Raconter l’inceste dans quatre albums de jeunesse francophones : enjeux poétiques et éthiques

Raconter l’inceste dans quatre albums de jeunesse francophones : enjeux poétiques et éthiques

Par MARPEAU Anne-Claire

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En 1998 paraît Petit Doux n’a pas peur, un classique de la littérature enfantine, aux Éditions de La Martinière jeunesse. En 2021, c’est Le Loup de Mai Lan Chapiron qui est publié chez le même éditeur. Les deux albums ont un thème commun, celui de l’inceste, traité de manière similaire dans la mesure où il est raconté du point de vue de l’enfant victime. Au cours des deux décennies qui séparent ces textes sont parus un certain nombre d’albums et d’ouvrages de prévention abordant le sujet des violences sexuelles à l’égard des enfants 1, et plus particulièrement dans la dernière décennie 2. Entre 2018 et 2020, trois ouvrages sur la prévention des violences sexuelles faites aux enfants sont ainsi publiés ou republiés en France 3, la prise de conscience collective suscitée par le mouvement #MeToo ayant sans doute joué dans une volonté éditoriale d’aborder le sujet des violences sexuelles à l’égard des catégories de population vulnérables. Mais c’est surtout la publication du récit de La Familia Grande de Camille Kouchner en 2021 qui semble avoir favorisé une volonté de « sortir du silence » dans le monde occidental francophone, pour reprendre le mot d’ordre d’une campagne nationale lancée peu après 4, et d’aborder publiquement la question de l’inceste, du point de vue des victimes.

La (re)publication de nos quatre albums Petit doux n’a pas peur de Marie Wabbes (1998), Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte ! de Thierry Lenain et Stéphanie Poulin (1999), La Princesse sans bouche de Florence Dutruc-Rosset et Julie Rouvière (2020) et Le Loup de Mai Lan Chapiron (2021) 5, dont trois sont publiés dans des maisons d’éditions françaises et un dans une maison d’édition québécoise 6, est ainsi à inscrire dans un paysage éditorial et social spécifique. Ces ouvrages qui abordent un sujet que l’on qualifie couramment de « tabou » témoignent d’une évolution des mentalités et du droit français, belge et canadien sur le sujet et ils s’inscrivent dans un mouvement que Nathalie Prince appelle un « nouvel âge d’or de la littérature de jeunesse », qu’elle situe entre 1970 et 2020 7.

Ainsi, les représentations de l’inceste en France, en particulier le tabou de l’inceste, « résulte[nt] d’une construction sociale qui trouve son aboutissement […] à la fin du XIXe siècle 8 ». Crime sans nom dans l’espace public et judiciaire français depuis le XIXe siècle 9, l’inceste ne fait l’objet d’une très lente levée du silence et d’une écoute de la parole des victimes que depuis les années 1980 10. Cette évolution se manifeste dans les modifications du droit français, puisque le mot « inceste » est réintroduit sous sa forme adjectivale dans le code pénal de 2016 après sa disparition en 1791. Par ailleurs, « la loi du 21 avril 2021, qui prévoit en cas d’inceste qu’aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement d’un enfant s’il a moins de 18 ans, sembl[e] ouvrir la voie à une reconsidération de la parole des mineurs dans notre société 11 ». Les relations de parenté et d’autorité définissant le viol incestueux ont également été précisées et élargies 12. Une évolution similaire se constate dans le droit belge, où l’inceste est inscrit dans le code pénal belge depuis 1er juin 2022, assorti d’une présomption de non consentement de toutes les personnes mineures. Dans ces deux pays, le crime d’inceste concerne uniquement des relations à caractère sexuel entre majeurs et mineurs. Au Canada, le droit a en revanche pris en compte le crime d’inceste beaucoup plus tôt et selon une définition plus large : l’inceste apparaît dans le Code criminel depuis 1985 et il y est défini sans critère d’âge. L’âge joue dans la détermination de la peine et dès 2008, l’âge du consentement en cas d’inceste est fixé à 18 ans. Le Canada a aussi la particularité d’avoir levé la prescription pour les victimes d’inceste et mis en place des programmes d’aide aux victimes plus tôt qu’en France et en Belgique. En outre, le développement de la littérature de jeunesse dans le monde francophone aboutit aujourd’hui à ce que Nathalie Prince appelle un « âge d’or », à travers des productions de plus en plus nombreuses, dont certaines repoussent les frontières de ce qu’il est loisible d’aborder avec et pour son lectorat. À ce titre, Nathalie Prince observe qu’« [u]ne tendance de la littérature de jeunesse semble s’être libérée des limites morales au point de soulever en permanence les limites du dicible et de l’indicible13 ». Si la littérature de jeunesse répond à une double fonction pédagogique et ludique, certaines de ses productions semblent donc par ailleurs répondre à un objectif de soin, qui consiste paradoxalement à « montrer le monde tel qu’il est 14 » sans en occulter la violence et à dire ce qui semble indicible pour prévenir et soigner. Ainsi, « les albums eux aussi réservent parfois aux petites mains qui les ouvrent un esthétisme violent, parfois outrancier, démesurément coloré ou avec des images qui soulèvent le dégoût, l’indignation, la peur, la colère, pour soulever des tabous, pour que les enfants sachent… 15 ».

Le thème de l’inceste et son traitement dans les albums que je me propose d’étudier font donc partie de cette entreprise de dévoilement. Cette dernière s’élabore selon la poétique spécifique de l’album, face à la gageure qui consiste à traiter le thème de la violence sexuelle intra-familiale sans violenter le lectorat. Les quatre ouvrages exploitent ainsi la double lecture du texte et de l’image de l’album de jeunesse pour représenter ces violences, mêlant dimension pédagogique du propos et choix esthétiques qui oscillent entre explicitation et métaphorisation. J’émets l’hypothèse que cette poétique du « raconter » sans « dire » fait toutefois l’objet d’une explicitation progressive de l’inceste, l’album le plus contemporain proposant ainsi de « qualifier » la chose par le mot. La réception programmée de ces ouvrages n’est alors pas seulement basée sur une identification affective à l’enfant mais sur une injonction éthique à accompagner l’enfant victime pour l’adulte médiateur.

 

1. « Raconter » sans « dire » la violence de l’inceste : variations de la poétique de l’album

1.1. Schémas narratifs et parcours cathartiques : l’inceste au cœur des intrigues

Les quatre ouvrages proposent un parcours de lecture basé sur un schéma narratif et actanciel simple reposant sur une seule intrigue. Le héros ou l’héroïne y est un personnage enfantin dont la quête est centrée sur l’expérience de l’inceste et sa résolution et qui puise dans des ressources intérieures et extérieures pour s’en sortir. Comme le repèrent Kathy Similowski et Cendrine Waszak, on observe toutefois des variations du schéma narratif dans les albums et ouvrages de préventions qui abordent le thème des violences sexuelles envers les enfants 16. Ainsi, l’élément perturbateur dans ces récits est soit l’agression sexuelle, par exemple dans Petit doux n’a pas peur et La Princesse sans bouche, soit la décision du protagoniste de dire « non » dans Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte ! et Le Loup. Dans le premier cas, l’accent est mis sur les conséquences de l’agression et les émotions complexes que traverse le protagoniste avant de parvenir à un dénouement heureux. Dans le deuxième cas, l’accent est mis sur l’action qui consiste à dire « non » et les efforts du protagoniste pour faire entendre ce non. Les récits insistent donc sur divers aspects de l’expérience de l’inceste, mais tous reprennent les étapes suivantes : une agression intra-familiale suivie des efforts fructueux du héros ou de l’héroïne pour faire cesser l’agression et ses conséquences.

Si chaque récit offre donc une lecture cathartique et exemplaire, qui mène à un dénouement apaisé, la violence de l’agression sexuelle est pourtant rapportée avec une intensité variable, notamment parce qu’elle occupe une place plus ou moins importante dans les albums. Ainsi, dans La Princesse sans bouche, l’agression sexuelle est racontée sur une page. Dans Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, elle est racontée sur une double page. Dans Le Loup, elle est racontée sur quatre doubles pages et dans Petit Doux n’a pas peur, six doubles pages sur les douze de l’album sont consacrées à l’agression sexuelle. Petit Doux n’a pas peur propose d’ailleurs une lecture particulièrement cathartique puisque la narration repose sur une chute finale, les actions du loup agresseur longuement racontées étant directement suivies d’une dernière double page dont le texte, construit sur une asyndète, donne son titre à l’album (illustration 1) : « Petit Doux n’a pas peur. / Il va dire à tout le monde que Gros Loup est méchant avec les petits enfants. / Gros Loup sera puni 17. » Le futur simple de la dernière phrase produit un effet de certitude et résonne à la fin de la lecture, qui se conclut donc sur un retournement soudain en faveur du héros.

Ainsi, entre poétique commune et variations, les auteur·rices-illustrateur·ices de ces albums semblent puiser dans les ressources traditionnelles de la littérature de jeunesse pour raconter la violence de l’inceste sans la dire. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne les caractérisations des personnages, et notamment le bestiaire auxquels ils ont recours.

 

1.2. Loups et bêtes : des métaphores de la prédation sexuelle

Pour raconter l’inceste, les auteur·rices-illustrateur·ices exploitent tous et toutes une dimension spécifique de la littérature de jeunesse, qui, comme le remarque Nathalie Prince, est « une littérature qui en soi, et notamment quant à ses personnages, se fonde sur une prépoétique, une archipoétique ou une archisémantique de la littérature, dans laquelle le bestiaire tient une place déterminante  18». L’intertexte du conte de fée est à ce titre présent dans trois des albums étudiés et il sert de support à la représentation de la violence incestueuse. Ainsi, La Princesse sans bouche qui raconte le parcours de résilience d’une princesse agressée par le roi son père, fait directement écho à Peau d’Âne, comme le rappelle d’ailleurs la quatrième de couverture de l’album 19. Le loup est par ailleurs une figure importante dans ces albums, l’animal étant celui choisi par Marie Wabbes et Mai Lan Chapiron pour représenter le personnage du prédateur sexuel. Or, l’intertexte des récits et légendes traditionnels, et notamment du Petit Chaperon Rouge, fait du loup un animal « sursignifiant 20 ». Personnage incarnant traditionnellement l’agressivité et la violence bestiale Congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), 2010.">21, le loup « qui priv[é], complaisant[t] et doux/ Sui[t] les jeunes demoiselles/ Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles 22 » est aussi depuis le conte de Perrault associé dans la tradition française à une sexualité prédatrice qui sévit dans l’espace privé 23. L’anthropomorphisation du personnage du loup est alors particulièrement symbolique dans le cas du récit d’inceste, puisqu’elle fait de l’agresseur « un homme comme les autres 24 » : ce personnage ambivalent, animal et humain à la fois, représente l’ambiguïté de l’adulte prédateur appartenant à la famille et la difficulté du conflit psychique de l’enfant face à l’inceste. Puisque le loup vit « là, dans la famille » de Miette, l’héroïne du Loup 25, puisqu’il est Gros loup, « l’ami » de Petit Doux 26, le personnage enfantin ne peut réconcilier l’expérience de l’agression avec celle de l’amour. La conclusion du Loup rétablit d’ailleurs de manière claire la partition entre l’homme et l’animal : « Les loups, ça vit dans les forêts, pas dans les maisons27 ! » L’exploitation d’un bestiaire permet donc de symboliser la relation entre l’adulte prédateur et l’enfant proie. Dans Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, les personnages sont humains mais Tatie Jacotte qui « mord » et « essaie d’aspirer [le] sang 28 » de l’héroïne apparaît comme un personnage aux dents visibles et aux mains crochues, toujours flanqué de deux molosses, à la croisée du vampire et de la bête (illustration 2).

Dans La Princesse sans bouche, les personnages sont aussi humains mais la bestialité du personnage du roi est signalée par l’illustration, qui représente le roi agresseur sous la forme d’une ombre au pelage noir et hérissé (illustration 3).

Face à ces prédateurs, le héros est un enfant contemporain ou sa métaphore, caractérisé par son âge et sa relative vulnérabilité. Petit Doux est ainsi un ours en peluche, « tout petit, tout mignon » et « presque encore un bébé 29 ». Dans La Princesse sans bouche, le personnage enfantin se dédouble, puisque le parcours de résilience de l’héroïne passe par le soin qu’elle apporte à une biche blessée par un chasseur. Alter-ego de la princesse, la biche incarne l’auto-guérison : « Quand la princesse prend soin de la biche avec amour, c’est comme si elle prenait soin de sa propre blessure », explique la double page finale de l’album sur les personnages du conte 30. Les quatre albums s’appuient donc tous sur un intertexte riche et symbolique pour raconter l’inceste, et ce d’autant plus que le bestiaire de la tradition littéraire enfantine est une ressource visuelle intéressante pour le genre de l’album, qui est autant graphique que textuel. C’est d’ailleurs surtout par l’image que se racontent l’agression et la violence sexuelle dans ces ouvrages.

 

1.3. L’image pour raconter la violence sexuelle

Face à la gageure que représente pour la littérature de jeunesse le fait d’aborder la violence sexuelle sans violenter son lectorat, le choix de l’album n’est pas anodin. Dans la poétique contemporaine de l’album 31, l’image n’est pas seulement subordonnée au texte qu’elle illustre mais elle la dépasse : elle peut « dire plus 32 ». Ainsi, les ouvrages étudiés reposent sur une double narration visuelle et textuelle dans laquelle l’image joue un rôle central pour raconter la violence physique et psychique de l’inceste sans la dire. L’ambivalence du personnage prédateur peut par exemple être représentée par l’image, surtout pour un enfant-lecteur à qui le texte ne suffirait pas pour comprendre cette problématique. Dans La Princesse sans bouche, le motif du miroir sert à montrer un roi pervers, le reflet du bel homme prenant la forme d’un double sombre qui préfigure l’ombre bestiale qui agresse la princesse à la double page suivante. Le texte explicite cette ambivalence : « Il avait beau porter une couronne dorée, il n’avait dans la tête que de terribles pensées… 33 ». Dans Le Loup, le corps de l’agresseur est humain mais il possède une queue et des oreilles que seule Miette, l’héroïne, peut voir, et qui sont dessinées.

C’est également par l’utilisation du support de l’album, et de la spatialisation spécifique à ce support, que la violence est racontée. L’album relève en effet d’« un rapport privilégié à l’espace de la double page : pas de cloisonnement par page, pas ou rarement de tabularité et, face à un texte relativement court, des images relativement grandes 34 ». C’est le cas dans les quatre ouvrages étudiés puisque la scène de l’agression y est représentée sur une double page et que l’effet produit s’appuie sur la logique spatiale de la lecture de gauche à droite : trois albums représentent ainsi l’agresseur s’avançant depuis la page de gauche et s’imposant au héros ou à l’héroïne, qui, placé·e dans le coin droit de l’ouvrage, apparaît comme dominé·e et piégé·e dans l’espace même de la page. Ce procédé graphique est ainsi très clair dans Le Loup (illustration 4).

Dans Petit Doux n’a pas peur, cette utilisation de l’espace horizontal de la page pour signaler la violence de l’agression est redoublée d’une utilisation de son espace vertical : de page en page, Gros loup prend de plus en plus de place et écrase l’ourson qui finit par disparaître sous l’animal dans la scène de l’agression sexuelle. C’est d’ailleurs en réalité toute la matérialité graphique de l’image auxquels les auteur·rices-illustrateur·ices ont recours pour raconter la violence, et en particulier la sémantique des couleurs. Dans Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, le noir, le blanc et le brun sont les couleurs de l’univers de Tatie Jacotte et s’opposent à la diversité des couleurs vives qui caractérisent l’école et de la maison familiale. Dans Petit Doux n’a pas peur, le travail des couleurs et particulièrement signifiant, puisque les doubles pages initiales et finales qui montrent un Petit Doux heureux et sauf présentent un fond rouge vif et lumineux. Au fur et à mesure du récit de l’agression, le rouge s’efface, devenant de plus en plus clair et occupant de moins en moins de place, alors que les couleurs sombres, le gris, puis le noir envahissent l’album. Ainsi, face à la nécessité de raconter la violence de l’inceste sans violenter leur lectorat, les auteur·ices-illustrateur·ices des albums de jeunesse étudiés privilégient un travail particulièrement poussé de l’image, qui en dit souvent plus que le texte. Mais par un souci d’explicitation de l’agression sexuelle, les albums les plus contemporains semblent traduire une volonté de mettre en mots l’inceste et d’en briser le tabou, représentative de l’évolution contemporaine de la parole publique sur le sujet.

 

2. De la métaphore à l’explicite : une évolution des représentations de l’inceste ?

2.1. Présenter la violence intra-familiale : de la connotation à la dénotation

Si la violence intra-familiale est représentée dans tous les albums, elle l’est de manière diversifiée. Ainsi, on peut opérer à la suite Kathy Similowski et Cendrine Waszak une distinction entre « caractérisation » et « qualification » du crime d’inceste dans ces ouvrages destinés à la jeunesse 35. Cette distinction se traduit en termes littéraires par une pratique de la connotation et de la dénotation, l’inceste n’étant pas toujours qualifié comme tel. Les albums les plus anciens optent pour une stratégie de caractérisation par connotation, au sens où la dimension sexuelle et incestueuse de l’agression sexuelle est présentée de manière indirecte. Gros Loup est un « ami » de Petit Doux, et rien ne semble le qualifier comme appartenant à la famille. Mais c’est par connotation textuelle et visuelle que ce sens apparaît, Petit Doux étant qualifié de « presque encore un bébé 36 » et représenté au milieu de jeux enfantins, sur un tapis ou dans un jardin, autant de connotations de l’espace familial. Les agressions sexuelles que subit Petit Doux sont aussi caractérisées par connotation : Gros Loup veut le faire « jouer avec son long nez poilu », il « devient sauvage » et « grogne » et il « écrase » Petit Doux 37. La double lecture de l’album de jeunesse fonctionne ici pleinement : l’adulte comprend et peut nommer ce que l’enfant ne nomme pas encore, mais qui apparaît bien comme une violence physique non consentie. Il faut alors souligner le caractère étonnant de Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, dans la mesure où le personnage de l’agresseur est qualifié de « tatie », un personnage féminin et familial, ce qui correspond à une situation incestueuse que très peu d’albums ou ouvrages de prévention n’évoquent. On peut y voir peut-être le signe du caractère précurseur des politiques publiques canadiennes en matière de prévention de l’inceste. Cependant, le récit précise que le personnage de Tatie Jacotte n’est pas vraiment « la tante » de l’héroïne, qui oppose cette figure féminine et ses baisers vampirisants aux « bisous d’amour » de sa mamie 38. L’inceste est encore une fois représenté par connotation ici.

En revanche, les deux albums les plus récents proposent une qualification beaucoup plus claire du crime d’inceste, même si l’usage de la connotation reste présent. Dans La Princesse sans bouche, le personnage de l’agresseur est le père de la princesse qui la « touch[e] comme si elle était sa femme39 ». L’agression sexuelle est par ailleurs redoublée par la métaphore du chasseur qui, armé de son fusil, blesse la biche que la princesse va soigner. Mais c’est dans Le Loup, présenté comme « un album pour briser le tabou de l’inceste » que le crime est qualifié comme tel : si le personnage du loup fait partie de la famille sans que l’on sache clairement quel est son lien de parenté avec Miette, un personnage adulte explique à la petite fille « que le loup n’a pas le droit de faire ces caresses, ça s’appelle l’inceste, c’est une agression et c’est interdit par la loi 40 ». Ce traitement lexical paraît inédit dans des albums de jeunesse. On peut faire l’hypothèse qu’il témoigne d’une évolution du traitement du thème dans l’espace public en général et dans la littérature destinée à la jeunesse en particulier. C’est par ailleurs l’inscription du droit dans les textes qui marque ce changement.

 

2.2. Morale et droit : deux registres pour évoquer et prévenir l’inceste

Dans les albums, deux registres servent à parler de l’inceste, celui de la morale et celui du droit. Le premier est présenté comme le registre de l’enfant. Un lexique axiologique dans lequel on entend la voix des protagonistes agressés sert ainsi à qualifier l’agression et l’agresseur. Petit Doux trouve que Gros Loup est « méchant » et qu’« il exagère 41 ». Tatie Jacotte « dégoûte » l’héroïne de Touche Pas à mon corps, Tatie Jacotte ! 42 et Miette « ne comprend pas bien » les caresses du loup, elle « n’est pas à l’aise », elle « trouve ça bizarre 43 ». C’est aussi le registre moral qui sert à qualifier en partie les actions du roi qui a de « terribles pensées » et qui n’est « pas gentil 44 » dans La Princesse sans bouche. En revanche, le registre du droit émerge de voix adultes, qu’il s’agisse de celle de la narratrice dans La Princesse sans bouche, qui précise que le roi touche la princesse comme « aucun papa n’a le droit » et que ceci « est interdit à tous les papas de la Terre », ou de celle des adultes de la fiction, comme « la dame » qui vient à l’école et grâce à qui l’héroïne de Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte ! peut penser : « Mon corps est mon corps, ça veut dire que personne n’a le droit de me faire un bisou ou une caresse si je ne suis pas d’accord 45. » À ce titre, le récit de Mai Lan Chapiron propose un parcours narratif du registre de la morale à celui de la justice : en nommant l’agression comme un « inceste », en rappelant la loi, l’adulte qui reçoit la confession de Miette la fait accéder au but de sa quête. C’est par cet acte qu’elle montre à Miette que l’agression va faire l’objet d’une prise en charge. Par une sorte de mise en abyme, la fonction éducative et thérapeutique de la littérature de jeunesse au sujet de l’inceste est d’ailleurs incarnée à plusieurs reprises par des personnages qui viennent en aide aux enfants dans le cadre de l’école, et qui, par leur parole et le rappel de la loi, leur permettent de se défendre.

Ce passage de la morale au droit est donc au cœur de ce qui constitue la dimension de prévention de ces albums : il s’agit dans ces ouvrages de libérer la parole des enfants sur l’inceste, en leur donnant « les mots [qu’ils] ne connaiss[ent]pas 46 », et de faire apparaître l’importance d’une prise en charge juridique par les adultes. Ainsi, Petit Doux ayant parlé, Gros Loup sera puni. L’enjeu public de prévention est particulièrement clair dans les deux albums les plus récents, avec l’inscription à la fin des ouvrages des numéros d’aide aux enfants en danger en France, en Belgique et au Québec. Le Loup est à ce titre un album exemplaire et qui s’ancre dans un large projet de prévention, l’album étant accompagné d’une chanson et d’une vidéo de prévention accessibles en ligne ainsi que d’un cahier d’accompagnement à la prise en charge des enfants victimes d’inceste rédigé par une psychologue clinicienne. Les albums que nous explorons s’adressent donc tout autant à l’enfant-lecteur qu’à l’adulte-médiateur, à travers une double réception affective et éthique. Ces textes semblent en effet inviter à une identification aux émotions de l’enfant victime et à une prise de conscience de l’adulte pour « bien agir » face à l’inceste.

 

3. La réception programmée par ces textes : une dimension affective et éthique

3.1. S’identifier à l’enfant : un parcours émotionnel

Les récits proposent clairement une identification au héros ou à l’héroïne. À ce titre, tous sont écrits selon le point de vue interne du personnage de l’enfant. L’accent est alors mis sur l’intensité et la complexité des émotions et sensations du protagoniste face à l’agression sexuelle intra-familiale. Petit Doux a « vraiment peur », il a « très mal », il « n’aime plus Gros Loup », il « en a assez 47 ». La protagoniste de Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte ! « n’aime pas » Tatie Jacotte et sa peur est exprimée par la tonalité exclamative du discours direct, alors que Tatie Jacotte s’approche pour l’embrasser : « Mon cou ! Au secours ! Je ne veux pas 48 ! » De la princesse sans bouche, il est écrit : « L’âme de la petite princesse s’éteignit. Sa joie s’arrêta de battre. Elle perdit son sourire 49. » Enfin, la force et la complexité du trouble émotionnel de Miette, dans lequel se mêlent peur et amour, sont exprimées dans une double page où apparaissent à gauche de nombreuses bulles qui expriment ses craintes et à droite, un texte qui décrit ces émotions « difficile[s] à comprendre » (illustration 5).

Le travail graphique de l’album semble donc favoriser l’identification émotionnelle au personnage. Le sentiment de solitude des héroïnes qui ne sont pas ou ne se sentent pas écoutées par une figure féminine maternelle est ainsi représenté de manière similaire par Julie Rouvière et Mai Lan Chapiron : à gauche, l’enfant regarde cette figure féminine qui, à droite et lui tournant le dos, est occupée à lire ou à ranger des livres. Cette solitude est ainsi particulièrement visible dans La Princesse sans bouche avec la disparition visuelle de la bouche de la princesse qui se trouve emmurée dans le secret. Par l’image, le lecteur ou la lectrice est ainsi invité·e à faire l’expérience sensible de l’inceste. Comme on peut le voir sur l’illustration 5, Mai Lan Chapiron a recours à l’aquarelle pour connoter l’eau des larmes du personnage. Les gros plans ou les agrandissements de certaines parties du corps de l’agresseur, comme ses mains, son dentier, ses crocs ou ses griffes, placent le regard à hauteur d’enfant. La typographie, redoublée parfois par la parole dessinée, est également utilisée pour exprimer la force des réactions du protagoniste : « VLAN 50 ! » , « NON 51 ! », « NOOOOOON 52 » sont autant de manières de faire entendre et résonner la parole enfantine face à l’injonction au silence émise par les personnages prédateurs.

Les albums proposent donc au lecteur ou à la lectrice une identification au personnage de l’enfant. La résolution positive de chaque histoire permet alors de clore ce parcours émotionnel sur une forme d’apaisement qui permet de faire l’hypothèse que ce texte provoquera une lecture cathartique. Mais au-delà de cette dimension affective cathartique, c’est aussi une injonction éthique à l’égard du lecteur-adulte à bien accompagner l’enfant que formulent ces ouvrages, et en particulier dans les ouvrages les plus récents.

 

3.2. Aider l’adulte à aider l’enfant

Par leur poétique du « raconter » sans « dire », et par la mise à disposition de conseils et de numéros d’aide pour les plus récents, les albums étudiés apparaissent comme des ouvrages faits pour aider les adultes à « parler de violences sexuelles aux enfants 53 ». La figure de l’adulte-allié·e et médiateur de la parole enfantine apparaît ainsi dans trois récits. Le père de l’héroïne de Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte ! prend la défense de sa fille face à la colère de sa mère qui lui reproche de ne pas avoir embrassé Tatie Jacotte et amène cette dernière à comprendre l’abus de pouvoir au cœur de la situation. Une femme qui ressemble à une fée « voit 54 » le chagrin de la princesse qu’aucun adulte ne perçoit et elle la guide dans son chemin de résilience. Alors qu’une figure familiale féminine vers qui elle ne tourne ne fait rien après avoir reçu ses confidences, une autre « grande personne […] écoute attentivement » Miette et elle « sait ce qu’il faut faire pour l’aider 55 ». Double de l’adulte et figure de lecteur intra-textuel, ce personnage d’allié·e représente en réalité un adulte modèle, qui entend et accompagne la parole enfantine là où d’autres adultes échouent. Par un retournement intéressant, ces albums mettent donc en scène une situation de communication qui est au cœur de la relation de soin et qui repose sur une inversion des rôles traditionnels dans la relation enfant-adulte et dans la lecture de l’album : l’écoute de la parole vulnérable enfantine doit être développée comme une compétence chez l’adulte. Sans adulte apte à écouter, la parole enfantine peine à sortir et à se faire entendre et le tabou de l’inceste perdure. Si on suit le constat de Kathy Similowsky et Cendrine Waszak selon lequel les ouvrages fictionnels de littérature de jeunesse se distinguent des ouvrages de prévention en ne développant pas un discours d’injonction à parler pour l’enfant victime 56, on peut donc ajouter que ces récits fictifs développent plutôt une description des péripéties de cette parole en quête d’écoute. On peut en outre émettre l’hypothèse que ces ouvrages, et en particulier les plus récents, se présentent à l’inverse comme une injonction à l’écoute de l’enfant victime par l’adulte.

 

Conclusion

Cette distinction enfant/adulte, caractéristique de la double destination des ouvrages de jeunesse, est cependant à nuancer, dans la mesure où un adulte peut adopter une lecture cathartique et l’enfant une lecture éthique, la réception programmée restant une réception théorique et non pragmatique. Mais elle est représentative du pari de cette littérature de jeunesse qui veut, par le truchement de la fiction, prévenir ou soigner des violences réelles, en s’adressant aux deux lecteurs de l’album de jeunesse.

Grâce au support de l’album, les auteur·rices-illustrateur·ices des ouvrages étudiés créent une poétique du « raconter » sans « dire » l’inceste dans laquelle l’image et la métaphore permettent de représenter l’expérience de l’inceste et de conjurer sa violence sans la reproduire. Les albums les plus contemporains, qui représentent clairement l’agression sexuelle intra-familiale, la qualifient d’« inceste » et convoquent le droit et la loi pour rappeler son caractère criminel quittent pourtant le registre de la métaphore pour aller vers l’explicitation. Ces albums, au cœur desquels l’écoute de la parole enfantine est un ressort du dénouement heureux, s’adressent donc tout autant à un enfant-lecteur qu’à un adulte médiateur qui se voit clairement invité à réfléchir à l’accompagnement des enfants victimes d’inceste. C’est dans cette injonction éthique à « bien agir », qui vise avant tout l’adulte-lecteur, que se repèrerait une volonté contemporaine de sortir du tabou de l’inceste et la dimension de soin de certaines des productions littéraires pour la jeunesse.

 

  1. Voir à ce sujet la communication de Kathy Similowski et Cendrine Waszak, « Quelle appropriation de la loi par la littérature de jeunesse ? », Colloque international : la famille et le droit dans les littératures de la langue française (XIXe-XXIe s.) : de l'analyse critique à la discussion littéraire en classe, Université de Grenoble-Alpes, Grenoble, octobre 2022.
  2. De 2010 à 2015, le Conseil de l’Europe a mené la Campagne UN sur CINQ pour mettre fin à la violence sexuelle contre les enfants, ce qui témoigne d’une volonté politique de plus en plus claire d’aborder le problème dans l’espace public.
  3. Gwénaëlle Boulet, Delphine Saulière & Marie Spénale, Le Petit livre pour dire stop aux violences sexuelles faites aux enfants, Paris, Bayard Jeunesse, 2019[2018] ; Catherine Dolto, Colline Faure-Poirée & Pascal Robin, Respecte mon corps, Paris, Gallimard Jeunesse, 2019[2006] ; Michèle Bayar, Finies les chatouilles !, Paris, Oskar éditeur, 2020.
  4. La campagne publique lancée en France par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles est créée par le gouvernement après le mouvement #MeTooInceste lancé sur les réseaux sociaux à la suite du récit de Camille Kouchner.
  5. Les deux premiers albums ont été réédités respectivement en 2015 et 2020.
  6. À ce titre, il est important de noter Marie Wabbes, l’autrice-illustratrice de Petit Doux n’a pas peur est une artiste et écrivaine belge.
  7. Nathalie Prince, La Littérature de jeunesse, Malakoff, Armand Colin, 2021 [2010, 2015], « Kindle », p. 151.
  8. Fabienne Giuliani, « Histoire de l’inceste et de ses représentations en France (fin XVIIIe-fin XXe siècle) », Perspectives Psy, n° 2, 2022, p. 121-125, p. 123.
  9. Voir Fabienne Giuliani, « Le Crime sans nom : Dire l’inceste dans la société française du XIXe siècle (1791-1898) », Sociétés & Représentations, 2016, p. 31-44.
  10. Id. et Anne-Claude Ambroise-Rendu, « Briser le tabou: du secret à la parole médiatique, le tournant des années 1970-1990 », Sociétés & Représentations, 2016, p. 59-72.
  11. Fabienne Giuliani, « La pénalisation de l’inceste », L’École des parents, n° 5, 2021, p. 50-53, paragraphe 17.
  12. Article 222-22-3 du code pénal : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043405007.
  13. Nathalie Prince, La Littérature de jeunesse, op. cit., p. 154.
  14. Nathalie Prince, « Introduction », in Nathalie Prince (dir.), La Littérature de jeunesse en question(s), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, paragraphe 43, http://books.openedition.org/pur/3970.
  15. Nathalie Prince, La Littérature de jeunesse, op. cit., p. 156.
  16. Kathy Similowski & Cendrine Waszak, « Quelle appropriation de la loi par la littérature de jeunesse ? », op. cit.
  17. Marie Wabbes, Petit Doux n’a pas peur, Paris, La Martinière Jeunesse, 2015 [1998].
  18. Nathalie Prince, La Littérature de jeunesse, op. cit., p. 250.
  19. Florence Dutruc-Rosset & Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, Paris, Bayard Jeunesse, 2020.
  20. Nathalie Prince, La Littérature de jeunesse, op. cit., p. 249.
  21. Stéphane Bonnéry, « " Loup y es-tu ? -Pas exactement, c'est pour mieux te faire réfléchir, mon enfant... " » Sociologie du lecteur supposé par la littérature de jeunesse », Congrès de l’Actualité de la recherche en éducation et en formation (AREF), 2010.
  22. Charles Perrault, Le Petit chaperon rouge, en ligne, BNF, http://expositions.bnf.fr/contes/gros/chaperon/perrault.htm.
  23. Il est intéressant de noter que Bruno Bettelheim ne semble pas prendre en compte cette lecture possible du personnage du loup. Pour celui-ci, « [l]e Petit Chaperon Rouge parle des passions humaines, de l’avidité orale, de l’agressivité et des désirs sexuels de la puberté » et le loup incarne le désir œdipien de la petite fille (Bruno Bettelheim, La Psychanalyse des contes de fées, Paris, Robert Laffont, « Kindle », 1979, p. 393). Or, le loup peut également représenter le désir œdipien du parent et le danger d’une agression sexuelle intra-familiale. En adoptant une lecture qui commente la sexualité juvénile féminine et en produisant un discours normatif à son sujet, Bruno Bettelheim semble oublier que les contes de fées qu’il analyse émergent d’une énonciation située, masculine et historiquement contextualisée, où la sexualité féminine juvénile fait l’objet de représentations patriarcales et où la question du consentement juvénile dans les relations incestueuses ne se posait pas dans les mêmes termes qu’aujourd’hui. Voir à ce titre Fabienne Giuliani, « Histoire de l’inceste et de ses représentations en France (fin XVIIIe-fin XXe siècle) », op. cit.
  24. Nathalie Prince, La Littérature de jeunesse, op. cit., p. 251.
  25. Mai Lan Chapiron, Le Loup, Paris, La Martinière Jeunesse, 2021.
  26. Marie Wabbes, Petit Doux n’a pas peur, op. cit.
  27. Mai Lan Chapiron, Le Loup, op. cit.
  28. Thierry Lenain et Stéphane Poulain, Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, Montréal, Les 400 coups, 2020 [1999].
  29. Marie Wabbes, Petit Doux n’a pas peur, op. cit.
  30. Florence Dutruc-Rosset & Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, op. cit.
  31. Sur ces questions, voir Sophie Van der Linden, « L’album un support artistique ? », in Nathalie Prince (dir.), La Littérature de jeunesse en question(s), op. cit.
  32. Nathalie Prince, « Introduction », in Nathalie Prince (dir.), La Littérature de jeunesse en question(s), paragraphe 16, op. cit.
  33. Florence Dutruc-Rosset & Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, op. cit.
  34. Sophie Van der Linden, « L’album un support artistique ? », op. cit., paragraphe 17.
  35. Kathy Similowski & Cendrine Waszak, « Quelle appropriation de la loi par la littérature de jeunesse ? », op. cit.
  36. Marie Wabbes, Petit Doux n’a pas peur, op. cit.
  37. Ibid.
  38. Thierry Lenain & Stéphane Poulain, Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, op. cit.
  39. Florence Dutruc-Rosset & Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, op. cit.
  40. Mai Lan Chapiron, Le Loup, op. cit.
  41. Marie Wabbes, Petit Doux n’a pas peur, op. cit.
  42. Thierry Lenain & Stéphane Poulain, Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, op. cit.
  43. Mai Lan Chapiron, Le Loup, op. cit.
  44. Florence Dutruc-Rosset e& Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, op. cit.
  45. Thierry Lenain & Stéphane Poulain, Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, op. cit.
  46. Florence Dutruc-Rosset & Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, op. cit.
  47. Marie Wabbes, Petit Doux n’a pas peur, op. cit.
  48. Thierry Lenain & Stéphane Poulain, Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, op. cit.
  49. Florence Dutruc-Rosset & Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, op. cit.
  50. Thierry Lenain & Stéphane Poulain, Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte !, op. cit.
  51. Mai Lan Chapiron, Le Loup, op. cit.
  52. Florence Dutruc-Rosset & Julie Rouvière, La Princesse sans bouche, op. cit.
  53. Ibid.
  54. Ibid.
  55. Mai Lan Chapiron, Le Loup, op. cit.
  56. Kathy Similowski & Cendrine Waszak, « Quelle appropriation de la loi par la littérature de jeunesse ? », op. cit.