L'inceste dans le roman pour la jeunesse

L'inceste dans le roman pour la jeunesse

Par HUBERT Marie-Claude

Le Mouvement #Me Too marque un tournant dans la libération de la parole des femmes. Les livres de Vanessa Springora 1 et de Camille Kouchner 2 ont réveillé les consciences en relatant non seulement les ravages de la pédophilie dans les vies qu’elle détruit mais aussi l’étendue de la complaisance, voire de la complicité qui accompagne cette violence. Les récits qui composent le corpus d’étude ont pour caractéristique première une énonciation à la première personne. Les textes de Sandrine Beau 3, La porte de la salle de bain, et de Claire Castillon 4, Les longueurs, sont des fictions mais écrites du point de vue de deux jeunes adolescentes, à partir d’un « je » qui vient éclairer la singularité du traumatisme vécu par les victimes. Ils racontent les effets sur le corps et le psychisme à court et à long terme. La pièce de théâtre de Suzanne Lebeau 5, Petite fille dans le noir, met en scène le personnage de Marie à trois moments de son existence. L’espace scénique divisé en trois chambres correspond aux âges de Marie à huit ans au moment où elle est violée par son père puis à quinze ans et trente-cinq ans alors qu’elle est incapable d’entreprendre une vie amoureuse. Ces récits parviennent à faire résonner chez le lecteur l’indicible vécu par ces victimes. Ils ont des constructions narratives brèves qui usent de phrases courtes. Sans jamais se perdre dans le sordide, ils parviennent à rendre tangible le malaise des victimes, sans pour autant s’interdire des moments d’humour. Le texte le plus efficace est très certainement celui d’Antoine Dole 6, L’instant de la fracture. Ce monologue intérieur en vers libres révèle les origines et la cause de la haine viscérale du fils pour son père, victime d’attouchement dans la petite enfance. Ne parvenant pas à rompre le silence lors d’un repas de Noël, le fils fait entendre de l’intérieur sa vie fracassée.

Tous les textes ont pour autre point commun, de faire référence aux contes traditionnels. Le prédateur d’Alice dans Les longueurs la rebaptise Anna comme l’héroïne de La Reine des neiges. Andersen est encore évoqué dans ce texte lorsque son agresseur lui invente des histoires : « Il me dit que je suis sa petite sirène merveilleuse. […] Il m’explique que l’algue qu’il vient de me nouer au doigt sera un jour un anneau d’or, mais pour le moment je suis trop jeune, et on ne peut pas se marier tout de suite. Alors on doit garder notre trésor secret 7 ». Il se fait passer pour son prince charmant. La référence à La petite sirène est intéressante car dans le conte, elle sacrifie sa voix pour rejoindre le prince. Le personnage de la sirène symbolise le silence. Comme dans le mythe de Philomène raconté par Ovide dans les Métamorphoses, la jeune femme violée par son beau-frère a la langue coupée et ne peut donc pas révéler ce qu’il s’est passé. Tous les récits insistent sur l’injonction au silence de l’agresseur sur la victime que Clotilde Leguil résume très bien en disant que « l’histoire du traumatisme sexuel est toujours l’histoire d’un silence 8 ». Suzanne Lebeau cite d’autres contes ; elle reprend le prince crapaud et cite explicitement le conte de Perrault : « Le rêve secret du prince et de la princesse, dans Peau d’Âne, nous l’avons chanté mille fois 9 ». Elle développe la symbolique des « cercles de fer » d’après le conte éponyme de Grimm pour démontrer combien il est difficile de s’extraire de ces cercles qui brisent le cœur de la victime : « Comme la petite Marie qui avait eu tant de chagrin quand elle avait vu son prince se transformer en crapaud qu’elle s’était fait bander la poitrine de trois cercles de fer pour que son cœur n’éclate pas de douleur 10 ». L’analyse de ce corpus portera sur la mise en mots du traumatisme du point de vue de la victime et montrera les obstacles que cette dernière doit surmonter pour rompre le silence.

 

Raconter un vécu traumatique du point de vue de la victime

La famille qui doit être le lieu qui protège l’enfant devient mortifère lorsque l’agression sexuelle brise la confiance nécessaire entre l’adulte et ce dernier. Les récits du corpus exposent les conséquences traumatiques pour les victimes. L’irruption de la violence sexuelle sur et dans le corps de l’enfant entraîne non seulement un moment de sidération mais aussi un moment de « figement » pour reprendre un terme lacanien 11. Les victimes sont alors marquées à jamais. Dans tous les récits, la victime est comme pétrifiée et il faut entendre cette pétrification comme un corps devenu corps de pierre. Deux auteurs utilisent les images du piège et de l’éblouissement pour nommer ce moment de sidération : « Je me sentais comme un lapin pris dans la lumière des phares 12 ». Le narrateur de L’instant de la fracture reprend l’image de l’animal piégé et se décrit comme un « lapin dans les phares 13 ». Dans cet instant, explique Clotilde Leguil « quelque chose se fend, se brise, se fracture et lâche 14 ». Elle analyse cette paralysie comme un arrachement du sujet à lui-même, devenant incapable de se dégager du piège : « le sujet est à la fois réduit à son corps pris au piège de la situation traumatique et contraint à céder quelque chose de son corps 15 ». La situation traumatique agit comme un rapt, « quelque chose du corps est comme capté, dit encore Clotilde Leguil, extorqué, arraché au sujet. Il ne parvient plus à se dégager 16 ». Chaque nouvelle irruption du prédateur dans la salle de bain augmente la peur et le sentiment d’humiliation de la petite fille : « j’étais nue, mouillée, sans défense. Pétrifiée, et en même temps, bouillonnante de colère 17 ». La fillette cesse d’exister pour elle-même. Marc Crépon note que la singularité, l’unicité de l’être de l’enfant sont annihilés par la violence de l’adulte. L’enfant devient objet du prédateur et s’installe chez la victime un sentiment d’insécurité permanent comme en témoigne la jeune Mia : « Moi qui adorais passer des heures dans la salle de bain, à partir de ce moment-là, cette pièce est devenue mon cauchemar 18 ». L’objectivation constitue pour le philosophe l’essence même de l’agression sexuelle. Bernard Lempert parle, quant à lui, d’une « instrumentalisation de la personne de l’enfant et de son corps 19 » qui réduit la victime à l’état de chose.

La force de ces textes est de montrer comment la victime opère un dédoublement afin de ne plus exister pour elle-même. Marie regarde « le plafond comme si le toit de la maison allait s’ouvrir et qu’une étoile allait se mettre à briller tellement fort qu’il ne ferait plus jamais noir dans ma chambre. […] J’imaginais qu’à force de regarder la fenêtre elle allait s’ouvrir et que quelqu’un allait venir me sauver 20 ». Les paroles de Marie décrivent le moment de la dissociation psychique. Il s’agit de tenter de s’abstraire du corps. La psyché s’échappe du réel : « Ne pas penser, ne pas essayer, attendre, se vider pour n’être plus personne 21 ». Dans Le traumatisme, Sandor Ferenczi explique que « le moi abandonne entièrement ou partiellement le corps, la plupart du temps à travers la tête, et observe de l’extérieur ou de haut le destin ultérieur du corps en particulier ses souffrances 22 ». Claire Castillon rend compte également de ce moment de dissociation du corps et de l’esprit : « Je retire mon cerveau. Je dévisse ma tête et je la pose sur le bureau. Je le laisse faire avec mon corps mais ma tête, c’est un vase à l’envers sur la table. Je la tourne vers le mur pour que mes yeux ne voient pas ce qu’il fait. Je suis certaine que le cagibi n’est pas une idée amoureuse 23 ». Jean-Christophe Cavallin, lui-même violé lorsqu’il était enfant, condense l’expérience traumatique dans la formule suivante : « le clivage ellipse le corps 24 ».

La dissociation n’annule pas les souffrances. Les effets après coup du trauma sont multiples et c’est alors le corps qui parle : pleurs, fatigue, mal au ventre, insomnie, stress. Le corps émet des signaux d’alarme. Il est pour Alice Miller « le gardien de notre vérité car il porte en lui l’expérience de toute une vie et veille à nous le rappeler 25 » ; c’est en cela qu’il « ne ment jamais » pour reprendre le titre du livre de la psychanalyste. La victime peut ne plus se concentrer en classe :

 

Je n’arrivais plus à me concentrer sur rien. Les phrases des profs me parvenaient dans une sorte de brouillard, les blagues des copains ne me faisaient plus rire. J’avais l’impression de ne plus rien comprendre, de ne plus être sur la même planète que les autres. Dans ma tête, il n’y avait plus que la salle de bain 26.

 

Alice est comme rongée de l’intérieur : « Il peut donc à présent jaillir de n’importe qui. C’est ça être partout, me regarder, me voir, me surveiller, même quand je ne le vois pas 27 ». La présence envahissante du prédateur est intériorisée, l’esprit est prisonnier de cette emprise et s’enlise dans la rumination : « J’avais l’impression d’avoir la tête qui bouillonne, prête à exploser 28 ». Les peurs assaillent la jeune Marie : peur de se coucher, peur d’être enceinte. Elle ressent un sentiment de souillure qui la contraint à des comportements obsessionnels : « besoin de me laver la bouche, les dents, les bras, les jambes, de m’arracher la peau, de prendre des douches toute la nuit 29 ».

Chez les filles les troubles du comportement alimentaire sont fréquents : Alice vomit mais « ce n’est pas un vomissement comme quand on a trop mangé, c’est comme une colère qui jaillit. Après, ça va mieux 30 ». Elle fait la connaissance de Paola qui, elle aussi, a été la victime de Mondjo : « Paola ressemble à un fantôme. […] Ses cuisses sont comme deux bâtons secs. Elle a les joues creuses, les yeux enfoncés, le nez énorme sur son visage gris 31 ». Paola est enfermée dans le mutisme mais Alice a compris ce qui lui était arrivé :

 

Je sais qu’il lui a montré ce qu’aimer veut dire, parce que ça se voit sur ses joues blanches. Quand l’amour a fini de donner les joues rouges, il donne les joues-blanches, et les filles deviennent des fantômes. Parce que la nourriture ne passe plus. Le secret prend trop de place dans le ventre. Il n’en laissa pas pour la moindre nourriture. Est-ce que c’est pour ça que je vomis tant ? […] Son secret dévore sa graisse et la transforme en squelette. Peut-être qu’elle vomit comme moi. Elle est ce que je deviendrai si je ne parle pas 32.

 

L’anorexie renforce la dépersonnalisation et la disparition du sujet violenté : « Il nous a avalées, elle comme moi, quand nous étions petites, et nous n’arrivons plus à ressortir. Nous sommes coincées à l’intérieur de nos murs épais comme des peaux de chagrin 33 ». L’adolescent de L’instant de la fracture se mutile. Par l’anorexie ou la mutilation, il s’agit de donner à voir la douleur subie et d’extérioriser le mal par la maigreur du corps ou par le corps abîmé. Le corps est réduit à l’état de chose dans l’agression sexuelle, la victime est réifiée, condamnée à périr comme l’exprime l’adolescent « cet abus, logé en moi comme une balle. Qui ne cesse de se frayer un chemin. Perfore mes organes, mes os. Et jusqu’à mon âme 34 ».

La vie sociale de la victime est aussi bouleversée car l’agression opère un double isolement. Non seulement la victime s’isole des autres car elle se sent dégoutante mais aussi parce que les préoccupations de son entourage semblent dérisoires par rapport à son vécu secret. Alice s’assimile à un « paillasson » : « je serais dégoutante, je suis dégoutante, personne ne peut vouloir de moi comme amie après ça 35 ». De ce fait, elle fuit ses amis : « je méprise leurs petites histoires de gamins […] Je m’éloigne de plus en plus de cette vie-là. Je ne peux pas être une fille de quinze ans qui débute 36 ». Son expérience ne peut être partagée avec ses camarades qui découvrent le sentiment amoureux alors qu’elle est violée depuis l’âge de dix ans.

Les récits montrent combien la prédation sexuelle sur l’enfant hypothèque et compromet une vie amoureuse tant à l’adolescence qu’à l’âge adulte. À quinze ans, Marie est toute impatiente de se préparer pour une première sortie avec son petit ami. Elle soigne son maquillage et choisit une belle robe mais percevant l’animosité et la jalousie de son père, elle décide de ne pas rejoindre son amoureux, expliquant soudainement qu’elle se sent trop laide. On la retrouve à trente-cinq ans, enfermée dans sa chambre, ne parvenant toujours pas à se rendre au rendez-vous d’un jeune médecin avec qui elle travaille : « Cher Gabriel… je voulais vraiment aller au rendez-vous… Je m’en faisais une fête… Mais je n’ai pas pu. J’ai trois cercles de fer autour de mon cœur pour l’empêcher d’éclater. C’est un souvenir d’enfance 37 ». Toute relation amoureuse que Marie tente d’envisager est d’emblée oblitérée par le souvenir récurrent de l’asservissement brutal du père lorsqu’elle était enfant. Marc Crépon explique que l’agression pédophile « ne confisque pas seulement l’enfance de ceux qui en sont les victimes, ils compromettent également la possibilité pour eux d’inventer leur singularité 38 ». Les violences sexuelles « fracassent la vie » des victimes, selon l’expression du philosophe. Le monologue intérieur de L’instant de la fracture fait entendre toute la colère du narrateur, pour qui le temps s’est arrêté : « il a fracassé ma vie. […] Et je me suis accommodé des fracas 39 ». Figé dans l’instant de cette fracture, il se sent à jamais incomplet, à jamais imparfait. La force de ce monologue intérieur est de montrer combien la victime est dépossédée, dépouillée de toutes les possibilités pour inventer et vivre sa vie d’adulte : « Je ne parviens plus à exister en dehors. À m’extraire. À vivre ma vie. Comment je vis ma vie ? […] Je suis défiguré. Interrompu. Coupé en deux 40 ». Enfermé dans une mémoire toujours vive, il ne peut rien oublier : « On n’invente pas cela. Cette bouillie. Il faut apprendre à vivre avec. Ces images au milieu des autres. Elles se juxtaposent. Elles se superposent. Elles sont toujours là. Sans cohérence. Sans logique. Sans emboîtement. Et ça prend toute la place 41 ».

Si l’oubli est impossible, il en est de même du pardon pour Marie : « Je ne veux pas oublier. Je le sais que ça ne s’oublie pas. Je ne veux pas pardonner. Je veux vivre 42 ». Le père est mort. La mère de Marie appelle sa fille et voudrait qu’elle l’accompagne au cimetière. La mère reste dans le déni et ne comprend toujours pas sa fille :

 

C’est de la naïveté de penser qu’on peut pardonner à quelqu’un parce qu’il est mort. Sa mort n’a pas changé mes souvenirs… Ni les beaux, ni les mauvais. Ne te fais pas d’illusions … C’est vrai, on ne peut rien y changer… on ne peut pas changer la situation, on ne peut pas changer les souvenirs 43.

 

Les abus sexuels scellent un avant et un après dans la vie des victimes : « À qui je peux dire ma peine quand je ne reconnais plus rien de la gaieté d’avant ? D’ailleurs, avant, c’était quand et quoi 44 ? » La colère du narrateur est renforcée par la présence du père : « comment tu fais pour oublier ? Je n’ai rien inventé. Les images, gravées. Je suis minuscule. Un enfant 45 ». Alors que le père continue à vivre comme si rien ne s’était produit, le temps s’est arrêté pour la victime. Il éprouve un sentiment d’injustice car personne, au sein de la famille, n’a prêté attention aux changements de comportement qui s’effectuaient en lui. Sa mère, sa sœur semblent avoir oublié l’enfant souriant et heureux qu’il était jadis : « Et puis un jour, tout a changé. Pourquoi ça ne vous a pas semblé bizarre 46 ? » Le jeune homme souffre d’un sentiment d’abandon qu’il ne parvient pas à dire. Il se ressent comme déjà « mort » : « Je suis un peu mort. Un peu mort dedans. Pourquoi personne ne l’a remarqué ? Cette partie de moi qui ne rit plus. Qui n’aime plus. Qui ne ressent plus 47 ». Chaque mot du narrateur le rapproche de l’abîme où il a disparu : « Je ne suis plus là depuis si longtemps. Mon absence. Ma disparition. Mon effacement 48 ». Le monologue écrit par Antoine Dole est d’une vérité brutale, il démontre avec force que l’agression ne s’efface pas. La vie s’arrête comme le dit également Camille Kouchner « la vie, nos vies se sont arrêtées là 49 ». Il témoigne de la façon dont un choc traumatique fracasse l’existence de la victime, à jamais ou pour le dire comme Marc Crépon : « dès lors que l’intimité du corps a été forcée, c’est sa possibilité de s’appartenir pleinement qui lui a été dérobée. Le corps violé est un corps volé 50 ».

 

Céder n’est pas consentir

Le consentement est l’objet de plusieurs essais. Que l’approche soit sociologique, juridique (Irène Théry, Moi aussi, La nouvelle civilité sexuelle), philosophique (Geneviève Fraisse, Du consentement) ou psychanalytique (Clotilde Leguil, Céder n’est pas consentir), la conclusion reste la même : céder n’est pas consentir. Le consentement obtenu par la force est un effet de l’emprise que le prédateur exerce sur l’enfant. Il est donc nécessaire de revenir sur la distinction entre céder et consentir car ne plus faire la distinction c’est ne pas reconnaître le traumatisme sexuel et c’est partager le point de vue du violeur qui utilise souvent le dicton « qui ne dit mot consent » pour légitimer ses actes. Le dicton populaire favorise précisément l’évitement de la distinction entre céder et consentir. Clotilde Leguil explique que céder, c’est subir un « forçage », c’est se forcer soi-même. Céder n’a donc rien à voir avec un « oui » ou un « non ». Céder à la terreur, à l’intimidation, à l’effroi ou sous la menace n’est pas consentir. Céder relève pour elle du traumatisme.

Les récits insistent sur les ruses de l’agresseur afin de dénoncer l’illusion d’un amour qui n’en est pas un. Ce qui alimente la culture de l’inceste pour Juliet Drouar, c’est précisément « la confusion entre domination et amour 51 ». C’est l’une des ruses de l’adulte incestueux que de faire croire à l’enfant qu’il vit une histoire d’amour. Les agresseurs de Marie et d’Alice citent les contes pour transformer le viol en histoire d’amour romantique et promettent à leurs victimes le mariage. Ils développent une rhétorique redoutable qui sait choisir ses mots (amour, initiation, mariage), ses images (prince charmant, princesse). Ils déploient tous les artifices de la séduction pour parvenir à leurs fins c’est-à-dire à faire passer pour normal aux yeux de l’enfant ce qui ne l’est pas et à instaurer un brouillage des sentiments. Alice se sent faussement rassurée lorsqu’elle prétend : « j’ai quinze ans et je ne suis plus une enfant. C’est différent puisque je vis une histoire d’amour au long cours. Un jour, avec Mondjo, on se mariera. On a commencé tôt, d’accord, mais on se mariera 52 ». Au lycée, ses enseignants lui ont parlé des prédateurs sexuels mais elle ne fait pas le rapprochement avec sa situation. Piégées dans les discours soi-disant amoureux de leurs prédateurs et ne comprenant pas la violence des actes, les fillettes s’interrogent, voire se mettent à douter. Alice se dit qu’elle a peut-être dit « oui » au début de quelque chose mais elle n’a pas pu dire « non » à ce qui s’est passé ensuite. Claire Castillon décortique les manipulations psychologiques du prédateur. Les promesses secrètes, les mensonges de l’agresseur organisent l’ambivalence des sentiments de la jeune fille. Elle croit l’aimer tout en étant profondément dégoutée. Le traumatisme sexuel vécu par cette jeune victime est une trahison du consentement : « La vérité, c’est que je l’aime toujours, sauf quand on gouzgouze. Je n’aime pas ça, je trouve ça dégoûtant et trop bizarre quand son œil devient glauque 53 ». La situation de la jeune Alice décrite par Claire Castillon n’est pas sans rappeler le témoignage de Vanessa Springora. Son récit intitulé Le consentement est le récit d’une trahison. C’est la trahison du consentement d’une jeune fille de quinze ans à un homme de cinquante ans en qui elle a cru voir un premier amant, alors qu’il était un prédateur. Tout comme la jeune Alice, Vanessa Springora était amoureuse et se croyait aimée.

Si les victimes s’interrogent, les agresseurs sont toujours sûrs de leurs actions. En l’espace de quelques instants, la passivité du sujet légitime le passage à l’acte du violeur. L’agresseur reste sourd à « cette petite voix qu’on n’écoute pas quand elle dit non. Une petite voix de pas d’importance 54 ». La petite Marie évoque la même attitude chez son père : « Je l’ai dit chaque fois… chaque fois, que je n’aimais pas ça, que je ne voulais pas… mais il ne m’écoutait pas. Il ne m’entendait même pas 55 ». L’agresseur prétend parler à la place de la victime et c’est ainsi qu’il s’assure une position d’emprise. Si céder n’est pas consentir, obéir ne l’est pas non plus : « Pourquoi il faut toujours que les petites filles comprennent ? Pourquoi il faut toujours qu’elles obéissent ? 56 » Le récit de Claire Castillon insiste sur le phénomène de l’emprise : « J’ai quinze ans et j’ignore donc que les personnes comme Mondjo sont des hors-la-loi ? Je le sais, alors pourquoi je ne le dis pas ? Parce que lui et moi c’est de l’amour, ou c’était 57 ». Dans la pièce de théâtre, Marie a huit ans lorsque son père la photographie et commence à la violer. À quinze ans, alors qu’il a cessé de s’en prendre à elle, elle se fustige elle-même « tu ne t’es pas vue prendre des poses, faire la belle… comme un petit caniche 58 ». L’intérêt de la pièce est de faire dialoguer avec elle-même le personnage « incestée » à différents moments de sa vie. Ainsi la petite Marie de huit ans explique qu’il lui était impossible de comprendre ce que lui faisait son père et elle se défend : « Comment tu peux te défendre quand tu viens tout juste d’avoir 8 ans et que tu aimes tellement ton père 59 ? ».

Ces prédateurs tiennent une place particulière dans la famille. Le beau-père de Mia se présente comme celui qui a sauvé sa mère d’une dépression après une séparation. Le père d’Alice, parti aux États-Unis fonder une autre famille, laisse un vide que Georges dit Mondjo vient combler. Il redonne le sourire à la mère, couvre de cadeaux la jeune Alice. Il s’occupe de la maison, prépare des crêpes. Ces hommes ont su se faire apprécier par les mères et ont, en apparence, une personnalité qui les place au-dessus de tout soupçon, tout comme le père du narrateur de L’instant de la fracture : « Mon père. Il sait capter l’attention. Il sait prendre la lumière. Il sait comment faire pour être au centre. La voix de cette famille 60 ». Non seulement les prédateurs enferment la victime dans l’illusion misérable d’une relation mais ils la persuadent que la famille ou l’entourage ne comprendront pas leur relation. Ils vont utiliser le chantage. La petite Marie se souvient : « Il me disait que personne n’allait me croire, qu’ils allaient m’enfermer dans une école spéciale. Que ça ferait de la peine à maman, qu’elle avait assez de soucis comme ça avec son nouveau travail, la maison 61 » ; Mia ne parle pas car son agresseur exerce, lui aussi, des formes de chantage : « Et si maman allait en prison à cause de notre secret ? Et si papa aussi ? Et si j’étais placée en famille d’accueil 62 ? » Le prédateur d’Alice utilise les mêmes arguments qui scellent un « secret de type mafieux » pour Bernard Lempert :

 

Alice, tu sais ce qu’il y a entre nous, tu sais aussi que personne ne doit jamais savoir, n’est-ce pas ? Tu sais que si tu le répètes à quelqu’un, ton père finira en prison, pour abandon de domicile, et ta mère sera jugée pour maltraitance ? Tu sais qu’on lui retirera ta garde évidemment, et que ton père sera jugé déficient ne pourra pas te récupérer. Tu seras donc placée en famille d’accueil. Alice, je t’aime, tu le sais, n’est-ce pas ? Mais je ne pourrai rien pour toi, et nous serons aussi séparés. Nous sommes bien d’accord tous les deux, nous avons un secret, plus précieux que tout. Un secret magnifique que tout enfant partage avec un adulte…c’est le secret de la vie, ta maman a vécu ça, chaque personne a un grand amour dans sa vie, qui le forme. C’est normal 63.

 

En établissant un faux-semblant de connivence, les prédateurs organisent le secret : « il sourit, et un doigt devant la bouche, me rappelle que je ne dois surtout pas raconter les gouzgouz, puisqu’ils sont notre précieux secret 64 ». Force est de constater que ce dernier est à l’avantage du prédateur car il le met à l’abri de poursuite alors qu’il est dévastateur pour la victime. À quinze ans, la jeune Marie n’en peut plus de ce « maudit secret empoissonné qui m’a gâché toute mon adolescence 65 ». Elle pense au suicide. La colère du narrateur dans L’instant de la fracture est exacerbée par le secret et la forteresse de silence dans laquelle il se trouve enfermé : « À protéger les secrets. Cette famille qui me dévore 66 ».

 

Briser le silence

Dorothée Dussy 67 dans Le berceau des dominations, Anthropologie de l’inceste, renverse la thèse de Claude Lévi-Strauss pour qui l’interdit de l’inceste est le préalable nécessaire à la structuration et au développement des sociétés humaines. Pour elle, le tabou de l’inceste réside plutôt dans l’injonction au silence qu’impose le prédateur. Cette thèse est partagée par le psychanalyste Bernard Lempert qui précise, lui aussi, que l’interdit c’est de parler. Les textes montrent que non seulement il est difficile de briser le silence mais la question est aussi de savoir à qui parler. Dans les récits, Mia et Alice avaient une relation de complicité et de confiance avec leur mère qui est brisée par l’irruption du prédateur dans leur vie. Les mères ne voient pas, ou ne veulent pas voir les changements qui s’opèrent chez leurs filles : « Tu es fermée comme une outre, me dit maman. Toute floue. Et puis fuyante. Il se passe quelque chose, dis-moi. […] Les mamans savent, à peu près. D’instinct, elles devinent. À peu près. La mienne sait que dans sa fille quelque chose ne marche plus 68 ».

Non seulement les victimes portent les stigmates de l’abus mais elles sont incomprises. L’entourage refuse d’entendre. La jeune Marie a parlé mais son père a immédiatement bafoué ses aveux : « Il a osé raconter que je faisais des cauchemars… que j’étais une petite fille fantasque qui aimait trop les histoires … Aucune petite fille ne peut inventer des histoires aussi tristes… C’est maintenant que je fais des cauchemars 69 ». La parole de Marie ne compte pas face à celle du père. Elle ne voulait pas rester à la maison, seule, avec son père mais la mère n’a pas su ou voulu comprendre le pourquoi de ce refus. Bien des années après et malgré les aveux de Marie, la mère reste sourde : « C’est vrai que j’étais petite mais je n’ai jamais exagéré. Je n’ai pas déformé la vérité 70…. » Au traumatisme se scelle la douleur d’une parole qui n’a jamais été crue. Le désaveu de la parole de l’enfant est un effet de la domination. Il est nécessaire alors de parler d’une « culture de l’inceste » car comme l’explique Iris Brey, elle « permet de comprendre les agencements multiples et complexes des situations d’incestes, qui reposent toutes sur le même principe : une personne utilise sa position d’autorité pour commette une agression dans le cadre de la famille au sens élargi 71 ». Dorothé Dussy analyse l’inceste, dans l’ouvrage Le Berceau des dominations, comme un apprentissage de la domination. Le sens du mot « éduquer » est perverti puisqu’il s’agit d’éduquer à se taire, et d’apprendre à se soumettre.

Plus encore que la peur du désaveu, la honte, consécutive de l’abus sexuel, enferme la victime dans le silence : « Quand je ruminais tout ça, la honte me serrait le cœur. J’avais honte de ce qui m’arrivait. Honte d’en parler. Honte que les autres le sachent. Honte de ne pas arriver à le dire 72 ». La honte est un sentiment douloureux pour la victime car elle engendre le silence, le repli sur soi jusqu’à l’inhibition. Il faudra souvent des années pour se défaire de la honte et briser le silence, trente ans pour Vanessa Springora.

Le narrateur de L’instant de la fracture s’interroge sur le choix du moment. Le monologue se tient pendant le repas de Noël, où la « famille parfaite » est réunie. Chacun joue son rôle dans l’illusion de l’amour et du partage. L’ironie est manifeste chez le narrateur car ce moment qui devrait être un moment joyeux renforce son malaise. En effet, si la famille peut encore se réunir un jour de fête, c’est parce qu’il s’est tu : « Le prix de mon silence. Ce ventre noué autant que la parole. C’est douloureux d’être assis ici 73 » Chaque réunion de famille ravive sa douleur. Son silence protège la famille qui l’a pourtant trahi, abandonné :

 

Pendant qu’ils rient, l’énergie que ça demande,

De ne pas s’arracher la peau.

De ne pas révéler ce qu’il y a en dessous.

Les plaies à peine suturées.

Elle se rouvrent à chaque nouvelle fête, à chaque anniversaire. […]

Chaque fois qu’il faut faire semblant à nouveau 74.

 

Les mots étouffent le jeune garçon mais il les contient, les empêche de sortir : « les mots obstruent ma trachée 75 ». Il sait ce que parler implique : « personne n’y survivrait ». Le narrateur interpelle le lecteur – « vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas 76 » – qui devient complice du silence :« vous serez vous aussi dans cette lumière trop vive. » Le secret gronde mais n’est pas révélé. La violence de ce récit n’est pas sans rappeler le film Festen de Thomas Vinterberg (1998) où les convives d’un repas de fête font semblant de ne pas avoir compris les révélations du fils sur le père violeur. Le narrateur d’Antoine Dole imagine la famille qui vole en éclats, une famille coupée en deux, avec ceux qui croient et ceux qui ne peuvent pas y croire, « ce que certains savaient mais n’ont jamais dit 77 ».

Alors qu’elle a trente-cinq ans, Marie ne parvient pas à se rendre au rendez-vous de Gabriel, incapable de raconter l’histoire de son enfance gâchée. Parler, c’est ne plus vivre avec les fantômes, c’est faire en sorte que la honte change de camp : « Non ! Ce n’est pas ta faute. Tout le monde le sait que ce n’est pas ta faute. Il y a un coupable, un seul coupable, et ce n’est pas toi. C’était un lâche qui a préféré se sauver 78 ». La force du mouvement Me Too, c’est d’affirmer que ce n’est pas à la victime d’éprouver de la honte mais c’est à l’agresseur :

 

Cette douleur, elle devrait être la tienne.

Cette douleur.

Un jour.

Je te le promets.

Je parlerai.

Et il ne restera plus rien de toi.

Tu disparaîtras dans ce cri 79.

 

Les récits qui viennent d’être étudiés montrent combien la violence sexuelle sur l’enfant/l’adolescent est destructrice. Ils démontrent qu’elle abîme l’esprit, le corps. Ils lèvent le voile sur les humiliations et les souffrances tant immédiates que différées qui en résultent. Si ces récits de fiction utilisent la première personne, c’est pour témoigner d’une condition partagée par beaucoup d’autres enfants. Irène Théry explique la nécessité de dire « je » : « c’est mon histoire qui, nouée à toutes les autres, parle pour nous et témoigne de ce que c’était, de ce qu’est encore, le monde social que le mouvement #Me Too a voulu changer 80 ». Vanessa Springora 81 a récemment confié que le mouvement avait rendu possible sa prise de parole public. Souhaitons qu’il perdure et permettent à d’autres victimes de parler et d’être entendues.

 

  1. Vanessa Springora, Le consentement, Paris, Le livre de poche, 2021.
  2. Camille Kouchner, La familia grande, Paris, Points Seuil, 2022.
  3. Sandrine Beau, La porte de la salle de bain, Paris, Talents Hauts, Ego, 2015.
  4. Claire Castillon, Les longueurs, Paris, Gallimard Scripto, 2022.
  5. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, Paris, éditions Théâtrales jeunesse, 2012.
  6. Antoine Dole, L’instant de la fracture, Paris, Talents Hauts, Ego, 2018.
  7. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 62.
  8. Clotilde Leguil, Céder n’est pas consentir, Paris, PUF, 2021, p. 126.
  9. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 57.
  10. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 28.
  11. Jacques Lacan, L’Angoisse, Le séminaire, livre X, Paris, Seuil, 2002, p. 362.
  12. Sandrine Beau, La porte de la salle de bain, op. cit., p. 46.
  13. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 9.
  14. Clotilde Leguil, Céder n’est pas consentir, op. cit., p. 113.
  15. Ibid.
  16. Ibid.
  17. Sandrine Beau, La porte de la salle de bain, op. cit., p. 80.
  18. Ibid. p. 46.
  19. Bernard Lempert, Dans la maison de l’ogre, Paris, Seuil, 2017, p. 97.
  20. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 75.
  21. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 135.
  22. Sandor Ferenczi, Le traumatisme, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2006, p. 54.
  23. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 141.
  24. Jean-Christophe Cavallin, Nature, berce-le, Paris, Corti, 2023, p. 64.
  25. Alice Miller, Notre corps ne ment jamais, Paris, Flammarion, Champs essais, 2013, p. 24.
  26. Sandrine Beau, La porte de la salle de bain, op. cit., p. 52.
  27. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 29.
  28. Sandrine Beau, La porte de la salle de bain, op. cit., p. 52.
  29. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p.75.
  30. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 77.
  31. Ibid., p. 177.
  32. Ibid., p. 179.
  33. Ibid., p. 179.
  34. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 22.
  35. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 159-160.
  36. Ibid., p. 32.
  37. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 35.
  38. Marc Crépon, Ces temps-ci, la société à l’épreuve des affaires de mœurs, Paris, Rivage, p. 35.
  39. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 21.
  40. Ibid., p. 34.
  41. Ibid., p. 33.
  42. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 75.
  43. Ibid., p. 53.
  44. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 135.
  45. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 29.
  46. Ibid., p. 35.
  47. Ibid., p. 32.
  48. Ibid., p. 34.
  49. Camille Kouchner, La familia grande, op. cit., p. 96.
  50. Marc Crépon, Ces temps-ci, la société à l’épreuve des affaires de mœurs, op. cit., p. 42.
  51. Iris Brey & Juliet Drouar, La culture de l’inceste, Paris, Seuil, 2022, p. 48.
  52. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 119.
  53. Ibid., p.112.
  54. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 14.
  55. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 69.
  56. Ibid., p. 65.
  57. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 69.
  58. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 68.
  59. Ibid., p. 45.
  60. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 24.
  61. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 69.
  62. Sandrine Beau, La porte de la salle de bain, op. cit., p. 108.
  63. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 106.
  64. Ibid., p. 50.
  65. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 69.
  66. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 39.
  67. Dorothé Dussy, Le berceau des dominations, Paris, Pocket, 2022.
  68. Claire Castillon, Les longueurs, op. cit., p. 7.
  69. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 34.
  70. Ibid., p. 52.
  71. Iris Brey et Juliet Drouar, La culture de l’inceste, op. cit., p. 15.
  72. Sandrine Beau, La porte de la salle de bain, op. cit., p. 56.
  73. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p 13.
  74. Ibid., p. 19.
  75. Ibid., p. 11.
  76. Ibid., p. 18.
  77. Ibid., p. 17.
  78. Suzanne Lebeau, Petite fille dans le noir, op. cit., p. 70.
  79. Antoine Dole, L’instant de la fracture, op. cit., p. 45.
  80. Irène Théry, Moi aussi, La nouvelle civilité sexuelle, Paris, Seuil, 2020, p. 16.
  81. Vanessa Springora poste une tribune dans Le monde, 14 octobre 20220 dans laquelle elle confie « Le soutien du mouvement #metoo, cette solidarité invisible, anonyme, m’a littéralement portée ».