The Great Escape Game ou comment s'échapper de l'école-prison
Introduction : quand Harry rencontre Katniss
Il est inutile de rappeler que le succès de la saga Harry Potter de J. K. Rowling a joué un rôle crucial dans le retour sur le devant de la scène de la fiction scolaire, particulièrement dans ses variations autour du pensionnat, en revivifiant tout un héritage de la littérature de jeunesse anglo-saxonne de la boarding school, de The Governess, or the Little Female Academy de Sarah Fielding jusqu’aux romans d’Anthony Buckeridge (la série des Jennings), en passant par ceux d’Enid Blyton (Malory Towers). Notre présent témoigne cependant d’un phénomène de croisement autant que de globalisation des modes par l’hybridation des genres de la dystopie et des school stories : en somme, aujourd’hui, Harry Potter rencontre bien souvent Hunger Games. Ce mélange passe par la mise en scène, dans un monde fictionnel post-apocalyptique, d’institutions – totales 1 pour ne pas dire totalitaires – au sein desquelles le rapport de l’enfant à l’adulte apparaît problématique, soit du fait d’une relation de domination exercée par la figure du mauvais maître adepte de la « pédagogie noire 2 », soit par l’absence symbolique de celui-ci au sein d’une école sans enseignants.
La trilogie romanesque Méto d’Yves Grevet met ainsi en scène un monde fictionnel uchronique dans lequel l’Histoire de la Guerre froide a pris un tour apocalyptique. Les « enfants en trop 3 » y sont placés au sein de Maisons, pensionnats dans lesquels alternent les cours et diverses activités sportives et ludiques encadrées par d’impitoyables adultes, les César. Dans Danganronpa : the Animation, adaptation sous forme d’anime de l’un des jeux d’une franchise vidéoludique, quinze lycéens sont enfermés au sein de la prestigieuse académie Kibōgamine et forcés par leur étrange geôlier, un ours-robot appelé Monokuma, censément télécommandé par le proviseur du lycée, de s’entretuer pour obtenir leur diplôme et pouvoir retrouver la liberté. Le manga The Promised Neverland, quant à lui, met en scène trente-huit enfants des deux sexes, du stade de nourrisson à l’âge de onze ans, réunis dans un orphelinat : Grace Field House. Tenus dans une ignorance absolue du monde extérieur, ils vivent en toute quiétude sous la surveillance d’une tutrice que tous appellent Maman, mais qui, sous son apparente bienveillance, est en réalité l’auxiliaire de démons monstrueux qui semblent dominer le monde et qui se nourrissent des chairs enfantines.
Que les systèmes scolaires et parascolaires puissent aujourd’hui demeurer, dans les représentations fictionnelles, des symboles de claustration au point d’être associés à l’imaginaire carcéral est à la fois étonnant et évident. Étonnant car, si l’on suit Gilles Lipovetsky, notre contemporanéité hypermoderne est marquée par le « dépérissement des normes autoritaires et disciplinaires 4 » et l’angoisse à laquelle la fréquentation de l’école peut donner lieu tient désormais moins à la crainte du potentiel contrôle des corps et des esprits qui s’y exerce 5 qu’à une peur de l’après, une « crise de l’avenir 6 » corrélée notamment à une insertion toujours plus problématique des jeunes dans le monde (adulte) du travail 7. Évident car l’imaginaire carcéral figure un lieu propice pour une aventure fondée sur l’évasion, dans tous les sens du terme et, de ce point de vue, il serait possible de considérer que l’école, dans ces fictions surfant sur la mode de la dystopie, n’est pas interrogée en tant que telle, mais comme simple déclinaison microcosmique d’un macrocosme totalitaire. L’hypothèse inverse peut cependant être formulée, en l’occurrence, l’idée selon laquelle l’école-prison fonctionne ici comme une métaphore des problématiques relatives aux systèmes éducatifs contemporains, particulièrement au rapport entre adultes et enfants qui s’y dessine par l’omniprésence des formes de concours et de compétitions scolaires, mais aussi à la construction des jeunes élites qui s’y opère.
L’école sans avenir
D’une façon étonnante, il semble que ce ne sont pas les analyses foucaldiennes de Surveiller et punir qui éclairent le mieux ces trois œuvres, mais bien plutôt le développement que le philosophe consacre à la question démographique de l’emplacement humain dans sa désormais fameuse conférence inaugurant le concept d’hétérotopie :
le problème de la place ou de l'emplacement se pose pour les hommes en termes de démographie ; et ce dernier problème de l'emplacement humain, ce n'est pas simplement la question de savoir s'il y aura assez de place pour l'homme dans le monde […], c'est aussi le problème de savoir quelles relations de voisinage, quel type de stockage, de circulation, de repérage, de classement des éléments humains doivent être retenus de préférence dans telle ou telle situation pour venir à telle ou telle fin. Nous sommes à une époque où l'espace se donne à nous sous la forme de relations d'emplacements 8.
Dans ces mondes d’après la catastrophe, les espaces que sont la Maison, le pensionnat de Grace Field House ou l’académie Kibōgamine illustrent ainsi une manière d’assigner à la jeunesse un emplacement et concrétisent spatialement la crise de l’avenir. Or, si dans les sociétés hypermodernes, « [l]es mécanismes de contrôle n’ont pas disparu » mais « se sont adaptés en se faisant moins directifs, en délaissant l’imposition au profit de la communication 9 », la catastrophe semblerait signer le grand retour des disciplines dans le cadre scolaire, sous la forme d’une relation de voisinage entre adultes et enfants construite sur la domination sans partage des premiers sur les seconds. Celle-ci passe par des « méthodes qui permettent le contrôle minutieux des opérations du corps, qui assurent l’assujettissement constant de ses forces et leur imposent un rapport de docilité-utilité […] 10 » selon cinq grands principes : l’organisation cellulaire de l’espace, la mise en place d’une temporalité scandée, une surveillance de tous les instants, le codage des comportements et des conduites et l’instauration d’un régime punitif intransigeant. La Maison de Méto en figure l’emblème, par son organisation cellulaire parfaitement représentée par les lits du dortoir 11, la temporalité scandée qui rythme jusqu’aux repas des enfants – ils comptent systématiquement « jusqu’à 120 avant de toucher [l]es couverts » et doivent « laisser un espace de cinquante secondes entre deux bouchées 12 » – et des châtiments particulièrement sévères, les fautes enfantines pouvant être punies par un séjour plus ou moins long au sein d’une chambre froide appelée « le frigo ».
La vraie violence est cependant ailleurs, en l’occurrence, dans l’instauration d’une compétition permanente entre les jeunes prisonniers. En somme, la véritable dystopie dans ces mondes fictionnels est peut-être cet emplacement qu’est le rang, le classement, bref, la soumission à ce qu’Annabelle Allouch appelle dans le titre d’un récent essai, « l’empire des classements scolaires. » Les œuvres peuvent ainsi apparaître comme le reflet de notre époque contemporaine qui prend, selon Anabelle Allouch, la forme d’une « société du concours » :
Le concours est une forme radicale de sélection. Il fonctionne comme une centrale de tri, éliminant les « moins bons » au profit des « plus aptes », pour transformer ces derniers en élites […]. Il classe et hiérarchise les individus et, in fine, leur attribue un statut social. En ce sens, il est une « élection », et même une élection à vie 13.
Cette omniprésence du concours dirigé par les adultes prend bien plutôt la forme paradoxale, dans ces fictions, d’élections à mort, que celles-ci s’exercent, à l’échelle des enfants et des adolescents, contre leurs pairs, où que se dessinent de paradoxaux concours sans avenir même pour les plus aptes, cauchemar absolu de l’hypermodernité. Dans Méto et The Promised Neverland, le concours et le classement sont présents sous deux formes différentes : concours physiques dans le premier – course, lutte, et un sport appelé « l’inche » sur lequel nous reviendrons – et intellectuels dans le second où les orphelins passent chaque matin des tests informatisés à l’issue desquels Maman annonce les résultats et établit le classement des élèves 14. L’issue est funeste dans les deux cas. En effet, les résultats aux tests n’ont qu’une seule conséquence dans le manga : permettre aux meilleurs d’être dévorés plus tardivement par les démons et de gagner le droit de vivre jusqu’à douze ans au maximum. Dans Méto, les enfants ayant trop grandi pour demeurer dans la Maison intègrent soit la caste des soldats, au prix de manipulations corporelles réduisant drastiquement leur espérance de vie à une vingtaine d’années et les condamnant à une existence de souffrance, soit celle des serviteurs, privés de leur humanité, eux qui « […] portent des combinaisons noires avec un numéro peint sur le dos » et « un anneau épais et très large à l’oreille 15 » comme du bétail.
Une autre possibilité existe néanmoins, mais reste aussi associée à la mort, non plus au fait de la subir, mais de la donner : intégrer l’élite. C’est en effet lorsqu’il intègre le « groupe E » que Méto tue pour la première fois de ses mains 16 tandis que, dans The Promised Neverland, l’héroïne, Emma, se voit offrir la possibilité par Maman d’occuper à son tour cette fonction prestigieuse, signifiant ainsi la nécessité de superviser la mise à mort programmée des pensionnaires des orphelinats 17. De même, dans Danganronpa, c’est finalement une élève d’élite de l’académie, Enoshima Junko, qui se révèle le véritable cerveau à l’œuvre derrière le jeu de massacre. Devenue folle, elle ne souhaite qu’instiller définitivement le désespoir dans le cœur des jeunes compétiteurs. En somme, l’élite peut non seulement engendrer des monstres, mais le concours, au sein de ces fictions, semble aussi l’outil rêvé pour concrétiser une démographie eschatologique qui prend moins la forme de mondes sans adultes que de potentiels mondes sans enfants. L’école n’est ainsi pas seulement figurée comme une prison, mais aussi et surtout comme un abattoir, ce qu’illustre fort bien la scène où le héros de Danganronpa, Makoto Naegi, attend à son pupitre d’être broyé 18, rappelant le sort des élèves de l’école infernale du film The Wall d’Alan Parker 19, adaptation de l’opéra-rock des Pink Floyd, réduits en viande hachée.
Qu’ils soient bêtes de concours ou singes savants, il semble que le sort des personnages de ces fictions renvoie, là encore, à une vision extrêmement sombre, pour ne pas dire nihiliste, de notre hypermodernité que symbolise parfaitement The Promised Neverland en proportion, peut-être, de la dimension archi-compétitive de l’école nippone : les systèmes scolaires peuvent bien se vouloir concurrentiels et élitistes, les meilleurs n’auront aucun avenir et seront tout de même dévorés 20.
L’école du jeu
La prison du concours et de la compétition permanente entre les enfants rend nécessaire, pour ces derniers, de se lancer dans une entreprise d’évasion qui prend la forme d’une véritable partie d’escape game. Bien entendu, l’univers carcéral, scolaire ou non, apparaît comme le lieu idéal pour le jeu et pour le dispositif aventureux qui lui est corrélé au sein des fictions de jeunesse tel qu’analysé par Christian Chelebourg selon lequel « [c]ette confusion délibérée entre l’espace romanesque et un plateau, comme entre le récit et une partie menée tambour battant, fonde un […] dispositif dynamique de l’aventure, auquel il est légitime de donner le nom de dispositif de l’Échiquier 21. » Et, comme il l’indique, « l’une des grandes pentes de l’imaginaire dynamisé par le dispositif de l’Échiquier » est « l’évasion [qui] peut tourner à l’enfermement 22 » et vice versa, ajouterons-nous. Ce dispositif devient quasi explicite dans ces œuvres, ainsi de la pluralité des cases de The Promised Neverland faisant figurer un plateau d’échecs 23, ou de l’adaptation en bande dessinée de Méto qui met en scène une partie entre le personnage éponyme et son condisciple Claudius 24, jusqu’à la salle du procès des élèves meurtriers de Danganronpa dont le sol prend symboliquement la forme d’un damier.
Ce dispositif de l’échiquier n’est toutefois pas qu’une structure dynamisant la narration et interroge à plus d’un titre. Selon les théoriciens classiques du jeu – Johan Huizinga et Roger Caillois en tête – il ne peut exister de jeu contraint car « [t]out jeu est d’abord et avant tout une action libre 25. » Joue-t-on encore si le prix du jeu est la liberté et la vie ? Par ailleurs, la culture adulte du concours et de la compétition n’est-elle pas déjà, elle-même, pensée comme un jeu, comme une forme d’agôn – le jeu de compétition – et de ludus, le jeu réglé 26 ? On pourrait ainsi constater que, dans Méto, la culture adulte de la compétition et du concours infecte jusqu’à la dimension la plus essentiellement libre, insouciante et enfantine du jeu, en l’occurrence, le jeu avec la nourriture qui est pure paidia pour reprendre le terme de Caillois 27, pure dépense d’énergie improductive, à l’image de la « course-purée », « petit spectacle clandestin, juste pour se distraire », défini ainsi :
Deux enfants […] se défient pendant le repas. Au moment où César donnera l’autorisation de manger à tout le réfectoire, ils vont tenter de vider leur assiette en enfournant à chaque bouchée la plus grosse quantité de bouffe possible. La partie s’arrête quand l’assiette est parfaitement récurée 28.
Si le jeu est déjà, en lui-même, une manière de sortir du cadre, il n’en témoigne pas moins de l’intériorisation par les enfants de la Maison d’un concours devenu une manière d’être au monde, jusque dans le divertissement le plus puéril. D’une façon révélatrice, le passage est précédé du constat réalisé par Méto, qui est à la fois le protagoniste et le narrateur du roman, que, dans la Maison, « [o]n gagne toujours au détriment des autres 29. » Or, ces fictions s’appliquent à illustrer une inversion de la logique adulte du concours : de la compétition permanente de chacun contre chacun, les personnages glissent en effet vers un jeu collaboratif et une réappropriation des règles pour jouer contre les adultes, véritable reconquête du jeu comme socle d’une culture enfantine qui se pense dans ces œuvres comme un contre-pouvoir face aux jeux noirs de l’adultocratie. Bien sûr, et c’est là le paradoxe, les compétences enfantines en matière ludique sont aussi corrélées aux disciplines auxquelles ils ont été contraints et, s’ils sont capables de développer les stratégies les plus fines pour s’échapper, ils tiennent aussi ces compétences du régime compétitif sévère auquel ils ont été soumis. Toutefois, il est possible de considérer que c’est à partir des stratégies élaborées dans le cadre de jeux enfantins non supervisés par les adultes que l’évasion opère, du moins dans The Promised Neverland et dans Méto. Dans le premier exemple, l’évasion est planifiée notamment à partir de raffinements stratégiques opérés dans les jeux du loup et de cache-cache ; dans le second, c’est au jeu des petits chevaux qu’il revient de développer l’intelligence stratégique des joueurs, nécessaire à leur évasion : « […] des variantes où la stratégie a plus de place » sont en effet inventées par les enfants eux-mêmes, à l’image du « “sandwich de la mort”, quand deux pions d’une même couleur bloquent complètement un pion adverse qui attend, impuissant, son élimination 30. » L’image pourrait sembler violente, mais elle dit aussi la réappropriation du jeu, traduite par la langue enfantine en une expression compréhensible par les seuls initiés, qui se joue désormais sans le concours des adultes. C’est par conséquent grâce aux armes de la culture enfantine que résistent les enfants, une culture définie ainsi par Andy Arleo et Julie Delalande : « [a]ppliqué aux enfants, il [le terme de « culture »] désigne des pratiques telles que les jeux et leurs règles et techniques, les pratiques langagières et vestimentaires, mais aussi les normes et règles sociales propres au groupe, ses valeurs 31. »
Se réapproprier le jeu, c’est aussi valoriser non la violence, mais l’intelligence des joueurs, d’une façon d’autant plus belle que celle-ci est représentée comme collective, signant la fin de la dictature du concours qui « conforte […] l’individualisme des sociétés. Si l’on peut se préparer à plusieurs, on n’est jamais meilleur que seul 32. » Dans Danganronpa, à l’inverse, il semble possible de considérer que l’intelligence collective est mise au service de la violence dans la mesure où chaque meurtre d’un élève par un autre donne lieu à un tribunal des survivants chargé de déterminer le coupable, lequel est ensuite exécuté par Monokuma. Il demeure cependant possible d’y voir également ce que Carole H. Carpenter considère comme « le sens aigu de la justice et de l’équité qui va avec » qui caractérise selon elle les cultures enfantines, puisqu’elle remarque que « [l]es jeunes du monde entier semblent avoir une prédilection pour la justice distributive (châtiment pour une mauvaise action) 33. » Le condamné du tribunal des enfants l’est en effet parce qu’il s’est lui-même plié aux règles du jeu du concours et n’a pas eu l’intelligence de refuser de tuer.
Il faut noter enfin que cette intelligence collective ne semble pas concerner que les personnages des fictions, mais inclure aussi leurs récepteurs. Les œuvres contiennent en effet des indices qui permettent soit de deviner la suite de l’intrigue, soit de se couler dans la peau du héros en décryptant les mêmes énigmes que lui, des anagrammes et textes à trous de Méto 34 au message laissé en lettres de sang par la première victime du jeu mortel de Danganronpa 35 jusqu’aux multiples indices disséminés par le scénariste Kaiu Shirai dans les différents volumes du manga et annoncés sur les replis des jaquettes, pour décrypter, par exemple, le sens des numéros tatoués dans le cou des jeunes personnages 36.
L’école de l’humanisme
La fin de l’enfermement par l’évasion ne fait-elle pas naître cependant, pour ces communautés enfantines en devenir, un autre risque : celui de l’ensauvagement ? D’animaux domestiques qu’ils étaient, les enfants ne risquent-ils pas de devenir, sans le concours adulte, des bêtes sauvages ? Autrement dit, il ne s’agit pas de substituer à l’enferment dans l’école-prison une autre forme de claustration dans une tribu de petits sauvageons. D’une façon révélatrice, les évadés de la Maison ont la possibilité, dans le deuxième volume de Méto, de tester une société sans adultes, la tribu des oreilles coupées, esclaves adolescents affranchis, mais dont la communauté est tout aussi violente et injuste, sinon plus, que celles des adultes qui régissent la Maison et où les activités associées à la compétition se maintiennent au premier rang desquelles l’inche, ce sport dont le nom est l’anagramme de « chien » et qui est ainsi décrit :
Le but du jeu pour chaque équipe est d’aller porter une boule de poils et de tissu dans un trou carré de vingt centimètres de côté situé dans le mur du camp adverse, tout en empêchant l’équipe concurrente d’en faire autant.
Tous les coups sont permis : pousser, jeter, écraser l’adversaire. […]
Ah oui, j’oubliais le principal : tous les déplacements se font à quatre pattes et la boule est tenue entre les dents 37.
Le jeu semble avoir marqué durablement les jeunes esprits et les jeunes corps, au point qu’ils n’arrivent plus à s’en passer. L’un des enjeux de Méto réside ainsi dans la possibilité, pour les enfants, de vivre sans ce jeu de compétition institutionnalisé par les adultes et qui, contrairement au jeu stratégique émancipateur, condamne les jeunes pensionnaires à une forme de bestialité.
Dans Règles pour le parc humain, Peter Sloterdijk écrit :
les retours à l’état sauvage, aujourd’hui comme hier, se déclenchent justement, d’ordinaire, lorsque le déploiement de la force atteint un degré élevé, que ce soit sous la forme d’une brutalité guerrière et impériale immédiate ou sous celle de la bestialisation quotidienne des êtres humains dans les médias du divertissement désinhibant. Les Romains ont fourni à l’Europe les modèles déterminants de cette brutalité et de cette bestialisation – d’une part avec leur militarisme omniprésent, d’autre part avec leur industrie du divertissement fondée sur les jeux sanglants – un genre d’avenir 38.
Ces œuvres mettent en abyme la bestialisation corrélative au divertissement désinhibant, à l’image de l’inche. Elles ne se pensent ainsi pas elles-mêmes comme des spectacles de cette nature, mais les intègrent, pour tenir sur eux un discours critique. Il n’est ainsi pas anodin que la franchise Danganronpa – si elle doit beaucoup aux murder parties, à leurs déclinaisons en jeux de société à la Cluedo et aux fictions cynégétiques codifiées au Japon par le roman Battle Royale de Kōshun Takami – emprunte aussi certains de ses codes aux jeux de télé-réalité. De ce point de vue, les scènes de procès des élèves pour découvrir le meurtrier de l’un de leurs camarades empruntent aussi leur forme aux conseils et autres règlements de comptes des émissions télévisées où les candidats sont amenés à voter pour sacrifier l’un d’entre eux, Monokuma appliquant la sentence en frappant avec le marteau de la justice sur un buzzer. Dans l’épisode 10, les différents élèves survivants se découvrent d’ailleurs eux-mêmes candidats sans le savoir d’une macabre télé-réalité 39.
L’analyse de Sloterdijk est toutefois encore plus intéressante à relier avec Méto en ce qu’elle invite à relire les références à la Rome antique, présentes jusque dans l’onomastique puisque les pensionnaires portent, dans la Maison, des noms comme Crassus, Claudius, Quintus etc. La Maison repose en effet sur le modèle romain de la brutalité et de la bestialisation, sur le militarisme et les jeux sanglants, et a priori jamais sur leur contrepoint, en l’occurrence la culture livresque, ce que Sloterdijk appelle « une résistance du livre à l’amphithéâtre », à l’origine de la culture humaniste qui repose sur l’idée que « la bonne lecture apprivoise 40. » Ainsi, ce qui manque dans Méto pour contrer la bestialisation imposée par l’inche n’est ni plus ni moins qu’une bibliothèque contenant ce que Sloterdijk appelle, en reprenant une idée de Jean Paul, une « télécommunication créatrice d’amitié utilisant le média de l’écrit 41 », autrement dit, les grands textes patrimoniaux qui sont, selon lui et plus simplement, autant de lettres envoyées par les amis du passé aux habitants du présent. Ce qui manque aussi, et peut-être surtout, ce sont de bons maîtres pour en assurer la circulation. Ces derniers sont en effet absents – dans Danganronpa et The Promised Neverland, mondes sans professeurs – ou prennent la forme, dans Méto, de vieillards anonymes – réduits à la première lettre de leur patronyme : Monsieur V., Monsieur A., Monsieur P. etc. – et estropiés, « boiteux, aveugles, hémiplégiques 42 » selon les mots du narrateur-personnage, lequel définit le rapport à l’enseignant d’une façon pour le moins décevante : « Moi, j’avais […] arrêté d’interroger les professeurs parce que cela ne servait à rien, parce qu’ils se mettaient en colère ou avaient l’air gênés 43. » Ainsi, c’est très tardivement que les enfants ont accès à d’autres livres qu’à un corpus documentaire consacré aux techniques de survie. Dans le deuxième volume, par le truchement du personnage de Gouffre, ancien César devenu bibliothécaire chez les Oreilles coupées, Méto découvre l’existence de « mots qui reviennent souvent et dont [il] n’[a] jamais entendu parler, comme “poésie”, “conte”, “roman” ». Et le personnage d’en conclure : « On ne nous apprenait pas tout à la Maison, seulement ce qui pouvait nous servir pour après 44. » Il n’est pas interdit, ici, de lire une critique implicite des systèmes éducatifs hypermodernes, centrés sur l’apprentissage de compétences pouvant « servir pour après », en somme, des compétences purement pragmatiques – pour ne pas dire survivalistes – qui ignorent par trop les Humanités 45.
La question de l’annulation de la tentation de l’ensauvagement par la bonne lecture éclaire aussi The Promised Neverland d’un jour nouveau. C’est cette dimension, en effet, qui pourrait expliquer l’omniprésence des livres et plus généralement de l’écrit, non seulement à l’intérieur de la fiction, mais aussi dans son paratexte. C’est ainsi grâce aux livres de la bibliothèque de Grace Field House et à un code qui a visiblement échappé à la censure de Maman que les enfants retrouvent espoir. Chaque ouvrage contient en effet un ex-libris faisant apparaître un message en morse d’un énigmatique William Minerva 46, tenu par les enfants pour un adulte bienveillant puis c’est ensuite le stylo du même homme mystérieux qui dévoile une véritable lettre adressée aux enfants dans le cinquième volume du manga47.
L’évasion des enfants hors de l’univers adultocratique de l’école-prison ne doit ainsi se lire ni comme une volonté d’émancipation totale et de désir de faire société sans les adultes, ni comme une preuve d’hétéronomie et de besoin de retrouver des maîtres pour les diriger, mais bien plutôt comme une volonté d’inclure leur culture enfantine dans un collectif plus sage, à l’image de l’emblème que figure la chouette de Minerve, afin de construire une société nouvelle, ce Neverland promis qui n’existe pas encore et pour cause : il figure peut-être une nouvelle utopie humaniste fondée sur une concorde des âges.
Conclusion : l’adressage plutôt que le dressage
Que le livre redevienne le vecteur de transmission d’une culture humaniste destinée à façonner le nouveau modèle de société que la jeunesse cherche à instituer a de quoi interroger dans ces œuvres questionnant une hypermodernité post-disciplinaire qui est aussi post-littéraire. Pour lever cette ambiguïté, il est possible de conclure en associant cette réflexion à celle menée, récemment, par Gilles Brougère et Sébastien François quant à ce qu’ils appellent « la question de l’adressage aux enfants », c’est-à-dire « la façon dont un produit, dès sa conception, […] prend en compte le destinataire enfant 48. » Ils rappellent ainsi que « [l]’adaptation, la dérivation, le recyclage sont […] quelques-unes des façons de s’appuyer sur des produits préexistants pour s’adresser aux enfants […]49. » Certes, ces œuvres s’ancrent résolument dans une mode, celle de la dystopie, et recyclent tant et plus les motifs de la fiction scolaire et de la fiction carcérale. Pourtant, et c’est là moins attendu, ces productions – y compris les mangas et anime auxquels leur essence syncrétique assure une très forte plasticité intertextuelle autant qu’interculturelle – émanant d’une culture de masse globalisée trop souvent réduite à une pure dimension de divertissement, s’appuient aussi sur une autre forme de recyclage, celui de l’humanisme, ces fictions devenant autant de lettres à des amis enfants. Leurs auteurs, même, semblent incarner un modèle de concepteur ou d’adresseur (a-dresseur ?) qui fait écho au modèle érasmien rappelé par Denis Kambouchner dans son ouvrage L’Ecole, question philosophique : le maître capable de « retrouver en soi l’enfant (repuerescere) 50. » Car c’est véritablement là que commence la dystopie : lorsque les maîtres, non seulement ont perdu l’enfant en eux, mais aussi, lorsqu’ils deviennent capables d’infecter de leur humeur noire le jeu, pierre angulaire de la culture enfantine, pour le transformer en concours à mort. Cela ne signifie pas que ces œuvres cherchent à remplacer la culture scolaire, mais, conjointement à celle-ci et côte à côte avec la connaissance des grandes lettres patrimoniales des amis du passé, à guider la jeunesse dans le labyrinthe d’une hypermodernité inquiète de l’avenir. Gilles Brougère s’interroge : « [l]’enfance d’aujourd’hui n’est-elle pas définie par les objets qui lui sont destinés ? 51 » Si tel est le cas, alors ces fictions sont peut-être de nature à rassurer sur l’avenir de nos sociétés.
- L’expression, due à Erving Goffman, renvoie aux instituts psychiatriques, mais peut s’appliquer à certaines écoles représentées dans la fiction. L’institution totale est ainsi définie : « un lieu de résidence et de travail, où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées » (Erving Goffman, Asiles : Études sur la condition sociale des malades mentaux, Claude Lainé, Liliane Lainé [trad.], Paris, Éditions de Minuit, « Le Sens commun », 1968, p. 41).
- Le concept de Schwarze Pädagogik a été théorisé par la pédagogue allemande Katharina Rutschky et popularisé par les travaux d’Alice Miller (C’est pour ton bien : Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, Jeanne Etoré-Lortholary [trad.], Paris, Flammarion, « Champs essais », 2015 [1985]).
- Le troisième et dernier volume précise en effet que la vie sur ce qui reste du continent européen est organisée à partir d’un contrôle drastique des naissances (Yves Grevet, Méto, tome 3, « Le Monde », Paris, PKJ, 2015 [2010], p. 354).
- Gilles Lipovetsky, Sébastien Charles, Les Temps hypermodernes, Paris, Le Livre de poche, « Biblio essais », 2018 [2004], p. 50.
- Hormis pour les penseurs libertaires, lesquels, d’Ivan Illitch à Yves Bonnardel, considèrent l’école comme un système de domination et d’oppression des mineurs.
- Gilles Lipovetsky, Sébastien Charles, Les Temps hypermodernes, op. cit., p. 64.
- De ce point de vue, le Japon ne fait pas exception comme le rappelle Jean-Marie Bouissou : « La crise a dévalorisé ce que les Japonais appellent la “société contrôlée” (kanri shakai) – une société de contraintes multiformes où le destin et les conduites de chacun étaient strictement commandés par ses diplômes et par sa place dans les diverses hiérarchies qui ont tant d’importance dans l’Archipel. Le mode de vie harassant du salaryman qui sacrifie toute sa vie personnelle à son entreprise est aujourd’hui déprécié, au moins symboliquement, au profit de celui d’un individu, qui cherche à exprimer tout son potentiel et s’autorise une certaine dose d’hédonisme » (Jean-Marie Bouissou, Manga : Histoire et univers de la bande dessinée japonaise [ePub], Arles, Éditions Philippe Picquier, 2010, p. 111). De même, dans une thèse récente, Sunami Inoue rappelle l’apparition, à partir des années 1970, de l’expression « éducation détendue » dans les politiques éducatives japonaises. Cette dernière consistait « […] à alléger les contenus d’enseignement et l’emploi du temps tout en introduisant une “heure de détente” dont l’usage était laissé à l’initiative des établissements » (Sunami Inoue, L’Éducation à la vie (inochi) à l’école primaire au Japon : approche anthropologique au miroir du 21e siècle, thèse en sciences de l’éducation soutenue le 16 juin 2017, université de Strasbourg, p. 36).
- Michel Foucault, « Des espaces autres », Conférence au Cercle d'études architecturales, 14 mars 1967, https://foucault.info/documents/heterotopia/foucault.heteroTopia.fr/.
- Gilles Lipovetsky, Sébastien Charles, Les Temps hypermodernes, op. cit., p. 20.
- Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, « Tel », 2015 [1975], p. 161.
- L’adaptation de la trilogie en bande dessinée en témoigne d’une façon particulièrement frappante (Lylian, Nesmo, Christian Lerolle, Méto, « 1. La Maison », Grenoble, Glénat, « Log In », 2018, p. 3).
- Yves Grevet, Méto, tome 1, « La Maison », Paris, PKJ, 2013 [2008], p. 14.
- Annabelle Allouch, La Société du concours : L’Empire des classements scolaires, Paris, Seuil, « La République des idées », 2017, p. 10.
- Kaiu Shirai, Posuka Demizu, The Promised Neverland, tome 1, Sylvain Chollet (trad.), Paris, Kazé, 2018, p. 16-20.
- Yves Grevet, Méto, tome 1, « La Maison », op. cit., p. 102-103.
- Yves Grevet, Méto, tome 3, « Le Monde », op. cit., p. 142-143 .
- Kaiu Shirai, Posuka Demizu, The Promised Neverland, tome 4, Sylvain Chollet (trad.), Paris, Kazé, 2018, p. 117-120.
- Seiji Kishi, Danganronpa : The Animation, épisode 11, « Shissō suru Seishun no Zetsubō Janku Fūdo : Hinichijō-hen », © Lerche, 2013, 10:58.
- Alan Parker, The Wall, © MGM/UA Entertainment Company, 1982.
- Il semble que la lecture métaphorique du manga soit particulièrement grinçante eu égard aux mutations contemporaines du système scolaire japonais. Sunami Inoue analyse en effet dans sa thèse la façon dont l’éducation détendue inaugurée dans les années 1970 « lancée à la base pour calmer la compétition excessive, changea pourtant de nature plus tard lorsque la politique néolibérale réinterpréta et instrumentalisa ce dispositif » en dessinant une école fondée sur la « force de vivre », expression « que le Ministère de l’Éducation introduisit » et qui « résume très bien l’esprit néolibéral, car cela renvoie finalement à la formation de la force pour survivre dans la compétition et dans un monde qui change rapidement. » (Sunami Inoue, L’Éducation à la vie (inochi) à l’école primaire au Japon : approche anthropologique au miroir du 21e siècle, op. cit., p. 36 et 39.
- Christian Chelebourg, Les Fictions de jeunesse, Paris, PUF, « Les littéraires », 2013, p. 62.
- Id., p. 67.
- Kaiu Shirai, Posuka Demizu, The Promised Neverland, tome 1, op. cit., p. 30, p. 142 et p. 148.
- Lylian, Nesmo, Christian Lerolle, Méto, « 2. L’Île », Grenoble, Glénat, « Log in », 2019, p. 13.
- Johan Huizinga, Homo Ludens : Essai sur les fonctions sociales du jeu, Cécile Seresia (trad.), Paris, Gallimard, « Tel », 1995 [1951], p. 25.
- Ces types de jeux, et d’autres, sont analysés dans : Roger Caillois, Les Jeux et les hommes, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 2009 [1958-1967], p. 45-92.
- Il s’agit d’un « […] principe commun de divertissement, de turbulence, d’improvisation libre et d’épanouissement insouciant, par où se manifeste une certaine fantaisie incontrôlée […] », d’une « […] exubérance espiègle et primesautière […] » (Id., p. 48).
- Yves Grevet, Méto, tome 1, « La Maison », op. cit., p. 52-53.
- Id., p. 52.
- Id., p. 43.
- Andy Arleo, Julie Delalande, « Culture(s) enfantine(s) : Un concept stratégique pour penser l’unité de l’enfance et la diversité de ses conditions », in Andy Arleo, Julie Delalande (dir.), Cultures enfantines : Universalité et diversité, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p.11.
- Annabelle Allouch, La Société du concours, op. cit., p. 101.
- Carole H. Carpenter, « Les Universaux de la culture enfantine », in Andy Arleo, Julie Delalande, Cultures enfantines : Universalité et diversité, op. cit, p. 53.
- Voir Yves Grevet, Méto, tome 2, « L’Île », Paris, PKJ, 2014 [2009], p. 150-151.
- Seiji Kishi, Danganronpa : The Animation, épisode 2, « Ikikiru : (Hi-)Nichijō-hen », © Lerche, 2013, 09:37.
- « Parviendrez-vous à élucider la signification du numéro d’identification que chaque personnage porte tatoué sur le cou ? Ceux indiqués dans les petites fiches insérées en bonus vous mettront peut-être sur la piste… » (Kaiu Shirai, Posuka Demizu, The Promised Neverland, tome 2, Sylvain Chollet [trad.], Paris, Kazé, 2018).
- Yves Grevet, Méto, tome 1, « La Maison », op. cit., p. 46.
- Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain suivi de La Domestication de l’être, Olivier Mannoni (trad.), Paris, Mille et une nuits, 2010 [2000], p. 19.
- Seiji Kishi, Danganronpa : The Animation, épisode 10, « Shissō suru Seishun no Zetsubō Janku Fūdo : (Hi-) Nichijō-hen », © Lerche, 2013, 19:12.
- Peter Sloterdijk, op. cit., p. 19.
- Id., p. 9.
- Yves Grevet, Méto, tome 2, « L’Île », op. cit., p. 133.
- Yves Grevet, Méto, tome 1, « La Maison », op. cit., p. 39.
- Id., p. 193.
- Ce qui vaut pour la France semble aussi valoir pour le Japon comme le note Sunami Inoue pour les politiques éducatives actuelles : « Si la quantité de connaissances acquises par les élèves était l’objet d’évaluation auparavant, maintenant on demande aux enseignants d’évaluer la manière et la capacité de résoudre les problèmes, l’originalité personnelle ainsi que l’adaptabilité à une situation donnée chez les élèves. Ces valeurs se basent, en effet, sur la logique capitaliste de “formation de l’employabilité basée sur l’individu” (Sunami Inoue, L’Éducation à la vie (inochi) à l’école primaire au Japon : approche anthropologique au miroir du 21e siècle, op. cit., p. 39).
- Kaiu Shirai, Posuka Demizu, The Promised Neverland, tome 3, Sylvain Chollet (trad.), Paris, Kazé, 2018, p. 10-18.
- Kaiu Shirai, Posuka Demizu, The Promised Neverland, tome 5, Sylvain Chollet (trad.), Paris, Kazé, 2018, p. 150.
- Gilles Brougère, Sébastien François, « Introduction », in Gilles Brougère, Sébastien François (dirs.), L’Enfance en conception(s) : Comment les industries culturelles s’adressent-elles aux enfants ?, Bruxelles, Peter Lang, « ICCA », 2018, p. 11.
- Id., p. 13.
- Denis Kambouchner, L’Ecole, question philosophique, Paris, Fayard, 2013, p. 331-340.
- Gilles Brougère, Sébastien François, « Introduction », art. cit., p. 13.