ou encore Dexter, dont tout disait l’achèvement, est reprogrammé pour une nouvelle saison. Le fantôme est donc bien un être qui n’est plus, et pourtant il est là. Échappant au temps qui passe, il contredit le principe feuilletonnant de la sérialité et finalement en est une représentation quasi-mimétique : les esprits de American Horror Story, tout comme ceux de Being Human ou de Buffy ont déjà connu l’expérience de la mort. Ce faisant, ils prouvent qu’elle n’est pas la fin de toute chose. Dès lors, peu importe le nombre d’épisodes dans lesquels ils seront convoqués, ils représentent l’immuable et l’ambiguïté relative à tout récit sériel : en dépit des répétitions, le fantôme se doit de rester le même de bout en bout. Malgré tout, lui-même ne peut échapper à la fragmentation des arcs narratifs... comme le démontre le rapide achèvement des Revenants, de Fabrice Gobert.

Or, alors que les publics de films ou de séries d’horreur font depuis longtemps l’objet de nombreux discours publics (notamment dans le cadre des débats sur les conséquences psychologiques de l’exposition aux images violentes), ils restent peu connus et peu étudiés par le monde académique, particulièrement en France. En somme, si l’horreur est l’objet de nombreux discours, rares sont ceux qui fondent leurs considérations sur une étude empirique de sa syntaxe précise. L’esthétique horrifique et la représentation de l’horreur sont immergées dans le vaste champ de la culture de masse, où la citation, l’emprunt et la réécriture sont de mise. L’horreur n’échappe pas à la règle, et depuis des décennies, les adaptations, les remakes et autres ré-imaginations nourrissent le genre : entre la littérature, le cinéma, la bande-dessinée et la télévision, les échanges sont nombreux et constants. Les nouvelles fictions horrifiques puisent à cette source, multipliant les références explicites ou les clins d’œil au spectateur. L’horrible a donc tout intérêt à se montrer, plus qu’à se dire... et la grammaire filmique des jump scares l’emporte peut-être, en efficacité, sur celle des « simples » textes ; c’est en tout cas ce qui s’est passé pour Jane Doe Autopsy, que nous allons découvrir maintenant.

En effet, c’est dans une morgue que se déroule l’une des histoires macabres les plus épouvantables de la présente décennie, mêlant l’hyper-technicité des gestes et des outils, et la confrontation avec le « non-mort » (en fait, la « non-morte ») dans la pure tradition de l’horreur lovecraftienne ou kingienne. Décidément, la vision dominante du genre horrifique comme constitué majoritairement de productions racoleuses, immatures et incitant à la violence, et qui a pour pendant une conception tout aussi stéréotypée de son public, supposément jeune, masculin, populaire, assidu mais peu exigeant, reçoit là un démenti flagrant, déjà d’ailleurs perceptible dans les enquêtes empiriques, qui révèlent une réalité beaucoup plus complexe et hétérogène.

 

L’inconnue du gore express 15

Les fictions d’IML, Institut Médico-Légal (autrement dit la morgue), sont un genre en soi : de iZombie à True Calling, en passant par Forever ou Coroner Da Vinci, toute la gamme de l’éprouvante et du terrifiant peut se décliner ; mais le film L’Autopsie de Jane Doe (en VO The Jane Doe Identity/The Autopsy of Jane Doe) d’André Øvredal (2016) 16 relève du film d’horreur « absolue » (récompensé du prix du Jury jeunes au festival de Gérardmer), avec un père et un fils, tous deux légistes (Brian Cox et Emile Hirsch), qui vont scruter un corps dont chaque organe, chaque humeur et même chaque lambeau de peau « dit » ou recèle quelque chose d’effroyable : « Quand on leur amène un cadavre, deux médecins-légistes, un père et son fils, se mettent à pratiquer une autopsie, résume le producteur Eric Garcia. Dès lors, des phénomènes étranges et inquiétants se produisent dans la morgue 17. »

Cet opus réunit à la fois les codes subtils de l’angoisse, les jump scares plus traditionnels et l’exploration, à travers le corps de cette morte magnifique, des liens du père et du fils, malmenés et sacrifiés dans ce huis clos terrifiant. Crime il y a eu, bien entendu, mais sans doute pas quand et où on le croit... La « belle morte 18 » est certes un thème cher au macabre victorien, mais son traitement paroxystique, reliant les gestes nécroptiques au sexocide des sorcières de Salem, réunit ces deux figures du comble que sont la commission d’un crime épouvantable et la vengeance surnaturelle qui en découle, dans une temporalité anxiogène et sans issue, comme le souligne Lauric Guillaud à propos de l’horreur contemporaine : « Sa genèse part des brumes du victorianisme et son renouveau s’affirme dans l’essor actuel du fantastique américain, de tonalité morbide ou apocalyptique 19. »

Inspiré de l’esthétique fincherienne (Seven) et de la trilogie de Roman Polanski (Rosemary’s Baby, Répulsion, Le Locataire), The Jane Doe Autopsy appartient à ce que les anglo-saxons appellent la smart horror ou la quality horror 20 : « L’accent est mis sur l’élaboration plus détournée, moins violente, des représentations de la peur et sur l’attention accordée à la tension plus qu’à la monstration 21. » Jusque-là Øvredal était davantage connu pour son found footage Troll Hunter (2010), mais il illustre dans cet opus remarquable une véritable « pornographie de la mort », pour reprendre la formule frappante de Geoffrey Gorer. On pourrait même penser à ce que les spécialistes nomment le « gorno », mais nous allons bientôt découvrir que si torture porn il y eut bel et bien, la scène se déroula en 1693, et que ce que nous voyons dans le film n’en est que l’ultime conséquence : nous entrons donc dans la catégorie du survival parapsychique horrifique, comme l’expriment ailleurs les travaux de Chloé Delaporte ou Quentin Mazel. L’angoissante étrangeté de cette autopsie, qui en révèle autant sur les légistes que sur le corps qu’ils vont scruter, repose sur une construction en abyme qui informe la visualité de l’ensemble ; la grammaire filmique composite, utilisée par André Øvredal, permet de mettre au jour le motif abrahamique inversé, qui éclaire rétrospectivement l’énigme de Jane Doe.

Si le mal exprime toujours une transgression, l’érection de la terrifiante héroïne par le dispositif filmique va susciter, puis inverser simultanément la relation entre le bourreau et la victime. Jane est en même temps l’un(e) et l’autre, et c’est parce qu’elle fut victime qu’elle est devenue impitoyable pourvoyeuse de mort. C’est pourquoi, même si les expériences spectatorielles de l’horreur ont souvent été abordées de manière abstraite et anhistorique, à l’image de Noël Carroll cherchant à élucider « le paradoxe de l’horreur » (« comment des gens peuvent-ils être attirés par des choses répugnantes ? ») dans son ouvrage classique The Philosophy of Horror (1990) 22, c’est plutôt vers The Pleasures of Horror de Matt Hills (2005) 23, que nous pourrions nous tourner, afin de paramétrer la guidance de notre propre posture face à l’autopsie « archéo-dynamique » qui va se dérouler. Carlo Ginsburg disait que « rien n’est plus édifiant qu’une hypothèse qui s’écroule » ; cette phrase pourrait servir d’exergue à Jane Doe..., car les deux légistes, Tommy et Austin Tilden vont aller de surprises effrayantes en découvertes épouvantables, lorsqu’ils vont se pencher sur l’étrange cadavre, amené un soir banal dans leur petite morgue familiale de Virginie : « L’intrigue s’installe bien à partir d’un événement et d’une situation simplement extraordinaires, visuellement impressionnant livrée sans fioritures 24. »

Notre position de spectateur est immédiatement spéculaire, puisque nous regardons deux personnages en train d’en regarder un troisième ; ils vont aller de la surface vers la profondeur, comme tout légiste, mais aussi comme tout cinéphile pénétrant les intentions cachées d’un film, répondant par là même à la pulsion iconolâtre qui justifie le septième art. N’oublions pas qu’au tout début, Emma, la fiancée d’Austin (le fils de Tommy) souhaite aller au cinéma, sans doute pour y voir une adaptation de Stephen King (The Stand), il est dès lors aisé de dire d’Øvredal ce que Guy Astic pense de King : « À une époque de “défabulation” et d’étouffement de la narration par l’information, le maître du récit d’horreur assume sa propension à ne pas se taire dans ses récits, à faire durer le plaisir d’affabuler pareil à un rhapsode des temps modernes 25. »

Or Emma connaîtra une fin tragique (abattue à la hache par Tommy qui la prend pour une morte-vivante), qui vaut bien en effet tous les films du maître de Bangor. Cet analogon spéculaire renvoie au sens étymologique du terme autopsie : voir par soi-même. C’est pour cela que la construction du film respecte strictement une dramaturgie ternaire fréquente dans les thanatofictions : une courte introduction, un long huis clos horrifique, puis une courte conclusion, échos et reflets de l’incipit, et dont la toute dernière image amorce, exactement comme dans Les Griffes de la nuit, une nouvelle séquence d’épouvante, car le mal se transmet et il semble sans fin.

Devant une œuvre aussi atypique, le forum de Mad Movies constitue un bon exemple d’un entre-soi où se construisent des normes et des valeurs à l’écart des standards dominants. Ces espaces sont vécus comme des lieux d’interprétation collective, ou de recréation collaborative.

Comme nous l’avons signalé au commencement de cette étude, l’histoire se situe entre une nécrofiction d’autopsie classique et une ghost story cauchemardesque. Cette porosité générique se fonde sur de nombreux jump scares, aussi bien sonores que visuels ; s’il fallait donner une préférence, ce serait sans doute le travail des sons qui paraît le plus accompli. L’irruption du surnaturel est tout d’abord indiqué par le changement de station de radio, indépendant de la volonté des deux légistes, qui ne comprennent pas pourquoi d’un seul coup une chanson bizarre résonne dans leur morgue, au lieu de l’émission qu’ils étaient en train d’écouter. C’est le signe d’une perte de contrôle qui va se renforcer au fur et à mesure de l’emprise grandissante du spectre de Jane : canalisations bruyantes, portes qui claquent bien que les deux hommes soient censés être seuls dans ce lieu, enfin (un bruit contextuellement terrifiant alors qu’il pourrait paraître anodin), on entend le son cristallin d’une clochette violemment agitée, pourtant attachée au pied d’un cadavre, couché comme tous les autres dans un des tiroirs réfrigérés de l’Institut Médico-Légal.

Le jump scare sonore le plus cruel réside certainement dans l’illusion du secours apporté par l’équipe du shérif, qui n’est qu’une sorcellerie de plus visant à désespérer Austin encore davantage, au sein d’une tempête qui n’a de toute façon jamais existé. Ces effets auditifs sont toujours accompagnés d’effets visuels, eux-mêmes dosés selon une progression paroxystique, puisque la découverte des tortures subies par la jeune femme contamine bientôt le local tout entier, ressuscitant les autres morts, par exemple, ou faisant couler les flacons de sang dans les glacières.

Rappelons l’intrigue : en 1693, la petite ville de Salem a connu une chasse aux sorcières paranoïaque et sanglante, et la jeune femme que le père et le fils autopsient a été en fait transformée en sorcière post-mortem, par la violence épouvantable des sévices qui lui ont été infligés ; on lui a brisé poignets et chevilles, on lui a coupé la langue, on lui a arraché une dent qu’on l’a forcé à avaler, on l’a poignardée à de nombreuses reprises, on l’a brûlée et, pour la faire souffrir davantage, on lui a fait ingérer une drogue paralysante, de la datura 26, qui a pour conséquence de la maintenir éternellement, désormais, dans une sorte de survie maléfique. Nous comprenons peu à peu qu’elle cherche désespérément quelqu’un qui accepterait de prendre sur lui toutes les souffrances qu’elle a éprouvées, afin de la délivrer de son cauchemar multi séculaire.

C’est là que s’éclairent les premières scènes du film, où nous découvrions avec l’équipe du shérif local une épouvantable tuerie dans une villa voisine du même comté, villa dans la cave de laquelle le corps de Jane Doe a été retrouvé, à demi enterré. Dans la mesure où à la fin du film le même shérif découvre une scène équivalente dans la morgue des Tilden, nous commençons à saisir le processus infernal dont le film nous donne un aperçu glaçant : chaque fois que le corps de Jane est retrouvé et transporté, les gens s’entre-tuent ou se suicident à cause des maléfices qu’elle déploie pour obtenir ce qu’elle veut... une justice réparatrice, une vengeance exemplaire. Personne ne sortira vivant de la morgue d’Austin et de Tommy, ni le père, ni le fils, ni la fiancée tuée par erreur, ni même le chat Stanley dont Austin abrège les souffrances, le retrouvant mystérieusement blessé dans une conduite d’aération. Tout se passe comme si les anciens dieux d’horreur et de prédation revenaient empoisonner le présent, homogénéisant ainsi les champs imaginaires des XVIIe et XXIe siècles.

Mais en termes de grammaire filmique, ne pourrait-on pas également voir dans la langue coupée de Jane une allusion au cinéma muet qui, ne pouvant s’exprimer par des mots, le faisait uniquement par la sorcellerie évocatoire des images ? Ce serait rejoindre encore une fois le propos de Stéphane Cermakian : « Car c’est bien de l’effroi devant ce qui se dérobe à toute représentation dont il est question – ou devant ce qui est représenté dans toute son indécence, son abjection, son obscénité (ob-scénité : hors-scène… et pourtant sur scène, devant les yeux), dans toute sa dimension insoutenable, présence niant la présence, et triomphant dans l’écrasement même d’un mal qui pourrait aller jusqu’à nier sa propre existence 27… »

 

We believe in magic 28

En effet, lorsque les légistes extraient une dent de l’estomac de Jane, ils se rendent compte qu’elle est enveloppée d’un parchemin, sur lequel figurent des paroles du Lévitique concernant l’anéantissement des sorcières ; ce même texte est littéralement gravé à l’intérieur même du corps, dans la chair recouvrant la cage thoracique... Tommy Tilden comprend qu’il lui faudra offrir sa propre vie en échange de celle de son fils, réalisant ainsi l’inversion du sacrifice d’Abraham, car seule la reprise intégrale des supplices infligés à la jeune femme éviterait la mort de toutes les personnes présentes dans la morgue.

Si le corps de Jane est visuellement immaculé et intact, c’est qu’elle cicatrise toujours de l’extérieur vers l’intérieur, autrement dit le sacrifice réparateur a été plusieurs fois initié, mais la violence des souffrances endurées ne permet jamais au processus d’aller jusqu’à son terme. Tommy souffre en effet tellement que son fils doit se résoudre à abréger ses douleurs, relançant ainsi l’éternelle quête de Jane dont le corps avait de fait recommencé à cicatriser ; celle-ci se venge en suscitant des hallucinations macabres, dont l’horreur précipite Austin par-dessus la rambarde de la morgue – chute évidemment mortelle.

L’échange sacrificiel s’est une fois de plus arrêté en chemin, et le shérif qui arrive au petit matin ne peut que contempler avec accablement la nouvelle scène de crime qui s’offre à lui, exact reflet de celle du début. Il confie alors le corps de Jane Doe à la morgue d’un autre comté ; mais dans le fourgon la chanson funeste qui avait marqué l’irruption du surnaturel chez les Tilden retentit de nouveau, signalant que tout continue, et que Jane va poursuivre son œuvre de mort, parce que justement on ne l’a pas laissé vivre : « Bref, autant d’éléments pluralisateurs [...], par l’entremise des récits enchâssés et alternés, des fils narratifs successifs et récurrents, des procédés de polyfocalisation 29. »

Ainsi, nous assistons à une inversion totale des pôles : tout ce qui était vivant est mort (Stanley, Emma, Austin et Tommy) et tout ce qui était mort s’est réanimé (Jane, les autres cadavres dans la morgue, et Tommy lui-même devenu un fantôme) ; on rejoint bien les enjeux que traverse la réception de sous-genres spécifiques (gore, trash, etc.) ou des remakes, suites, reboots, et les lectures « camp » de certaines productions horrifiques 30. En effet, l’opus procède à une reconduction des motifs horrifiques classiques, mais filmés d’une façon telle qu’ils rompent avec la prévisibilité et la régularité des slashers habituels ; c’est pour cela qu’André Øvredal promeut ici une horreur moderne, où l’autopsie s’érige en idéologie du représentable absolu (relayée par la caméra intérieure de la morgue et par les miroirs dispersés dans les couloirs). On pourrait presque parler de « métafilm » qui le met en scène, à l’image de la série des Scream. Bien sûr, comme dans les textes classiques (Mérimée, Maupassant, Stoker, Blackwood, Lovecraft) et contemporains (King, Masterton, Herbert), le mal triomphe toujours à la fin. Ce néo-fantastique « à la Andrevon » fait du cinéma gore une apothéose de la corruption, même s’il met à distance la scène de « torture gore porn », ou même si Øvredal n’appartient pas encore au « splat-pack », tels Rob Zombie, Robert Rodriguez ou Alexandre Aja – justifiant les approches historiquement dominantes des aficionados de l’horreur (philosophie, psychanalyse, phénoménologie, psychologie cognitive), comme explicité par Andrew Tudor 31 ou Martin Barker, documentant les catégories génériques de l’horreur et de ses sous-genres.

Objet devenu fanique, The Autopsy of Jane Doe a vu sa qualité esthétique se stabiliser au fil des échanges critiques en ligne, jusqu’à fédérer une forme de subculture, celle des aca-fans : «Uchronie, dystopie, catastrophe, épouvante, science-fiction ou fantastique constituent alors un corpus d’expérimentations par la négativité des hypothèses propres aux communautés 32. » Tout se passe comme si au « trop morte pour eux » que suscite la première vision, se substituait peu à peu un « pas assez morte », bien plus angoissant encore.

« Ce qui ne peut pas se dire, peut se montrer 33 » : c’est pourquoi il s’est agi, dans cette courte analyse, notamment de déconstruire les préjugés encore tenaces sur ce type de productions et le plaisir qu’elles procurent, en mettant en évidence la multiplicité des lectures et appropriations dont elles peuvent faire l’objet, la complexité des fantasmes qu’elles nourrissent, ainsi que la pluralité des thématiques réunies par « l’arc générique majeur » de l’horreur 34.

 

Remettre du possible dans l’impossible 35

Katarzyna Gadomska avait récemment rappelé que bien que certaines époques et des esthétiques renommées qui leur sont associées (par exemple le classicisme français) aient perçu la culture comme l’expression du bien, de la beauté et de la vérité, de nombreux artistes étaient et sont toujours fascinés par l’horreur – ce qui n’est pas tout à fait la même chose que « l’horrible », terme moins essentialisant et peut-être mieux sémantisé. Car si l’épouvante est un ressenti, l’horreur reste quand même à distance, une forme d’objectivation d’un état de chose, pas forcément celle d’une émotion. Sans doute est-ce par la figure du zombie qu’il faut aborder ce dernier thème.

Le chercheur Mathieu Pierre 36 a particulièrement scruté et réarmé ces notions, en étudiant par exemple la cinquième saison de Supernatural (2010) 37, qui consacre à nouveau à la figure du zombie un épisode entier : « Les Morts-vivants » (« Dead Men don’t wear plaids », saison 5, épisode 15) est ainsi l’occasion de développer un épisode fermé, sur ce thème, bien plus riche que le précédent (saison 2, épisode 4). Au lieu de présenter la traditionnelle « invasion épidémiologique », les morts ici reviennent auprès de leur famille comme s’ils n’avaient jamais quitté notre monde. Ils portent les marques de la mort mais ont conservé tout de leur personnalité et de leurs souvenirs, se réinsérant ainsi naturellement dans leur ancienne vie sous couvert d’un secret qui concerne la ville entière. Les frères Winchester se font ainsi arrêter lorsqu’ils sont sur le point d’abattre un de ces morts revenu à la vie, et pourtant considéré comme un individu lambda de la société humaine. Ce mort a une conscience, ce qui fait finalement de lui un être humain.

Pourtant, dès la deuxième partie de l’épisode, l’effet fantastique se fait ressentir : s’il n’est dangereux pour personne, alors le surnaturel ne serait plus totalement menaçant. Dès lors, la diégèse rejoint le thème de l’infection en donnant à voir chacune de ces créatures souffrir d’une forte fièvre. Ils finissent par perdre conscience et se laissent gagner par une faim insatiable : ils dévorent les vivants, et doivent être éliminés. L’épisode rejoint alors au sein de son déroulement la veine horrifique du mythe du zombie, celle de Romero dans La Nuit des morts-vivants.

Particulièrement apte à déployer différentes créatures et être surnaturels, Being Human US s’est également essayé à côtoyer et à développer sa propre vision du « mort revenu à la vie ». Dans un mouvement quasi similaire à l’épisode de Supernatural, c’est un des personnages principaux, le fantôme Sally, qui est directement concerné(e) par ce changement de statut : réintroduire les facteurs de senescence humaine dans l’arc narratif d’un personnage de fantôme, c’est d’une certaine façon le voir courir vers la mort au même rythme que le déroulement des épisodes, c’est-à-dire, pour le spectateur au même rythme, que son choix de téléchargement.

Lors de la troisième saison, la jeune fille est ressuscitée par la sorcière Donna et ce qui semble tout d’abord être un miracle, une bénédiction pour Sally qui avait été assassinée par un fiancé violent, va finalement se révéler à double tranchant, dans la mesure où si Sally réintègre le récit d’une destinée normale, son vieillissement accéléré ne peut que l’amener à une décision suprême : se sacrifier, à l’issu d’une intrigue compliquée, pour sauver le vampire qu’elle aime, Aidan. Cependant ce sacrifice servira et ne servira pas, puisque Aidan lui-même renonce à l’immortalité et rejoint Sally dans la mort ; un fantôme redevenu charnel, et un vampire qui ne veut plus de cet état réinvestissent ainsi le mythe constructeur des stars cross lovers, ces amants aux étoiles contraires que la sérialisation nous permet de suivre sur toute la durée de leur rencontre, de leur attachement, puis de leur choix ultime de renoncement, comme si la fin des séries correspondait presque toujours à un éveil pacifié à la mort.

L’entropie du vivant fait à la fois la grandeur et la fragilité de ces récits horrifiques et participe grandement à l’empathie que les spectateurs éprouvent alors. On ne peut d’ailleurs que songer à la série britannique In the Flesh qui fait des zombies des êtres profondément blessés, ramenés à la vie mais non pas réinsérés dans une société idéale qui les accepterait, et qui sont contraints, pour être à (grand) peine tolérés, de se maquiller outrageusement et de mettre des lentilles de couleur, leurs prunelles gardant la fixité livide témoignant de leur état de mort-vivant 38. Peu à peu, à l’image du héros, les jeunes zombies se libèrent des contraintes que fait peser sur eux la haine des « simplement vivants », et ils parviennent à une forme de statu quo qui, sans être satisfaisant, laisse cependant supposer une coexistence à peu près supportable.

C’est plus ou moins aussi, dans IZombie 39, l’histoire d’Olivia « Liv » Moore, une étudiante en médecine transformée en zombie à la suite d’une soirée qui a mal tourné. Aujourd’hui, Olivia est médecin légiste, et ce métier lui permet de calmer sa faim en se nourrissant de cerveaux des défunts. Mais, à chaque bouchée, elle hérite des souvenirs de la personne, ainsi que d’une partie des capacités physiques et mentales. Elle décide de se servir de ses nouvelles capacités pour aider le lieutenant Clive Babineaux à résoudre des affaires criminelles : rien de bien nouveau sous le soleil des morts-vivants sympathiques ! Cependant, il existe bel et bien un Zeitgeist des genres populaires liés à l’horreur ; ainsi, ce fantastique-là est dominé par diverses formes de terreur : commençant par un espace maléfique (motif du mauvais endroit, de la maison hantée), à travers des personnages répulsifs (vampires, démons), jusqu’à des arcs narratifs attachés (malédiction, cultes païens, satanisme, cannibalisme). Il est bien sûr conceptuellement léger de symétriser des notions aussi subtilement différentes qu’horreur et terreur – car l’horrible peut ne contenir aucun sentiment de peur, ce qui ne se conçoit pas dans le champ sémantique de « terreur », mais les œuvres évoquées excipent en fait des deux... comme il est patent dans des corpora aussi divers que ceux de Anne Duguël, Yvonne Escoula, Mélanie Fazi, Ananda Devi, Fatou Diome ou Shirley Jackson – pour mettre l’accent sur des auteures, ni plus ni moins « horrifiques » que leurs homologues masculins. Par exemple, dans Lovecraft Country 40, on suit une bande d’aventuriers téméraires, intelligents 41 et résolument courageux : les personnages sont plutôt construits, et le récit ne les délaisse à aucun moment ; sorte d’écosystème culturel choral, la série entend explorer la psyché de chacun d’entre eux, ce qui inspire à Marius Chapuis la remarque suivante : « Même ses temps les plus faibles contiennent toujours une idée, le germe de quelque chose de neuf et bien vu 42. »

 

Horribile visu 43

L’horrible s’insinue toujours sous une autre forme, séduisant, implacable, paralysant, tenant aussi bien du vampirique que du despotique, de l’érotique que de l’exterminateur 44.

 

La réalisatrice Misha Green rend un vibrant hommage au film de genre et construit son univers au travers de plusieurs filtres antagoniques, telle la crudité sexuelle de True Blood, et la joliesse acidulée des voitures, dont une Packard Station Sedan 1948 ! Les inspirations sont nombreuses, d’une épopée à la manière d’Indiana Jones au film de monstres en passant par la science-fiction ; c’est un patchwork d’horreur. Héritière des séries fantastiques comme Les Contes de la crypte ou encore La 4e dimension, Lovecraft Country s’amuse à placer des références plus ou moins évidentes aux œuvres qui ont marqué le fantastique : ainsi, Dracula de Bram Stoker sera cité à de nombreuses reprises. Pourtant, l’hommage en trompe-l’œil à l’œuvre du Maître de Providence est évident, et les références également, même si l’action se déroule dans les années 1950, à une époque où règne encore le « white power », où les Afro-Américains sont rejetés, voire poursuivis et abattus, et où les ghettos sont légion. Rappelons quand même que Lovecraft, malheureux et désargenté, s’étant éteint en 1937, n’a donc connu ni la seconde guerre mondiale, ni les conflits asiatiques, où tout commence ici.

En effet, Atticus Freeman, dit « Tic », rentre de la guerre de Corée (de ce qu’il y a vécu il ne dira rien, car il s’y est passé bien trop de choses horribles qu’on connaitra plus tard) et tente de retrouver son père qui a disparu dans d’étranges circonstances – d’après son oncle un homme du nom de Braithwhite serait venu à sa rencontre et il serait alors reparti avec lui ; le même oncle George 45 a publié un guide pour que les Noirs puissent voyager sans problèmes, et Letitia « Leti » Dandridge, une amie d’enfance, vient compléter le trio en apportant le secret d’un attachement à Tic, sans doute plus profond qu’il n’y paraît. Ils cherchent Ardham, un lieu qui ne figure sur aucune carte, et pour cela ils vont s’aventurer dans un comté qui déteste les « étrangers », surtout lorsqu’ils sont de couleur, bien sûr : « Puis figurent les villes existantes et fantasmées, dont la mythique Providence où Lovecraft situe ses premiers et derniers épisodes du mythe de Cthulhu 46. » Chacun a son équipement zoémique : Tic est marqué par la guerre (il y a rencontré une étrange créature, Ji-Ha), George reste amoureux de sa femme Hippolyta, et « Leti » est rejetée par sa famille, tout en étant engagée dans un combat pour les droits civiques.

Si l’argument de départ appartient aux grands topoï initiaux des quêtes – un fils part à la recherche de son père disparu –, il se transforme rapidement en une histoire fantastique, mettant en exergue des voyages dans le temps, des créatures mythologiques (y compris sino-coréennes) et des moments importants de l’histoire des Noirs américains, tout en maintenant la pulsion d’archivage et de sédimentation qui caractérise aussi d’autres franchises horrifiques. Les métamorphoses vont dans tous les sens : Ruby (demi-sœur de Léti) devient blanche, sous le nom de Hillary, et décide alors de se venger de son patron, Paul, parce qu’il a violenté une jeune employée noire. On découvre aussi que la blonde Christina Braithwhite est en même temps son homme-lige William 47, qui est mort depuis longtemps ; homme et femme (à la blondeur aryenne) dans le même corps, elle permet à Ruby de « changer de peau », littéralement. Ce cinquième épisode est sidérant : quasiment dépecée vivante par la transformation, Ruby jouit un court moment des « privilèges » invisibles accordés aux blancs ; elle va alors agresser sexuellement son patron Paul, en le séduisant, puis en le ligotant et en le sodomisant ensuite à coups de talons aiguille, pour lui faire payer l’abus qu’il a commis jadis.

À cet égard, la culture mainstream n’est d’ailleurs pas minorée, au sein des genres populaires, dans l’exploration de l’horrible car, comme le disait Georges Bataille, « si la littérature s’éloigne du mal, elle devient vite ennuyeuse  48» ; aussi l’atroce se manifeste souvent par la violence, qui peut prendre diverses formes, comme la violence d’un groupe contre d’autres groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux – actualisée sous forme de guerre, de génocide, d’attaques terroristes (comme dans la série Black Earth Rising, de Hugo Blick), en posant sur l’objet du scandale le voile consolant de l’affect doloriste. On notera, avec Matthieu Letourneux et Luce Roudier, que ces productions reposant sur un principe de sérialité diégétisée (séries-collections à personnages récurrents, univers-mondes des genres de l’imaginaire…). Elles posent de façon adjacente la question de l’auctorialité sérielle et, par extension, celle du principe de singularisation en régime sériel 49.

Et si, justement, l’hypothèse de l’horrible s’écroulait de son édification même, édification patiemment construite et véhiculée par les grandes visualités d’épouvante – d’abord américaines, puis internationales ? Pour développer ce point, il nous faudrait recourir à ce que Ludwig Wittgenstein nomme les Lebensformen, les formes vitales de la culture qui nous instruisent, nous enseignent et nous éclairent. Le recours au fantastique dans la série télévisée n’empêche pas les personnages de réagir de manière réaliste et justifiée : c’est peut-être même cela qui permet de donner toute sa profondeur à la métaphore surnaturaliste, et d’établir un ancrage avec le réel, poussant alors le spectateur à s’identifier et à s’impliquer davantage dans l’œuvre. En effet, toute œuvre sérielle (tout récit en somme) se doit de donner à voir des émotions réalistes de la part de ses personnages, par le biais du management des showrunners : et si par œuvres sérielles nous entendons toute création qui met en jeu, dans ses logiques de production ou de réception, un ensemble plus vaste d’œuvres qui lui sont liées et à partir desquelles elle se pense, alors le corpus dit « d’horreur » excipe aussi, fortement, de logiques de programmations contraintes ; plus simplement, on peut quand même affirmer que la certitude du streaming a une incidence sur le processus de création, et sur le fait de « jouer le jeu » des stéréotypes de l’épouvante, tout en constatant que de telles logiques laissent quand même une place aux stratégies de singularisation, ainsi que l’illustrent les choix de Guillermo del Toro pour The Strain ou de Alan Ball pour True Blood.

 

The Gothic has always had links with adolescence 50

Marine Galiné et Yannick Bellanger-Morvan, spécialistes du gothique, rejoignent pleinement les rédacteurs de la revue Alkemie, en particulier Stéphane Cermakian lorsqu’il affirme :

 

Curieux paradoxe que celui de devoir définir l’horrible avec l’outil qu’il dépasse infiniment ; dire avec le langage ce qui broie irrépressiblement sa possibilité. Ainsi, l’horrible serait la défaite de ce langage, sa déconstruction, ou encore l’impossibilité même d’une construction. L’emploi même de l’adjectif confine l’expérience de l’horrible à la marge, à ce qui caractérise un objet avant de s’éclipser de façon fuyante, hors de toute substance, hors du substantif… À moins de convoquer l’horreur et de lui donner l’allure d’un thème en bonne et due forme, commode, étiquetable et rassurant, certes non pas hors-sujet (si ce n’est dans sa façon d’expulser le sujet hors de lui-même comme un phagocyte), mais ne se hissant pas encore au seuil de l’irreprésentable  51.

 

C’est pourquoi cet « irreprésentable » est représenté quand même : c’est une chose de voir Irréversible (Gaspar Noë) chez soi, avec possibilité d’accélérer, d’interrompre, de ralentir... et c’en est une autre de le voir au cinéma, « captif » de l’image et livré aux affects violents véhiculés par la force du film.

L’enthousiasme critique pour le renouveau fantastique français, y compris dans ses produits de niche, est attesté par ailleurs, et entre en syntonie avec le distanciel « téléchargé » récemment plébiscité : « La prochaine Nouvelle Vague française sera-t-elle fantastique ? Après des décennies à ramer sous le regard dédaigneux d’une certaine doxa cinéphile, un cinéma de genre hexagonal commence à voir le jour 52. » On pourrait dire que ce qui émerge surtout, dans ce renouveau thématologique et factuel, ce sont les zones grises, celles où nous ne cessons de négocier entre les forces obscures de notre psyché et l’aspiration tout aussi profonde à la restauration d’une harmonie collectivement vivable. Le streaming atomise le visionnage en autant de configurations individuelles autonomes, alors que la projection cinématographique classique oblige au moins à un respect des lieux et des horaires ! L’horreur non partagée (ou dans un cadre privé) fait de chaque utilisateur une conscience solipsiste, confrontée à une forme de brutalisation éventuelle d’une image affectante (sans le « matelas » réconfortant de la collectivité éphémère d’une salle de cinéma) ; cependant, la longue habitude prise par la consommation des séries, y compris par le binge watching, a naturalisé la pratique solitaire de l’horreur, soutenue par le morcellement épisodique, même si nous dépassons maintenant les ellipses jadis obligées par la semainisation feuilletonnante. On rejoint ainsi la réflexion de Guy Astic, pour qui « survient alors un effacement des stéréotypes véhiculés par un genre au profit des stéréotypes engendrés par une pratique médiatique ; précisément nous ne sommes plus dans le cliché de la littérature ou du film d’épouvante, qui désigne le récit d’horreur comme un jeu  53. »

 

Séries conseillées

American Horror Story (Ryan Murphy et Brad Falchuk, FX, 2011-)

Being Human (Toby Whithouse, version britannique : BBC3, 2008-2013; Toby Whithouse, version américaine : SyFy, 2011-2014)

Bitten (Daegan Fryklind , Syfy, 2014-2016)

Chambers (Leah Rachel et Akela Cooper, Netflix, 2019-)

Chilling Adventures of Sabrina (Roberto Aguirre-Sacasa, Netflix, 2018-)

Haunting of Hill House (The) (Mike Flannagan, Netflix, 2018-)

NOS4A2 (Jami O’Brien, Amazon Prime, 2019-)

Order (The) (Shelley Eriksen et Dennis Heaton, Netflix, 2019-)

Series of Unfortunate Events (A) (Mark Hudis et Barry Sonnenfeld , Netflix, 2017-2019)

Shadowhunters (Ed Decter, ABC & Netflix, 2016-2019)

Stranger Things (Matt et Ross Duffer, Netflix, 2016-)

True Blood (Alan Ball, HBO, 2008-2014)

Vampire Diaries (The) (Julie Plec et Kevin Williamson, The CW, 2009-2017)

 

  1.  Expression empruntée à Matthieu Letourneux, Lumière sur le noir. Décoder le polar, Paris, Presses universitaires de Paris-Nanterre, 2014.
  2.  Stéphane Cermakian, appel à contribution pour le numéro 28 de la revue Alkemie, consacré à la notion d’horrible, 01/06/2021, https://www.fabula.org/actualites/revue-alkemie-n-28-l-horrible_99839.php. Stéphane Cermakian a publié Poétique de l’exil chez Garnier, en 2021.
  3.  Sandra Laugier, Nos vies en série, Paris, Flammarion, « Climats », 2019.
  4.  Caroline Besse, Mathilde Blottière, « Les Cinq Fantastiques », Télérama, n° 3727, 15/06/2021, p. 16-20, p. 17, ou https://www.telerama.fr/cinema/la-nuee-teddy...-la-belle-percee-du-cinema-fantastique-made-in-france-6899277.php
  5. https://www.en-attendant-nadeau.fr/2017/11/21/brule-conrad/ Yannick Hanel, Ce qui me brûle en lisant Conrad, novembre 2017.
  6.   Brad Falchuk, Ryan Murphy, American Horror Story, © FX, depuis 2011.
  7.  Anne Dessuant, « La Maison de la mort », Télérama, n °3709, 10/02/2021, p. 47.
  8.  La 28e édition du Festival international du film fantastique (2021) était présidé par Bertrand Bonello.
  9.  Léo Soesanto, « L’Éclate fantastique », Libération, 06-07/02/2021, p. 28.
  10.  Jacques Morice, « La Nuée », Télérama, n° 3727, 15/06/2021, p. 46.
  11. Brad Falchuk, Ryan Murphy, American Horror Story : Murder House © FX, 2011.
  12. Mathieu Pierre, De la sérialité à la série télévisée fantastique : enjeux et réappropriation d’un genre, thèse sous la direction de Giusy Pisano, Sorbonne Paris Cité, 2016, p. 366 et suivantes.
  13. Christian Chelebourg, Le Surnaturel. Poétique et écriture, Paris, Armand Colin, 2006, p. 171.
  14. Toby Whithouse, Being Human, © SyFy, 2011-2014.
  15.  Olivier Lamm, « L’Inconnue du gore express », Libération, 30/05/2017. Il s’agit d’une critique du film The Jane Doe Identity, d’André Øvredal.
  16. André Øvredal, The Jane Doe Identity (The Autopsy of Jane Doe), © 42, IM Global, Impostor Pictures, 2016, 86 min.
  17.  Caroline Vié, « “The Jane Doe Identity” :  Stephen King conseille de ne pas voir le film tout seul », 31/05/2017, https://www.20minutes.fr/cinema/2076947-20170531-the-jane-doe-identity-stephen-king-conseille-voir-film-tout-seul.
  18.  La critique a particulièrement salué la performance d’Olwen Catherine Kelly, qui est restée immobile pendant des heures pour incarner « Jane Doe ».
  19.  Lauric Guillaud, « Détectives de l’étrange », p. 498-502, in Claude Mesplède (dir.), Dictionnaire des littératures policières, Nantes, Joseph K., 2003, t. 2, p. 502.
  20.   On pense à Mark Jancovich, « “A Real Shocker” : Authenticity, genre and the struggle for distinction », Continuum. Journal of Media & Cultural Studies, vol. 14, n° 1, 2000, p. 23-35, ou à Thomas Austin, Hollywood Hype and Audiences : Selling and Watching Popular Film in the 1990s, Manchester University Press, 2002.
  21.  Guy Astic, « Stephen King : De la fiction littéraire à la mini-série TV », p. 545-560, in Jacques Migozzi (dir.), De l’écrit à l’écran, PULIM, 2000, p. 547.
  22. Noël Carroll, The Philosophy of Horror, or Paradoxes of the Heart, New York, Routledge, 1990.
  23. Matt Hills, The Pleasures of Horror, London-New York, Continuum, 2005.
  24.  Guy Astic, « Stephen King : De la fiction littéraire à la mini-série TV », op.cit., p. 551.
  25.  Ibid., p. 548.
  26.  Cette plante n’existant que dans le nord des États-Unis, les légistes virginiens comprennent que le corps vient de loin !
  27. Stéphane Cermakian, appel à contribution pour le numéro 28 de la revue Alkemie, op. cit.
  28.  Cet intertitre, tout comme « Take back the narrative ! », est emprunté à d’Anne Besson, Pouvoirs de lenchantement, Paris, Vendémiaire, 2021.
  29.  Guy Astic, « Stephen King : De la fiction littéraire à la mini-série TV », op. cit., p. 552.
  30.  On peut référer à Ernest Mathijs, « Bad Reputations : The Reception of “Trash” Cinema », Screen, vol. 46, n° 4, 2005, p. 451-472, ou à Mark Jancovich, « “Two Ways of Looking” : The Critical Reception of 1940s Horror », Cinema Journal, vol. 49, n° 3, 2010, p. 46-66.
  31.  Andrew Tudor, « Why horror ? The peculiar pleasures of a popular genre », Cultural Studies, n° 11, 1997, p. 443-463.
  32.  Denis Mellier, « De la simplification », p. 405-424, in Patrick Marot (dir.), Frontières et limites de la littérature fantastique, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2020, p. 414.
  33.  Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Pierre Klossowski (trad.), Paris, Gallimard, « Tel », [1921] 1961, p. 47.
  34.  Par exemple, chez Rhona J. Berenstein, Attack of the Leading Ladies : Gender, Sexuality and Spectatorship in Classic Horror Cinema, New York, Columbia University Press, 1996, ou chez Brigid Cherry, « Refusing to Refuse to Look : Female Viewers of the Horror Film », p. 218-203, in Richard Maltby, Melvyn Stokes (dir.), Identifying Hollywood Audiences, London, BFI, 1999.
  35.  C’est à Timothée de Fombelle que nous empruntons cet intertitre (Timothée de Fombelle, Le Livre de Perle, Gallimard, 2014, p. 276).
  36.  Mathieu Pierre, De la sérialité à la série télévisée fantastique : enjeux et réappropriation d’un genre, op. cit.
  37. Eric Kripke, Supernatural © Warner Bros Television, 2005-2020.
  38.  Dominic Mitchell, In the Flesh, © BBC Three, 2013-2014.
  39.  Diane Ruggiero-Wright, Rob Thomas, IZombie, © Spondoolie Productions, Vertigo, DC Entertainment, Warner Bros. Television, 2015-2019, d’après Chris Roberson, Mike Allred, IZombie, © DC Comics, Vertigo, 2010.
  40.  Misha Green, Lovecraft Country, © HBO, 2020.
  41.  Le fait pour les deux héros de s’appeler « Freeman » et non « Black » comme dans la version originale accentue peut-être la ressemblance avec la pensée anglaise, qui dans une pièce médiévale appelée « Everyman » (composée dans les années 1490 par un auteur anonyme) évoque le genre des Moralités et représente le chemin que doit parcourir un homme, c’est-à-dire tous les hommes, pour retrouver le respect des valeurs chrétiennes avant de mourir.
  42.  Marius Chapuis, « Lovecraft Country, peur blanche », Libération, 04/09/2020, https://www.liberation.fr/images/2020/09/04/serie-lovecraft-country-peur-blanche_1798588/.
  43.  La triple redite du mot « Horror ! Horror ! Horror ! » qui ponctue la nouvelle de Conrad Au cœur des ténèbres [1899] se retrouve à l’identique dans le roman de Gaston Leroux, Le Fantôme de l’Opéra (1910), et souligne l’effroi de Christine Daaé qui, ayant arraché le masque de son geôlier, découvre que son visage est en fait une « tête de mort ».
  44. Stéphane Cermakian, appel à contribution pour le numéro 28 de la revue Alkemie, op. cit.
  45.  On comprendra peu à peu qu’il a aimé Dora, la mère de Tic ; et au vu des révélations concernant Montrose Freeman, son frère, il est clair qu’il pense être le père de son... neveu.
  46.  Valérie Tritter, « Lovecraft », p. 547-557, in Valérie Tritter (dir.), Encyclopédie du fantastique, Paris, Ellipses, 2010, p. 551.
  47.  Comment ne pas évoquer l’étrange « doublette » qui faisait d’un homme (Ben) et d’une femme-déesse (Gloria) le même être, dans la cinquième saison de Buffy ? C’est sous la forme simplement humaine, celle de Ben, que Giles liquida Gloria en étranglant son apparence masculine.
  48. Interview de George Bataille par Pierre Dumayet, La littérature et le Mal, le 21/5/1958, https://www.facebook.com/watch/?v=284679902500197
  49.  Matthieu Letourneux, Luce Roudier, « Écrire à la chaîne. Génétique des productions sérielles », appel pour Genesis, n° 54, 30/04/2020, https://www.fabula.org/actualites/ecrire-la-chainegenetique-des-productions-seriellesgenesis-n-54_95304.php.
  50.  Glennis Byron, Sharon Deans, « Teen Gothic », p. 87-103, in Jerrold E. Hogle (dir.), The Cambridge Companion to the Modern Gothic, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, p. 87.
  51. Stéphane Cermakian, appel à contribution pour le numéro 28 de la revue Alkemie, op. cit.
  52.  Caroline Besse, Mathilde Blottière, « “La Nuée”, “Teddy”... : la belle percée du cinéma fantastique made in France », Télérama, 15/06/2021, https://www.telerama.fr/cinema/la-nuee-teddy...-la-belle-percee-du-cinema-fantastique-made-in-france-6899277.php.
  53.  Guy Astic, « Stephen King : De la fiction littéraire à la mini-série TV », op. cit., p. 556.