La jeunesse face aux vestiges : la ruine, terrain de jeux à la croisée des mondes

La jeunesse face aux vestiges : la ruine, terrain de jeux à la croisée des mondes

Par VANDECASTEELE Louis

L’époque actuelle a pour obsession de nommer les choses. Ce faisant, elle tend à nous persuader que la chose est apparue avec le nom. Certains croient qu’il a fallu inventer le mot « selfie » pour songer à retourner son appareil photo vers soi. De la même manière, certains croient sans doute que les jeunes générations se sont prises d’intérêt pour les lieux abandonnés au moment précis de l’arrivée du mot « urbex 1 ». Évidemment, l’exploration des ruines ne date ni d’hier, ni du XXe siècle et de ses décombres, ni du romantisme et de ses contemplations mélancoliques. Car, avant de choir dans un nom – selon une formule de Cioran 2 – l’intemporelle promenade des jeunes gens parmi les vestiges a chu dans la littérature.

Précisons d’emblée que nous entendrons par « ruine » toute construction humaine qui a été abandonnée 3. Par souci de concision, nous passons sous silence l’importance manifeste de la ruine dans les autres arts narratifs ou picturaux puisqu’il s’agira, au cours de cette analyse, de nous consacrer à la ruine comme topos littéraire, plus particulièrement au sein de la littérature de jeunesse ultracontemporaine. Nous pourrons ainsi constater la réactualisation de cette thématique, et identifier comment la fiction met en scène les enfants d’aujourd’hui dans ce qu’il reste d’hier. Pour ne délaisser aucune modalité de la représentation des ruines, nous nous appuierons sur des œuvres 4 issues de champs narratifs variés de la littérature de jeunesse : le roman, la bande dessinée et l’album.

Dans la série de romans Kinra Girls écrite par Moka, et plus précisément dans le tome 20 intitulé La Maison abandonnée et paru en 2017, nous suivons les aventures d’une bande de cinq petites filles explorant les ruines d’un village à la recherche de leur chat disparu. Dans Le Zoo pétrifié, premier tome de la série de bandes dessinées des Carnets de Cerise débutée en 2012, pensée et illustrée par Aurélie Neyret et mise en texte par Joris Chamblain, Cerise mène l’enquête et découvre un zoo abandonné. L’album Il était une fois une maison, écrit par Julia Fogliano, illustré par Lane Smith, et paru en 2018, nous montre simplement deux enfants visitant les vestiges d’une maison. Dans ces œuvres, nous verrons que la ruine devient pour les enfants un terrain de jeux en tous genres, où les adultes sont absents et présents à la fois ; un terrain de jeu paradoxal, situé hors d’un monde, au seuil de deux mondes, où certains privilégiés peuvent entrevoir l’autre côté du portail.

 

Hors d’un monde : franchissement et transgression

L’abandon qui caractérise la ruine l’associe définitivement à un passé révolu. En effet, le topos de la ruine est un chronotope tel que l’a défini Mikhaïl Bakhtine 5, en cela qu’elle réunit synthétiquement l’espace et le temps (et ce y compris en dehors du roman auquel le chronotope est intimement lié). Un élément textuel précis permet, à lui seul, de considérer la solidarité de l’espace et du temps au sein des vestiges : le toponyme. Le nom de la ruine renvoie forcément à une géographie, mais également à une histoire – l’histoire particulière qui fait que la ruine en est une. Le toponyme désigne aussi bien le bâtiment, avec son existence physique et spatiale, que la fonction qu’avait ce bâtiment, et qu’il a perdue depuis. Les ruines qui nous intéressent ici sont toutes éponymes. Le titre du premier tome des Carnets de Cerise est : Le Zoo pétrifié. Le mot « zoo » évoque d’une part l’endroit, avec sa localisation et sa disposition spatiale spécifique, d’autre part le passé de l’endroit, la fonction qu’il remplissait autrefois. Le lien fusionnel entre l’espace et le temps est ici renforcé par l’épithète « pétrifié », la fixation correspondant autant à un état d’immobilité dans l’espace que dans le temps. Cela fonctionne de la même manière avec le titre sans équivoque du tome 20 des Kinra Girls : La Maison abandonnée. Le titre de l’album Il était une fois une maison est plus révélateur en anglais : A House That Once Was (« une maison qui fut autrefois »). L’état actuel de l’endroit se conjugue au prétérit : la ruine n’existe au présent qu’à travers son passé. Ainsi, dans le nom des vestiges apparaît déjà la rupture entre un passé fonctionnel et une continuité dépourvue de fonction. Cette rupture correspond à l’abandon par les occupants, au départ de ceux qui étaient là avant, c’est-à-dire la génération précédente, les adultes au sens large du terme. Le toponyme chronotopique de la ruine témoigne à la fois textuellement et implicitement d’un avant/après les adultes. Les vestiges constituent un lieu après les adultes, un microcosme où ces derniers sont par définition absents, puisqu’ils sont partis ou ont disparu. De fait, le topos de la ruine s’extrait donc du monde des adultes.

Les vestiges deviennent ainsi l’endroit de réunion idéal pour les enfants en quête de liberté. Les adultes ont fui la ruine, quel meilleur endroit pour fuir les adultes ? C’est donc en tant que lieux éloignés de ces derniers et des restrictions qu’ils imposent 6 que la fiction valorise les vestiges. Puisque le topos de la ruine est hors du monde des adultes, un franchissement sera nécessaire pour atteindre cet autre monde. Les Kinra Girls, en recherchant leur chatte disparue, expriment cette idée de rupture :

 

- Il n’y a pas de quoi s’affoler non plus ! répliqua Alexa. Esperanza est à moitié sauvage, elle sait se débrouiller dans la nature. […] [E]lle est retournée à sa vie de chatte libre et indépendante.

- Mettons-nous à sa place. Je suis un chat. Où je dors pour être à l’abri du danger ? Il y a plein de cachettes ! Le moulin ! Le village abandonné !

- Oui ! approuva Alex. C’est sûrement dans une des vieilles maisons qu’Esperanza s’est installée. (KR20, 25-26.)

 

Par le truchement du chat, le texte crée ici un lien direct entre les ruines et la liberté, l’indépendance, permises par l’éloignement de l’Académie Bergström associée à l’autorité des adultes. Cet écart – aussi bien symbolique que géographique – se matérialise clairement sur la carte en exergue du récit. La rupture est triple entre l’Académie et le village abandonné : les deux sont séparés par la rivière, le pont, et la forêt. Ces obstacles à franchir se retrouvent en toutes lettres dans la narration : « Pour rejoindre le village abandonné depuis l’écurie, on devait traverser un ruisseau. […] Bientôt, la silhouette familière du moulin se dessina entre les arbres. Le village se trouvait de l’autre côté du pont » (KR20, 30, nous soulignons). La forêt installe de nouveau une frontière dans Il était une fois une maison, via le texte (« Au cœur de la forêt il y a une maison » [Ieufum, 4-5]) et via l’illustration (la forêt s’éclaircit dans le sens de lecture, laissant entendre qu’il est nécessaire de franchir une dense végétation pour atteindre cette maison). La nature et l’ensauvagement fonctionnent comme un sas qui laisse les grandes personnes en dehors, au point que les adultes sont complètement absents de l’histoire (y compris lorsque les enfants sont de retour chez eux). La narration, dans la version originale, évoque textuellement leur présence révolue, une présence qui ne se conjugue qu’au passé et qui devient ineffective au présent : « The someone who once was is someone who isn’t. The someone who once was is gone 7» (Ieufum, 14-15) Dans Les Carnets de Cerise, la ruine est également séparée du reste du monde par la forêt et surtout par un mur d’apparence infranchissable, dans lequel Cerise trouve finalement une brèche providentielle qui lui permet l’accès 8.

Si le monde des adultes est caractérisé par l’autorité, celui que les enfants convoitent devient l’espace privilégié de la transgression. Le franchissement témoigne déjà d’une violation : s’extraire du monde de l’obéissance, c’est déjà désobéir. L’une des manifestations de la transgression dans le topos de la ruine est l’oisiveté. En somme, la dichotomie qui se tisse ici oppose la contrainte à la récréation : le macrocosme des adultes est fait de travail et d’obligations, tandis que le microcosme où les enfants se rendent est fait de jeux interdits et de libertés auto-octroyées. Ces traits caractéristiques de l’enfance peuvent se mêler au monde adulte, mais uniquement au détriment de leur part agréable. Par exemple, dans l’enceinte de l’Académie des Kinra Girls, l’oisiveté et le jeu sont possibles, mais paraissent bien fades face à leur équivalent parmi les ruines :

 

- […] On devrait se tenir tranquilles, aujourd’hui. Au chaud !

- Pourquoi pas refaire notre devoir de maths pendant qu’on y est ? râla Idalina.

- On n’est pas obligées de sortir pour s’amuser, répliqua Rajani. On peut jouer à des jeux de société !

Alexa devina qu’Idalina pensait à la maison abandonnée et aux mystères qu’elle recelait peut-être. Et, en vérité, elle était également intriguée. (KR20, 97-98.)

 

Il est difficile de ne pas établir une connexion entre « jouer à des jeux de société » et « jouer le jeu de la société », « jouer la comédie sociale 9. » Les jeux de société n’éveillent pas l’intérêt d’Idalina, pas plus que la perspective de se tenir tranquilles, au chaud, car l’oisiveté n’est stimulante que si elle est transgressive, si elle témoigne d’un refus du monde des adultes, si elle prend place en dehors de ce monde. À travers l’ironie du personnage, refaire le devoir de mathématiques paraît ici plus enviable que de contrefaire les plaisirs que pourraient offrir les vestiges. Cette transgression recherchée par les enfants se manifeste parfois dans l’ultime franchissement qui permet de pénétrer la ruine. Les Kinra Girls doivent forcer les volets de la maison abandonnée pour pouvoir y accéder. Cela implique une effraction (terme problématique à propos d’une ruine) mais la véritable transgression se trouve dans le fait de ne pas entrer par la porte : « Il y avait une fenêtre derrière les volets. Une simple pression sur le montant en bois suffit à l’ouvrir. L’une après l’autre, les Kinra Girls enjambèrent le chambranle. » (KR20, 102) La même chose se produit dans Il était une fois une maison : les deux enfants n’ont d’autre choix que d’entrer par la fenêtre. Hors du monde des adultes, il est possible de ne pas respecter les normes, de s’affranchir de la finalité. Peu importe qu’une porte soit conçue pour être franchie et une fenêtre non ; au contraire, ce comportement est encouragé par la narration. En effet, la volonté des enfants n’est pas motrice, cette transgression relevant dans les deux cas, d’une invitation de la ruine elle-même : « Le hasard voulut qu’à ce moment-là le soleil émergea des nuages et éclaira la façade. La médaille de saint Benoît brilla dans le mur. […] C’était une invitation à entrer ! » (KR20, 101) ; « Sur le côté de la maison, […] il y a une fenêtre […]. Une fenêtre qui dit : “grimpez et entrez !” » (Ieufum, 12-13) Cette transgression ludique parachève leur extraction du monde des adultes, sans toutefois les transporter vers le monde de l’enfance. La ruine n’est pas un autre monde, elle n’est qu’un portail entre deux mondes, un franchissement.

 

Au seuil de deux mondes : trace et recréation

La ruine est un espace liminaire, autour duquel s’articulent deux mondes opposés. Le premier, nous l’avons évoqué, est le monde des adultes. Il serait dès lors tentant de concevoir le second comme le monde de l’enfance, et pourtant nous verrons que la ruine est un portail qui tend à brouiller les antithèses évidentes. Au sein des vestiges, les contraires coexistent de manière synthétique, sans s’annuler ni s’affaiblir. Ainsi, il nous faut contredire – sans pour autant l’invalider – notre précédente affirmation qui consistait à présenter les adultes comme absents des ruines : ils en sont bel et bien absents tout en y étant omniprésents. En effet, étant à la fois à l’origine du bâtiment et à l’origine de son abandon, les adultes continuent d’y exister par les traces qu’ils y ont nécessairement laissées. Rappelons la définition de la trace que donne Paul Ricœur dans Temps et Récit :

 

C’est bien là le nœud du paradoxe. D’une part, la trace est visible ici et maintenant, comme vestige, comme marque. D’autre part, il y a trace parce que auparavant un homme, un animal est passé par là ; une chose a agi. Dans l’usage même de la langue, le vestige, la marque indiquent le passé du passage, l’antériorité de la rayure, de l’entaille, sans montrer, sans faire apparaître, ce qui est passé par là. On remarquera l’heureuse homonymie entre « être passé », au sens d’être passé à un certain endroit, et « être passé », au sens d’être révolu  10.

 

Dans les ruines, les adultes sont passés, dans les deux sens évoqués par Ricœur. S’ils peuvent être à la fois présents et absents des ruines, c’est qu’à travers la trace, leur absence est visible et leur présence invisible. Dès lors, la ruine elle-même peut être considérée comme une trace laissée par les adultes et, par emboîtement, regorge de traces. Ainsi, toute œuvre picturale qui représente la ruine ne peut faire l’économie de montrer les adultes, en creux, dans ce qu’ils ont laissé, a fortiori lorsqu’il s’agit des vestiges d’un foyer. Tout ce qui constitue la ruine, des murs écroulés jusqu’aux restes de mobilier, fait trace. Il en va de même dès qu’il y a description textuelle, comme cette simple phrase lorsque les Kinra Girls pénètrent la maison abandonnée : « Il n’y avait qu’une seule pièce dans laquelle restaient quelques meubles qu’on avait sans doute laissés sur place en raison de leur mauvais état. » (KR20, 102) Les verbes « rester » et « laisser » marquent l’abandon, certes, mais prouvent également qu’il existe des indices de ce dernier. Notons que la forme passive et le pronom « on » corroborent l’idée que la présence est invisible, puisqu’elle s’efface dans l’indéfini. Cependant, c’est dans l’album Il était une fois une maison que la narration insiste le plus sur cette ambivalence de la trace comme absence et présence, à travers cette interrogation éloquente de contradiction : « Qui était cette personne […] qui s’en est allée mais qui est encore présente partout ? » (Ieufum, 18-19) La ruine, si elle se situe hors du monde des adultes, ne se défait pas pour autant de leur présence qui, dans la trace, cohabite avec leur absence.

Bien qu’elle rende la ruine indissociable des adultes, la trace alimente paradoxalement la propension des enfants à faire de ces endroits des terrains de jeu. Paul Ricœur soulignait déjà l’interprétation par l’imaginaire qu’elle appelle immanquablement :

 

C’est bien évidemment dans le phénomène de la trace que culmine le caractère imaginaire des connecteurs qui marquent l’instauration du temps historique. Cette médiation imaginaire est présupposée par la structure mixte de la trace elle-même en tant qu’effet-signe. […] Le caractère imaginaire des activités qui médiatisent et schématisent la trace s’atteste dans le travail de pensée qui accompagne l’interprétation d’un reste, d’un fossile, d’une ruine, d’une pièce de musée, d’un monument : on ne leur assigne leur valeur de trace, c’est-à-dire d’effet-signe, qu’en se figurant le contexte de vie, l’environnement social et culturel, bref, selon la remarque de Heidegger évoquée plus haut, le monde qui, aujourd’hui, manque, si l’on peut dire, autour de la relique  11.

 

La trace stimule l’imaginaire, incite à inventer. Ainsi, à la récréation – qui consistait à fuir le monde des adultes pour se rendre parmi les ruines – se substitue une autre forme de jeu : la recréation. Dans les vestiges, l’enfant dispose d’un matériau malléable à exploiter. Cela passe tout d’abord par de simples questionnements, qui sont autant de portes ouvertes vers l’imaginaire. Idalina des Kinra Girls en formule quelques-uns : « Qui avait vécu là ? Et pourquoi les habitants avaient-ils quitté les lieux ? Les réponses se trouvaient peut-être à l’intérieur… » (KR20, 86) Dans Il était une fois une maison, ce jeu se fait toujours sous la forme de questions, mais consiste à imaginer la vie de celui qui vivait là, à partir des traces qu’il a laissées :

 

Qui était cette personne

qui mangeait des haricots,

s’asseyait près du feu,

se regardait en ce miroir ?

Qui était cette personne

dont les livres attendent toujours

dont le lit est encore fait dont les photos ont jauni ?

Qui était cette personne

qui empruntait ce couloir,

cuisinait ici

faisait une sieste dans ce fauteuil ?

Qui était cette personne partie

sans faire sa valise

cette personne qui s’en est allée

mais qui est toujours présente partout ? (Ieufum, 16-19.)

 

La trace permettant la recréation est matérialisée dans un portrait incomplet, troué au niveau du visage. Dans un passage sur lequel nous reviendrons, les enfants se représentent l’ancien habitant. Or, à défaut de l’avoir vu, ils ne peuvent qu’imaginer ce à quoi il ressemblait. Un aphorisme de Sylvain Tesson résume finalement le processus imaginatif de la recréation qui a cours dans les vestiges : « Devant des ruines, l’imagination bouche les trous 12. » Le trou sous-entend, en creux, l’existence de contours. Combler la béance des ruines, c’est recomposer le manque à partir des traces, c’est recréer l’invisible à partir du visible.

Amenant le contexte favorable à la recréation, la ruine appelle une autre forme particulière du jeu : l’imitation. Au cœur des vestiges, les enfants sont entourés de traces qu’ils peuvent exploiter à loisir afin de jouer à faire comme les grands. Dans Les Carnets de Cerise, la petite fille joue à l’enquêtrice. Ses amies l’appellent « inspectrice en chef Cerise » (LCdC1, 23), son chapeau de feutre et son blouson de cuir évoquent la tenue stéréotypée des détectives. Cerise se charge de résoudre une enquête autour de celui qu’elle nomme « Monsieur Mystère » (LCdC1, 19), qui s’avère être l’ancien gardien du zoo. En le suivant et en découvrant l’endroit, Cerise peut enfin jouer pleinement le rôle qu’elle se donne ; au nom et à l’accoutrement s’ajoute une affaire à résoudre. En explorant le zoo, Cerise est montrée dans l’attitude de l’enquêtrice : « — Il faut que je prenne des notes… / Derrière le mur, j’ai découvert : un zoo abandonné, des fresques animalières fabuleuses ! → Prévenir Line pour qu’elle fasse des photos. » (LCdC1, 39) Ici, l’imitation comme jeu se perçoit dans l’expression enfantine qui côtoie l’expression sérieuse, avec la description empirique et exclamative d’un côté et la formule neutre et pragmatique de l’autre. Jouer les enquêteurs, c’est aussi bien jouer qu’enquêter. Ce comportement d’imitation ludique apparaît instantanément lorsque les Kinra Girls arrivent au village abandonné : « À l’exception d’une maison, les bâtiments étaient réduits à l’état de ruines. Alexa, pour qui tout devenait vite un jeu, entreprit de se glisser dans la peau d’un traqueur aborigène. » (KR20, 30) Alexa est australienne et fait comme ses ancêtres. Par-delà l’imitation des adultes, on observe ici l’établissement d’une filiation. La ruine, par la recréation du comportement adulte, permet la recréation d’un lien avec les adultes, un renouement entre les générations, comme Paul Ricœur l’explicite :

 

Entre trace laissée et parcourue et tradition transmise et reçue, une affinité profonde se révèle. En tant que laissée, la trace désigne, par la matérialité de la marque, l’extériorité du passé, à savoir son inscription dans le temps de l’univers. La tradition met l’accent sur une autre sorte d’extériorité, celle de notre affection par un passé que nous n’avons pas fait. Mais il y a corrélation entre la signifiance de la trace parcourue et l’efficience de la tradition transmise. Ce sont deux médiations comparables entre le passé et nous. […] [L]a tradition est à rapprocher de la suite des générations : elle souligne le caractère hyper-biologique du réseau des contemporains, des prédécesseurs et des successeurs, à savoir l’appartenance à ce réseau à l’ordre symbolique. Réciproquement, la suite des générations fournit à la chaîne des interprétations et des réinterprétations l’étayage de la vie et de la continuité des vivants  13.

 

La ruine, en tant que trace, rétablit ce que Ricœur appelle la « suite des générations ». Elle matérialise la transmission et reconstruit la filiation, ce qui se vérifie également dans Les Carnets de Cerise. La petite fille cache l’existence du zoo à sa mère, qui finit cependant par le découvrir. Cerise écrit : « Pour la première fois, je partageais un secret avec ma maman. Sentait-elle que ma main tremblait ? » (LCdC1, 61) Mais par-delà la restauration d’une relation mère-fille que la bande dessinée nous avait montré érodée, on assiste à la recréation d’un lien entre deux générations. La mère se rappelle : « Mais je me souviens maintenant… Je reconnais cet endroit… […] Ma chérie, c’est le zoo de mon enfance ! Moi non plus, je ne veux pas qu’il disparaisse ! » (LCdC1, 61) Dès lors, pour donner une seconde vie au zoo, Cerise et ses amis seront aidés par les parents. Les vestiges deviennent un héritage involontaire et occasionnent la réconciliation de deux générations : ici, la dernière à avoir connu le zoo avant son abandon et la suivante qui le redécouvre et le sort de l’oubli. Les petits, grâce à la ruine, recréent un lien avec les grands qui, eux, sont amenés à renouer avec l’enfant qu’ils étaient.

 

De l’autre côté du portail : imaginaire et création

« Il nous fallut bien du talent pour devenir vieux sans être adultes 14 », énonçait Jacques Brel. En accord avec ce précepte, une grande personne peut, dans la littérature de jeunesse, déroger à l’obligation d’être adulte et aux caractéristiques associées (que l’on retrouve dévalorisées au sein des ruines, comme l’ordre, l’autorité, la dureté, etc.). En poursuivant l’exemple cité précédemment, la mère de Cerise, en se rendant au zoo abandonné et en découvrant les secrets de sa fille, passe d’un monde à l’autre. Sa colère première n’est que de courte durée, et cède le pas à l’émerveillement, la nostalgie et la compréhension 15. La rigidité propre au monde que fuient les enfants n’a plus cours parmi les vestiges. En outre, la narration peut faire des adultes un élément clé dans la découverte de la ruine. Cerise trouve le zoo abandonné en suivant celui qu’elle appelle « Monsieur Mystère », un vieil homme qui effectue des allers-retours énigmatiques dans la forêt, chargé de pots de peinture. Il s’agit en réalité de Michel, l’ancien gardien du zoo qui tente d’insuffler une nouvelle vie à l’endroit en peignant des fresques grandeur nature d’animaux. Le dispositif du Lapin Blanc identifié par Christian Chelebourg 16 est ici pris en charge par un adulte qui permet malgré lui à l’enfant de découvrir la ruine 17. Or, la présence de ce dispositif narratif met déjà en exergue la rupture qui existe entre les vestiges et le monde des adultes, comme l’explique Christian Chelebourg : « Cette distance que le dispositif du Lapin Blanc entretient avec l'éducation à la prudence est révélatrice de la dynamique qui le motive et l'anime : il apparaît, en effet, orienté par un souci d'émancipation à l'égard des parents […] 18. » En tant que guide vers l’autre monde, Michel n’est pas un adulte comme les autres, ce que Cerise ne réalise qu’une fois le zoo découvert, lorsqu’elle comprend qu’il est un artiste. À partir de là, l’illustration lui prête des traits plus doux, et il est montré comme sensible et amical. Cependant, plus qu’un guide involontaire et plus qu’un peintre, Michel est un conteur. En effet, ses fresques animalières ne sont jamais figées, les animaux qu’il dessine évoluent à l’instar de personnages au sein d’un récit :

 

Et devant toutes ces cages vides et ces enclos désertés, j’ai eu l’idée de faire renaître à ma manière chacun des animaux qui vivait ici. Mais je ne voulais pas me contenter de les représenter sur un mur gris. Je voulais que chacun d’eux vive, comme autrefois. Alors j’ai peint des adultes et leurs petits, je leur ai à tous donné un nom et je les ai fait grandir, se nourrir… mourir… (LCdC1, 52)

 

Avec ses toiles, Michel raconte des histoires, et se situe donc du côté de l’imaginaire. Il en va de même pour un autre personnage des Carnets de Cerise : Madame Desjardins, romancière célèbre et seule adulte que Cerise fréquente et apprécie réellement, avant la découverte du zoo. La petite fille la présente de manière méliorative, justement parce qu’elle imagine des histoires, contrairement aux autres adultes qui l’entourent. En somme, les grandes personnes peuvent être valorisées par la fiction, à condition de ne pas souscrire aux règles du monde des adultes. Elles peuvent être accueillies au sein des ruines, qui ne mènent pas tant à un monde sans adultes qu’à un monde débarrassé des valeurs habituellement incarnées par ces derniers. En l’occurrence, faire preuve d’imagination semble être le meilleur des laissez-passer.

Dès lors, la ruine ne se situe pas tant au seuil du monde des adultes et du monde des enfants qu’au seuil du réel et de l’imaginaire. Ce schisme n’est pas absolu puisque des adultes peuvent se parer des attributs valorisés de l’enfance. Toutefois, dans les fictions qui nous occupent, ces grandes personnes ne sont jamais que des exceptions qui, certes, permettent de nuancer le manichéisme tendant à faire des adultes les parangons de l’austérité, mais n’enlèvent pas pour autant à l’enfant son statut d’être privilégié. En effet, si le temps passé au milieu des ruines est propice à la récréation et à la recréation, c’est avant tout dans le jeu de la création que l’enfant est représenté. Les traces laissées par les générations antérieures ont servi de points d’appui à l’imaginaire dans la recréation, mais cela n’est qu’une étape préliminaire à l’émancipation de ces traces, au façonnement d’un imaginaire personnalisé. Selon la conception bachelardienne de l’imaginaire 19, la trace fournit des images premières, que l’enfant va déformer dans l’exercice de recréation, puis dont il va se libérer, pour en créer de nouvelles. Dans la maison abandonnée, les Kinra Girls trouvent un journal séculaire relatant l’existence d’une créature fantastique. La lecture du récit fait une profonde impression sur les jeunes filles. Au sortir des vestiges, leur imaginaire se met en branle :

 

Ne dit-on pas que les contes ont souvent un fond de vérité, qu’ils naissent de faits réels ? Alexa, qui n’était pourtant pas d’une nature peureuse, scrutait attentivement chaque fourré, au cas où… Idalina, la plus imaginative des cinq, voyait dans l’ombre des arbres la silhouette d’une effrayante créature qui les poursuivait… (KR20, 108.)

 

Il y a bien déformation d’images et création d’images nouvelles, mais de manière involontaire : l’imaginaire échappe aux personnages, presque à leur détriment. Or, dans de ses réflexions sur le sublime, Baldine Saint Girons expose une condition à la création poétique : « La simplicité, celle du primitif, mais aussi de l’enfant, chez lequel l’imagination est la faculté la plus riche, consiste à se projeter dans le monde extérieur d’une façon contrôlée et éminemment poétique, c’est-à-dire créatrice 20. » La notion de contrôle est nécessaire pour que la projection imaginaire de l’enfant puisse se structurer et faire récit. C’est précisément ce qu’il se produit dans Il était une fois une maison. Après s’être interrogés sur la vie de l’ancien habitant en ce lieu, les deux enfants imaginent qui il aurait pu être et ce qu’il aurait pu devenir. Naît alors une projection poétique qui part de la trace mais s’en libère, transition qui s’opère par l’illustration, avec l’enfant utilisant la bouteille comme une longue-vue puis, à la page suivante, le personnage fantasmé qui observe effectivement à travers une longue-vue. À partir de là, une mise en abyme fictionnelle s’installe. Occupant un tiers de l’album, ce récit enchâssé est marqué par un style graphique différent et par une succession d’univers stéréotypés, empruntant notamment des images au conte ou au récit d’aventures 21. L’enfant apparaît comme un conteur, projetant au cœur de la ruine son propre imaginaire à travers sa propre esthétique. De surcroît, les adultes, absents du récit-cadre, n’existent qu’au sein de la projection imaginaire de l’enfant.

Les personnages d’enfants prenant en charge un récit au sein même de la fiction, la ruine finit par matérialiser le seuil de la fiction, et donc par revêtir un aspect métafictionnel. Ce dernier peut se faire discret, comme lorsque les Kinra Girls doutent de la véracité des faits narrés dans le vieux manuscrit :

 

- […] De quoi veux-tu discuter ?

- De la maison ! On ne peut pas faire comme s’il ne s’était rien passé !

- Ben… c’est pourtant le cas, répliqua Alexa.

- Et le livre ? rétorqua Kumiko. C’est rien ça ?

- Je ne sais pas quoi en penser, avoua Naïma. C’était bizarre. Ça n’avait pas l’air vrai.

- Ah oui, c’est ça ! s’exclama Idalina. Les écrivains font souvent semblant de raconter une histoire comme si c’était la vérité mais, en fait, ils inventent tout !

- Sauf que ce n’est pas un livre, corrigea Kumiko. C’est un journal écrit à la main par quelqu’un qui s’appelle Percy Carver Philipps Robinson. (KR20, 113-114)

 

Il est question ici de la frontière entre la fiction et la réalité, et du brouillage qui peut exister entre les deux. Or, entre la réalité des petites filles et le récit fictif (puisque fantastique) qui les impressionne, se trouve la maison abandonnée, où elles laissent le manuscrit sans en lire davantage. Concluant la disparition d’Esperanza et amenant le mystère du journal, la ruine se situe au seuil de deux aventures, et donc de deux tomes différents : « — […] Percy a écrit qu’il avait vu, de ses propres yeux, une terrifiante créature. Et qu’elle a même failli le tuer ! Il ne s’agit pas d’une simple légende ! / — Il n’y a qu’un moyen de découvrir la vérité, déclara Alexa. Il faut lire la suite du récit ! » (KR20, 120) Le lecteur est directement interpellé, invité à continuer la série. Pour avoir accès à la suite, il sera nécessaire, aussi bien pour lui que pour les Kinra Girls, de retourner dans la maison abandonnée. Cette dimension métafictionnelle est accentuée dans Les Carnets de Cerise 22 : la petite fille nous est montrée comme étant pleinement narratrice 23 et détentrice d’un pouvoir métapoétique. Lorsque Cerise entre pour la première fois dans le zoo, le franchissement du mur en devient également un pour le lecteur, puisqu’il se produit entre deux pages. Cerise enjambe le mur et commence une phrase qu’elle ne termine qu’à la page suivante, une fois l’obstacle franchi : « Bon, voyons ce qu’il y a de l’autre… / …côté. » (LCdC1, 35-36) La fiction et, par extension, le fait de se projeter dans la fiction – par la lecture, en l’occurrence – entraînent la traversée. La parole de romancière de Cerise se fait performative, puisque dans ses mots s’accomplit textuellement le franchissement. Ainsi, le lecteur n’est pas qu’un témoin, il est un complice. En tournant la page, il pénètre également la ruine, et s’extrait du monde réel avec le personnage. Le même phénomène apparaît à la toute fin du tome. Sur une double page presque vierge, Cerise, en train de dessiner, interpelle le lecteur : « Tu veux bien m’aider à dessiner des animaux sur ce mur ? » (LCdC1, 78) Le lecteur se voit directement convié à entrer dans la fiction pour participer à la diégèse. Or, c’est sur un des murs du zoo abandonné que Cerise dessine et invite à dessiner. La ruine se fait donc support créatif, catalyseur de l’imagination, aussi bien pour les personnages que pour les lecteurs, d’un côté comme de l’autre du quatrième mur.

 

Conclusion

Au terme de notre réflexion, rappelons ces mots intemporels de Paul Hazard :

 

[L]es adultes ne sont pas libres, ils sont les prisonniers d’eux-mêmes. Lorsqu’ils jouent, ils sont encore intéressés ; ils jouent pour se délasser, pour oublier, pour ne plus penser au peu de temps qu’il leur reste : ils ne jouent pas pour jouer.

À quelle distance n’est pas le royaume des enfants ! Les êtres qui l’habitent semblent d’une autre espèce. […] Ils sont riches de tout ce qu’ils ne possèdent pas, riches des merveilles du possible. Imaginer, ce n’est pas seulement leur premier plaisir : c’est le signe de leur liberté ; c’est leur élan vital. La raison ne les bride pas encore ; elle ne leur fera connaître que plus tard l’étroitesse de leurs prises. Ils projettent leurs rêves sur les nuages ; et sans souci, sans intérêt, sans fardeau, ils jouent, ces bienheureux  24.

 

Tous les jeux sont possibles au sein des vestiges, aussi bien ceux qui ne peuvent exister qu’en l’absence d’adultes que ceux qui nécessitent leur présence invisible. Le topos fictionnel de la ruine matérialise donc un terrain de jeu singulier, à la croisée des mondes. Les adultes y sont les bienvenus, tant qu’ils se délestent de la rigidité de leur monde pour embrasser l’imaginaire. Les enfants, eux, y sont admis sans condition, car, spontanément, ils inventent, jouent, créent et recréent. La fiction de jeunesse ultra-contemporaine, en valorisant l’enfance comme libre, inspirée, créative, se glisse dans une continuité, une répétition de thèmes et une récurrence de lieux communs qui témoignent de l’invariabilité du lien poétique entre les enfants, les ruines et, au loin, absents mais visibles, les adultes.

 

  1. Mot-valise de l’anglais « urban exploration », « exploration urbaine » en français.
  2. « Quand on n’aura plus personne à qui s’adresser, on sera enfin tel qu’on était avant de choir dans un nom. » (Emil Cioran, De l’inconvénient d’être né, Paris, Gallimard, « Folio Essais », 1994 [1973], p. 20.)
  3. Que ce soit dans sa définition ou dans son étymologie, il apparaît que la destruction est le critère premier. Or, il nous a semblé que la destruction n’est qu’un épiphénomène, un symptôme dont la cause primordiale est l’abandon.
  4. Afin d’alléger la référenciation des œuvres du corpus, nous emploierons la méthode qui suit : après chaque citation sera indiquée entre parenthèse une abréviation du titre de l’ouvrage cité, suivie de la pagination de l’extrait. Voici les codes utilisés, et la référence bibliographique à laquelle ils renvoient (la personne à l’initiative du récit étant ici mentionnée en premier) :
  5. « Nous appellerons chronotope […] la corrélation essentielle des rapports spatio-temporels, telle qu’elle a été assimilée par la littérature. […] Ce qui compte pour nous, c’est qu’il exprime l’indissolubilité de l’espace et du temps […]. Dans le chronotope de l’art littéraire a lieu la fusion des indices spatiaux et temporels en un tout intelligible et concret. » (Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Daria Olivier [trad.], Paris, Gallimard, « Tel », 1993 [1987], p. 237-238.)
  6. Après une de leurs escapades nocturnes, les Kinra Girls se rendent dans une écurie afin de récupérer de quoi forcer le volet de la maison abandonnée, et la perspective du retour tardif à la pension les mène à cet échange : « — […] Il est affreusement tard et la porte du château est fermée ! Sans oublier que [le surveillant] monte la garde dans le hall. / — Il nous laissera entrer non ? demande Kumiko. / — Bien sûr, répondit Alexa. Et puis, il préviendra le directeur. » (KR20, 75.)
  7. Ce que l’on pourrait littéralement traduire par : « Ce quelqu’un qui fut autrefois est quelqu’un qui n’est plus. Ce quelqu’un qui fut autrefois est parti. » L’opposition entre le passé de la fonction et l’absence de fonction présente est flagrante en anglais (en particulier dans la dualité was/isn’t) et se perd dans la version française : « Car ceux qui étaient là autrefois ne sont plus là aujourd’hui. Ceux qui jadis habitaient là sont partis. »
  8. La petite fille finit par inviter ses jeunes amis pour redonner une seconde vie au zoo, et les parents sont tenus hors du secret. Les adultes sont alors montrés perplexes face aux escapades de leurs enfants : « — Mais c’est dingue, ça ! Tous les week-ends, il me fait le coup, maintenant ! Il part comme une furie, disparaît toute la journée et revient couvert de poussière et de boue ! / — Tiens, le mien, c’est pareil ! Et ma voisine m’a raconté la même chose avec sa fille ! / — Hum… Je ne sais pas ce qu’ils nous cachent tous… mais cela méritera des explications ! » (LCdC1, 57.) Le discours parental est présenté comme outré, incompréhensif, et légèrement inquisiteur ; il incarne les valeurs antagonistes à l’insouciance et la liberté permises par les ruines.
  9. À cet égard, citons Danièle Henky et ses réflexions à propos des personnages de Le Clézio : « L’inactivité des personnages […] n’est pas passivité ou paresse, elle est refus. Refus du masque social, refus de la comédie, du théâtre que donnent chaque jour les hommes enfermés dans leur peau, pauvre défroque si précaire qu’un rien la déchire révélant la vraie nature humaine. […] S’il veut avoir une chance de se réaliser, le héros se doit d’abord d’être sans attaches sociales comme libre de tous liens familiaux. » (Danièle Henky, L’Art de la fugue en littérature de jeunesse : Giono, Bosco, Le Clézio, maîtres d’école buissonnière, Bern, Peter Lang, « Recherches en littérature et spiritualité », 2004, p. 172-173.)
  10. Paul Ricœur, Temps et Récit, vol. III : Le Temps raconté, Paris, Seuil, « L’Ordre philosophique », 1985, p. 217-218.
  11. Id., p. 334-335.
  12. Sylvain Tesson, Une très légère oscillation, Paris, Équateurs, 2017, p. 78.
  13. Paul Ricœur, op. cit., p. 413.
  14.  Jacques Brel, Gérard Jouannest, « La Chanson des vieux amants », in Jacques Brel 67, Barclay, Paris, 1967, 02:00-02:08.
  15. « — Il se passe que ces enfants n’ont rien à faire dans cet endroit délabré avec un parfait inconnu ! / — Mais ce n’est pas un inconnu, maman ! C’est Michel, le peintre de l’ancien zoo ! / — Quoi ?! Qu’est-ce que tu rac… oh ! Je… Je n’avais pas regardé autour de moi… J’étais tellement en colère… » (LCdC1, 61)
  16.  « Ce dispositif du Lapin Blanc […] se retrouve dans sa forme la plus simple à chaque fois que les héros gagnent le territoire périlleux à la suite d'un guide ou sur ses indications. » (Christian Chelebourg, Les Fictions de jeunesse, Paris, PUF, « Les Littéraires », 2013, p. 55.)
  17. Le zoo est toujours découvert en suivant une première « personne ». Cerise suit d’abord les traces de peinture que Michel laisse inconsciemment dans son sillage, faisant directement écho au conte du Petit Poucet, cité textuellement (« Au moins, on n’est pas perdues ! Le Petit Poucet nous a tracé le chemin ! » [LCdC1, 25]), mais cela ne la mène que face à un mur. Ce n’est que plus tard, en suivant le perroquet qui accompagne Michel, que Cerise finit par tomber sur une ouverture dans l’enceinte. Sa mère trouve le zoo en suivant Madame Desjardins (une voisine), qui elle-même le trouve en suivant Cerise. D’une certaine manière, cet aspect est également présent avec les Kinra Girls, puisque leur exploration des ruines est motivée par la disparition du chat Esperanza, soulignant la nécessité d’un guide lorsqu’il s’agit d’accéder à l’autre monde.
  18. Christian Chelebourg, Les Fictions de jeunesse, op. cit., p. 57.
  19. « On veut toujours que l’imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images. S’il n’y a pas changement d’images, union inattendue des images, il n’y a pas d’imagination, il n’y a pas d’action imaginante. » (Gaston Bachelard, L’Air et les Songes : essai sur l’imagination du mouvement, Paris, José Corti, 1943, p. 7.)
  20. Baldine Saint Girons, Fiat lux : une philosophie du sublime, Paris, Quai Voltaire, 1993, p. 246-250.
  21. « Était-ce un homme à grande barbe et lunettes qui regardait par la fenêtre en rêvant de la mer ? / Ou bien une femme passant son temps dans le jardin à dessiner des écureuils tout en sirotant du thé glacé ? / Y avait-il un chat dormant au coin du feu ou une fille chantant et tournoyant au son de la musique ? / Y avait-il un garçon qui construisait des avions et rêvait la nuit qu’il volait ? Un bébé ? Un cow-boy ? Une reine ou un roi ? Pourquoi sont-ils partis et où ? Se sont-ils enfuis sans dire au revoir ? / Ont-ils fait naufrage ? Vivent-ils maintenant sur une île, vêtus de pagnes de coco et de ceintures d’ananas ? Ou bien alors ont-ils tout abandonné pour se rendre à Paris, y peindre sur les berges de la Seine et goûter à toutes sortes de délicieux fromages ? / Et s’ils s’étaient perdus et erraient comme des âmes en peine ? Peut-être ne retrouvent-ils plus les clés de la maison ? » (Ieufum, 20-31)
  22. Sans parler du fait que Madame Desjardins s’inspire de l’histoire du zoo pour écrire un nouveau roman, dans lequel Cerise est personnage.
  23. La bande dessinée s’ouvre avec la formule « Il était une fois » inscrite à la main sur des pages de cahiers (LCdC1, 5) et se conclut de la même manière avec les mots « fin du tome 1 » (LCdC1, 76).
  24. Paul Hazard, Les Livres, les Enfants et les Hommes, Paris, Hatier, 1949 [1932], p. 11-12.