« Faire monde(s) » dans le genre de la science-fiction : <em>Les Furtifs</em>, une lecture ethnocritique

« Faire monde(s) » dans le genre de la science-fiction : Les Furtifs, une lecture ethnocritique

Par BRAVO Anne

Introduction

Le genre de la science-fiction présente de manière récurrente des futurs plus ou moins éloignés de la réalité des auteurs, mettant souvent en avant un rapport spécifique des humains aux nouvelles technologies. Des technologies que nous connaissons dans notre réalité, mais qui sont souvent présentées à un stade d’évolution plus avancé. La question des mondes et des espaces y est donc primordiale puisque les écrivains créent un univers fictionnel à partir d’éléments détournés de notre réalité. Le théoricien de la science-fiction Darko Suvin la définit comme une « littérature de la connaissance distanciée 1 », autrement dit, pour reprendre les termes d’Irène Langlet, « une fiction nécessitant, pour être comprise et “tenue pour vraie” le temps de la lecture, un écart par rapport aux référents du monde réel 2 ». Darko Suvin théorise par ailleurs la notion de novum, « dont tout l’art consiste à suspendre l’incrédulité du lecteur et à le transporter dans le monde nouveau induit par cette audace spéculative 3 ». La science-fiction étant un genre dans lequel les auteurs inventent des mondes nouveaux, l’ethnocritique est une méthodologie utile pour l’étudier, et donc une approche pertinente pour analyser Les Furtifs.

Cette discipline critique a été fondée par Jean-Marie Privat et vise à articuler poétique du texte et ethnologie du symbolique. Privat en donne la définition suivante :

 

L’ethnocritique se définit comme l’étude de la pluralité et de la variation culturelles constitutives des œuvres littéraires. Son paradigme critique est celui des théories littéraires de type herméneutique (qui se proposent d’interpréter la littérature et ses effets de sens). Elle s’intéresse plus spécifiquement aux jeux incessants à l’œuvre dans le texte entre des formes plus ou moins hétérogènes de cultures orale et écrite, folklorique et officielle, religieuse et profane, […] etc  4.

 

Si notre recherche peut s’appuyer aussi sur les propositions de Françoise Lavocat pour penser les « mondes » fictionnels de notre corpus en tant qu’« alternative[s] crédible[s] au monde réel 5 », nous privilégions toutefois, dans une perspective plus ethnolittéraire, la notion de « cosmologie » telle que le philosophe Vincent Descombes l’utilise dans Proust, Philosophie du roman. Il avance qu’« une cosmologie, prise ici dans le sens où les anthropologues parlent de la cosmologie d’un groupe, est une théorie collective du monde 6 », autrement dit, un système culturel. Descombes considère que l’un des traits caractéristiques majeurs du roman moderne est de mettre en scène des « conflits de cosmologies » qu’il illustre en prenant pour exemple À la recherche du temps perdu de Proust. Dans son récit, l’auteur oppose ce qu’il appelle la cosmologie de Combray, caractérisée par une dimension orale, collective et coutumière, et la cosmologie de Paris, plus moderne et qui encourage la montée en puissance de l’individu-sujet. Vincent Descombes prend l’exemple spécifique du deuil pour illustrer ces conflits de cosmologies :

 

Dans la cosmologie de l’ancienne France, le deuil est une affaire collective : c’est la famille qui est frappée par cette mort et qui porte le deuil. Les manifestations doivent être non seulement extérieures, publiques, mais conformes aux coutumes. […] Dans la cosmologie d’une société plus moderne […] le deuil est un chagrin personnel dont les manifestations doivent être, elles aussi, personnelles  7.

 

Et c’est bien en termes de « conflit de cosmologies » que nous pouvons lire Les Furtifs. Ce roman a été écrit en 2019 par un écrivain français, Alain Damasio, et a été publié aux éditions La Volte. L’histoire se déroule en 2043, dans la ville d’Orange, qui a été privatisée par l’entreprise de téléphonie du même nom. L’auteur y présente une division de l’armée spéciale qui a été créée dans l’unique but de chasser les furtifs, des créatures hybrides et changeantes qui se transforment en céramique une fois qu’elles ont été aperçues par un œil humain. Le personnage principal, Lorca Varèse, intègre l’une de ces équipes dans le but de retrouver Tishka, sa fille perdue depuis plusieurs années, dont il pense que la disparition aurait un lien avec les furtifs. Le lecteur est plongé dans un univers où les nouvelles technologies sont omniprésentes, mais qui se veut tout de même proche de la réalité puisque Damasio y insère des repères spatiaux qui nous sont familiers ainsi qu’une chronologie temporelle cohérente selon les marqueurs que nous connaissons.

À travers une lecture ethnocritique des Furtifs, nous nous interrogerons sur la manière dont ce monde fictionnel est construit et sur les enjeux de sa création. Nous nous arrêterons dans un premier temps sur les lieux du corpus et sur les grandes frontières anthropologiques sur lesquelles ceux-ci reposent. Il s’agira ensuite de s’intéresser aux seuils qui sont franchis par les personnages et à la dimension symbolique de leurs passages. Enfin, en réfléchissant au « faire monde(s) », nous tenterons de répondre à la question : « quel(s) monde(s) ? »

 

Les lieux des Furtifs et les grandes frontières anthropologiques

Les cosmologies sont construites sur de grandes « frontières » anthropologiques. Marie Scarpa les présente en ces termes :

 

La construction de[s] identité[s] se fait dans l’exploration des limites, des frontières (toujours labiles, en fonction des contextes et des moments de la vie, mais toujours aussi culturellement réglées) sur lesquelles se fondent la cosmologie d’un groupe social, d’une communauté : limites entre les vivants et les morts, le masculin et le féminin, le civilisé et le sauvage, etc  8.

 

Dans Les Furtifs, nous constatons différents usages de ces frontières. Deux d’entre elles semblent être parmi les plus présentes dans le roman. Ce dernier discute du début à la fin la limite séparant les vivants et les morts. En effet, les furtifs incarnent l’entre-deux états, entre le vif et le mort. Tishka est techniquement morte après son hybridation avec les créatures furtives. Ces dernières sont invisibles et changeantes, très différentes des êtres humains. En rendant visite à un philosophe par exemple, les personnages principaux supposent qu’un furtif se trouve dans sa bibliothèque, cependant la réalité est toute autre : « Il n’y a pas de furtif dans cette bibliothèque, Saskia. La bibliothèque est le furtif. Il est devenu la pièce entière : les rayons, les livres, les échelles, le papier 9. » Plus loin dans l’histoire, Lorca et sa femme retrouvent leur petite fille perdue et s’isolent en famille pour profiter de son retour. Alors que son père la tient contre lui, il sent les différents matériaux qui la composent sous ses doigts :

 

Au contact, je sens des coussinets sous la plante, des petites pointes qui m’éraflent quand j’appuie… Des griffes, je dirais cinq, un félin ? Ses cuisses paraissent dures, j’ai du mal à comprendre de quoi elles sont couvertes et quand je frôle son genou, j’ai l’impression de tâter une roche, du calcaire rêche. Son mollet est froid, enfin tiède, il a la fermeté du bois, d’une branche verte  10.

 

Les furtifs peuvent se métamorphoser de différentes manières. Certains étant capables de faire corps avec un lieu, comme dans le cas du furtif-bibliothèque et d’autres comme Tishka se créant à partir de matériaux et d’éléments animaux divers. Il est intéressant de noter que même si Lorca arrive à toucher sa fille, il ne peut pas poser les yeux sur elle, au risque de la voir se figer sous la forme d’une statue de céramique. Dans le cas du furtif-bibliothèque, les personnages peuvent le voir dans son ensemble, puisqu’il est la pièce tout entière, mais ils ne sauraient définir clairement où commence et finit la créature.

En étudiant ces furtifs et les espaces-temps qu’ils habitent ou traversent, la mobilisation de la chronotopie tripartite domus/campus/saltus employée par l’ethnocritique semble pertinente. Marie Scarpa la définit comme suit :

 

L’ethnocritique propose d’actualiser la chronotopie tripartite domus/campus/saltus que les géographes et historiens ont d’abord réservée au paysage de l’Antiquité gréco-romaine puis à celui de la France rurale […] en l’appliquant aux espaces modernes y compris les plus urbains. Pour le dire vite, la domus (l’espace du domestique, de la reproduction), le campus (l’espace du travail, de la production), le saltus (l’espace du non domestique et du non « travaillé » : la marge, l’in-cultivé, l’invisible etc.) ont des traits définitoires propres mais qui, en fonction des moments et des contextes, s’entrecroisent, s’hybrident, se « dialogisent » en somme  11.

 

Les furtifs peuvent prendre à la fois des traits animaux pour se former, ce qui relèverait donc plutôt du saltus, du sauvage, mais aussi s’intégrer en des objets du quotidien. Si l’on pense au furtif-bibliothèque, il habite un lieu de vie de l’un des personnages, sa domus, tout en étant son lieu de travail, soit un campus. Les créatures furtives sont donc clairement dans un entre-deux, n’appartenant pas vraiment à l’une ou l’autre des catégories, les dépassant probablement par leur essence même, elles ensauvagent les lieux dans lesquels elles se trouvent.

L’opposition entre le sauvage et le domestique se retrouve en d’autres éléments de l’histoire. La ville ultra-connectée d’Orange représenterait plutôt la deuxième catégorie, mais sur le delta du Rhône se trouve l’Île du Javeau-Doux, investie par une communauté balinaise, qui incarne un lieu intermédiaire, entre la domus, le campus et le saltus, étant à la fois un lieu de vie, mais également de la collectivité, le tout immergé dans un environnement « naturel » :

 

D’abord la rizière en terrasse. Trop chouette, rose et verte sous le soleil qui dévisse. Le système d’irrigation, canal et pente, subtil à souhait, total naturel avec prise de l’eau en amont du fleuve. Ensuite les serres rondes en verre, comme une ville pour les fruits, une ville pour les légumes […]. Un mix de cabanes bois/roseau, de baraques en argile et de pavillons « à la balinaise » éparpillés dans les creux et les bosses de l’île. Plus un hameau collectif, positionné façon soleil au centre du Javeau, avec marché rouge, café, boulange, boucherie  12

 

La communauté présente sur l’île a développé un système d’agriculture et d’élevage qui permet de subvenir aux besoins de tous. Quelques commerces tels le café, la boulangerie et la boucherie permettent de tisser des liens avec les autres habitants et chacun dispose tout de même d’intimité grâce aux cabanes. Nous pouvons constater que dans cette cosmologie, les lieux de la domus sont présentés d’une manière positive. Nous retrouvons des cabanes ou baraques, faisant office de maisons, de foyers. L’Île du Javeau-Doux dans son ensemble renvoie à un lieu sécurisant, dans lequel tous sont accueillis et acceptent de travailler et de vivre en communauté. Les habitants partagent une grande proximité, se retrouvant à plusieurs occasions dans la journée pour profiter de réunions que nous pouvons qualifier de familiales. À l’opposé, la domus dans la cosmologie d’Orange est représentée de façon négative, avec un gouvernement marqué par son caractère répressif et violent. Les citoyens qui vivent dans le centre-ville résident dans des petits appartements et les interactions entre individus sont limitées. Les liens affectifs qui sont tissés entre les habitants d’Orange sont très peu évoqués, ce qui augmente le contraste avec la manière de vivre de la communauté familiale qui s’est créée sur l’Île du Javeau-Doux. La ville est représentative de formes ultra-modernes de « civilisation », mais dont le degré de violence est notable 13 ; paradoxalement c’est cette ultra-modernité qui ensauvage.

Les furtifs, qui appartiendraient plutôt au saltus, ne sont perçus dans un premier temps que comme des bêtes nuisibles. Leur existence est gardée secrète par le gouvernement mais, alors que l’histoire avance, Lorca et son entourage proche réalisent que les créatures furtives ne sont pas agressives envers les êtres humains. Lorsqu’ils retrouvent Tishka, leur perception de ces dernières n’en devient que plus positive. L’enfant s’est métamorphosée et est devenue furtive à son tour. Les personnages principaux vont finalement faire connaître l’existence de ces créatures au reste de la population, et une partie se rallie à leur cause.

La foule présente pour militer à leurs côtés dans la ville de Marseille 14 montre bien le soutien populaire qui leur est accordé et si les personnages principaux deviennent les défenseurs et amis des furtifs, le gouvernement leur reste, quant à lui, hostile.

L’opposition entre les cosmologies d’Orange et du Javeau-Doux est également représentée à travers le ressenti des protagonistes lorsqu’ils se trouvent dans ces lieux. Alors que Lorca marche dans les rues de la grande ville, il dit de cette expérience que :

 

Dès que tu descendais dans la rue, dans toute ville privatisée, tu te prenais systématiquement trois vagues : les taxiles, les vendiants et les drones. Et quand tu refusais comme moi la bague au doigt, à l’instar des 4% de renégats qui préféraient encore être libres que choyés, ça devenait rapidement difficile à supporter  15.

 

Lorca ne veut en effet pas se résoudre à porter une bague pour être continuellement surveillé et il se heurte donc à toutes les sollicitations indésirables possibles : l’équivalent des taxis, des vendeurs de rue et les drones d’Orange. Le centre-ville dégage une atmosphère étouffante. Les citoyens sont surveillés en permanence afin qu’Orange puisse retracer leurs déplacements. Leurs centres d’intérêt sont également analysés dans le but de leur proposer des publicités ciblées selon leur profil.

De l’autre côté, l’Île du Javeau-Doux est un îlot agrandi sur le delta du Rhône, servant de lieu de refuge pour les personnes qui sont rejetées par la ville privatisée. Agüero, l’un des compagnons du personnage principal, en parle en ces termes lorsque leur groupe s’y rend :

 

Autour de moi, c’était simple : il n’y avait que des bouilles connues, que des amis. Le gang Kebyar au grand complet, qui chiquait son bétel en disposant des pichets d’arak sur les buffets. Sur cette place sans limite claire qui tenait à la fois du jardin et du temple, la fontaine ruisselait sa Camargue éternelle tandis que la statuaire balinaise, omniprésente sur le pourtour, vous basculait de l’autre côté du monde  16.

 

La différence entre ces deux lieux est notable. La ville d’Orange est submergée par des éléments technologiques et, à l’opposé, cette Île du Javeau-Doux 17 renvoie à une vie plus simple et chaleureuse. Lorsque les personnages s’y rendent, la vision de la végétation et des amis dans ce joyeux désordre leur fait ressentir une vraie bouffée d’air frais, loin de la ville et de la chaleur artificielle que celle-ci tente de créer. L’île est très colorée et conviviale, à l’inverse d’Orange où même les cafés sont aseptisés, pensés par des Hommes pour donner une idée de fausse convivialité. Cette île peut par ailleurs rappeler les Zones À Défendre (ZAD) qui sont en France, Belgique et Suisse, des zones occupées par des personnes militant pour des causes écologiques, pour lutter contre des projets d’aménagement du territoire par exemple. Dans Les Furtifs, Alain Damasio dépasse ces ZAD en proposant les « Zones Auto-Gouvernées 18 », qui sont occupées par des individus désireux d’y développer un mode de vie nouveau sans avoir à forcément s’opposer à un projet. Ces dernières rappellent par ailleurs les Zones d’Autonomies Temporaires théorisées par Hakim Bey 19.

Pour approfondir l’étude de l’Île du Javeau-Doux, il est important de mobiliser également ce qu’avance Victor W. Turner dans son ouvrage Le phénomène rituel, lorsqu’il étudie les rites de passage et la liminarité :

 

C’est comme s’il y avait deux « modèles » principaux, juxtaposés et alternés, de l’interrelation humaine. Le premier est celui d’une société qui est un système structuré, différencié et souvent hiérarchique de positions politico-juridico-économiques avec un grand nombre de types d’évaluation qui séparent les hommes en fonction d’un « plus » ou d’un « moins ». Le second, qui émerge de façon reconnaissable dans la période liminaire, est celui d’une société qui est en comitatus 20, une communauté non structurée ou structurée de façon rudimentaire et relativement indifférenciée  21

 

Si nous reprenons ses propos, nous pouvons avancer que l’Île du Javeau-Doux est un lieu de contre-structure dans lequel les statuts sont inversés. Selon Turner : « La communitas 22 s’introduit par les interstices de la structure, dans la liminarité ; sur les bords de la structure, dans la marginalité ; et par-dessous la structure, dans l’infériorité 23 ». L’île serait donc un lieu liminaire, aux « interstices de la structure 24 ». Celle-ci pourrait également être une hétérotopie, en tant que lieu « autre », un aspect qui sera traité par la suite.

Le monde des Furtifs met en scène la dualité entre la cosmologie du Javeau-Doux, qui repose sur une proximité avec le vivant, et la cosmologie d’Orange qui rejette les liens des êtres humains avec ce dernier. Celle-ci repose sur une omniprésence des nouvelles technologies, les intégrant à chaque élément du quotidien des citoyens. Cette opposition montre les risques d’une société ainsi contrôlée, où personne ne cherche à se rebeller parce que le gouvernement au pouvoir impose ses décisions. Leur ville ayant été privatisée par une entreprise, les habitants n’ont plus aucun pouvoir sur les évolutions que subit leur métropole. Les rares individus qui se rebellent, dont font partie les personnages principaux, sont rapidement repérés par la milice de la ville qui tente de les arrêter. Nous avons donc la cosmologie d’Orange qui est majoritaire car imposée, et la cosmologie du Javeau-Doux, minoritaire et dissidente.

 

Les seuils et les passages

Bien que la majeure partie de l’histoire se passe au sein de la ville d’Orange, la narration est très rythmée. Le lecteur suit des personnages actifs, ayant des buts précis et qui sont systématiquement dans l’action. Ils doivent en effet rencontrer des gens pour rallier leur cause, afin de retrouver Tishka en abordant les furtifs de manière non-agressive. Ils sont donc amenés à côtoyer et à chercher des savants, des artistes, des rebelles, qui se trouvent dans des lieux spécifiques. Les personnages se retrouvent également dans des situations qui les poussent à éviter les forces de l’ordre, qui leur sont généralement hostiles. Au cours de leur aventure, les protagonistes sont donc essentiellement confinés dans la ville d’Orange et s’y déplacent de lieu en lieu, s’arrêtent, passent et parfois même reviennent en fonction de l’intrigue. Il est intéressant de mettre l’accent sur ces espaces particuliers dans lesquels les furtifs établissent leurs habitats et qui peuvent devenir des refuges inattendus pour les protagonistes. Ces lieux, qui sont traités dans la narration comme des lieux à part, isolés du reste de l’espace, pourraient être qualifiés d’hétérotopies. Michel Foucault les décrit de la manière suivante :

 

Mais ce qui m’intéresse, ce sont, parmi tous ces emplacements, certains d’entre eux qui ont la curieuse propriété d’être en rapport avec tous les autres emplacements, mais sur un mode tel qu’ils suspendent, neutralisent ou inversent l’ensemble des rapports qui se trouvent, par eux, désignés, reflétés ou réfléchis  25.

 

Les hétérotopies sont des lieux qui sont habités d’une manière différente et qui reposent sur plusieurs principes, dont le suivant, particulièrement pertinent dans le cadre de cette analyse :

 

Enfin, je voudrais proposer comme cinquième principe de l’hétérotopologie, ce fait : que les hétérotopies ont toujours un système d’ouverture et de fermeture qui les isole par rapport à l’espace environnant. En général, on n’entre pas dans une hétérotopie comme dans un moulin  26[…].

 

Lors d’une chasse aux furtifs, Lorca et son équipe se rendent dans le C3, un centre culturel, dans lequel se trouve une œuvre : Il Cosmondo. Celle-ci est une petite maison labyrinthique dans laquelle les visiteurs sont invités à se déplacer.

 

Je me souviens du bond intérieur de Tishka quand elle avait vu cette maison la première fois : elle avait hésité quelques secondes devant la porte de guingois puis elle avait commencé à grimper à la fenêtre du premier en fourrant ses petons dans des trous, à courir dedans, à m’appeler, à hurler parce qu’il y avait des araignées jaunes à l’intérieur et des serpents mauves qui pendaient, des monstres en peluche qui gambadaient, des bruits, rien de vraiment flippant, juste du thrill, des bots qui se mettaient en marche, de la surprise sans cesse et des pièces qu’on pouvait ouvrir et fermer, agrandir en poussant une paroi ou en soulevant un plafond (ou bien réduire à un simple couloir, à une chatière)  27.

 

Comme le précise Foucault, les hétérotopies comportent un « système d’ouverture et de fermeture qui les isole par rapport à l’espace environnant 28 ». L’œuvre étant une petite maison dans un grand centre culturel, elle est bien isolée du reste de l’espace et compte plusieurs entrées et sorties. Les pièces et passages qui s’y trouvent sont entièrement modulables, certains étant même subtilement dissimulés, ce qui en fait un habitat idéal pour un furtif. Lors de sa chasse dans le centre culturel, le protagoniste est justement persuadé que l’une de ces créatures s’y cache. Il s’agit d’un lieu à part, d’une hétérotopie investie par un furtif qui y trouve des formes complexes, des recoins, des ombres dans lesquelles il peut se dissimuler. Une autre hétérotopie à laquelle nous pouvons penser est l’Île du Javeau-Doux, que nous avons évoquée plus tôt. Celle-ci représente un lieu « autre », contestant les espaces qui l’entourent.

Dans la mesure où le monde romanesque est ici un monde du futur hypermoderne et hyperconnecté, les lieux dont nous parlons ici se rapprochent aussi des non-lieux, définis par Marc Augé comme : « […] les points de transit et les occupations provisoires […], où se développe un réseau serré de moyens de transport qui sont aussi des espaces habités 29[…] » Ces non-lieux se rapportent plutôt au déplacement, au passage et sont traversés par les personnages. Augé donne en parallèle la définition des « lieux anthropologiques », qui « ont au moins trois caractères communs. Ils se veulent (on les veut) identitaires, relationnels et historiques 30. » Plusieurs moyens de transport sont présentés dans Les Furtifs, l’un des plus marquants est le taxile, équivalent futur de nos taxis, dans lequel monte Lorca :

 

Alors je me suis résolu à prendre un taxile. Un blob bleu, informe et capitonné, qui ressemblait à une grosse auto-tamponneuse ceinturée de parechocs élastiques et dont il était inutile de distinguer l’avant de l’arrière. Je me suis vautré dans le fauteuil de cuir, au milieu de ce salon roulant qui singeait on ne sait quoi de vintage. Tout à l’intérieur se voulait tactile et feutré. C’était le concept du cocon ou de la bulle, que tous les constructeurs avaient adopté dans un même élan de facilité  31

 

Le véhicule pourrait bien être un non-lieu, dépourvu de traits identitaires, relationnels et historiques. Un non-lieu dans lequel les individus passent sans réellement s’arrêter, pour se rendre d’un endroit à un autre, le tout en restant seuls face à eux-mêmes. Ce dernier possède une caractéristique propre à l’ensemble des lieux de la ville d’Orange : une volonté de convivialité artificielle pour l’usager. Lorca le voit comme une sorte de maison « en cocon » qui est créée de toutes pièces sans donner une réelle dimension relationnelle au lieu.

Hétérotopies et non-lieux sont utiles pour penser les lieux damasiens. Mais pour qualifier le type de relations que l’humain entretient avec eux, l’ethnocritique les prolonge en revenant au chronotope, théorisé par Mikhaïl Bakhtine dans Esthétique et théorie du roman, qui considère l’espace et le temps comme indissolubles :

 

[…] c’est là qu’ont lieu les rencontres […]. Là se nouent les intrigues et ont lieu souvent les ruptures, enfin (et c’est très important), là s’échangent des dialogues chargés d’un sens tout particulier dans le roman, là se révèlent les caractères, les « idées » et les « passions » des personnages […]. De la sorte, le chronotope, principale matérialisation du temps dans l’espace, apparaît comme le centre de la concrétisation figurative, comme l’incarnation du roman tout entier. Tous les éléments abstraits du roman — généralisations philosophiques et sociales, idées, analyses des causes et des effets, et ainsi de suite, gravitent autour du chronotope et, par son intermédiaire, prennent chair et sang et participent au caractère imagé de l’art littéraire. Telle est la signification figurative du chronotope  32[…]

 

Chronotopes que nous rapportons donc à la grille précédemment décrite : domus/campus/saltus.

 

Parmi les principaux chronotopes qu’identifie Bakhtine se trouvent ceux de la « route » (valeur émotionnelle de la rencontre, importance du hasard, hétérogénéité sociale, afflux de métaphores langagières comme « changer de route » ou « faire fausse route », traversée du pays natal dans le roman classique), du château (roman historique, lieu des générations d’autrefois, trace du passé en passe de devenir des souvenirs compris ou incompris), du « salon » (roman réaliste), de la « petite ville » (Flaubert), du « seuil » (Dostoïevski)  33.

 

Le lieu dans lequel Lorca passe son examen final, pourrait précisément être un chronotope. Il s’agit d’un cube entièrement blanc. « Le cube est blanc, oui, d’un blanc impeccable, tendu d’un seul aplat mat massif qui glace les quatre murs et noie la surface du sol dans un lac de lait glacé 34. » Tout dans ce lieu est fait pour limiter les métamorphoses des créatures furtives. Il ne comporte aucun meuble, aucune trace de couleur, le personnage a même du mal à identifier où le lieu commence et où il se termine. Cette pièce est décrite de la manière suivante : « Le cube est une épreuve de synthèse, qui catalyse la totalité de ce que tu as appris, construit et compris - d’où son prestige 35. » Cela fait de ce cube un lieu d’épreuve, d’initiation qui est un temps important pour le protagoniste. En effet, il marque un passage essentiel dans la vie de Lorca, où il passe d’étudiant à chasseur. Ce changement de statut est ce qui lui permet d’enquêter sur la disparition de sa fille, en pouvant être au contact des furtifs. Les chronotopes permettent de penser cette relation qu’entretiennent l’espace et le temps. Ils sont utiles pour expliquer la dimension symbolique dans la manière dont les personnages traversent ou habitent les lieux. Ce cube serait au départ un lieu du campus, qui devient un lieu du saltus par la présence du furtif que Lorca doit repérer.

Dans le roman, les protagonistes sont en mouvement entre des lieux de la domus, du campus et du saltus. En effet, ils passent un temps important au contact du vivant lors des chasses aux furtifs. Ils sont également amenés à se déplacer dans les rues d’Orange pour se rendre dans des lieux de rencontre mais aussi dans des maisons, des habitations où des liens affectifs se tissent entre les individus. Malgré cette profusion de lieux dans Orange, les personnages principaux se retrouvent systématiquement entraînés dans le saltus. Il est possible de le constater dans l’appartement de Saskia, une amie proche du protagoniste, qui l’héberge une nuit chez elle.

 

Le lendemain matin, je me réveillai dans des cris d’oiseaux, au milieu d’une forêt tropicale qui avait envahi l’appart. Saskia était debout sur sa table de petit-déjeuner et effleurait un holumen perché dans un arbre virtuel. L’oiseau de lueur, tissé au fil laser, disparut dans un nuage de rien. Aussitôt un nouveau cri retentit, amenant Saskia à s’étirer au plafond pour décrocher l’oiseau […]. Quelques minutes plus tard, alors que je comatais encore au milieu de la forêt pluviale, Saskia surplombait mon oreiller en riant  36.

 

Ce lieu d’habitation relève donc a priori entièrement de la domus. Il s’agit d’un foyer dans lequel deux amis se retrouvent et se sentent en sécurité. Nous pouvons ensuite constater la création artificielle de tout un écosystème, le lieu s’ensauvage, devenant un saltus. Lorca se sent plongé « au milieu d’une forêt tropicale », il dit qu’il comate « au milieu de la forêt pluviale » alors qu’il s’est endormi la veille dans un appartement on ne peut plus habituel au sein de la ville. Cette habitation pourrait également être un chronotope, dans lequel la nature créée par les dispositifs technologiques est figée dans une temporalité artificielle. Celle-ci n’existe que lorsque Saskia la fait apparaître et disparaît de la même manière, laissant derrière elle un simple appartement. Cet extrait est représentatif d’un temps particulier qui hybride à la fois les caractéristiques d’un foyer et d’un espace sauvage. De plus, Saskia fait partie du cercle proche du protagoniste et partage ses réserves quant à l’usage des nouvelles technologies. À plusieurs reprises dans le roman, elle essaye de se départir de celles-ci, sans toutefois les rejeter complètement. Elle se sert par exemple d’un bonnet d’écoute qui lui permet d’exacerber son ouïe et de repérer les sons émis par les créatures furtives. La jeune femme associe cet outil technologique avec ses capacités de concentration lors des chasses aux furtifs 37. Elle choisit de se servir de ces outils d’une manière différente de ses collègues. Ceux-ci se reposent entièrement sur des dispositifs technologiques agressifs pour appréhender les furtifs, une pratique qu’elle ne valide pas et à laquelle elle préfère une approche plus douce, plus cérémonieuse :

 

À l’évidence, il avait tout pris, tout ce qui était humainement charriable en termes de matériel de détection : ses capteurs de présence, de passage et de mouvements, d’accord, normal. Mais aussi ses capteurs de distance, son lidar, l’épiscope, les scanners de sol ou encore son capteur inductif à courants de Foucault pour mesurer les variations du champ magnétique… Il avait même pris la caisse du tomo et l’IRM de poche comme si le boucan de l’engin n’était pas suffisant pour faire fuir un furtif à 2 km  38 !

 

Saskia cherche à dépasser les normes de la cosmologie d’Orange, en l’occurrence vivre « dans » et avec ces technologies, en les utilisant pour appréhender différemment les furtifs et pour mettre en forme un écosystème naturel dans son lieu de vie, ce qui crée une forme d’hybridation. Il est important de revenir sur la définition du terme « hybride » pour poursuivre cette analyse :

 

[…] il suffirait de consulter Le Petit Robert pour entrer immédiatement dans le vif de notre sujet. Le mot « hybride » y est en effet défini par opposition à « pur ». L’hybride serait donc, par synonymie, « l’impur » et sans doute bien vite le « tabou », le « dangereux », « l’autre »  39[…].

 

À partir de cette définition, l’hybride serait l’« impur », l’étranger, celui qui n’est plus familier dans sa cosmologie de départ. Dans le roman, les furtifs incarnent bien au début « l’autre » et le « dangereux ». Ce qui justifie pour le gouvernement d’Orange de créer une division de l’armée entièrement dédiée à leur traque. Ces créatures peuvent aussi être considérées comme « impures » dans les premiers chapitres du roman. Elles appartiennent à une espèce animale, que personne ne peut réellement voir en mouvement, et s’approprient des caractéristiques diverses pour former leur corps. Une catégorie véritablement « inouïe ». Il y aurait chez Damasio une volonté de donner une vision positive de cette espèce furtive avec laquelle les êtres humains peuvent s’hybrider. Il montre dans un premier temps pourquoi les furtifs sont rejetés, à cause de leur hybridité, de leurs métamorphoses qui sont perçues à la fois comme « impures » et dangereuses, mais qui provoquent tout de même de la fascination. Ils représentent ce flux de la vie-même, changeante et fluctuante. L’auteur affirme d’ailleurs lors de l’une de ses interviews : « Je pense […] que va apparaître un courant “zoopunk” ou un “biopunk” au sens où l’enjeu sera la réarticulation au vivant, l’hybridation avec le vivant comme vecteur d’émancipation 40 » ; un phénomène d’hybridation qui est donc omniprésent dans son œuvre et qui se manifeste à travers nombre de personnages. Lorsque Lorca retrouve sa fille par exemple, celle-ci est toujours humaine, mais est aussi devenue furtive. Alors que les protagonistes ont été pris dans de longues réflexions pour essayer de mieux comprendre les furtifs, Tishka incarne la « preuve » finale que ces créatures, bien qu’effrayantes au départ, font partie d’une espèce pacifique avec laquelle les humains peuvent échanger et interagir. Des personnages de l’histoire s’hybrident justement à plusieurs reprises avec les furtifs et développent des capacités humaines exacerbées, devenant à leur tour à la fois des êtres humains et furtifs. Par exemple, le protagoniste se découvre une habileté toute particulière à se dissimuler, qui lui sert maintes fois pendant des fouilles effectuées par la milice de la ville.

 

« Faire monde(s) » : quels mondes ?

En traitant du « faire monde(s) » dans l’œuvre de Damasio, il est nécessaire de s’interroger sur la nature de ces mondes. Sont-ils anciens ? Sont-ils nouveaux ? Quelles sont leurs caractéristiques ? Les Furtifs pourrait représenter un futur possible, ou au contraire un scénario basé sur l’exagération du présent, pour en montrer les dangers. Il est intéressant de noter que les héros du roman se tournent vers des techniques plutôt associées à des pratiques anciennes pour arriver au terme de leur quête. Ils se rebellent par le chant, par l’oral, plutôt que de se tourner vers des outils technologiques dont ils disposent à foison. Dans son roman, Damasio fait siennes les réflexions de Philippe Descola : notre rationalité occidentale contemporaine, depuis la période moderne 41, nous a coupés du vivant. Les furtifs permettent de dépasser l’opposition entre nature et culture. Ils représentent un tout, qui est partout. Ce sont des créatures du vivant, de l’oral, s’exprimant par le chant, la rythmique, ainsi que par quelques traces écrites. Ils se métamorphosent et échappent à la surveillance omniprésente. Le roman extrapole notre rapport contemporain au monde et met en scène un univers où les êtres humains se sont laissé dominer par les nouvelles technologies, oubliant beaucoup des relations qu’ils avaient avec le vivant. Il présente un monde où la domus, les lieux du domestique, est hostile au vivant. Un dispositif présent dans le roman vient confirmer cette théorie : il s’agit de la Réul, une projection artificielle créée grâce à la réalité virtuelle. L’un des personnages en parle en ces termes : « La réul permet de choisir les gens et même les animaux qu’on veut côtoyer ! […] Vous pouvez trouver ça régressif mais moi, je trouve que c’est une façon de ne plus subir 42. » C’est donc à l’aide des nouvelles technologies que les individus s’échappent de leur quotidien qu’ils « subissent », en créant un espace hors de la réalité pour ne plus avoir à interagir avec leur monde ; soit une hyper-moderne solitude. Par opposition, c’est du saltus, qui s’exprime par les relations avec le vivant, avec les furtifs et par l’hybridation des êtres humains avec ces derniers que viennent les solutions salvatrices.

 

Conclusion

C’est donc l’hybridation qui nous apparaît comme l’un des traits majeurs du monde fictionnel des Furtifs. Celle-ci instaure des continuums entre différents règnes, en créant des hybrides transhumains et donc un dépassement des oppositions habituelles entre nature et culture. Les personnages principaux, pris dans ces conflits entre une cosmologie majoritaire, imposée et limitatrice et une cosmologie minoritaire, dissidente et proche du vivant, assimilent une partie de chacune d’elles. Ils appartiendraient donc à un entre-deux, sans s’intégrer véritablement dans l’une ou dans l’autre cosmologie.

Quant aux furtifs eux-mêmes, leur hybridité leur confère peut-être une texture mythique, comme le dragon naguère :

 

Si la mythique texture du dragon semble toujours renaître de ses cendres, c’est peut-être qu’il doit cet embrasement sémantique toujours recommencé à sa contexture même. Son hybridité formelle […] le prédispose en effet à cristalliser les investissements émotionnels les plus puissants dans une dialectique de la fascination et de la répulsion où se joue sans doute la tension de l’autre et du même, de l’autre dans le même  43.

 

Par leur « hybridité formelle 44 », ces créatures n’échappent ni à la fascination, ni à la répulsion, incarnant finalement à la fois « l’autre » et le « même », voire les deux simultanément, dans le roman.

  1. Darko Suvin, Pour une poétique de la science-fiction, Québec, Presses Universitaires du Québec, 1977, p. 12.
  2. Irène Langlet, La science-fiction. Lecture et poétique d’un genre littéraire, Paris, Armand Colin, 2006, p. 24.
  3. Éric Picholle, « Les défis du novum, de la science-fiction à l’histoire des idées scientifiques », pp. 204-232, in. Estelle Blanquet, Éric Picholle, Sandra Plantier, Véronique Thuin (dir.), Espace et temps, Saint-Martin-du-Var, Les Éditions du Somnium, « Enseignement et Science-Fiction », 4, p. 206.
  4. Jean-Marie Privat, « Le lieu et la formule. Ethnologie des écrivains et des univers littéraires ». Ethnologie française, 44, Paris, Presses Universitaires de France, « Ethnologies du littéraire », 2014, p. 581-585, p. 583-584.
  5. Françoise Lavocat, La Théorie littéraire des mondes possibles, Paris, CNRS Editions, 2010, p. 5.
  6. Vincent Descombes, Proust. Philosophie du roman, Paris, Les Éditions de Minuit, « Critique », 1987.
  7. Id., p. 181.
  8. Marie Scarpa, « Le personnage liminaire », Romantisme, n°145, Paris, Armand Colin, « Revue du dix-neuvième siècle », mars 2009, pp. 25-35, p. 28.
  9. Alain Damasio, Les Furtifs, Clamart, Éditions La Volte, 2019, p. 414.
  10. Id., p. 434.
  11. Marie Scarpa, « “À cette heure et en ce lieu… ” Micro-lecture ethnocritique de Dans la solitude des champs de coton », Cahiers Figura, n°38, 2015, « Les douze travaux du texte », Pierre Popovic, Anne-Marie Davie (dir.), pp. 249-253, p. 252.
  12. Alain Damasio, Les Furtifs, op. cit., p. 180.
  13. Comme souvent dans les dystopies, dans 1984 de George Orwell par exemple.
  14. Id., p. 660.
  15. Id., p. 263.
  16. Id., p. 75.
  17. Le nom « Javeau-Doux » a une composition en deux parties. Le « javeau » désigne la nature du lieu, une île formée dans une rivière ou un fleuve et « doux » renvoie à la douceur et ajoute d’emblée une dimension positive au lieu.
  18. Alain Damasio, Les Furtifs, op. cit.
  19. Hakim Bey, T.A.Z.: The Temporary Autonomous Zone, Ontological Anarchy, Poetic Terrorism, Paris, Éditions de l’éclat, 1997.
  20. La note de traduction propose de traduire ce terme latin par « compagnonnage ».
  21. Victor W. Turner, Le phénomène rituel, Paris, Presses Universitaires de France, « Ethnologies », 1990 [1969], p. 97.
  22. L’auteur précise qu’il préfère se servir du terme latin « communitas » plutôt que du terme « communauté » pour distinguer la « modalité de relation sociale » de l’« aire de vie commune » (Ibid.)
  23. Id., p. 125.
  24. Id., p. 97.
  25. Michel Foucault, « Des espaces autres », Conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967, in. Architecture, Mouvement, Continuité, n° 5, Anthony, Groupe Moniteur, octobre 1984, pp. 46-49, p. 46.
  26. Michel Foucault, Le corps utopique, les hétérotopies, Paris, Éditions Lignes, 2009, p. 32.
  27. Alain Damasio, Les Furtifs, op. cit., p. 96.
  28. Michel Foucault, Le corps utopique, les hétérotopies, op. cit., p. 32.
  29. Marc Augé, Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Éditions du Seuil, « La Librairie du XXIe siècle », 1992, p. 100-101.
  30. Id., p. 69.
  31. Alain Damasio, Les Furtifs, op. cit., p. 272-273.
  32. Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 2006, p. 232.
  33. Pierre Popovic, « Du chronotope et du chronotype », pp. 11-20, in Sophie Ménard, Jean-Marie Privat (dir.), À l’œuvre, l’œuvrier, Nancy, Presses Universitaires de Lorraine, Collection EthocritiqueS, 2017, p. 12.
  34. Alain Damasio, Les Furtifs, op. cit., p. 11.
  35. Id., p. 10.
  36. Id., p. 160.
  37. Id., p. 109.
  38. Id., p. 97.
  39. Jean-Marie Privat, Dragons entre sciences et fictions, Paris, CNRS EDITIONS, 2006, p. 6.
  40. Ruddy Guilmin, « Alain Damasio : “Ma science-fiction, c’est un présent hypertrophié”, GONZAÏ, 14/01/2023, https://gonzai.com/alain-damasio-ma-science-fiction-cest-un-present-hypertrophie/
  41. Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, (2021 [2015]). Dans son ouvrage Valet Noir, Jean-Christophe Cavallin avance que « […] dans le second XXe siècle, l’homme et ses récits ont quitté la terre. », l’humain devenant le sujet central de la littérature, le monde étant devenu complètement objectifié et dominé par ce dernier. Jean-Christophe Cavallin, Valet Noir. Vers une écologie du récit, Paris, Éditions Corti, « Biophilia », 2021.
  42. Alain Damasio, Les Furtifs, op. cit., p. 410-411.
  43. Jean-Marie Privat, Dragons entre sciences et fictions, op. cit., p. 11.
  44. Ibid.